🌨️ Chapitre 8 : Nerveux 🌨️
Le jour émerge timidement, ses premiers rayons éclairant à peine l'intérieur de la cabine. Marco repose paisiblement, loin de se douter des tempêtes qui agitent mes pensées depuis la veille.
Sa quiétude contraste cruellement avec le tumulte intérieur qui me déchire. J'esquisse un regard furtif vers lui, comme si son sommeil pouvait offrir des réponses à mes interrogations.
Mais il demeure paisible, un refuge loin de la tourmente qui me retient.
Avec une délicatesse presque craintive, je m'extirpe du lit, déterminé à affronter le défi que représente cette nouvelle journée.
Cette fois, c'est moi, qui m'en vais.
L'air dans la cabine semble chargé de l'électricité des émotions refoulées.
Mes pensées s'entrechoquent, cherchant désespérément une voie à suivre dans ce labyrinthe de sentiments. Marco demeure allongé, inconscient de la tempête intérieure qui fait rage en moi.
Prêt, je quitte la cabine.
Je rejoins la cafétéria. Satch est là, mais je choisis délibérément de l'ignorer, m'immergeant dans un petit déjeuner solitaire.
Quand j'attrape un plateau et que je m'apprête à m'en aller sans un mot, Satch m'interpelle :
"Hey, ça va ?"
Je soupire, me tourne vers lui.
"Non. Ne me parle pas, s'il te plaît."
Il s'apprête à rétorquer quelque chose, mais je m'en vais.
Emportant mon plateau, je me dirige vers le pont, en quête de réponses dans l'étendue infinie de l'océan. L'horizon, d'ordinaire symbole d'aventure, renvoie aujourd'hui le reflet de mes doutes. La brise marine, d'habitude rafraîchissante, échoue à dissiper les nuages sombres qui obscurcissent mon esprit.
La mer, d'un bleu infini, semble contenir les réponses que je recherche. Chaque vague chuchote des conseils, des solutions à mes tourments. Pourtant, aucune ne parvient à apaiser le tumulte qui résonne en moi. Je m'accroche à la rambarde, scrutant l'horizon comme si le monde marin pouvait détenir la clé de mes incertitudes.
Sur le pont du Moby Dick, l'aube peine à chasser les ombres, et c'est dans cette matinée sombre que je croise Vista.
Avec sa perspicacité habituelle, il décèle l'agitation qui me tiraille. Son regard curieux plonge dans les méandres de mes pensées tourmentées, et sans détour, il me questionne sur la soirée précédente.
"Ça va, Ace ? Hier soir... ça semblait aller mal. T'es parti, et tu avais l'air énervé..."
Sa voix, douce comme une brise apaisante, cherche à percer le voile de mes préoccupations. Je pèse soigneusement mes mots.
"Pas vraiment, Vista. Des tensions, tu sais... Marco et moi, on..."
Je m'arrête, laissant mes mots suspendus dans l'air matinal. Vista, en tant qu'auditeur fidèle, attend silencieusement, prêt à entendre mes confessions.
"Les choses entre Marco et moi... elles sont compliquées. Hier, j'ai tenté de lui parler, mais ça n'a pas marché. J'ai l'impression qu'il prend de la distance, et je ne sais pas quoi faire. J'essaye de recoller les morceaux, mais ça n'avance pas. Il se trouve des excuses, il dit qu'il a beaucoup de choses à gérer en ce moment, mais... Je ne sais pas. Je ne sais plus comment gérer tout ça."
La mer, à l'image de mes émotions, demeure agitée. Vista, imperturbable, émet ses conseils dans le crépuscule naissant.
"Parle-lui, Ace. Parfois, les mots sont des boussoles qui guident à travers les mers troubles. Partage un moment avec lui, même si c'est difficile. Tu as besoin de réconfort. Je suis persuadé que ce n'est pas aussi grave que tu le penses. Peut-être que Marco a beaucoup à penser, tout simplement. Comme il te l'a dit."
Un soupir m'échappe, emportant avec lui une partie du poids qui oppresse ma poitrine. J'explique, brièvement, mes tentatives infructueuses pour passer du temps avec lui. Je lui explique ma quête du meilleur cadeau de Noël, la journée où nous avons patiné, le moment à la bibliothèque et toutes les autres choses, tout en contrastant avec les fois où il m'a laissé seul dans le lit, ce qui ne lui ressemble pas. Ou les fois où il a esquivé des questions, les fois où il a prétexté du travail, les moments qu'il passe avec Satch... plutôt qu'avec moi.
"Tu es un peu jaloux, au fond, non ?
