Chapitre 27

Mon cœur rata un battement dans ma poitrine tandis que nous dévisagions, tous plus incrédules les uns que les autres, la gamine aux yeux noyés. Elle se balança d'un pied sur l'autre avec hésitation puis répéta, un poil plus fort, plantant son regard implorant dans le mien :

- Je crois que j'ai trouvé Jordan. Je crois que je sais où il est.

Je me jetai sur elle, toute raison oubliée, et pressai mes mains sur ses épaules frêles. Elle vacilla sous l'impact et Léo fit un pas en avant en râlant de ma brusquerie. Je relâchai légèrement mon étreinte maladroite et il ne me dégagea pas manu militari, sans doute tout autant impatient que moi.

- Tu les as trouvé? Où ça? Comment?

Kristen leva son petit museau meurtri vers moi et le visage plein d'espoir, elle me délivra enfin l'information derrière je courrais depuis des jours, celle qui me manquait et me permettrait peut-être d'expier ma faute vis à vis de ma mère adoptive et de ses enfants.

- Ils sont dans un entrepôt en bordure de la ville, encore dans le territoire de Caïus. Je l'ai entendu parler d'une histoire de droit de passage avec ses hommes, il y a quelques jours, mais je n'ai pas compris au début. Mais après, j'ai réfléchi et je me suis renseignée et je sûre de les avoir trouvé.

- Bordel de merde!

Je me redressai d'un bond.

- Cet enfoiré de connard savait où les enfants étaient depuis le début?

- Je ne crois pas, j'ai eu l'impression que c'était nouveau. Mais il le sait maintenant.

Elle attrapa ma manche et tenta de me tirer vers la porte.

- J'ai l'adresse exacte, je peux vous y conduire. Nous devons aller chercher Jordan tout de suite!

Pris dans mon impatience et l'espoir fou qui me faisait vibrer, je l'aurai suivi jusqu'au bout du monde, ou de Portal d'ailleurs, sans réfléchir plus avant. Tu parles d'un stratège réfléchi ou d'un cambrioleur prudent! Mes pieds me démangeaient, mes poings tremblaient et je sentis ma magie dissimulée se mettre à flamboyer sous les émotions intenses qui me submergeaient, prête à l'action. Mais Lucius était resté lucide, lui, et avant que je ne me précipite vers la porte, il me retint, m'attira contre lui et posa sa patte ferme sur ma nuque afin de me tempérer. Il posa l'autre sur mon estomac, m'enlaçant contre sa poitrine, et me maintint avec un naturel déconcertant dans une posture qui, en d'autres circonstances, m'aurait fait hurler de rage. Mais dans mon état de fébrilité, ce soutien ferme était en fait le bienvenu. Il vint apaiser mon souffle précipité et m'aida à calmer le battement frénétique de mon pouls à mes oreilles, me permettant de me recentrer sur mon objectif et restaurant ma capacité de réflexion.

- Nous allons y aller, petite fille, mais nous devons en savoir plus. Nous ne devons pas faire n'importe quoi.

Convaincu de m'avoir calmé, il se tourna vers Léo qui planait toujours au dessus de la môme, le visage déformé d'inquiétude. Il lui demanda gentiment.

- Va chercher la trousse à pharmacie s'il te plait, et une serviette humide.

Comme le louveteau paraissait déchiré, il leva à demi un sourcil sévère et avec un gémissement sourd, Léo relâcha la petite des yeux et se précipita à l'étage, de toute la vitesse conférée par ses jambes dégingandées. Isabeau, inhabituellement adoucie, pris Kristen par la main et l'entraîna vers la cuisine. J'allais leur emboiter le pas mais Lucius me retint par le bras, le visage sérieux.

- Je déteste ne pas être en mesure de régler ce problème seul, bordel, mais si le Sidhe se cache derrière les enfants, les choses risquent de tourner à la boucherie. Je vais envoyer Alex chercher ton ami chat, il pourra nous servir de renfort. Penses-tu que nous devrions faire appel à Saturnin?

