Chapitre 7

- Non mais qu'est-ce que c'est que ce machin ?

Je rigolai à l'air offusqué qu'arborait Isabeau alors que j'extirpais Dracul de sa boite. La belle brune aux épaules de nageuses et à la démarche martiale semblait porter en permanence un air écœuré sur son visage fin et sauf erreur de ma part, j'en étais la cause. Et mon petit animal de compagnie n'allait surement pas m'aider à accéder à ses bonnes grâces. J'ignorais combien de temps j'aller passer avec la meute mais il était hors de question de le laisser seul chez moi. Son métabolisme étrange lui imposait de boire régulièrement un peu de sang humain, en plus de ses croquettes et de ses chasses, et de toute façon il m'aurait manqué.

- Il est troooop mignon ! glapit Léo, en tendant les bras, s'extasiant sur les oreilles proéminentes et la fourrure pelucheuse. C'est un genre de chat ? Je n'en ai jamais vu des comme ça !

- C'est un chatpire, ou un vampchat, comme tu préfères. Un modèle unique en tous cas...

Alors que la Louve frémissait de dégout, les autres métamorphes s'approchèrent, intrigués, du jeune lycantrope qui berçait mon traitre d'animal de compagnie accro aux câlins.

- C'est ça que tu appelles récupérer des affaires ?

- Ouais, Dracul et des caleçons propres, et je suis paré à squatter jusqu'à ce que cette histoire soit réglée !

Après avoir attrapé quelques sandwichs, nous nous étions installés dans les fauteuils de cuir du fameux bureau de Lucius, où les étagères pleines de livres avaient été réparé et d'où le tapis gorgé de sang avait disparu. Lucius nous dévisageait avec impatience et son raclement de gorge impérieux détourna l'attention de la meute de mon acolyte, blotti sur les genoux de Léo et parfaitement à l'aise parmi les Loups.

- Nous devons expliquer la situation à ... Haiko, c'est bien ça, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que c'est comme prénom d'ailleurs?

Je résistai à l'envie puérile de lui tirer la langue.

- Un prénom classe, tu ne peux pas comprendre... Et ouais, balancez les infos, que je comprenne dans quoi j'ai mis les pieds.

Lucius leva les yeux au ciel mais ne releva pas mon impertinence. Il devait commencer à s'habituer à ma personnalité pétillante.

- Tout a débuté il y a quelques mois, lorsque nous avons commencé à prospecter les Monts Ozarks à la demande de Carlos. Tu sais qui est Carlos ?

Je hochai la tête. Bien sûr je ne l'avais jamais rencontré mais je connaissais le Tigre alpha des métamorphes d'Amérique de réputation, comme tout le monde. Lucius reprit.

- Jusqu'à la fin des années 2030, il y avait plusieurs mines d'argent exploitées dans les Monts Ozarks mais elles ont toutes été épuisées et fermées avant la Guerre. Carlos nous a demandé d'explorer et de forer les montagnes afin de trouver de nouveaux gisements.

- Mais pourquoi des métas auraient besoin de mines d'argent ? Vous y êtes totalement allergiques, c'est stupide, non ?

- Carlos n'est pas stupide, non... L'argent est rarement extrait sous forme pure de ce type de mines, il est mélangé à d'autres métaux, dont l'un des plus courants est le plomb...

Je dressai les oreilles.

- Ce qu'il faut bien comprendre c'est que les Territoires des meutes sont sous tension depuis plusieurs années.

Il soupira et s'avachit, relâchant légèrement sa garde.

- Après la guerre, lors de notre installation sur nos nouvelles terres, toutes les meutes se sont satisfaites de retrouver un mode de vie traditionnel, plus sain et plus rustique après des décennies à survivre sur une planète dominée par la technologie et les humains. Mais très vite, une partie des métas s'est lassée de vivre dans des cabanes de bois sans eau courante et électricité et de ne bouffer que du gibier.

Alexander intervint.

- Nous sommes une majorité à avoir vécu Avant, et tout n'y était pas à jeter. Les meutes métas se sont mises à réclamer l'accès à certains conforts, comme des produits manufacturés et plus de diversité alimentaire.

Lucius reprit.

