Chapitre 1

Mon pied glissa légèrement sur une tuile en ardoise humide et je laissai échapper un juron particulièrement obscène, qui m'aurait valu une sévère réprimande de la part de Namiko si elle l'avait entendu. J'étais certainement maudit. Il avait fait beau sans interruption depuis près d'un mois, nous offrant un été indien radieux, et à la seconde où je tentais d'escalader un toit la pluie débarquait en force. Elle dégoulinait dans mon cou et collait mon sweat à capuche contre mon torse, compromettant mes chances de succès et pourrissant ma soirée de manière générale.

Je rétablis mon équilibre avec prudence, extrapolant intérieurement sur la probabilité qu'un mage ayant des affinités avec la météo ne dépense de sa magie pour me compliquer la vie et arrivai finalement à la conclusion que j'avais juste la poisse. L'histoire de ma vie, en quelque sorte.

Je continuai à avancer sur le toit devenu aussi glissant qu'une flaque de d'huile de vidange avant de rejoindre le point d'observation entre deux cheminées, derrière lesquelles je pourrais rester invisible, et qui m'offrait une vue parfaite sur la maison de ma prochaine cible. D'après les informations que j'avais glanées en trainant discrètement dans le quartier les jours précédents, le propriétaire sortait immanquablement le jeudi soir pour aller se faire plumer à une table de poker d'un des bouges de Zelda Street, en limite de Muck Square. L'expérience, et quelques situations délicates, m'avaient toutefois appris que mieux valait m'assurer de ce type d'infos avant de risquer de tomber nez à nez avec un propriétaire furieux et trop souvent armé, aussi je tenais à constater son départ de mes propres yeux. Cette fois-ci, mon travail préalable avait payé et il était à peine vingt-deux heures lorsque la porte bardée de métal s'entrouvrit pour laisser passer l'homme rondouillard, dont le complet sombre et classique trahissait l'origine tech. Les natifs de Portal et les transfuges des Territoires Magiques étaient généralement un peu plus excentriques dans leurs choix vestimentaires, privilégiant selon les cas des tissus chamarrés, révélateurs de leur influence ou leur position privilégiée, le cuir brut et la fourrure ou, à l'inverse, empilant diverses couches de vêtements récupérés dans les fripes, sans se soucier le moins du monde de style ou de coordination.

Son statut de nouvel arrivant dans les territoires frontaliers était précisément ce qui m'avait fait élire cet homme comme ma prochaine victime. Les aventuriers et commerçants techs qui s'aventuraient à Portal amenaient avec eux tout un tas de gadgets sympas, faciles à revendre au marché noir et qui valaient largement le détour. Mais surtout, ils étaient infiniment moins dangereux pour l'honnête voleur que j'étais qu'une bonne partie des habitants de la ville. Seul un fou s'aventurerait en effet à cambrioler la demeure d'un fey ou d'un mage. Entre le risque d'être pris au piège d'un système de sécurité magique super élaboré, celui de se retrouver trainé de force à Sous-Coline, d'être transformé en rongeur ou maudit sur huit génération, le jeu n'en valait pas la chandelle. Les métas étaient en théorie des proies plus abordables, à condition de ne pas laisser sur leur territoire la moindre odeur susceptible de trahir mon identité. Il était en effet de notoriété publique qu'aussi bien les Loups que les Félins étaient pourvus d'autant d'odorat que de rancune, et mieux valait éviter de se désigner volontaire pour leur servir de prochain casse-croute. Non, mes cibles favorites restaient avant tout les humains, en particulier les nouveaux arrivants qui bien souvent ignoraient les règles de base de la protection d'une demeure en territoire mixte techno-magique.