_Ah, complètement. Mais je l'assume. Mais, mets toi à ma place deux secondes... Je fais tout ce que je peux, et il passe le temps qu'il a avec d'autres. Je me suis même demandé s'il ne couchait pas ailleurs, tu sais ?"
Vista lâche un rire nerveux.
"Tu vas peut-être un peu loin, là, non ? Avec qui tu voudrais qu'il couche ? Satch ? Sérieusement ?
_Eh bien... Ça m'a traversé l'esprit... J'avoue. C'est bête, je le sais. Mais...
_Je comprends. Mais oublie ça, c'est juste pas possible. Déjà, ni Marco, ni Satch ne sont du genre à faire ça. Satch est heureux avec Izou, c'est clair et net.
_Mais Marco n'a pas l'air heureux avec moi, ces derniers temps. Ce n'est plus comme avant...
_Dis lui ce que tu as sur le cœur. Ça s'arrangera.
_J'ai déjà essayé... J'ai vraiment essayé."
Vista, impassible, persiste dans ses conseils.
"Réessaie, Ace. Les relations, comme les navires, traversent des tempêtes. Mais elles peuvent aussi trouver des havres paisibles."
Le conseil de Vista flotte dans l'aube incertaine, une perle de sagesse offerte par un ami compréhensif. Cependant, la mer houleuse de mes incertitudes persiste, malgré cette lueur d'aide.
"Tu parles en métaphore, et c'est bien beau... Mais, ça n'est pas vraiment comme ça que ça marche.
_Ace... Ton idée de cadeau parfait, comme tu dis, ça montre bien que tu ne te concentre pas sur l'essentiel.
_Je veux simplement lui faire plaisir. Je veux... Enfin...
_Tu espères le reconquérir ?
_Oui !
_Pour le reconquérir, si, et je dis bien si, il y a besoin de le reconquérir... Une chose matérielle n'est pas la meilleure des solutions. Tu le sais, non ?
_Oui... Mais j'ai pas d'autres idées..."
Vista ébouriffe mes cheveux.
"Tu te prends bien trop la tête, gamin. Marco t'aime, ça crève les yeux. Essaye encore de lui parler, mon grand. Tu verras, c'est ce qu'il y a de mieux à faire.
_Tu as peut-être raison, Vista. J'essaierai encore. J'espère juste que Marco sera prêt à écouter, cette fois-ci."
La conversation dérive vers l'horizon, à l'approche de l'île de Faya. Une destination que je ne connais pas bien, tout comme les méandres de mon cœur en ce moment précis.
"Tu as une mission sur Faya, Vista?"
Il secoue la tête, ouvrant une opportunité dans cette aurore incertaine.
"S'il te plaît... tu voudrais bien... Enfin, non... C'est pas cool. Oublie.
_Quoi ? Dis toujours.
_...Euh...Prendre le commandement de ma division, ce soir. On doit se charger de vérifier tout l'amarrage, quelques tours de garde et un peu d'entretien des voiles, normalement... Mais, je voudrais m'absenter, prendre un dîner avec Marco dans ce restaurant que Satch m'a recommandé."
Vista ricane.
"Allez, va. J'accepte. Si ça peut t'aider. T'as l'air tout retourné, en tant qu'ami, je te peux bien faire ça."
Je m'incline pour le remercier convenablement.
"Merci beaucoup.
_Y'a pas de quoi. Allez, va "reconquérir" ton amoureux, comme tu dis."
Ainsi, je m'éloigne du pont, avec un peu plus de confiance que quand j'y ai mis les pieds.
Je file à travers les couloirs pour rejoindre cette pièce que j'ai fuis plus tôt.
La cabine, éclairée par la douce lueur matinale filtrant à travers les hublots, me révèle Marco, encore assoupi, les draps enroulés autour de lui comme un cocon protecteur. Son visage détendu dénote une paix que j'envie secrètement.
Avec précaution, je m'approche du lit. Les battements de mon cœur résonnent dans le silence feutré de la pièce. Mes doigts effleurent doucement l'épaule de Marco, cherchant à rompre sa quiétude.
Je murmure :
"Marco, réveille-toi..."
Il émerge lentement de son sommeil, les yeux plissés, tentant de s'adapter à la lumière tamisée. Son regard croise le mien, et pour un instant, le temps semble suspendu.
Il me demande, la voix encore endormie :
"Hey, chéri... Quelle heure il est ?"
Je répond, mes yeux cherchant les siens, cherchant un signe, une connexion :
"Un peu plus de huit heures. J'espère que tu as bien dormi"
Il étire ses bras pour me prendre dans une étreinte libératrice et je soupire.
"Mmh... Ça peut aller... Tu t'es levé tôt ?"