- C'est pour cela que contrairement aux feys, nous n'avons pas chassé les colonies humaines de nos terres, dans l'idée que nous pouvions trouver un terrain d'entente. Ils pouvaient cultiver nos terrains et nous payer un loyer en nous rétrocédant une part de leurs récoltes, et nous pouvions commercer avec eux, fourrures contre tissus, gibier contre produits laitiers, par exemple. Ça a pas mal marché durant presque quinze ans mais depuis plusieurs années, nos villages se vident et les humains ont commencé à déserter les Territoires.

- Comment cela se fait-il, si tout était si parfait ?

- Les villes comme Portal attirent beaucoup de monde. La Frontière se développe, elle n'est plus le coupe-gorge des premières années. Beaucoup de nos humains y voient la promesse de vivre mieux, en ayant accès à la fois aux avantages de la tech et ceux de la magie et surtout, sans plus être obligé de nous reverser une partie de leurs gains en guise d'impôts.

Je me renversai en arrière sur mon fauteuil de cuir, appréciant le confort. Les explications de Lucius n'étaient qu'une demie surprise pour moi. J'avais conscience de l'importance qu'avait prise Portal ces dernières années et je savais que de plus en plus d'humains venaient s'y installer. Les quartiers périphériques de la ville se développaient rapidement et de nombreux villages agricoles avaient été fondés dans la Frontière. En revanche, j'ignorais totalement que cette émigration posait souci aux métamorphes. Comme pour les feys, j'aurais au contraire supposé que cela les arrangeait en vidant leurs terres de toute présence humaine.

- Les humains partent et de plus en plus de métas se plaignent de l'appauvrissement des échanges et de la difficulté à avoir accès à des produits auxquels ils étaient habitués, d'où l'intervention de Carlos.

Comme je haussais les sourcils sans comprendre, Lucius développa.

- Il imagine implanter sur nos terres des villages sur le modèle mixte magie/tech, à un moindre niveau qu'à Portal, évidemment. Mais si les humains ont accès à des technologies qui leur facilitent la vie, comme des tracteurs, ou même l'électricité, Carlos pense qu'ils seront plus susceptibles de rester.

J'ouvris de grands yeux en prenant la mesure de ce qui pourrait constater une véritable révolution.

- Mais ces villages seront en pleine zone magique. Pour que cela fonctionne, il vous faudra du plomb. Une énorme quantité de plomb !

- Pas autant que tu l'imagines. Notre magie est axée sur la transformation et la régénération de nos organismes et est beaucoup moins sensible que celle des feys ou des mages. Un peu de technologie ne l'affectera pas mais oui, nous allons quand même avoir besoin de plomb pour nous préserver et faire fonctionner la technologie. D'où l'idée de Carlos de trouver et d'exploiter de nouveaux gisements. Si nous parvenons à extraire du plomb en quantité suffisante, nous pourrons commencer à expérimenter dans certains villages volontaires.

Les pièces du puzzle se mettaient doucement en place dans ma tête.

- C'est ce que montre la carte n'est-ce pas ? Vous avez trouvé un gisement ?

Lucius acquiesça alors que je continuais à penser à haute voix.

- Les échantillons que le Sidhe a piqué c'était du plomb ? Mais je ne comprends pas, qu'est-ce que vous venez foutre à Portal ? Et quel rapport avec les feys ?

Alex consulta son chef du regard et prit la parole.

- Notre problème c'est que le gisement que nous avons identifié produit en réalité de la galène, un sulfure de plomb mélangé à d'autres minéraux. C'est ça qui était dans le sac que le fey a embarqué. Celui que nous avons trouvé a une très forte teneur en argent, ce qui aurait été une bonne nouvelle pour les mineurs du début du siècle mais est une catastrophe pour nous...

- Parce que vous ne pouvez pas l'exploiter ?

- Exactement.

Il secoua la tête.

- Même entrer dans la mine nous met en danger. Etre entourés d'autant d'argent perturbe notre organisme, nous risquons d'ingérer des micro-particules ou de les respirer, ce qui représente un trop grand risque pour tous les métas.

