Chapitre 7 - Tournoi, entraînement et fausse naissance

Quand Ellie rentra chez elle, elle ne prit pas la peine d'aller voir comment se déroulaient les festivités. Elle atterri directement sur le balcon de sa chambre et s'enferma dans celle-ci. A l'heure actuelle, le plus important était de trouver comment se faire reconnaître pas le roi et les hauts dignitaires de Solum.

Comme elle le pensait, ses parents vinrent toquer à sa porte peu après la fin du festival.

— Ellie ? Tu es là ? Tu vas bien ?

La voix de sa mère était inquiète et ça lui fit mal. Ellie ne pouvait pas laisser ses parents découvrir ce qu'elle faisait mais elle ne pouvait pas non plus leur faire croire qu'elle broyait du noir. Ce n'était pas le cas, grâce à Fenrir. Elle eut à peine le temps d'ouvrir la porte que Lila la serait déjà dans ses bras.

— Je vais bien maman mais tu m'étouffes.

Bien loin de la lâcher, elle resserra un peu plus son emprise sur sa fille.

— On a eu tellement peur ma puce. Tellement...

Peur de quoi ? Sans doute qu'elle tombe dans la dépression ou qu'elle se soit enfuie. Ce qu'elle aurait pu faire au final. Ellie n'avait pas pensé une seconde à ses parents en s'enfuyant mais jamais elle n'avait voulu leur faire de mal. Malheureusement, elle jouait beaucoup trop dans cette histoire pour se permettre de s'arrêter à cause de ça.

Iliakó s'ajouta ensuite, entourant sa femme et sa fille de ses bras puissants.

— Ça faisait longtemps qu'on avait pas fait un câlin groupé, dit Ellie en riant.

Et ça lui avait horriblement manqué. En grandissant, bien qu'elle avait toujours été très proche d'eux, elle avait fini par s'éloigner un peu de ses parents mais ils étaient toujours là pour elle et ça lui réchauffait le cœur.

Son père s'écarta, ensuite, mettant fin au câlin collectif. Il avait l'air... Triste.

— Je suis désolé Ellie... Je voulais t'en parler mais...

Tous trois savaient parfaitement de quoi il parlait.

— Je savais déjà. J'avais demandé à Lambsi de faire des recherches pour moi.

La fée blonde releva la tête d'un coup. Il ne s'attendait clairement pas à cette réponse.

— Mais ce n'est pas pour ça que j'ai apprécié de me faire rabaisser en public. Je ne porte pas ce Ronan dans mon cœur, peu importe que ton choix ce soit porté sur lui.

Elle n'aimait pas rendre ses parents tristes mais c'était la vérité. Et encore, ça n'avait rien avoir avec la colère et la frustration qui l'avaient envahi plus tôt.

Ce soir-là, Iliakó et Lila firent de leur mieux pour sourire comme à leur habitude mais ils étaient clairement mal à l'aise. Ils n'avaient pas l'habitude de ce genre de situation.

— Je lui parlerai ! Il s'excusera auprès de toi ! On ne parle pas à ma fille de cette façon.

— Ça ne servira à rien sinon lui faire savoir que son manège m'a affecté. Ne t'en fais pas papa, je lui parlerai moi-même.

Une fois qu'elle l'aurait humilié publiquement à son tour et sur son propre terrain.

Deux jours plus tard, elle toquait frénétiquement à la cabane de Fenrir. C'est Fatzìs qui lui ouvrit.

— Mademoiselle Héliris ? Monseigneur ne vous attendait pas de si bonne heure.

— Je sais, je suis désolée d'être venue sans prévenir. Fenrir est là ?

— Tu voulais me voir ?

La profonde voix masculine qui se fit entendre dernière le litard fit reculer celui-ci. Fenrir s'avança vers elle et lui fit signe d'entrer.