Après avoir patienté assez longtemps pour m'être assuré que le propriétaire avait bien déserté les lieux, et qu'il ne reviendrait pas récupérer un portefeuille ou un parapluie oublié, je me laissai glisser doucement le long du mur dans l'étroite ruelle qui séparait les deux maisons, jusqu'à atteindre le petit soupirail renforcé de barreaux de métal que j'avais élu comme mon accès de la soirée. Je pris quelques minutes pour étudier soigneusement le système de sécurité qui en barrait l'accès. Comme je l'avais espéré, l'humain qui vivait là avait gardé sa vieille habitude de privilégier la tech à la magie, choix assez peu avisé dans les territoires frontaliers. Les entreprises de technomagie proposaient de bien meilleurs dispositifs de protection que celui que j'avais sous les yeux, puisque leurs équipes constituées de mages et d'électroniciens réussissaient à dépasser l'incompatibilité fondamentale entre technologie et magie. Ils parvenaient à combiner les deux systèmes qui, s'ils restaient totalement séparés, sous peine de ne pouvoir fonctionner, se protégeaient l'un l'autre de manière complexe et rendaient toute désactivation particulièrement difficile. Mais rien d'aussi sophistiqué ici. Une barrière magique recouvrait bien l'ouverture, mais elle était de mauvaise qualité, un sort localisé bon marché plutôt qu'une protection globale de la maisonnée qui aurait rendu ma tentative d'effraction beaucoup plus compliquée. Mes capacités de clairvoyant étaient mon principal atout dans ce type de situation. Il ne me fallut que quelques secondes pour visualiser les fils magiques d'un bleu translucide qui me bloquaient le passage et les suivre jusqu'à leur source, une des pierres de la façade qui avait été évidée pour y dissimuler l'amulette ou l'objet réceptacle du sort de protection. C'était là le niveau minimal de barrière magique, un jeu d'enfant quand on disposait d'un don comme le mien, d'un ciseau de métal, d'un burin, ainsi que d'un sac de sel que je saupoudrai allègrement sur le petit éclat de quartz rose qui servait de focus magique, le rendant inutile en quelques minutes. Mes vêtements foncés me rendaient quasi invisible dans la ruelle humide et sombre mais de toute façon, je ne craignais guère d'être aperçu par d'éventuels passants ou voisins. Le quartier n'était pas assez huppé pour être sous la protection des gardes du Conseil des Guildes, et la règle numéro une pour survivre à Portal était "tu ne te mêleras point des affaires de ton voisin". Il y avait donc de grandes chances pour que quiconque m'ayant aperçu détourne rapidement les yeux, sans chercher les ennuis plus avant. Le système de sécurité électronique était un peu plus élaboré, ce qui était typique pour une maison occupée par un ancien habitant des territoires techs. Néanmoins, j'en avais désactivé de bien pire et il ne me fallut que quelques minutes pour que le boitier recouvert de plomb qui protégeait la fenêtre ne rende l'âme, me laissant libre accès aux barreaux métalliques que je m'employai à découper soigneusement avec la petite scie tirée de mon sac à dos. J'avais pour habitude de chronométrer mes performances puisqu'un bon timing était essentiel à ce type d'opération et trente minutes après le début de mon assaut, j'étais enfin en train de me faufiler à travers l'encadrement désormais dépourvu de toute protection.

La maison était petite mais agréable, une des plus anciennes du quartier, mélange de murs de pierres et de bois chaleureux, mais je n'étais pas là pour admirer la décoration d'intérieur. Un tour rapide du salon et des deux chambres me permit de faire main basse sur un assortiment réjouissant d'objets technologiques, tablette numérique, lecteur de musique, appareil photo, tous soigneusement gainés dans leurs étuis de protections doublés de plomb, contre les dégradations magiques. Mon receleur allait être ravi, et mon portefeuille aussi. Ces appareils se revendaient vite et bien et allaient faire des heureux dans les quartiers populaires où ils allaient rapidement trouver preneur. Je rajoutai également dans mon sac à dos quelques bibelots que j'estimais susceptibles de plaire à Asos, mon commanditaire fey, préteur sur gage et receleur, ainsi que les rares bijoux sur lesquels je tombais en explorant soigneusement les tiroirs de la chambre et de la salle de bain. Mais c'est finalement dans le bureau que je trouvai, dans un petit coffre en céramique, le jackpot que j'avais espéré en sélectionnant cette maison. Une bonne quinzaine de feuilles de plomb, soigneusement empilées et protégées dans du tissu doux, une vraie mine d'or pour n'importe quel habitant de la Frontière.