- Les humains peuvent le faire, par contre, la mine n'est pas spécialement dangereuse pour eux, précisa l'alpha. Mais l'extraction demande certaines compétences techniques que nous n'avons pas parmi nos colonies humaines. De plus, le procédé pour séparer le plomb de l'argent est particulièrement complexe et nous ne le maitrisons pas. C'est pour cela que nous sommes venus à Portal.

Une petite lumière s'alluma dans mon cerveau fatigué.

- Vous êtes venus rencontrer Zachary Riggs, c'est ça ? C'est pour cela que vous trainez avec le Conseil des Guildes?

Lucius hocha la tête.

- Oui exactement. C'est le plus gros négociant de métaux de la Frontière, il est en lien avec des ingénieurs côté humain qui seraient capables de gérer l'exploitation de la mine et nous voulons qu'il nous serve d'intermédiaire pour les recruter et les acheminer côté magique. En échange, nous lui cèderons l'argent extrait et un peu de plomb à prix préférentiel.

Je m'étalai un peu plus sur mon fauteuil en évaluant le projet. C'était juste énorme. Des métamorphes qui allaient débaucher des humains côté tech pour introduire de la tech au sein des territoires magiques, remettant ainsi en cause l'équilibre fragile qui régnait depuis la fin de la guerre, c'était juste incroyable. Une remise en cause de tout le statut quo qui garantissait la paix depuis vingt ans. J'essayais d'organiser mes pensées autour de cette nouvelle donne quand un glapissement surpris résonna dans le fond de la pièce.

- Merde, il m'a mordu ce petit con!

Léo tenait son index devant lui sur lequel perlait une minuscule goutte de sang. A côté de lui Dracul, qu'il avait envoyé valser sur le tapis neuf, s'éloignait en remuant la queue d'un air offusqué. J'éclatai de rire devant ce grand Loup scandalisé par une micro morsure de chaton et le charriai :

- Il te trouve à son goût, c'est plutôt un compliment ! J'espère juste que ton sang ne va pas lui provoquer des effets secondaires chelous, il n'avait encore jamais gouté un Loup.

Léo fit la moue, observant son bobo avec dépit alors qu'Isabeau secouait la tête avec dédain. Benjamin, le plus silencieux et en retrait des deux frères, s'approcha, apparemment très intrigué par ma bestiole qui se léchait maintenant les pattes, très à l'aise au milieu de ces Loups féroces.

- Il doit vraiment boire du sang pour se nourrir, alors ? Tu lui en donnes beaucoup ?

J'allai lui détailler les spécificités de mon chaton quand un grondement impérieux mit fin à l'interlude. Lucius fusillait ses hommes du regard pour les rappeler à l'ordre mais je n'étais pas un de ses larbins qu'il pouvait faire taire à volonté.

- Du calme, Crocs-Blancs, on ne fait que discuter deux minutes. On n'est attendus nulle part à ma connaissance, pas la peine de t'énerver ...

Comme son froncement de sourcils prenait des proportions alarmantes, je soufflai et revins à nos moutons. J'avais encore des dizaines de questions mais me concentrai sur la plus pertinente pour moi.

- Qu'est-ce que les feys viennent foutre dans l'histoire au final ? Pourquoi le Sidhe a voulu piquer la carte ? La mine n'est même pas sur leur territoire.

- Ils aimeraient bien... grommela Isabeau, ses traits aristocratiques pincés de dégout.

- Elle a raison, précisa Alexander. La mine se trouve à proximité d'une de leur enclave et fait partie des zones que nous nous sommes disputés après la guerre. Ils n'en connaissent pas l'emplacement exact mais ils ont bien compris qu'elle se trouvait dans le secteur.

Lucius renchérit.

- Les premiers forages n'ont pas été très discrets, une grosse erreur de notre part. Désormais, leurs intérêts à nous arrêter sont multiples. L'exploitation de la mine amènerait de nombreux humains à proximité de leurs terres, ce dont ils ne supportent pas l'idée. De plus, la simple hypothèse que nous pourrions introduire de la technologie dans les territoires magiques les fait grimper aux rideaux. Ils ont peur que la contamination tech reprenne. La Cour de l'Eté comme celle de l'Hiver se rejoignent sur le rejet total des humains et de leur mode de vie, notre projet est donc un camouflet à leur égard... Nous pensons qu'ils cherchent à retarder, voir saboter le projet, d'où le vol des échantillons et de la carte dont j'ai besoin pour mes négociations avec Zachary Riggs.