C'était la seconde fois qu'elle entrait dans la cabane. La première, elle n'était même pas consciente. Par contre, pourquoi un Prince vivait-il le plus clair de son temps dans ce qui ressemblait à une cabane de chasseur, elle n'en avait pas la moindre idée et elle n'était pas idiote : Si Fenrir avait voulu le lui dire, il l'aurait déjà fait. Mais ce n'était pas la raison de sa présence aujourd'hui.

Fatzìs referma la porte pendant que son maître s'appuyait contre la table qui représentait le seul meuble de la pièce.

— Alors, qu'as-tu à me dire de si urgent ? Tu as trouvé une idée ?

— On va dire que Diane m'a aidé à trouver l'idée mais en gros oui, j'ai eu une illumination.

Si la princesse n'avait pas fait référence au second événement qui fatiguait tant le père de la fée aux ailes d'or, elle l'aurait sans doute oublié. Pourtant, cet événement était la clef qui ouvrait la porte de sa vengeance.

— En un mot, tournoi.

Redevenu comme à son habitude, Fenrir n'exprimait pas ses émotions et Ellie était incapable de savoir ce qu'il pensait.

— Tournoi ? Tu veux parler du tournoi du jour et de la nuit ?

— Absolument.

Ce tournoi avait été créé après la guerre ayant opposé les deux territoires. Il avait pour but de rassembler les habitants des deux royaumes dans le territoire neutre et d'opposer des combattants, mettant ainsi à nu la puissance militaire des deux partis. Les rois de l'époque pensaient que cela diminuerait les risques de conflits et, jusqu'à présent, ça avait marché.

— Mais je croyais, qu'à Solum, les femelles ne pouvaient pas participer ?

— Oui, c'est le cas. C'est là que vont intervenir Lambsi et Diane.

C'était risqué mais quand elle avait parlé de son idée aux princesses, elles avaient immédiatement accepté. Il faut croire que Ronan avait réussi à se faire détester de deux personnes supplémentaires.

L'idée était simple : Lambsi s'arrangerait pour l'inscrire sous une fausse identité et, avec sa sœur, elle n'auraient plus qu'à passer à un relooking complet.

— Tu ne penses pas que tes parents pourraient te reconnaître même si tu te déguises ?

— Ne t'en fais pas pour ça. Même s'ils me reconnaissent, ils ne diront rien.

De moins, elle l'espérait.

— Très bien mais il reste un soucis.

Ellie savait très bien ce qu'il allait dire et trouva même son hésitation mignonne.

— Sans vouloir te vexer, tu ne t'es jamais entraînée pour ce tournoi et tu ne pourras pas demander d'entraînement officiel à ton père. J'ai peur que ton niveau actuel ne soit pas suffisant face aux guerriers aguerris des deux royaumes.

Même si c'était douloureux pour elle, c'était la pure vérité et elle le savait. Elle avait beau s'entraîner avec son père depuis son enfance, elle n'avait pas le niveau d'un gardien. Du moins pas au point de marquer suffisamment les esprits pour que sa participation ait une utilité. Mais elle savait très bien comment remédier à cela.

— C'est pour ça que je me demandais si tu accepterais de...

— C'est d'accord.

Elle ouvrit de grands yeux surpris. Elle n'avait même pas eu le temps de terminer sa phrase.

Fenrir se redressa et s'approcha d'elle, posant une main sur sa tête. Elle ne s'attendait pas à se contact mais ne se dégagea pas.

— Je t'ai dit que je t'aiderai et, même si ça reste risqué, je pense aussi que c'est une excellente solution. En améliorant tes techniques de vol et en t'entraînant avec moi, tu auras plus de chance de marquer les esprits.

Cette fée était véritablement extraordinaire. Il venait de dire exactement ce qu'elle voulait lui donner en tant qu'arguments pour qu'il accepte de l'aider.

— Merci Fenrir ! Tu es génial !

— Alors revient cette après-midi. On va commencer par terminer ton entraînement au vol.

— À vos ordres chef.

Quand Ellie revint à la frontière cette après-midi-là, elle n'avait qu'une envie, que le tournoi arrive le plus vite possible.

