Frozen Girl
La manière dont l’événement déclencheur s'est présenté à moi est si simple. Si anodine. Si ridicule.
Dans les films, les héros apprennent une nouvelle incroyable d'une façon incroyable dans un endroit incroyable…
Faut croire que la nature n’est pas aussi bien faite qu’on le voudrait.
Le 14 janvier, c'est mon anniversaire.
En 2007, ce jour aurait dû être marqué d’une pierre blanche.
***
J’étais excitée comme une puce. Mais quel enfant ne le serait pas à son anniversaire ? Je sautillais donc dans tous les sens en riant de bon cœur. Vous savez, ce rire doux et mélodieux…
Le matin même, mes parents me réveillèrent à neuf heures tapantes, à genoux et de chaque côté de mon lit. Dès que j’ouvris les yeux, les mots “joyeux anniversaire, Jade !” s’échappèrent de leurs lèvres. Je me retins de crier de joie et de gigoter dans mes draps bleu ciel.
En parlant de bleu, le bois de mon lit était bleu. Mon bureau, mon armoire, ma bibliothèque étaient bleus. La moquette de ma chambre était bleue. Les quatre murs de la pièce étaient bleus. Tout était bleu dans cette pièce, en passant de mes peluches à mes habits. Même ma poubelle et mes rideaux étaient bleus ! J’avais une préférence pour le bleu clair. Enfin, pour toutes les couleurs claires. Mais j’étais obsédée par le bleu.
D'ailleurs, mes camarades filles de classe trouvaient bizarre que je préfère le bleu au rose, car, je cite : “Le bleu, c'est pour les garçons !” Quand j’y repense, j’ai terriblement envie de les retrouver et de leur mettre des baffes.
J’en reviens à mes parents. La petite chanson traditionnelle passée, ma mère me prépara une tenue – bleu azur, il n’y a aucun doute – et je l'enfilai “comme une grande”. Je descendis en compagnie de mes géniteurs et nous allâmes dans la cuisine. Ils tartinèrent de la confiture sur des tranches de pain pré-grillées par la femme de la maison, me versèrent un verre de lait et me servirent le tout sur un joli plateau – qui, à ma plus grande joie, était bleu. Je croquais, mastiquais et avalais avec enthousiasme, un grand sourire aux lèvres. Celui-ci s’agrandit quand on sonna à la porte et que je l’eus ouverte. Ma grand-mère paternelle et le frère de ma mère étaient dans l'encadrement. Je les fis entrer et mon cœur s'emballa quand je vis les cadeaux qu’ils avaient dans les bras. Ils les déposèrent près de l'entrée et allèrent aider mes parents à tout mettre en place.
Pour me faire patienter, mon paternel me mit devant un film bien particulier. Un dessin animé Disney, en fait. Et à mon passage favori…
Les paroles de la chanson sortaient des enceintes installées près de l’écran. Je secouais frénétiquement la tête à gauche, puis à droite au même rythme que la musique. Mes jambes se balançaient vers l'avant et vers l'arrière. Quand ce fut l’heure du refrain, je me levai, ouvris grand les bras et commençai à chanter à tue-tête, plus heureuse et libre que jamais.
Ou, du moins, c'est l’impression que j'avais.
— Libérée, délivrée ! Je n’mentirai plus jamaaaaaaaaais !
Je gesticulais, faisant chavirer ma cascade de cheveux blonds. Cheveux blonds qui se teintèrent lègèrement de blanc, des racines aux pointes.
Évidemment, je ne le remarquai pas tout de suite. Je continuais de m'agiter comme une folle, ne sachant pas quelle transformation se manifestait à ce moment précis…
Je me trémoussais et imitais la Reine des Neiges. Je créais aussi des filets bleus et argentés dans l'air, des bonhommes de neige et une patinoire sur tout le sol du salon.
Tout ça était imaginaire, bien sûr… Enfin, c'est ce que penserait un adulte en voyant un autre gamin effectuer la même danse et le même chant.
Ma peau était devenue plus pâle et mes yeux prirent une teinte bleu azur – au lieu du vert habituel – quand je revins devant la table basse du salon, en tournant sur moi-même. Je tendis un bras, puis l’autre avec ma tête rejetée en arrière et la bouche grande ouverte pour émettre la dernière note longue, un voile bleu transparent apparaissant de chaque côté. Avant que je ne pose mes mains sur mes hanches avec le regard déterminé d’Elsa, une robe turquoise remplaça mon pantalon et mon T-shirt, et une paire de ballerines avait pris la place de mes chaussons à fourrure de ma couleur préférée.
— Le froid est pour moi le prix de la liberté, terminai-je avec brio – enfin, j’en eus l’impression.
Puis j’éclatai de mon rire enfantin, les mains sur les cuisses.
— Oh, Seigneur.
Un splash retentit sur ma droite.
Inconsciente de la situation, je tournai la tête dans cette direction en souriant. Les quatre adultes arboraient un air abasourdi avec leurs yeux écarquillés. Ils étaient littéralement bouche bée. Les cadeaux que tenait mon oncle ne tardèrent pas à tomber, mais c'est ma grand-mère qui retint particulièrement mon attention. C’était effectivement elle qui avait prononcé les paroles précédentes et, à ses pieds, gisait ce qui devait être le gâteau d’anniversaire que j’attendais avec tant d'impatience…
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