Chapitre 32
A mon réveil, j'étais seul dans le lit et les draps à ma gauche étaient froids. Si Lucius m'avait rejoint dans la nuit, il l'avait fait sans me réveiller et n'avait pas beaucoup dormi. Même Dracul m'avait abandonné, ne laissant comme traces de son passage que quelques poils soyeux et noirs accrochés à l'oreiller. Moi qui avait besoin d'un gros câlin, j'allais devoir être adulte et m'en passer. Je n'avais pas pensé à fermer les volets à notre retour au petit matin et la lumière grisâtre d'automne entrait à flot dans la chambre, augmentant le mal de tête qui me transperçait les globes oculaires. Le jour paraissait déjà bien avancé, comme me le confirma mon estomac qui, indifférent à ma détresse autant physique que morale, me fit savoir avec vigueur que j'avais dépensé bien trop de calories la nuit précédente, et qu'il me fallait maintenant recouvrer. J'étais moulu et je me sentais misérable. La petite parcelle de bonheur d'avoir retrouvé Jordan sain et sauf ne faisait rien pour compenser l'horreur d'avoir perdu et Sarah, et Alexander. La vision de son corps inerte et du désespoir de Lucius me tordait la poitrine et celle de Sarah, prostré dans le bras du Sidhe, me donnait envie de hurler. La perspective de devoir me lever et affronter une réalité d'où l'un et l'autre avaient disparu était atroce et palissait devant celle de me noyer à jamais dans les coussins moelleux qui m'entouraient. Mais j'avais encore des responsabilités à assumer et je ne pouvais me permettre le luxe de me prélasser. Et si je laissais quelques larmes couler dans les traversins, il ne s'agissait que d'une faiblesse momentanée.
En gémissant, tellement mes muscles me faisaient souffrir, je réussis à me lever, aussi agile qu'un vieillard. La torture magique que j'avais subi avait laissé des traces dans mon organisme et j'étais plus courbatu qu'un gigolo après une partouze. Je me trainai jusqu'à la salle de bain, espérant qu'une douche m'aiderait à me sentir un peu plus humain, et grimaçai devant mon reflet. J'avais vraiment une tronche de déterré. Ma peau, naturellement pâle, était carrément blême, d'énormes cernes violets me mangeaient les joues et je semblais émacié. Mes mains tremblaient, comme au lendemain d'une horrible gueule de bois et j'avais l'air d'un déchet. Le fils spirituel de Saturnin, quoi.
L'eau tiède me fit du bien et après avoir enfilé un pantalon propre en gémissant, mes fringues de la veille étant tout juste bonnes à jeter, je réussis à descendre lentement les escaliers, accrochés à la rampe et un peu vacillant mais au moins capable d'avancer. Les odeurs de nourriture me guidèrent jusqu'à la grande cuisine, devenue au fil des jours le repaire de la meute et le lieu où tout se passait, et j'en franchi le seuil.
Léo était au fourneau et les effluves de grillade me firent saliver. Le jeune Loup se retourna pour me regarder, une spatule à la main, et je distinguai une lueur de soulagement dans ses yeux fatigués en me voyant réveillé. Lui aussi paraissait exténué encore que, dans son cas, je soupçonnais plus les effets délétères du deuil et du chagrin que l'épuisement du combat. Nous échangeâmes un sourire incertains et il me désigna la table où une assiette m'attendait. Deux silhouettes graciles étaient occupées à dévorer des montagnes de victuailles et lorsque je passai le seuil, la plus élancée des deux se leva précipitamment, faisant vaciller sa chaise en bois sur le carrelage, et se jeta sur moi dans un cri aigu de soulagement.
- Haiko! Tu es réveillé!
Je soufflai sous le choc et la multitude de douleurs qu'il réveillait dans ma pauvre carcasse éreintée mais malgré mes courbatures, je réussis à enlacer maladroitement le gamin maigrichon qui se pressait contre moi en larmoyant.