Des heures de vol inter-branchial, quelques collisions et deux-trois grosses frayeurs plus tard, Ellie s'appuyait contre un arbre, épuisée.

— Tu as fait d'énormes progrès. Ce n'est pas encore au niveau d'une fée de la nuit mais tu ne voles clairement plus comme une fée du jour.

— Tu parles, j'ai failli me fracasser le crâne contre au moins cinq troncs d'arbres.

— Ce sont les risques du métier.

C'était facile à dire pour lui ; son vol était parfait, sans aucun accro. Aucun geste inutile, aucune énergie gâchée. Sans parler de la grâce naturelle qu'il avait et qu'Ellie ne possédait clairement pas.

— Allez viens, tes efforts acharnés méritent une récompense.

Ellie ne savait pas où ils allaient mais le suivit sans hésitation.

— On pourrait y aller en volant mais je crois bien que tes ailes fatiguent.

Elle le rattrapa en trottinant, marchant juste derrière lui, comme à son habitude.

— Moi je crois que si je continue à essayer de voler entre des arbres, tu devras me ramasser à la petite cuillère.

— Je t'aurais attrapé avant que tu ne touches le sol.

Il disait cela le plus sérieusement du monde. Comme si c'était une évidence et qu'il ne pouvait en être autrement. À ce moment-là, Ellie se demanda jusqu'où allait cette évidence. Mais surtout, elle se demanda jusqu'où elle avait envie qu'elle aille.

— Et voilà, nous y sommes.

Elle quitta ses pensées et regarda autour d'elle. De la forêt... Il n'y avait rien que de la forêt.

— Euh... Fenrir ? Tu es sûr de toi ? Je ne vois pas de différence avec le reste de la forêt.

— C'est parce que tu ne regardes pas au bon endroit. Avance toi.

Elle s'exécuta sans pour autant comprendre. Elle ne s'attendait clairement pas à ce qu'un pas change ce qu'elle voyait et pourtant.

— Whouaw !

Une clairière, si bien cachée parmi les arbres qu'elle ne l'avait pas vu. Assez petite, elle ne faisait pas plus de cinq mètres de diamètre et pourtant, elle avait quelque chose, une sorte de pouvoir qui poussait à vouloir rester là à admirer.

— À ma connaissance, c'est le lieu qui filtre le moins la lumière solaire de tout Teneris.

Les arbres étaient là, fidèles au poste, et pourtant des rayons de lumière parvenaient, çà et là, à éclairer le sol, apportant un aspect magique à l'endroit. Elle qui avait l'habitude de ne pas voir de lumière quand elle était à Teneris, elle ne put s'empêcher d'étendre ses ailes et de s'élever d'un ou deux mètres.

Elle se retourna, voulant demander comment un endroit pareil pouvait exister mais sa question mourut dans sa gorge. Fenrir la fixait et, bien que ce ne soit pas la première fois, ça lui fit quelque chose qu'elle ne comprit pas. Son ventre lui faisait mal... Pas comme quand elle était blessée ou malade mais plutôt comme en période de stress même si c'était encore différent. Ça ne s'arrêta pas jusqu'à ce qu'elle touche le sol et réussisse à détourner les yeux du prince.

— C'est parce que je ne suis pas un véritable prince.

Elle redressa la tête vers lui. Que voulait-il dire ?

Fenrir se mit alors, à son tour, à regarder les rayons de lumière qui émanaient des hauteurs des arbres, penseur.

— Tu veux savoir pourquoi je passe la plupart de mon temps dans cette cabane à l'écart des autres n'est-ce-pas ? Eh bien je te le dis, c'est parce que je ne suis pas un véritable prince.

Sur le coup, Ellie se sentit transparente. Comme si elle ne pouvait rien penser sans qu'il ne soit au courant. Elle ne lui avait jamais posé la question et pourtant il était en train de lui donner la réponse.

— Tu n'es pas obligé de m'en parler si tu ne veux pas.

