4. Too Good for this World
Jolan aurait voulu dire qu'il nageait dans le bonheur. Après tout, il ne pouvait décemment pas se plaindre : il était le prince héritier, aimé du peuple. Sa voie était toute tracée. Il n'aurait pas à se préoccuper de fins de mois difficiles, des risques de perdre son travail. Tout avait déjà été écrit depuis sa naissance. Un joli cadeau qu'il n'avait même pas demandé. Bien sûr, il avait de nombreuses responsabilités et il n'avait pas le droit au faux pas, mais cela ne l'empêchait pas d'être privilégié.
Mais cela ne voulait pas dire qu'il n'avait pas, de temps à autre, des moments de doute concernant la perfection de sa situation actuelle. Et tout cela à cause de Jessica. D'aucuns auraient encore une fois dit qu'il était parano, mais Jolan n'était toujours pas prêt à se l'avouer. Jessica, dont les cheveux blonds étaient parfaitement coiffés, qui se trouvait en face de lui, dans la cafétéria du lycée, mangeant un muffin aux myrtilles.
« Alto m'a proposé de venir avec lui voir une rétrospective des œuvres de Kubrick. Enfin, pas vraiment une rétrospective complète, juste Eyes Wide Shut. »
Évidemment. Il y avait tellement de possibilités, mais c'était sur celui-là que c'était tombé.
« Oh... euh... je suis sûre que ça va être très intéressant. Toujours plus sympa que de regarder sur une télé. »
Jolan devait conserver sa façade de mec cool. Pas d'imbécile possessif. Ça ne lui correspondait pas du tout de se comporter de cette manière. Même s'il était tenté. Il avait envie de se mettre des claques parfois. Mais il ne le faisait pas non plus : cela l'aurait mené à faire la couverture des magazines avec comme titre « L'héritier est-il fou ? ». Pas le genre de chose que ses parents voulaient voir.
« C'est vrai... même dans notre salle de projection privée, les films ne rendent pas de la même manière. Je ne sais pas... Il manque quelque chose...
- Et tu y vas juste avec Alto ou bien tu ramènes avec toi trois gardes du corps ? lança Jolan, sur un ton qui se voulait moqueur, et non pas comme si c'était un moyen de savoir si cela pouvait être une sorte de rendez-vous louche. »
Par chance, Jessica, qui ne parvenait pas à voir le mal dans le comportement des gens (il suffisait d'entendre son avis à propos de Brunehilde pour s'en rendre compte), lui répondit avec un petit rire distingué :
« C'est ça, moque-toi de moi ! Surtout que tu es bien placé pour me dire ça. Enfin, non. J'y vais toute seule avec lui. Avec une casquette et des lunettes de soleil, je serais incognito.
- Si tu te fais prendre, ta réputation de modèle en ce qui concerne le style tombera en poussière. Je veux dire : à part les ploucs, qui portent des lunettes de soleil à l'intérieur ?
– Tu sais que le fait d'utiliser le mot "plouc" craint mille fois plus que moi avec possiblement des lunettes de soleil dans un bâtiment ? »
Jolan ne pouvait s'empêcher de penser que Jessica était vraiment la fille parfaite. Il avait beaucoup de chance qu'elle ait accepté de devenir son amoureuse en classe préparatoire après qu'il ait partagé avec elle son gâteau pour la récréation. Bien sûr, ils avaient eu des hauts et des bas, mais leur duo était une zone de confort pour eux et ils y étaient toujours revenus.
Alors que sa petite amie continuait de déguster son muffin dans un rituel qu'il connaissait bien (d'abord enlever le papier, puis manger le dessus morceau par morceau avec les doigts puis finalement s'attaquer à la base), il vit, grâce aux grandes baies vitrées de la cafétéria, qu'un attroupement était en train de se faire dans la cour. Les jeunes formaient un cercle telle une arène où le sang coulerait inévitablement sous la forme de lambeaux de réputation.
Jessica suivit son regard et fronça les sourcils. Il y avait quelque chose qui n'allait pas.
« On va voir ? proposa-t-il. »
Mais la blonde ne l'avait pas attendu pour prendre les choses en main. Elle était déjà debout, prête à sortir pour secourir les possibles innocentes victimes que provoquaient les lycéens dans leur quête de drama. Et en effet, il y avait de quoi s'inquiéter lorsqu'il reconnut une des parties de ce qui semblait être un conflit.
Bettany, Bess et Britney. Le trio des pétasses. Les mean girls du lycée. Elles avaient trouvé une nouvelle cible. Lorsqu'elles étaient plus jeunes, elles n'étaient pas aussi toxiques dans leurs manières. Ou tout du moins, pas ouvertement. Mais depuis quelque temps, elles n'hésitaient pas à attaquer les personnes qui ne leur plaisaient pas.
Jessica, qui était juste derrière lui, grinça entre ses dents, désapprobatrice :
« Leur comportement est inadmissible. Il faut intervenir. Je vais finir par aller voir le directeur pour que des sanctions appropriées soient mises en place. »
Jolan se rapprocha un peu pour voir leur pauvre nouvelle victime qui devait déjà vouloir partir en courant se cacher quelque part. En l'occurrence, il y en avait deux. Sixtine, la miss ragots, en faisait partie. C'était étonnant puisque d'habitude, elle leur rendait volontiers service.
Ce fut plutôt la deuxième fille qui attira son attention. Elle était à moins de soixante centimètres d'elles, bras croisés et expression la plus blasée, méprisante plaquée sur le visage. Ça ne pouvait évidemment être qu'une seule personne : Brunehilde Leroy.
Bettany, Bess et Britney n'avaient sans doute aucune idée de ce qui allait les heurter de plein fouet. Les pauvres chéries. Jolan eut l'unique réaction qu'il convenait d'avoir lorsque des agneaux venaient s'attaquer au loup, eut-il la fourrure rose. Il fit un facepalm.
Publié le 21/11/2018.
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