Si l'or, excellent conducteur magique, l'argent, moyen de défense privilégié contre les métas, et le fer, garantie de protection contre les feys, avaient vu leur valeur exploser après la guerre des Sept, tout comme la plupart des autres métaux dont les cours étaient tellement hauts que la moindre bague en toc pouvait se révéler une excellente prise, c'est le plomb qui était devenu indispensable à la vie dans les territoires mixtes. En effet, si un enseignement avait été retenu de la guerre et des centaines d'années qui avaient précédé cette dernière, c'était bien la totale incompatibilité entre technologie et magie. Cette dernière attaquait les systèmes électroniques et électriques avec persistance, rouillant le métal et érodant les fils, provoquant une corrosion rapide et dégradant tout système plus élaboré que la machine à vapeur ou le métier à tisser. Et à l'inverse, en présence de trop de technologie, la magie s'appauvrissait, rendant le moindre sort difficile, voire impossible à réaliser, faisant souffrir les feys et les créatures magiques et empêchant les métamorphes de se transformer en les conduisant lentement mais surement à la mort. A la Frontière, comme dans toutes les zones mixtes, c'était l'usage du plomb qui avait permis de faire cohabiter les effluves persistants des Territoires Magiques avec les appareils techs dont étaient friands les humain. Métal inerte par essence, facile à modeler, il s'était révélé le meilleur isolant possible, protégeant les appareils électroniques de la dégradation magique et les empêchant, à l'inverse, de contaminer l'atmosphère chargée de magie qui régnait en ville. Le plomb, une fois modelé et recouvert de résine, était ainsi devenu la panacée de cette ville en équilibre précaire où machines et créatures coexistaient plus ou moins en paix.

Il ne me fallut que quelques minutes supplémentaires pour évacuer les lieux, assuré de n'avoir laissé aucune empreinte ou résidu susceptible d'être utilisé pour me retrouver. De toute façon, en l'absence d'une véritable force de police en ville, seuls les mercos auraient pu être engagés pour mettre la main sur moi et au vu de leurs tarifs habituels, je ne retenais pas mon souffle en attendant.

Je m'éloignai tranquillement dans les rues étroites dont les pavées devenaient de plus en plus défoncés au fur et à mesure que je rejoignais les quartiers populaire où se trouvait mon appart. Les maisons individuelles de pierre ou de bois, parfois agrémentées de porches à colonnades à la mode sudiste et festonnées de vigne vierge, vestiges de l'Avant, laissaient place aux immeubles en béton bas de l'après-guerre, aux fenêtres rares et étroites et aux portes blindées de métal dont le choix de l'alliage dépendait de leurs habitants, et de qui ils craignaient le plus. La ville était la plus étendue de ce côté-ci de la Frontière, près de cent mille habitants, ce qui, dans le monde d'après et en dehors des territoires tech, en faisait une vraie mégapole. On pouvait nettement distinguer la démarcation entre le vieux centre, que les effluves magiques avaient tendance à épargner, et les quartiers périphériques et populaires qui malgré leur construction récente, accusaient déjà une certaine décrépitude.

Portal n'était rien Avant, à peine une minuscule bourgade rurale de Caroline du Nord, d'un millier d'habitants plus ou moins tout apparentés. Un petit bastion de la Bible Belt perdu au milieu des champs de tabac. Mais comme dans le reste du monde, tout y avait changé lorsque que la Guerre des Sept avait éclaté, vingt ans plus tôt. 