— Si, je le suis. Tu m'as raconté ta vie, alors qu'on venait à peine de se rencontrer. C'est à mon tour. »

Il lui avait beaucoup appris sur son royaume et, à aucun moment, elle n'avait eu l'impression que l'échange avait été inéquitable. Au contraire, elle pensait lui en demander trop. Elle sentait bien qu'il n'était pas particulièrement heureux à l'idée de lui parler de sa vie mais elle n'était pas assez bonne pour s'en aller et l'empêcher de parler. Au fond, elle voulait savoir.

Elle s'assis alors dans l'herbe, à côté de Fenrir, évasant ses ailes tout en faisant attention à ne pas toucher celles du prince. Les ailes étaient une partie très intime, pour les fées, très sensible.

— Comme tu le sais, la descendance est une chose immensément importante dans une famille royale. Un couple royal se doit d'avoir un enfant en âge de régner au moment du décès du roi.

Plusieurs enfants étaient même préférable dans le cas où l'aîné ne puisse pas monter sur le trône mais, en effet, il ne fallait pas être noble pour savoir ça.

— Hors, il y a vingt-trois ans maintenant, la reine s'est rendue compte qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants.

Ellie ne put retenir un petit cri de surprise. D'accord, elle ne connaissait rien à la famille royale de Teneris mais un problème de ce type aurait normalement dû être diffusé rien que pour... Trouver une nouvelle reine.

— Je vois à ta tête que tu connais la tradition. Mais non, Miloren a refusé de divorcer ou même de toucher une autre femme afin de mettre au monde un enfant. C'est alors que je suis entré en compte.

— Une adoption...

Un hochement de tête fut sa réponse. Pas étonnant qu'elle n'en ai pas entendu parler. Les dirigeants de Teneris ont du tout faire pour que l'affaire reste secrète. L'adoption princière était loin d'être courante.

— Si je suis prince, c'est uniquement due à ma ressemblance avec le roi. J'ai été choisi à cause de mes ailes et de mes cheveux. C'est l'unique raison.

Son ton était... Dégoutté. Qu'on puisse se dégoûter soi-même à ce point, elle ne pouvait le concevoir. L'atmosphère devenait pesante et Ellie n'aimait pas ça. Elle se leva d'un battement d'ailes, tournant le dos à Fenrir.

— Mais tu obéi à tes devoirs aujourd'hui et tu es respecté, pas vrai ?

Parmi le peu de chose qu'elle avait pu découvrir sur lui, il y avait entre autre le fait qu'il n'avait pas de garde rapprochée. Le dossier n'était pas formel là-dessus mais l'hypothèse était qu'il n'en avait tout simplement pas besoin. Elle se tourna vers lui, le sourire aux lèvres.

— Et si on pariait ? Tu participes au tournoi et si j'ai un meilleur classement final que toi, je te donne un gage.

— Un gage ? Tu nous prends pour des enfants ou quoi ?

— Quoi ? Tu as peur de ce que je pourrais te demander ?

Alors que le prince était toujours au sol, elle lui tendit une main qu'il prit en soupirant. Une fois debout, il lui répondit.

— Très bien, j'accepte. Je participerai au tournoi. Mais, si je gagne, sache que tu te souviendra toute ta vie de mon gage.

Elle aurait pu être effrayé mais il n'en était rien. Elle avait ce qu'elle voulait ; Fenrir ne broyait plus du noir. Elle aviserai le gage ensuite.

— J'espère bien sinon ce serait un gage bien médiocre.

Sur ce coup-là, la fée du jour ne savait pas trop où elle s'embarquait. Après tout, elle ne connaissait pas le prince si bien que ça et il était plus fort qu'elle. Néanmoins, elle avait aussi des atouts dans sa manche et elle ne comptait pas abandonner avant que la partie n'ait commencé. Ce n'était pas son genre.

Il restait moins de trois semaines avant le début du tournoi, c'était maintenant que les choses sérieuses commençaient.

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