- Ca va Jordan? Comment te sens-tu?
Il avait enfoui son visage dans mon cou et tremblotait et je grimaçai intérieurement en sentant l'humidité qu'il y déposait. Je lui tapotai le dos avec autant de gentillesse qu'il m'était possible et attendis que l'orage passe.
Lorsqu'il me relâcha, son visage juvénile était raviné de chagrin et ses yeux remplis de remords.
- Je suis tellement tellement désolé. Léo et Kristen m'ont raconté ce qu'il s'est passé avec Caius et je... je ne voulais pas ça. Je suis désolé, Haiko, je ne voulais pas faire de mal à Maniko et aux filles! Je te le jure!
Je soupirai tristement et l'incitai à se rassoir. Dans le chagrin des dernières heures et les questions de vie ou de mort que nous avions traversé, la dette du gamin vis à vis de ce connard de chef de gang était passé au second plan de mon esprit.
- Je sais, Jordan. Kristen nous a dit que tu avais essayé de l'aider et que c'était pour ça que tu avais déconné.
La gamine baissa la tête et il ouvrit la bouche mais je le coupai avec fermeté.
- Tu as déconné, oui, et tu as mis la famille en danger mais tes raisons étaient bonnes. J'aurais juste préféré que tu viennes m'en parler au lieu de t'impliquer dans les affaires louches de Caius et son gang. Je t'aurais aidé si j'avais su, même si ça aurait été compliqué.
Il baissa la tête, honteux, et murmura.
- Je le sais maintenant mais je n'en étais pas certain.
Il déglutit ostensiblement en évitant de me regarder.
- Tu ne m'as jamais beaucoup aimé...
Je résistai à l'envie de rouler des yeux et le dévisageai avec sérieux. Le gamin avait beaucoup grandi ces derniers jours et il était l'heure de lui asséner quelques vérités.
- Effectivement je ne t'aime pas beaucoup parce que tu conduis généralement comme un petit con. Maniko ferait tout pour toi, comme elle ferait tout pour tous les enfants qu'elle accueille. La vie n'est facile à Portal et tu as pioché des cartes de merde mais ta chance à tourné. Il y a dehors des dizaine de gamins qui révéraient d'avoir comme toi une maison et de quoi manger. Tu as eu une chance inouïe que notre mère te prenne sous son aile alors ouais, je ne supporte pas bien que tu te conduises comme un petit con ingrat et rebelle avec elle et je n'ai pas l'intention de m'en excuser. Mais ce n'était pas non plus une raison pour agir dans mon dos et celui de Maniko. Tu as mis tout le monde en danger avec tes choix et j'espère que cela te servira de leçons.
Il blêmit un peu plus et regarda son assiette vide. Il était pitoyable avec ses yeux creuses et ses yeux rougis et je n'eus pas le cœur à pousser l'engueulade plus loin. Je soufflai et posai une main consolante sur son épaule.
- Tu as fait le con mais comme je disais, c'était pour de bonnes raisons. Et tu n'es pour rien dans ce qui s'est passé ensuite, Jordan, d'accord? Maniko, les filles, Djali et Noah vont bien. Ils vont pouvoir rentrer chez eux bientôt et reprendre le cours de leurs vies. Et quant à Sarah...
Je clignai des yeux pour refouler mes larmes.
- Sarah n'était pas de ta faute mais de la mienne. Tu as essayé de la protéger et de t'occuper d'elle là-bas et tu n'es pas responsable de ce qui lui est arrivé. Tu comprends ça?
Il releva le nez d'un air éperdu et allait répondre lorsqu'une porte claqua derrière nous et une voix rogue retentit :
- Et ce n'est non plus ta faute à toi, Haiko.
Je me retournai d'un coup et une vague de soulagement me recouvrit, faisant bourdonner mes oreilles et décrispant une tension dans mon thorax dont je n'avais pas pris conscience en ne trouvant pas Lucius dans le lit à mes côtés.