Je bloquai sur place, stupéfait à la fois par l'aveu improbable de Lucius que nous avions besoin d'aide et par le fait qu'il me demande mon opinion sur le sujet. Une vague d'étonnement, mais aussi de plaisir, déferla et je le dévisageai une bonne seconde, bouche bée et les yeux ronds, savourant la sensation inédite d'être consulté tel un partenaire et un homme compétent. Mais chassez le naturel et il revient au galop et constatant mon air niais et mon silence, Lucius souffla avec impatience avant de me dédier un rictus agacé :

- Haiko? Tu as perdu ta langue? Devons-nous appeler Saturnin?

Je me secouai en fronçant les sourcils et lui répondis, après un instant de réflexion.

- Ce serait bien, oui. Mais je te préviens, même s'il reste le mage le plus puissant que j'ai jamais côtoyé, avec une journée d'alcool dans le ventre il sera imprévisible.

Je me frottai la joue, pensif.

- Tu pense que nous devrions faire appel aux mages de New Francisco, aussi ?

Mon ton n'était guère convaincu, je l'avoue, et l'œillade incrédule que me retourna Lucius fut dans la même lignée.

- Hors de question ! Je n'ai pas la moindre confiance en ces connards! Ils seraient plus susceptibles d'aider les feys que de les combattre. Et même si un miracle se produisait, qu'il leur poussait une putain de morale et qu'ils décidaient de se porter au secours des enfants, jamais ils n'oseraient s'aliéner Sous-Colline. Non, je ne les considère pas un instant comme des alliés. Plutôt comme un mal inévitable et une épine dans mon cul.

Malgré la tension qui m'habitait, je ne pus réprimer un petit gloussement à cette vision soudaine d'un loup géant embêté par une écharde géante dans son postérieur velu. J'imaginais un Lucius furax, tentant, en vain, d'arracher le morceau de bois avec ses dents, courant derrière sa queue comme le faisait parfois Dracul. L'hilarité soudaine menaça de dégénérer en un rire hystérique, me laissant frissonnant et les mains moites, ma maitrise de moi en lambeau. Bordel, je partais dans tous les sens. Je ravalai difficilement mon amusement et tachai de retrouver mon sang-froid mais la réalisation de ce qui nous attendait me tomba alors dessus comme une enclume et sans transition aucune, l'angoisse m'envahit, dans un grand-huit désordonné et foutrement perturbant. Mon estomac se tordit et des frissons d'appréhension se mirent à remonter mon échine, accompagnés d'une sueur glaciale. Je m'adossai au mur de pierres froides pour me reprendre.

- Putain...

Le juron sortit étranglé et Lucius se rapprocha à nouveau de moi, inquiet.

- Merde. Ca va Haiko? Ca va aller, je te le jure. Nous allons les sortir de là.

- Je sais...

Je m'essuyai le front sur lequel des gouttes de sueur avaient perlé et attrapai sa main large, dans une tentative étrange de me calmer. Il se laissa attirer sans résister et j'abaissai la tête pour caler le haut de mon crâne contre sa poitrine massive en poussant un soupir.

- Merde, désolé de péter les plombs. Mais je flippe tellement... J'ai une peur bleue que les choses partent en couille. Que les enfants soient blessés, ou tués, durant l'affrontement.

Il passa son bras derrière mes épaules et m'enlaça, serein et plus fort que jamais.

- Nous allons tout faire pour éviter ça. Je me ferais un plaisir de déchiqueter cette bande d'enfoirés et de leur avaler le foie. Nous sommes des Loups, nous savons à quoi nous attendre et nous allons bouffer ces feys, je te le promets.

- Des Loups, une Panthère et moi, corrigeai-je sans me redresser, savourant la solidité de son torse contre mes cheveux ébouriffés.