- Vous êtes en train de jeter un énorme pavé dans la mare...

- Nous en sommes conscients mais si nous souhaitons prospérer, nous devons trouver le mode de vie le plus approprié pour nous, les meutes. Les feys n'ont pas à se mêler de nos oignons et des choix que nous faisons sur notre propre territoire.

- Et les Premières Nations, qu'en disent-elles ?

- Elles restent neutres. Nous les avons prévenues de notre projet, par courtoisie puisque nous sommes alliés, et pour le moment ils ne souhaitent pas s'impliquer.

Il grimaça.

- L'exploitation d'une mine ne rentre pas vraiment dans la vision que les chamans ont du respect de leur Mère Nature, mais ils nous laissent le bénéfice du doute. Nous leur avons donné des garanties que nous ne ferions pas les mêmes erreurs que les humains avant nous.

- Rejets acides et explosions, par exemple, marmonna Alex.

- Ils ne souhaitent toutefois pas que leur peuple participe à ce projet donc ils ne bougent pas et attendent de voir.

- Et vous en êtes où avec Zachary ?

Alex et Lucius grimacèrent de concert. Je n'en étais pas spécialement étonné, le trafiquant de métal, comme une majorité des membres du Conseil des Guildes, n'avait pas la réputation d'un gentil bonhomme facile à manœuvrer.

- Pour le moment il nous balade, mais je n'arrive pas à savoir s'il souhaite juste prendre son temps pour évaluer le projet ou s'il a des intentions cachées... Nous devions le rencontrer demain avec la carte et les échantillons, pour qu'il puisse réfléchir à la faisabilité...

Une idée me vint à l'esprit et après une hésitation légitime, je décidai de la partager.

- J'ignore son identité mais à priori, mon commanditaire pour le vol était un membre des Guildes... C'est peut-être important.

Lucius et Alexander se regardèrent d'un air entendu et Isabeau, Léo et Benjamin se rapprochèrent avec intérêt.

- Ça l'est, effectivement... Tu n'en sais pas plus ?

Je secouai la tête.

- Rien, à part qu'il est riche et qu'il était plutôt pressé.

- Ok alors on a plusieurs hypothèses possibles...

Alexander compta sur ses doigts.

- Celui qui t'a commandé le vol est un ennemi de Zachary, un membre du Conseil plein aux as. Il cherche à bousiller le marché pour lui nuire ou se l'accaparer, d'où le vol de la carte et ce, avant qu'on ne finalise notre marché avec Zachary. Deuxième possibilité, Zachary est tellement intéressé qu'il souhaite nous piquer l'idée et nous évincer, et il fait voler la carte et les échantillons avant notre rencontre pour nous bloquer ici pendant qu'il magouille de son côté.

Je fronçai les sourcils.

- La mine est en Territoire Magique, un humain ne pourrait pas l'exploiter seul.

- D'où l'implication des feys, suggéra Isabeau. Nous pensions qu'ils souhaitaient nous empêcher de réaliser le projet. Et si en réalité ils envisageaient de le reprendre à leur compte ? Si c'est exact, alors la situation est plus logique. Ils sont alliés avec Zachary ou un autre membre du Conseil, volent la carte et passent leur propre marché.

- Mais les feys n'ont pas besoin de plomb.

- Non mais d'argent en revanche ?

Un silence choqué régna une minute.

- C'est une possibilité en effet, reprit Lucius avec gravité, ça leur donnerait un avantage indéniable sur les meutes... Et ça implique aussi qu'ils lancent leurs troupes et essayent de voler le terrain autour de la mine.

Je restai bouché bée.

- Une guerre entre feys et métas ? Putain de merde !

Les Loups échangèrent un regard préoccupé alors que je me frottais la nuque. Je voulais juste faire un casse, un petit, sournois, illégal, cambriolage, et je me retrouvais soudain plongé en plein conflit entre peuples magiques.

- Il ne s'agit que d'hypothèses mais nous devons en tenir compte, gronda Lucius. Nous devons prévenir Carlos de l'interventionnisme des feys, afin qu'il puisse préparer les meutes en cas d'assaut. Ben ?