Il était accompagné de Saturnin, la mine sombre, et d'Isabeau qui boitait plutôt qu'elle ne marchait. La grande Louve se mouvait avec toute la prudence d'un métamorphe éventré par une lame d'argent mais elle était debout et en dépit de ses yeux rouges, elle paraissait presque égale à elle-même. Tout comme le regard furieux qu'elle me décerna gratuitement, accompagné d'un retroussis méprisant de sa lèvre supérieure pulpeuse. En d'autres temps j'aurais répliqué mais le nuage de deuil et de chagrin qui entourait tous les métas de la pièce m'en dissuada. Tout comme le sentiment que, cette fois, sa hargne à mon égard était sans doute méritée. Le chagrin qu'ils partageaient était palpable, presque physique, et lisible dans les mines marquées, les lèvres serrées et les ombres qui noircissaient leurs auras. J'adressai un sourire incertain à Lucius et hésitai à rapprocher de lui et lorsqu'il passa un bras autour de ma taille pour m'attirer à ses côtés, je laissai échapper un souffle soulagé. Ma paranoïa et la culpabilité qui me bouffait les entrailles m'avaient fait craindre qu'il ne m'en veuille des évènements tragiques de la veille. Ce que j'aurais compris puisque personnellement, je m'en détestais. Mais son timbre ferme et vibrant de sincérité ne prêtait à aucune discussion lorsqu'il répéta, fusillant du regard chaque présent et terminant par moi :
- Les feys ont enlevé les enfants et tu n'y es pour rien. Ce n'est pas ta faute. Seuls les Sidhes devront en répondre, un jour ou l'autre.
Il serra rageusement les dents et resserra son étreinte sur ma hanche.
- Ils en répondront dans le sang et plutôt tôt que tard s'ils m'en laissent la moindre opportunité. La meute n'oublie jamais ceux qui s'en prennent au sien.
Un grondement farouche lui répondit en provenance d'Isabeau mais aussi de Léo, toujours au dessus de son fourneau mais tourné en direction de son Alpha et les yeux luisants et dorés. La colère et le besoin de vengeance qui suintait de chacun des métas me fit frissonner. Je n'étais pas un spécialiste de l'histoire torturée entre les feys et les métas mais j'avais souvenir de nombreux récits de vendettas et autres vengeances sanglantes entre les deux peuples, au fil des siècles. Leur inimitié éternelle ne s'était apaisée que lorsqu'elle s'était retournée vers l'humanité et de ce point de vue, Alexander avait été une victime de plus d'une guerre éternelle aux racines immémoriale. C'était apparemment la vision de Lucius, celle sur laquelle il s'était fixé, mais ce n'était pas la mienne. Certes, Jordan, de par ses bêtises bien intentionnées, avait déclenché un enchaînement d'évènements tragiques qui nous avait échappé à tous et avait conduit à la disparition de Sarah. Et certes, c'était les feys qui, cherchant à doubler leurs meilleurs ennemis, avaient entamé les hostilités en tentant de s'emparer de la carte révélant où le gisement était situé. Mais c'était bien ma décision de prendre un contrat dangereux de manière précipitée qui avait mis Sarah, Maniko et les autres enfants dans le viseur des feys. Et si la main qui avait ôté la vie du béta n'avait pas été la mienne, c'est bien à ma demande, pour retrouver les enfants dont j'étais responsable, qu'il s'était retrouvé à se battre dans cet entrepôt. Mais il ne servait à rien de chercher à convaincre qui que ce soit de ma responsabilité. La culpabilité et les regret étaient des compagnes familières et cette fois encore, j'allais juste devoir serrer les dents et avancer même si très égoïstement, le réconfort de Lucius et sa conviction de mon innocence me soulageaient. Je pouvais vivre avec ma propre colère à mon égard. J'aurais eu plus de mal à faire de même avec la sienne.