- Des Loups, une Panthère et un mage, en effet, rit doucement Lucius en posant son menton sur le haut de ma tête. Un mage intriguant, avec des pouvoirs surprenants, mais fiable et compétent. Un mage loyal et aimant, qui protège sa famille. Un allié fort et un ami fidèle, que je suis heureux d'avoir rencontré et pour qui je suis reconnaissant d'avoir traîné mes pattes dans cette cité de l'enfer.

Je déglutis douloureusement devant ces mots si doux, une humidité suspecte venant mouiller le coin de mes yeux, et oscillai légèrement en avant pour plus de contact.

- Des métas et un mage, tu as raison. Et Lucius, moi aussi je suis content que vous soyez venu à Portal.

Je laissai un blanc et chuchotai encore plus bas :

- Je suis reconnaissant de t'avoir rencontré également.

Je le sentis sourire au dessus de ma tête et il me serra un peu plus fort, m'offrant avec douceur et générosité cet espace chaleureux et sûr où pour la première fois de mon existence, je pouvais me sentir en sécurité.


L'entrepôt qui d'après Kristen servait de base aux feys était situé à l'extrémité de la ville, dans une zone qui, si elle restait rattachée à la cité, était encore plus déshéritée que les pires quartiers du centre-ville. La nuit tombait doucement, dissimulant peu à peu les baraques lépreuses recouvertes de kudzu, les hangars branlants et les bidonvilles sordides qui parsemaient les lieux. Nous suivions un chemin tortueux de béton rongé, de terre boueuse et d'ornières remplies de ronces, cherchant, en vain, à rester discrets. Les lieux étaient loin d'être déserts. Des familles entières étaient regroupées autour de braseros fumants ou de cabanes de récupération et la faune des plus pauvres hères de la Frontière nous dévisageait avec méfiance. Certains, aux allures d'hommes de main, avaient tenté une reconnaissance en notre direction mais Lucius et ses hommes les en avaient proprement dissuadés, d'un grondement d'avertissement limpide. De loin en loin, une silhouette fine et juvénile disparaissait derrière les carcasses de voiture en cours de désossement ou des palissades défoncées à notre approche, ou nous regardait avancer derrière de grands cils recouverts d'eye-liner épais, et je grinçai des dents en reconnaissant leur allure dénudée caractéristique.

- Putain de Caïus. Il fait bosser ses filles ici.

Kristen, qui avançait encadrée de Léo et Isabeau, me dévisagea avec circonspection et hocha la tête.

- Il y a beaucoup de nouveaux venus dans le coin. Des nouveaux arrivants à Portal, des gens qui se cachent, qui ne peuvent pas retourner au centre. Beaucoup de demandes et peu de concurrence. Les conditions de travail sont... difficiles. Plus dangereuses que dans la ville. Caïus nous envoit ici lorsqu'il veut nous punir de quelque chose.

Je lui souris avec le plus de gentillesse et de compréhension possible, même si ses grands yeux de biche effarouchée et blessée me serraient le cœur.

- C'est comme ça que tu as trouvé le bon entrepôt?

- Oui. J'ai entendu Caïus en parler à ses hommes alors j'ai fait passer le mot, comme vous me l'aviez demandé. Je savais que les feys étaient par ici mais je ne savais pas où exactement, jusqu'à ce qu'une fille qui bosse dans le coin me prévienne.

Elle baissa le menton.

- Elle a déjà... travaillé pour d'autres feys et elle sait comment les reconnaître. Elle avait très peur de parler mais elle les déteste, donc...

Elle haussa une épaule fine.

- Elle m'a prévenu et je suis venue moi-même vérifier pour être certaine. Je n'ai pas vu Jordan mais j'ai vu les feys que vous cherchez.

- C'est comme ça que tu as récolté ces bleus? En venant reconnaître les lieux? intervint Lucius. Ou bien Caïus t'a surpris à l'espionner?