Le jeune Loup à la peau sombre l'interrogea du regard.

- Je pense que tu devrais partir au plus vite pour le prévenir. De notre côté, nous continuerons à mener à bien notre mission, tout en continuant à chercher le Sidhe histoire de comprendre son objectif réel et le mettre hors d'état de nuire.

Comme je me raclai la gorge bruyamment, il ajouta avec un regard noir à mon égard.

- Ainsi que chercher les enfants, je ne l'oublie pas....

Comme tout le monde hochait la tête pour acquiescer il se leva, marquant ainsi la fin de la réunion. Tous ses muscles jouaient sous sa chemise et malgré mon trouble, je ne pus m'empêcher de le lorgner discrètement sous l'éclairage tamisé. J'étais crevé et il était tard mais je n'étais pas mort. Les métamorphes étaient grands et bien foutus, question de génétique et de métabolisme, mais Lucius battait des records dans ce domaine. Ses fesses étroites et ses épaules larges étaient un vrai fantasme de minet, et ses traits ciselés lui conféraient un charme certes rugueux et dangereux mais bien réel. Je préférais habituellement les hommes plus proches de ma morphologie, mais dans un contexte différent, et s'il n'avait pas été un véritable enfoiré, j'aurais pu me laisser tenter.


Léo, le plus sympathique de la bande, me guida jusqu'à ma chambre, une petite mansarde au second étage à proximité de la sienne. J'avais posé des yeux curieux sur le trajet. Après tout, lors de ma première visite, je n'avais guère pris le temps d'apprécier la décoration. Le Loup aux cheveux clairs et l'aspect juvénile était étonnamment bavard, comparé à ses congénères, et mon impression qu'il était à la limite de l'adolescence se renforça.

- Tu étais déjà venu à Portal ? l'interrompis-je alors qu'il me faisait l'article du petit-déjeuner du lendemain, s'extasiant du choix d'aliments offerts par les échoppes de la ville.

- Nan, première fois.

Il s'assit sans plus de manière sur le lit étroit qui m'avait été attribué et s'étala sur les oreillers, laissant choir sans façons ses chaussures sur le parquet blanchi.

- La maison appartient à la meute de Carlos mais elle est à la disposition de tous les métamorphes des meutes qui ont besoin de venir à la Frontière, ce qui n'arrive pas très souvent. J'appartiens à la meute des Terres Blanches alors quand il a envoyé Lucius s'occuper de cette mission, je lui ai demandé à l'accompagner, j'étais super curieux !

- Tu es né Après ?

- Nan mais j'avais seulement deux ans lorsque la guerre a éclaté, du coup je ne me rappelle pas du tout du monde d'Avant. Et toi tu as quel âge ?

- Dix-neuf ans, je suis né juste Après.

- Sérieux ? Je pensais que tu avais beaucoup plus.

Comme je grimaçai, il rigola et précisa sa pensée.

- Je n'ai pas l'habitude de deviner l'âge des humains et comme tu as l'air super autonome, je pensais que tu étais plus vieux que moi c'est tout.

Il gigota sur les couvertures, ses cheveux blonds et bouclés de plus en plus ébouriffés ce qui renforçait son aspect gamin.

- Les métamorphes vieillissent un peu moins vite que les humains et à dix-neuf ans, on est encore considéré comme un enfant. Je ne connais aucun métas de cet âge qui vit seul hors de sa meute.

Après avoir hésité face à cette invasion de mon espace à laquelle je n'étais plus habitué, je me détendis doucement devant les tentatives maladroites du Loup de nouer des liens. Le jeune méta était très amical et cela ne pouvait pas me faire de mal de bien m'entendre avec lui si nous devions nous côtoyer dans les jours à venir. Ce serait plus facile à accomplir avec lui qu'avec Isabeau, qui ne cachait pas son mépris à mon égard, ou Lucius, qui semblait savoir ne s'exprimer qu'en grognant. Je m'installai en tailleur au pied du lit, Dracul ronronnant sur mes genoux et le jeune Loup se détendit encore plus, s'aplatissant sur la couette jusqu'à créer un contact entre nos jambes.