Lucius me relâcha enfin et nous nous installâmes autour de la table, tous plus affamés les uns que les autres. A ma demande inquiète, Saturnin m'apprit que Jonas dormait dans une des chambres, assommé par ses blessures et les soins magiques qu'il avait reçu de la part du vieux mage. Il était confiant qu'il se rétablirait sans difficulté et j'en fus légèrement soulagé. Mon vieil ami, lui, n'aurait pas à pâtir de mes conneries. Personne ne parlait et je réfléchis à mon programme de la journée. Je devais avant tout aller payer Caius et m'assurer que Maniko et les autres enfants puissent regagner leur demeure en sécurité. Mais il restait le problème de Kristen et en distinguant sa silhouette gracile et muette serrée contre celle de Jordan, je décidai fermement qu'il était hors de question de l'abandonner. Je calculais combien me reviendrait quelques missions de mercos et tachait d'évaluer le prix d'une enfant de son âge, aux yeux des salauds qui la prostituaient, lorsque Lucius se leva calmement. J'avalai de travers ma dernière bouchée d'œufs et de pancakes joufflu et délicieux quant il m'invita à le suivre. Tout le monde nous regardait et Saturnin leva un sourcil sardonique de l'assiette qu'il engloutissait avec tout le raffinement d'une bande de hyènes mais dieu merci, personne ne fit de commentaires. Le cœur battant d'anticipation, je grimpai les escaliers à la suite de Lucius et me retrouvai enfin dans le bureau de l'Alpha. Là où tout avait commencé.
Lucius devait penser la même chose que moi car lorsqu'il passa le seuil, il stoppa et laissa ses yeux courir sur les tapis, le mobilier de bois sombre et les quelques papiers désordonnés sur le bureau mal rangé. D'un ton de conversation tranchant fortement avec l'ambiance funèbre de la maisonnée, il lâcha :
- La première fois que je t'ai vu, j'ai vraiment voulu te manger.
Je ne m'attendais pas un à un tel commentaire et laissai un éclat de rire surpris m'échapper à cette idée. Et au double sens dont je me demandai s'il l'avait décelé. Il me dévisagea avec un rictus et je répondis :
- Et moi j'ai vraiment cru que j'allais y passer. Je t'ai sauvé la vie, ce soir là, mais si tu n'étais pas arrivé, le Sidhe m'aurait probablement buté.
Il souleva un sourcil amusé :
- Tu veux dire que ma prétendue dette à ton égard n'était qu'une invention de ta part?
- Absolument pas! J'ai dit "probablement". J'avais encore un tour à mon arc pour m'en sortir, ce qui n'était pas ton cas.
Le silence retomba alors que le sujet précis dont je savais qu'il l'avait poussé à nous isoler flottait entre nous. Avec un soupir fatigué, Lucius se laissa tomber dans la méridienne de cuir et d'un geste, m'invita à m'installer. J'hésitai, pas certain de souhaiter une telle proximité physique pour cette discussion, mais il attendait avec patience, bien loin de l'Alpha exigeant et dominateur qu'il était en temps habituel et je finis par poser mes fesses à ses côtés. Il tendit la main et doucement, me caressa la joue. Je frémis sous le contact subtil.
- Je vois le genre de tours dont tu parles. Le même genre de tours que tu as fait au Conseil si je ne m'abuse. Ce que tu as fait là bas... ce que tu as fait hier... Personne d'autre n'en aurait été capable. Pas comme ça. Qu'es-tu Haiko? Tu n'es pas seulement un clairvoyant. Pas seulement... un jeune mage et un sale petit voleur qui me donne autant envie de le mettre dans mon lit pour ne plus l'en laisser repartir que de lui donner la fessée. Tu es bien plus que cela, est-ce que je me trompe?