La gamine secoua la tête, cachant son visage sous ses longs cheveux filasses.

- Non, c'était après. J'ai attendu de pouvoir m'échapper pour venir vous prévenir mais l'un de ses gardes m'a intercepté. Je lui ai raconté que je devais voir un client mais il ne m'a pas cru. Ou alors, il m'a frappé juste par plaisir, je ne sais pas.

Elle renifla avec résignation.

- S'ils m'avaient surpris à les écouter, ils m'auraient tué, pas seulement frappé.

J'échangeai un regard écœuré avec l'alpha. A coté de la petite, Léo serrait tellement les lèvres qu'elles en paraissaient blanches et ses poings étaient secoués de spasmes. Pas besoin de pouvoirs mentaux pour comprendre qu'il ne rêvait plus que de péter la gueule au chef de gang et à ses sbires. Je n'avais pas les moyens de racheter la gamine, une fois que j'aurai payé la dette de Jordan, mais à cet instant, je me fis la promesse de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour la sortir de l'enfer dans lequel elle survivait. Et à la saillie de sa mâchoire et son regard déterminé, j'étais sur et certain que la meute de Lucius m'y aiderait.

Nous nous regroupâmes en silence à quelques centaines de mètres des lieux que Kristen avait identifié pour nous, dans l'attente de Jonas et Saturnin qu'Alex était parti chercher. Un bosquet imposant de liquidambar nous protégeait des regards et en remarquant les feuilles rougeâtres plus larges que ma main, je songeai furtivement que là aussi la magie avait fait office d'engrais. Les bruits lointains de Portal arrivaient jusqu'à nous et, plus proches, les rires, pleurs et cris des habitants abandonnés de ce faubourg déshérité. La lune montait doucement et je faisais les cent pas, trépignant d'être aussi proche de notre objectif et faisant l'inventaire de mes maigres forces. Il n'y avait aucune chance que les feys se soient équipés de protections techs que j'aurais pu pirater mais j'avais ramassé au fond de ma poche les quelques billes de plombs que j'avais conservé, à tout hasard, et je m'étais muni de mes grappins et équipement d'escalade. Je me sentais néanmoins un peu désemparé. Moi qui était un fanatique de la planification dans le cadre de mes activités professionnelles, avancer à l'aveugle me décontenançait. L'air humide sentait la fumée, la viande grillée et l'automne et je frissonnai de froid malgré mon anticipation. Je coulai un regard compatissant à notre guide, clairement pas assez vêtue, mais Léo l'avait pelotonné contre lui et au vu de la chaleur corporelle propres aux métas, elle devait être bien. Il semblait l'avoir pris sous son aile, à la manière d'un grand frère inquiet, et je songeai que la séparation allait être difficile pour le jeune Loup. Cette pensée soudaine me troubla car même si ça me faisait chier de me l'avouer, je m'étais moi aussi pris d'affection pour le méta à la naïveté attachante et l'affection débordante. La réalisation subite que son départ était proche, qu'il allait bientôt suivre son chef de meute et retourner dans les Terres blanches, me serra un peu le cœur. Et c'était sans commune mesure avec ce que je ressentais vis-à-vis de Lucius repartant lui aussi dans les Terres Blanche.

Au prix d'un vif effort, j'écartai délibérément cette perspective douloureuse de mon esprit. Je n'avais pas le luxe de songer au départ de l'alpha et à la réalité que moi, j'allais rester. A la perspective que notre rencontre et notre amitié, si c'était ce dont il s'agissait, était vouée à péricliter. Je devais à tout prix rester concentré sur mon objectif, ma mission : libérer les enfants des griffes de ceux qui les retenaient et leur rendre, ainsi qu'à Maniko et mes sœurs, la vie qu'ils méritaient.