- Comment sont les Territoire Magiques ? Enfin, coté meutes, je veux dire.

- Ouais parce que je connais pas ni les villes mages ni les territoires feys, alors je ne peux pas comparer. Les Terres-Blanches sont très différentes d'ici, c'est clair. Nous n'avons pas d'immeubles comme vous et je n'avais encore jamais vu de voitures ou de camions. Pareil pour l'électricité, c'est un truc de fou ! Nos maisons sont simples, en bois ou en pierre, et les villages, humains ou métas, sont beaucoup plus petits. Les premières fois que je suis sorti dans les rues de Portal j'ai halluciné du monde qui se baladait !

- Comment ça fonctionne exactement le système de meutes ? Je veux dire Carlos est l'alpha en chef, c'est bien ça ?

- Ouais exact, les meutes sont indépendantes mais au final tout le monde lui obéit à la fin. Il a installé sa meute plus dans le sud, pas loin de la Floride, avec principalement des félins. Nous on est plus près d'ici, dans les Monts Ozarks, et notre meute ne regroupe que des Loups.

Il ajouta après réflexion.

- Et un Ours aussi, mais il est plutôt solitaire donc on le croise rarement.

- C'est pour cela que c'est Lucius qui s'occupe de cette histoire de mine ? Parce qu'elle est sur votre territoire ?

- Ouais et puis Lucius a servi pendant la guerre, il connait bien les humains et a déjà vécu en ville donc il était le mieux placé pour venir ici.

Je réfléchissais à un moyen subtil d'en apprendre plus sur le Loup alpha quand un grondement sourd interrompit mes pensées. Le sujet de mes réflexions se tenait sur le seuil de la chambre, l'air furieux. Il fusillait Léo de ses yeux noirs et celui-ci se redressa d'un coup en couinant, retirant précipitamment ses jambes de mes cuisses où il les avait laissé reposer.

- Je peux savoir ce que vous foutez ?

Léo ramassa ses baskets en hâte sans que je ne comprenne sa soudaine panique et je répliquai au regard dur de l'Alpha.

- On discutait juste! Pourquoi, c'est interdit ? Il fallait me préciser si je n'avais pas le droit de parler à quiconque, merde ! Putain, la confiance règne, c'est un vrai plaisir !

Le jeune méta quitta la chambre en trombe sans même m'adresser une bonne nuit et j'entendis distinctement le claquement de dents de Lucius à son passage. Décidément, ce dernier était un vrai abruti, j'étais content de ne pas être un des membres de sa meute.

D'un ton rogue, il me balança.

- Tu es sensé te reposer, demain nous essaieront de retrouver ce foutu Sidhe. A moins que tu ne préfères flirter qu'essayer de retrouver les enfants enlevés ?

L'accusation venue de nulle part me laissa bouché bée et je lui retournai un regard meurtrier. Il se prenait pour qui, putain ? Je vivais dans l'angoisse depuis des heures et ce connard me prenait la tête parce que durant cinq pauvres minutes je ne me rongeais pas les sangs ? Non mais sérieusement ! Sans plus réfléchir, je me levai et m'avançai jusqu'à lui avec détermination, le faisant instinctivement reculer. Malgré son air offusqué, je le repoussai fermement jusqu'à la porte que je lui claquai au nez. Connard de chef de meute à la con !

J'entendis son reniflement indigné derrière le bois épais mais l'ignorai délibérément et il ne tenta pas de rouvrir la porte et de relancer les hostilités. Comme Dracul me regardait avec circonspection, tapis dans un coin de la petite pièce après l'agitation des dernières secondes, je commentai à son bénéfice.

- Je crois que je déteste vraiment ce mec...

Je mis un moment à trouver le sommeil, malgré l'heure avancée et mon épuisement. L'angoisse de ma journée et l'inquiétude vis-à-vis des enfants ne me laissaient pas de répit. Mais lorsque couché dans le lit franchement super confortable je me laissai enfin gagner par la fatigue, mon esprit lâchant enfin prise, c'est le souvenir d'yeux dorés et d'un rictus grognon qui m'accompagna dans le sommeil. Et pour la première fois depuis des années, c'est en jouissant d'un sentiment de sécurité quasiment irréel que je me laissai sombrer.

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