Je déglutis douloureusement. Ma poitrine se soulevait rapidement et mon pouls s'accélérait. J'oscillais entre l'envie de me jeter sur lui pour l'embrasser comme un fou et celle de m'enfuir à toutes jambes. Le désir porté par ses morts flambait dans mon cœur et mon entrejambe mais la peur de la vérité me faisait trembler. Je n'avais jamais envisagé de me mettre en danger en mettant les mots sur celui que j'étais. Mais pour la toute première fois de ma vie, j'avais envie de parler. Envie de raconter de dont j'étais capable et comment j'avais été transformé. A l'inverse, le poids des années à me cacher, à me dissimuler, me hurlait en contrepoint de me taire et de garder des secrets. J'avais confiance en Lucius, vraiment. Peut-être même que je l'aimais, au delà de le désirer. Mais certaines choses n'étaient pas prête à être formulées.
Coincé entre mon instinct et mon cerveau, entre mon esprit et mon âme, je savourai le contact de sa paume tiède sur ma peau lisse, profitant à fond de cet instant que je savais fugace. Je fermai les paupières et d'une voix si basse que même avec ses sens de métamorphe il devrait tendre l'oreille pour la percevoir, je chuchotai.
- Je suis un technomage. Un vrai.
S'il fut surpris, il ne le montra pas. Il se contenta de laisser courir son doigt sur ma mâchoire, finissant son trajet sur ma nuque, et murmura :
- Qu'est-ce que cela veut dire pour toi?
- Cela veut dire que je suis une aberration. Cela veut dire que ce que les ingénieurs techno magiques de Portal font, à grand renfort de plomb et de débrouille, je le fais naturellement.
J'inspirai profondément, me préparant à prononcer ces mots qu'au grand jamais je n'avais formulé, ce secret que j'avais passé ma vie à préserver.
- Je suis magie et je suis tech. Je suis... un hybride, un mélange qui ne devrait pas exister. Le plomb n'est pas un poison pour moi, ni même une limitation à mes capacités. Au contraire il est mon métal, le focus de mes pouvoirs. Ma magie est capable de contrôler la tech. Donne-moi un circuit électronique ou n'importe quel objet électrique et elle en prendra le contrôle. je peux faire des choses que personne n'a jamais imaginé.
Il ne broncha pas et se pencha vers moi, mettant nos fronts en contact et demandant délicatement.
- Est-ce que c'est quelque chose dont tu as hérité? Tes parents étaient comme toi?
Je tressaillis violemment et me tortillai pour lui échapper.
- Je ne peux pas parler de mes parents. Je ne veux pas. Je... je ne veux pas parler de l'origine de mes pouvoirs, Lucius. Ne m'y force pas!
- Hey, hey, m'apaisa-t-il. Je ne te forcerai à rien. Jamais. Je suis curieux, oui, mais je respecte tes limites, Haiko.
Il sourit et me fit un clin d'œil sournois.
- Et puis je te connais désormais. Si j'essayais, je me prendrai un bon coup de pied dans les couilles. Et je ne suis pas maso, contrairement à ce que mon intérêt pour toi pourrait laisser croire.
Je gloussai malgré moi et il enchaîna :
- Et ce qu'il s'est passé avec le portail? Ce qu'il s'est passé avec le fey? Est-ce que tu veux m'en parler?
- Je suis magie et je suis tech et en plus d'une abomination, cela fait de moi un poison. La magie naturelle ne veut pas de moi, Lucius. Il me suffit de l'approcher avec mes pouvoirs pour la ravager. C'est... c'est quelque chose dont je ne suis pas... heureux. Ou fier. C'est ce qui fait de moi un monstre...
Je ravalai ma salive et attendis son verdict. Mais au lieu de s'écarter, horrifié, il rit doucement, son souffle chaud et parfumé au bacon caressant les lignes effilées de mon nez.
- Tu es un poison pour mon équilibre mental, oui. Mais tu n'as rien d'un monstre ou d'une abomination.