Les fourrés hirsutes et pleins de piquants bruissèrent soudain et je sursautai violemment, m'attirant des œillades surprises ainsi qu'un reniflement désapprobateur d'Isabeau. Pris dans mes songes, je n'avais même pas perçu les auras de nos renforts en train d'arriver, alors que les Loups les avaient probablement flairé et entendu depuis de longues minutes. Je m'admonestai de ma distraction et me redressai sur mes pieds, prêt à partir à l'assaut. A travers l'obscurité qui nous avait enveloppé, je distinguai à peine le sourire carnassier que me décerna Jonas lorsqu'il s'avança vers moi pour le donner une accolade féroce. En revanche, mon nez sensible n'eut aucun mal à percevoir l'épais nuage de d'alcool qui, tout autant que son aura flamboyante, enveloppait Saturnin. Le vieux mage traînait des pieds sur le chemin de terre et semblait avoir bien avancé dans son entreprise quotidienne d'autodestruction. Je soufflai, désappointé sans être surpris, et me portai à sa rencontre tandis qu'il trébuchait sur le sol inégal et glissant. Il avait plu durant la matinée et le sol gorgé d'eau mettait à rude épreuve les capacités d'équilibre du mage éméché. Isabeau suintait littéralement de désapprobation et de dégoût devant le spectacle pitoyable qu'il offrait et elle émit un bruit de gorge écœuré. Mais étonnamment, Lucius paraissait plus compatissant qu'agacé. Peut-être qu'en tant que survivant de la Guerre des Sept, l'alpha comprenait-il mieux que quiconque les dommages avec lesquels mon vieil ami s'en était tiré. Il se contenta de le jauger avec neutralité et demanda, d'un timbre posé :

- Es-tu en mesure de te battre, vieil homme ?

Saturnin ne réagit pas tout suite et se lança d'abord dans une longue série d'expectorations et de raclements de gorge gras, lesquels finirent dans un crachat épais qui atterrit au pied de la belle brune. Elle recula d'un bond dans un couinement sonore d'horreur et d'indignation et se mit à vociférer d'un timbre haut perché, paraissant à deux doigts de lui bondir dessus pour venger cet affront. Je retins un ricanement déplacé et perçus distinctement le soupir blasé de Jonas. Tout comme moi, mon ami avait une longue habitude des mauvaises manières et des provocations du mage et tout comme moi, il les laissait pisser. Du fin fond de son ébriété manifeste, Saturnin semblait savourer l'attention générale et d'une main sale et tremblante, il farfouilla dans sa robe élimée, extirpa une fiole et y but à grandes gorgée. Les remugles de tord-boyaux éventé me firent éternuer et je ne pouvais qu'imaginer le supplice qu'ils représentaient pour les métas aux odorats surdéveloppés. Mais Lucius restait serein. Il attendit patiemment que le vieil homme eut terminé d'avaler son poison et lui redemanda, calmement :

- Nous allons monter à l'assaut. Peux-tu nous y aider?

Saturnin rangea sa bouteille et releva le menton. D'une voix restée claire, malgré l'ivresse, il répondit, dans un aveu de lucidité qui me serra le cœur tellement il révélait celui que Saturnin avait été :

- Je ne vous serai d'aucune utilité au combat. Je serais ravi de vous aider à étriper ces enfoirés de résidus de Sous-Colline mais c'est un coup à vous balancer des sorts au lieu de viser ces enculés.

Lucius hocha la tête sans paraitre étonné mais Saturnin renifla bruyamment et compléta d'un ton trainant, tout en secouant ses longues dreads:

- En revanche, je peux vous offrir une diversion sacrément bruyante et couvrir votre approche. Je n'étais pas mauvais en sorts de dissimulation, dans mon vieux temps.

- Ca me convient très bien.

Lucius releva sa lèvre supérieure pour découvrir des dents blanches, luisantes à la lueur de l'astre nocturne.

- Aide-nous à prendre ces enfoirés par surprise et concernant la partie étripage, je te garantie que nous allons assurer.


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