Chapitre 6 - Un curieux festival
Ces derniers jours ont été assez étranges. Ellie avait réussi à retourner à la frontière malgré l'imminence du festival tout en appréhendant la réaction de Fenrir mais il avait été comme d'habitude. Comme si le petit changement d'humeur de la fois précédente n'était jamais arrivé. Du coup, elle avait bien progressé. Elle ne volait pas encore mais elle était capable de ressentir l'énergie des êtres vivants se situant autour d'elle. Elle espérait seulement qu'elle y arriverait aussi en vol. Malheureusement, ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait pouvoir s'entraîner.
Ce matin-là, Ellie ouvrit ses volets sur une Ostria en effervescence. Tous les habitants étaient excités par le festival. Des étrangers arrivaient déjà alors que les derniers préparatifs étaient en cours. Dans les rues, quelques gardes se baladaient par groupes de deux mais à part quelques accrochages de fêtards bourrés, ils n'auraient pas grand-chose à régler.
Ellie aurait pu aller voir Fenrir mais les contrôles de sécurités étaient beaucoup plus élevés qu'en temps normal. Elle aurait eu du mal à se déplacer jusqu'à la frontière sans que personne ne la voit.
Pas que, en soit, aller à la frontière soit une faute. N'importe qui pouvait se balader là-bas mais elle ne savait pas s'il en était de même à Teneris et elle ne voulait pas attirer de problèmes à Fenrir. Il avait trop fait pour elle.
Elle savait bien qu'il ne s'en rendait pas compte mais elle aimait véritablement être avec lui bien plus que les informations qu'il pouvait lui donner. Avec lui, elle oubliait ses problèmes, la succession, Ronan. Avec lui, elle n'était plus une « fille de ». Juste une fille, une fée comme les autres.
Enfin bref, il était temps de rejoindre les princesses et d'aller profiter du festival. Elle n'osait pas imaginer la tête de Lambsi si elle se permettait d'arriver trop en retard.
Dans la cuisine, Lila nettoyait le reste du petit-déjeuner quand elle vit sa fille descendre les escaliers. Elle s'essuya les mains et la prit dans ses bras.
— Tu es magnifique ma puce.
— Je suis habillée comme d'habitude maman.
Et c'était vrai. Des bottes noires, un pantalon de la même couleur et un haut blanc à liserés dorés étaient ses vêtements de ville habituels quand elle ne s'entraînait pas.
— Mais tu es toujours magnifique. Tiens, pour ce soir.
Sa mère lui donna une pince à cheveux qu'Ellie savait lui appartenir. Elle représentait un papillon aux ailes dorées. Elle n'osait imaginer le prix de cet objet et le teint précautionneusement.
— C'est celle que papa t'as offerte ?
— Oui, je veux que tu la porte ce soir ma chérie. Je suis certaine qu'elle t'ira parfaitement.
Ellie savait que cette pince était immensément importante pour ses parents. Elle avait été le signe public de leur union. C'était un immense honneur pour leur fille de pouvoir la porter.
— Bien, maintenant file ! Je suis certaine que les princesses ont beaucoup de choses à te faire faire.
— Beaucoup de robes à me faire essayer tu veux dire.
Quelques minutes plus tard, elle se dirigeait vers le palais, la pince dans ses cheveux. Voler au-dessus d'une ville si animée était toujours amusant parce qu'il y avait toujours quelque chose à voir : des jeunes fées de moins d'une dizaine d'années courraient et volaient dans les rues alors que leurs parents essayaient vainement de les attraper, des elfes blancs parlaient par groupes de ci de là et quelques ermines se baladaient entre les stands. Le festival était un jour magique où les habitants de tout un royaume faisaient la fête dans les rues d'Ostria et encore ce n'était rien comparé à l'ambiance du soir.
Ellie eut à peine le temps d'atterrir sur le balcon de Lambsi que cette dernière lui agrippa le bras.
— Enfin ! Dépêche-toi, nous n'avons pas de temps à perdre.
— Mais le spectacle est dans huit heures !
— Sept heure et quarante minutes ! Ce qui nous laisse juste le temps de faire nos essayages.
Ça allait être long, très long...
Ellie n'a jamais été accro au shopping, aux séances d'essayage ou à toutes ces choses que les filles de son âge aimaient habituellement. Elle préférait largement l'armurerie de la garde à la dernière boutique à la mode. Pourtant, aujourd'hui, elle n'eut pas son mot à dire. Lambsi lui faisait essayer des robes plus extravagantes les unes que les autres alors qu'elle connaissait bien son amour pour ce genre de choses.
— Lambsi, tu as bientôt fini ?
— Sache que trouver une robe qui aille avec tes ailes, tes cheveux et tes yeux est assez compliqué. Sans parler de la pince que je veux absolument utiliser.
— Je n'aime pas vraiment les froufrous tu sais...
Diane arriva derrière elle et mesura la taille de la naissance de ses ailes, un mètre de tailleur à la main.
— Je pense qu'un medium lui ira mieux.