- La magie et la tech ne sont pas compatibles. Elles ne l'ont jamais été. Le fait que je puisse utiliser l'une pour manipuler l'autre fait de moi une erreur, Lucius. Je suis capable de tuer des créatures magiques d'un simple contact! Je peux les... infecter et les tuer de l'intérieur!
- Et tu es aussi capable de refermer une porte magique, aussi, releva-t-il. En nous sauvant tous au passage. Tu ne te promènes pas en ville en décimant des feys et des mages, à ma connaissance. je suis désolé de te décevoir mais j'ai connu bien plus monstrueux que toi. J'ai été plus monstrueux que toi... La guerre...
Ses yeux se perdirent dans ses souvenirs funestes une seconde puis il secoua la tête et me sourit avec une nostalgie surprenante au vu de la nature pesante de notre conversation.
- Je vais peut-être te surprendre mais lorsque j'étais jeune, bien avant la guerre, je ne rêvais que d'être humain. Notre existence était... difficile, même si la meute de mes parents était soudée. Nous vivions parmi les humains dans une toute petite ville du nord des Etats-Unis et nous étions seulement quelques familles de méta à dissimuler notre secret, changer dans la nuit noire et nous isoler. Je détestais ça. J'enviais les gamins qui n'étaient pas obligés de cacher en permanence leur force et leur rapidité, qui pouvaient gagner des compétitions d'athlétisme sans se révéler et se chamailler dans la cours sans risquer de mutiler les autres enfants. En plus, j'étais déjà trop grand, trop différent. Les autres gosses avaient peur de moi et leurs parents les avertissaient de garder leurs distances. Je me souviens avoir été horrifié lors de ma première mutation. Je devenais encore plus fort et plus rapide, avec en prime un instinct de prédation et des accès de violence difficiles à réprimer. J'étais un Alpha né et je haïssais ce que cela faisait de moi. J'avais peur de faire du mal aux gens sans le vouloir, peur de ne pas me maitriser.
Je le dévisageai, passionné par ces révélations inattendues :
- Et que s'est-il passé? Comment as-tu évolué?
Il pouffa et secoua la tête:
- Mon père était malin. J'adorais les comics, à l'époque alors il ne s'est pas embêté. Il m'a rappelé quelque chose que j'avais lu et relu mais que je n'avais pas compris jusque là. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. C'était le cas pour Spiderman, c'était le cas pour moi. Et c'est aussi ton cas, Haiko. Ces pouvoirs sont en toi mais ils ne font de toi ni quelqu'un de bien ou quelqu'un de mal. Ils sont, tout simplement. La magie n'est pas une... conscience suprême et encore moins une religion. Je n'adhère pas aux croyances feys selon lesquelles sa préservation à tout prix doit être le sens de nos vie.
J'ouvrais de grands yeux et il poursuivit:
- La magie est en nous mais elle est un outil. Nous devons la respecter, tout comme nous respectons la nature et notre Terre mère. Nous devons la préserver mais elle n'est pas une jauge inaliénable de pureté ou un idéal. Je ne suis pas d'accord pour partir du principe que tout ce qui n'est pas magique doit être considéré comme souillé. Sinon, jamais je n'adhérerais au projet de mine avec Carlos. Tu n'es pas compatible avec la magie naturelle? La bonne affaire! Cela ne fait pas de toi quelqu'un de mauvais. Et encore moins lorsque tu utilises tes capacités à protéger ceux auxquels tu tiens.