Il me relâche. Je hoche la tête, puis cherche mes mots avec soin :
"J'ai pensé qu'on pourrait passer du temps ensemble ce soir..."
Voyant qu'il esquisse un petit sourire, je continue :
"Rendez-vous à 19 heures, sur la berge de Faya. On pourrait... Hum... discuter ?"
Un voile d'inquiétude traverse son regard, comme s'il avait soudainement capté les nuances de tension qui me hantent. Il murmure :
"Je vois, c'est par rapport à..."
Il soupire, se coupant tout seul. Son front de froisse légèrement quand il demande :
"Tu es sûr que tu peux te libérer toute la soirée ? Ce n'est pas la seconde division qui...
_Ne t'inquiète pas pour ça. Je me suis arrangé."
Il semble hésiter, analysant mes paroles.
"D'accord. 19 heures, sur la berge de Faya. Mais, Ace, il y a quelque chose que tu ne me dis pas ?"
Mes émotions s'entrechoquent, un tourbillon tumultueux difficile à dissimuler.
Je chuchote, essayant d'infuser de la légèreté à mes paroles :
"Juste... réserve-moi cette soirée. Fais-toi beau."
Marco sourit légèrement, malgré la perplexité persistante dans ses yeux.
"D'accord, mon amour. On se voit ce soir."
Un doux soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres.
"Je t'aime, chéri."
Ça fait longtemps que ça me brûlait les lèvres, mais l'envie de prononcer ces mots se faisait rare, ces derniers jours.
Il me répond tout en me prennant brièvement dans ses bras.
"Je t'aime aussi, mon chat."
Après qu'il m'ait embrassé la joue et que j'ai déposé un baiser sur son front, je me redresse.
Un sourire soulagé s'installe sur mes lèvres alors que je quitte la cabine, laissant Marco se réveiller doucement. Lui est occupé à l'infirmerie, cette après-midi, alors j'aurais un peu de temps pour moi.
L'avenir reste incertain, mais une lueur d'espoir avance en même temps que moi.
Le bateau est arrivé à Faya, et j'erre, les pensées en ébullition, dans les rues étroites et enneigées de cette île que je n'ai vue qu'une ou deux fois au cours de nos voyages.
La journée s'étire comme un élastique tendu, chaque moment prolongeant l'agonie de la recherche du cadeau parfait.
Les boutiques défilent devant mes yeux, chacune offrant une multitude de choix, mais aucune ne détient la perle rare que je recherche pour Marco.
Les paroles de Père résonnent dans ma tête, mais je chasse ces pensées comme on écarte une mèche de cheveux gênante.
Pourtant, je m'obstine, fouillant les étals avec acharnement, espérant que quelque chose, n'importe quoi, attirera mon attention.
Les boutiques défilent encore et encore, chacune offrant des trésors potentiels, mais aucun ne semble répondre à l'idée que je me fais du cadeau idéal pour Marco. Les conseils de Vista et Satch, eux aussi, se manifestent comme des ombres persistantes, rappelant la futilité de l'objet matériel.
Pourtant, au fond de moi, une voix murmure que ça compte, que trouver quelque chose de spécial est crucial.
Alors, je me laisse emporter par le tourbillon des pensées contradictoires, laissant la foule animée des rues de l'île de Faya devenir un bordel flou.
Un pull aux couleurs vives attire mon regard, une pièce excentrique qui pourrait correspondre à Marco. Je le prends en main, le tourne, l'inspecte sous tous les angles. Mais une voix intérieure me murmure que ce n'est pas suffisant, que cela ne capte pas l'essence de ce que je veux lui offrir.
Je déambule dans l'allée des accessoires, une collection de bibelots et de curiosités. Un instant, mes yeux se fixent sur une petite statue, une représentation artisanale d'un requin. Marco aime les océans, mais quelque chose me dit que ce cadeau ne frappe pas la note parfaite.
Les minutes s'écoulent, impitoyables, et je me retrouve dans une librairie.
Les livres le fascinent, mais je ne trouve rien qui évoque l'émotion que je recherche.
Le temps file, imperturbable, et l'heure fatidique de 19 heures se rapproche à une vitesse terrifiante. Rien. Aucun cadeau à l'horizon, aucune étincelle de l'idée parfaite.
Je ressens la pression, une anxiété grandissante qui serre mon cœur. Noël n'est plus dans très longtemps...
Résigné, je sors de la boutique, laissant derrière moi les étagères de promesses non tenues. Les rues animées de Faya semblent danser avec une joie insouciante qui me fait défaut.
Les heures passent, et je suis toujours bredouille. La frustration et la déception pèsent sur mes épaules, mais je m'accroche à la détermination de trouver quelque chose de spécial.