L'origine de l'appellation du conflit était débattue entre ceux qui aimaient perdre du temps sur ce genre de sujet abscons, ce qui n'était pas mon cas. Le courant majoritaire s'entendait sur la thèse que ce nom provenait du fait que les mages qui s'étaient sacrifiés pour déclencher la bombe magique au beau milieu d'un sommet international sur le climat à New York, causant plusieurs milliers de morts, dont la majorités des dirigeants occidentaux, et détruisant toute technologie dans le nord-est des Etats Unis, avaient été sept. D'autres soutenaient que c'était plutôt parce que le conflit avait duré sept mois. A peine vingt-huit semaines durant lesquelles les peuples magiques, cachés de tous depuis des siècles et agonisants dans ce monde de technologie effrénée, s'étaient alliés pour la première fois de leur histoire et dressés avec l'énergie du désespoir contre l'humanité et sa destruction systématique et inéluctable de la planète Terre. D'autres, enfin, suggéraient que le sept faisait référence au nombre de victimes du conflit, puisque les estimations les plus pessimistes faisaient état de plusieurs milliards de mort avant la partition des terres et la fin des affrontements. Je n'avais pas d'avis sur la question. J'étais né après la fin de la guerre et comme la majorité des gamins de l'Après, j'étais plus intéressé par la manière de survivre dans ce nouveau monde que par le décryptage de symbolismes. Quoi qu'il en soit, le conflit avait été bref et incroyablement destructeur. Il avait d'abord semblé tourner en faveur des populations magiques, armées de bombes anti-techs, capables de déclencher des tempêtes magiques à la violence inouïe et d'invoquer des armées de monstres, mais les armées humaines avaient répliqué à coup de missiles nucléaires et de frappes aveugles, conduisant à une escalade effroyable de violence et de destruction mutuelle. Après que la grande majorité de la population civile, humaine comme magique, ait été exterminée, les deux camps avaient finalement abouti au constat qu'un compromis était indispensable pour éviter l'annihilation réciproque. Pays par pays, état par état, le monde s'était alors divisé en deux, entre Territoires Magiques et pays dédiés à la tech. Des frontières avaient été tracées, évitant soigneusement les zones irradiées ou détruites par le conflit, divisant pays, régions et continents, et la plus grande migration de l'histoire de l'humanité avait été organisée, chaque être conscient invité à choisir son camp et à rejoindre une fois pour toute le coté de la Frontière lui correspondant. Certains états avaient entièrement basculé du côté magique, en général ceux où les traditions et les peuples féériques étaient bien implantés tels que l'Irlande, la Finlande, l'Islande, ainsi que ceux où le mode de vie tech était resté marginal, comme la majorité des pays d'Afrique sub saharienne. L'Australie avait été vidée en quelques semaines à peine de ses descendants d'immigrés, repoussés violement vers l'océan par les esprits aborigènes gonflés de rage et du jour au lendemain, la forêt amazonienne avait avalé le Brésil tout entier, ne laissant debout que quelques villages côtiers habités de populations autochtones. A l'inverse, l'Angleterre, l'Allemagne, la Norvège, le Canada étaient devenus des bastions techs et les rares créatures magiques qui y avaient subsisté avaient dû choisir entre partir ou périr. Certains pays, minoritaires, avaient néanmoins réussi à s'accorder sur un mode de vie mixte, fragile équilibre garanti par une diminution de l'emprise technologique et un compromis permanent entre populations humaines et magiques. C'était ainsi le cas de la France, l'Afrique du Sud ou plus étonnamment, du Japon, où la cohabitation bien que délicate tenait pourtant le coup depuis près de vingt ans. Les plus grands états avaient généralement éclaté et été redessinés entièrement, comme la Russie où la partie européenne était restée tech alors que la Sibérie et la zone orientale étaient devenues un immense royaume métamorphe gouverné par les meutes. 

Cela avait également été le cas des Etats-Unis, point de départ de la guerre et théâtre des affrontements les plus meurtriers. La frontière entre territoires techs et zones magiques y serpentait ainsi sans se soucier des anciens découpages par états, créant détours et enclaves, chaque kilomètre et chaque bourgade ayant été le sujet de conflits acharnés et de négociations féroces. La zone fortement peuplée du Nord-Est, entre New-York et les Grands-Lacs, était restée tech, tout comme les territoires Sud entre Los Angeles et Houston, à l'exception des zones sacrées du Nouveau Mexique revendiquées par les feys. En revanche, une fois la Silicon Valley détruite par la guerre, San Francisco avait basculé, devenant le bastion des mages et la capitale d'un grand espace magique. Les chamans amérindiens avaient conduit les peuples autochtones d'Amérique dans une zone immense, reflet de leurs anciens terrains de chasse et comprenant une partie des anciens états du Midwest, entre le Montana à l'ouest et l'Oklahoma au sud. Les feys avaient également revendiqués la zone autour de Portland et jusqu'à Yellowstone ainsi que plusieurs enclaves en Floride et en Louisiane, dont la terre gorgée de magie avait été partagée avec les mages. Les métas avaient, quant à eux, fondé leurs meutes dans les états sudistes du sud des Appalaches aux Mont Ozarks, et partageaient certains terrains de chasse comme le Kansas avec les populations natives.