Il allait poursuivre son argumentaire, à n'en pas pas douter, mais j'en avais entendu assez. Soulevé par un élan confus de tendresse, de soulagement, de gratitude et de désir, soyons franc, je me jetai sur lui comme un mort de faim sur une part de fondant au chocolat. D'un même élan, je lui attrapai la mâchoire, jetai mes lèvres sur les siennes et me juchai sur ses genoux. Je le sentis hoqueter de surprise et, je l'espérais, de désir, mais il ne resta pas longtemps pris au dépourvu. Avec fougue, il enroula ses bras forts au creux de mes reins et me pressa contre lui, sa langue brulante s'insinuant entre mes lèvres demandeuses pour un baiser dont la chaleur transforma mes entrailles en bouillie. Je me pressai contre lui de toutes mes forces, sentant l'excitation se répandre dans mes veines comme un élixir grisant qui me faisait en vouloir plus, beaucoup plus. Il était sur la même longueur d'onde et je le sentais haleter et gronder dans ma bouche, partageant son souffle et mon envie pressante. Je commençai à me frotter contre son aine, lui faisant savoir mon envie, et je sentis son membre dur entrer en contact avec mon bassin. Je geignis bruyamment et me perdis dans le baiser, cherchant une dose supplémentaire des sensations folles qu'il me procurait.
Nous étions bien partis pour la suite - deux hommes excités, un canapé - et j'envisageais de m'échapper le temps de laisser tomber le bas lorsqu'un coup sourd résonna sur la porte et me fit sursauter. Lucius laissa échapper un grondement furieux mais il se redressa en me maintenant contre lui de manière possessive et aboya :
- Quoi??!
Un ricanement lui répondit et je me cachai les yeux en comprenant que c'était Saturnin derrière la porte.
- Nous avons du boulot alors remontez vos caleçons et décollez vos miches de là! Je n'ai pas que ça à foutre que vous attendre! révise des priorités, le Loup!
Lucius grogna de frustration à nouveau mais le moment était passé. Avec un soupir, je me décalai et retombai sur le cuir, bien moins confortable et sexy que mon fauteuil précédent. Ma queue formait une tente inconfortable dans mon pantalon et je sentais la sueur de mon excitation couler dans ma nuque.
- Qu'est-ce qu'il raconte? Qu'est-ce que tu dois faire avec lui?
Lucius avait les yeux rivés sur mon bas ventre et lorsqu'il se redressa, je remarquai ses pupilles entièrement dilatées. Il déglutit à plusieurs reprises en me regardant m'ajuster mais parvint à se focaliser à nouveau sur mes paroles. Un air de regret s'installa sur ses traits rugueux et il secoua la tête.
- Ton ami irritant a raison. J'ai beaucoup à faire. Saturnin a demandé une faveur à une de ses connaissances pour que le corps d'Alex soit préservé et nous devons lui amener sa dépouille. Puis je devrai partir au plus vite pour le ramener sur le territoire de ma meute. Sa famille a besoin de pouvoir l'enterrer.
Cette mention funèbre me fit débander d'un coup. Dans la chaleur du moment, j'avais mis de côté mes responsabilités mais moi aussi, j'avais beaucoup à faire. Je me raclai la gorge, étrangement nouée.
- Vous pensez partir quand?
Il soupira.
- Dès ce soir. Le sort ne tiendra pas des semaines et nous avons une longue route devant nous.
Ma déception du se lire sur mon visage car il me souleva le menton et riva ses yeux fervents dans les miens :
- Je reviendrai très vite. Zachary part avec nous afin de pouvoir évaluer précisément nos besoins en matériaux, outils et compétences pour exploiter la mine et il n'y a qu'à Portal que nous pourrons les trouver par la suite. Ce sera l'affaire de quelques semaines, au grand maximum.
- Ouais je comprends.
J'inspirai profondément, tachant de chasser la déception immature qui me tenaillait.
- Ta meute et ta famille sont là-bas, c'est normal. Je savais que tu ne pourrais pas rester.
Ses sourcils se froncèrent, lui donnant l'air d'un loup mal léché et il renâcla :
- Ma meute est là-bas mais toi tu es ici. Et ne croit pas que j'en ai terminé avec toi. Alors ne m'oublie pas, Haiko, parce que nous avons encore beaucoup de choses à nous dire. Et je n'ai même pas eu le temps de débuter ma très longue liste de choses à faire avec toi.
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