Finalement, avec un soupir, je retourne au bateau. Renoncer à la quête éternelle du cadeau parfait pour Marco et affronter l'idée qu'aucun objet matériel ne peut résoudre les fissures qui se sont formées entre nous.
Non, je ferais mieux la prochaine fois. La prochaine île sera la bonne, c'est sûr. Je trouverai.
Le retour au bateau est comme une défaite silencieuse. Mes pas résonnent dans le vide de mes pensées, accompagnés du murmure de la mer en arrière-plan. J'arrive à la cabine, l'atmosphère teintée d'une tension palpable.
La douche brûlante est une délivrance, une tentative de laver l'échec qui colle à ma peau.
Elle est un refuge temporaire, un écran de vapeur qui dissipe momentanément les doutes. L'eau chaude qui caresse ma peau est une tentative futile de dissiper les nuages sombres qui obscurcissent mon esprit.
Choisir une tenue devient une tâche difficile, chaque vêtement portant le poids de mes hésitations. J'opte pour une tenue un peu plus chic, comme si l'apparence extérieure pouvait masquer les incertitudes intérieures.
Ce pull noir me donne un air strict...
J'en cherche un autre. Le rouge me va bien mieux.
Je souris en repensant au vernis que je me suis mis il y a quelque jours et que j'avais retiré le lendemain à peine.
C'est vrai, le rouge me va bien. Peut-être pourrais-je en remettre pour ce soir ?
Après tout, Marco avait bien aimé.
...Et moi aussi, à vrai dire.
Je laisse mon vieux Stetson en feutre orange au placard, comme je le fais depuis quelques temps.
Il fait trop froid...
Je décide que j'enfilerai une paire de caches oreilles, à la place.
Je me tiens devant le miroir, laissant mes doigts glisser sur les contours flous de ma réflexion. Les minutes défilent, rythmées par le battement sourd de mon cœur.
Je tente de discipliner les mèches rebelles de mes cheveux, une tentative futile pour maîtriser le chaos qui règne dans mon esprit.
Le tic-tac impitoyable du réveil me rappelle que l'heure approche. Je m'observe dans le miroir une dernière fois, cherchant une lueur de confiance que je peine à trouver. Finalement, je m'apprête à quitter la cabine, prêt à affronter l'inconnu de la soirée qui se dessine devant moi.
Ça ira.
Les vagues caressent doucement le rivage de Faya, et moi, j'attends sur la berge avec une impatience contenue.
Trois quarts d'heure avant l'heure fixée, j'ai choisi d'être en avance, pour pouvoir laisser à Marco le temps de se préparer dans notre cabine.
L'horizon s'embrase d'une palette de teintes chaudes, le soleil entame sa descente pour laisser place à la soirée.
Mais le temps s'étire comme une éternité, chaque minute accentuant mon attente. J'observe les vagues, espérant que leur douce mélodie apaise les papillons dans mon estomac.
19 heures sont passées depuis dix minutes, et Marco se fait toujours attendre.
Soudain, il émerge, descendant de la rampe du navire, sa silhouette dévoilée par les derniers rayons du jour.
Mon impatience fond instantanément devant la vue de son visage, illuminé par une lueur chaleureuse. Il s'approche avec une démarche confiante, un sourire étirant ses lèvres.
"Salut, toi. T'as pas trop attendu, j'espère ? Désolé, j'ai eu un peu de retard à l'infirmerie. Un cuistot de la quatrième division s'est salement coupé..."
Je secoue la tête.
Son léger retard est pardonné devant son apparence soigneusement arrangée. Il porte un long manteau en feutre qu'il a gardé ouvert, et qui lui va vraiment bien. Mon regard parcourt son visage, notant chaque détail familier, chaque expression qui m'est chère.
"Non, ça va. Je viens d'arriver."
...Ce que je peux être menteur, parfois.
J'ajoute, mais cette fois en toute honnêteté :
"T'es superbe."
Mon compliment déclenche un sourire satisfait sur son visage, et dans un échange tacite de flatteries, il renchérit :
"Toi aussi, chéri."
Les minutes qui suivent se déroulent joyeusement, pleines de rires et de conversations intéressantes.
C'est tout ce que je demandais...
Alors que nous marchons main dans la main, le crépuscule enveloppe nos silhouettes dans une aura magique.
Marco, curieux, demande la destination de notre soirée.
"Alors, Ace, on va où exactement ? Tu veux te promener en forêt, comme la dernière fois ?"
Je souris, gardant le secret de notre destination. Un sentiment de complicité se tisse entre nous, et j'adore ça.
Enfin je retrouve mon amoureux...
"Nan. C'est une surprise."
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