Une fois passée l'exode de populations affamées et traumatisées par l'écroulement de la civilisation qu'elles connaissaient, et après des semaines de conflit, les frontières s'étaient figées, laissant un nouveau continent divisé en deux clans irréconciliables. Toute technologie était bannie des territoires contrôlés par les peuples magiques tout comme le moindre signe de capacité surnaturelle était traqué et détruit dans les zones majoritairement humaines. Entre chaque bastion, la Frontière, no mans-land de plusieurs kilomètres de large, était censée faire tampon entre les ennemis, empêcher les effluves magiques d'atteindre les villes techs ainsi que la contamination tech de polluer les terres magiques. Mais peu auraient pu prédire que ces zones, d'abord abandonnées, deviendraient en quelques années à peine le refuge de milliers de personnes, humains comme métas, mages ou feys. C'est comme cela que Portal avait doucement grandi au cours des dernières décennies, trou noir accueillant aussi bien humains néo-hippies incapables de trouver le bonheur dans la mer de béton des villes dévouées au culte de la tech que vétérans traumatisés refusant de vivre en meutes, feys accros aux humains et peu disposés à faire leur vie à Sous-Colline, trafiquants de métaux cherchant à fuir le contrôle administratif des zones humaines et mages de second ordre à la recherche de débouchés. De plus, les bombes magiques déployées pendant la guerre avaient révélé des pouvoirs latents chez une multitude d'humains, héritage lointain d'ancêtres mages ou fey, à la puissance souvent limitée mais largement suffisante pour les rendre personae non grata dans les communautés techs, et qui trouvaient alors refuge dans la Frontière. A l'inverse, beaucoup d'humains sans pouvoirs ne parvenaient pas non plus à trouver leur place sur les terres administrées par les métas ou les mages, sans souhaiter pour autant rejoindre les cités techs et, peu à peu, tous les réprouvés s'étaient entassés dans cette étroite bandes de terre coincée entre magie et technologie. Ils avaient donné ainsi naissance à Portal, plus grande cité mixte de ce côté de l'Atlantique.

J'adorais Portal. J'adorais ses rues étroites et tentaculaires, j'adorais le melting-pot de peuples, cultures, races, magies et technologies, qui s'était bâti sur les ruines de l'ancienne ville et de l'ancien monde. J'aimais son désordre, son anonymat, son absence de gouvernement, sa loi du plus fort. J'aimais voir les volutes de magie flotter dans l'air comme le plus léger des brouillards tout comme j'adorais avoir de l'électricité et l'eau courante. J'avais trouvé ma place ici, tout comme les centaines de laissés pour compte qui débarquaient chaque semaine dans l'espoir d'une vie meilleure, et qui, s'ils n'étaient pas broyés les premiers jours par l'absence totale de pitié ou d'indulgence qui régnait ici, parvenaient à se creuser un trou dans la fange des bas quartiers de la ville, une petite niche écologique où prospérer en toute indifférence et, surtout, en parfaite liberté.

Je baillais en montant les escaliers abrupts qui menaient à mon appartement, petite boite d'une seule pièce lourdement protégée située en haut d'un grand immeuble vieux d'une dizaine d'année, dont les fissures et la corrosion laissaient déjà paraitre les attaques permanentes de la magie sur le béton. Les cambriolages faisaient monter chez moi l'adrénaline, sensation d'énergie contenue dont je me débarrassais en finissant dans un bar quelconque, où je trouvais facilement un verre à boire et un mec à baiser et ce soir ne faisait pas exception. Mais après réflexion, j'avais eu la flemme. Il était déjà près d'une heure du matin, les feuilles de plomb et les gadgets que j'avais piqué pesaient lourds dans mon sac de toile, et dormir paraissait finalement une option assez raisonnable.

J'activai les protections magiques et techs de ma piaule et me dessapai rapidement, jetant mon pull à capuche sombre et mon jean noir dans le coin de la pièce où s'entassait déjà un tas de linge sale des jours précédents. Une session lessive n'allait pas tarder à s'imposer. Je me saisis d'une canette de bière blonde dans mon frigo miniature que je descendis d'une traite avant de me laisser tomber sur la couette froissée. La soirée avait été bonne, ce n'était pas toutes les nuits que je me faisais un butin pareil. Et alors que j'attendais que le sommeil me prenne, je composai mentalement ma journée du lendemain, programmant mes futures négociations avec ce sale rat d'Asos.

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