Finalement, elles l'ont laissé en sous-vêtements au milieu de la chambre pendant qu'elles chuchotaient prêt de leur armoire sans fond. Elle entendit des bribes de phrase qui la firent soupirer : « bonnet C.... ailes medium... hanches minces... ». On aurait dit qu'elles essayaient d'apprendre ses mensurations par cœur.
Il était plus de seize heures quand un hurlement de joie retentit dans le palais.
— On l'a, ça y est ! Tu es parfaite, sublime. Je m'occupe de ta coiffure et de ton maquillage et on te montre.
— Je ne peux pas déjà donner mon avis sur la robe ?
— Non !
Bon... Ok... Un temps fou s'écoula à nouveau avant que les princesses n'aient fini de s'occuper d'elle.
Quand elle put enfin se regarder, elle n'en revint pas. À croire que ces deux-là avaient fait exprès de lui faire essayer des robes qui ne lui plairait pas juste pour s'amuser... Celle-ci était magnifique. Bustier en haut et lâche vers le bas pour venir s'arrêter au-dessus de ses genoux, elle était rouge et or, mélange de la couleur royale de Solum et de sa couleur fétiche. Ses cheveux étaient relevés et maintenus par la pince de sa mère et son maquillage était très léger mais soulignait ses traits.
— Et moi qui avait peur que vous en fassiez des tonnes... Merci les filles.
— Aucun problème.
Les princesses étaient aux anges. Les vêtements c'était vraiment leur truc.
— Maintenant dépêchons nous ! Ce serait bête d'arriver en retard au spectacle.
Celui-ci commençait à dix-huit heures donc dans quinze minutes. Ellie avait du mal à croire qu'elle avait passé autant de temps à faire de l'essayage. Mis à part une pause pour manger, elles n'avaient fait que ça... Voilà une après-midi qui n'avait pas été très productive. Mais bon, au moins elle avait pu passer du temps avec les princesses.
À l'extérieur, tout le monde était regroupé dans la cour du château devant une immense scène. La famille royale et les parents d'Ellie étaient installés sur une petite estrade sur le côté et les artistes attendaient en bas de la scène. Régulièrement, les princesses envoyaient des signes d'encouragement à leur amie tout en regardant les artistes défiler.
Ce n'était pas qu'Ellie avait peur de chanter en public. C'était plutôt qu'elle n'aimait pas trop ça. Pour elle, chanter était un exutoire, un loisir, un plaisir qu'elle se faisait entre deux entraînements. Elle aimait chanter mais pour elle-même ou à la rigueur pour ses parents ou les princesses mais pas pour les deux royaumes. Mais bon, elle avait accepté devant les yeux de chien battu de son père, comme d'habitude...
— Héliris d'Ostria !
C'était à elle et plus vite ça serait fait, plus vite elle pourrait aller retrouver ses parents et profiter de la fin du festival.
Elle monta sur scène tout en saluant le public et fit une révérence à l'estrade royale, une tradition. Elle prit ensuite le micro que lui tendait le présentateur et se plaça au centre de la scène.
Au final, le plus déroutant n'était pas d'être regardé par tout Solum et une partie de Teneris. Ce qui la motivait et en même temps ce qui l'effrayait le plus, c'était de savoir que Fenrir la regardait. C'était également pour ça qu'elle avait pris un grand soin à choisir sa chanson.
— Bonjour à tous, je m'appelle Ellie et je vais vous chanter une chanson de ma composition.
Elle ferma les yeux et commença à chanter alors que la musique se lançait. Cette chanson, elle l'avait écrite des années plus tôt et l'avait étoffée au fil du temps. En fait, c'était la seule chanson qu'elle n'avait jamais écrite et elle pensait que c'était la plus appropriée au moment.
Cette chanson parlait d'amitié et d'amour mais aussi de solitude et de désillusion. Elle était douce et pleine de sens mais pouvait aussi s'avérer brutale et infiniment triste. La première fois qu'elle l'avait fait écouter à ses parents, ils avaient pleuré. Même son père, ce guerrier qui ne perdait jamais son sang-froid. Ils avaient pleuré parce qu'ils savaient qu'aussi triste que soit cette chanson, elle n'était rien de plus que l'histoire de sa vie.
Quand elle eut fini, elle ouvrit les yeux devant des spectateurs muets. Ils ne bougeaient plus et n'avaient pas l'air capable de le faire. C'est finalement Lambsi qui se leva en applaudissant et ce fut comme si elle permettait à tout le monde de se mouvoir à nouveau. Le public commença à applaudir et à crier son nom. Elle se tourna vers l'estrade royale pour constater que ses parents souriaient intensément et que sa mère avait pleuré, une fois de plus.
Elle allait remercier le public quand un bras lui prit le micro des mains sans prévenir. Ce n'était pas le présentateur.
— Oui, oui bravo Héliris, merci tout le monde.
Le public se tue rapidement devant la voix autoritaire de la fée mâle à côté d'elle. Étrange... Elle avait l'impression d'avoir déjà entendu cette voix quelque part. Pourtant, elle était certaine de ne jamais avoir croisé cette fée aux courts cheveux bruns et aux yeux si foncés qu'ils en devenaient presque noirs. Qui plus est, il avait une allure de guerrier : mâchoire carrée, large d'épaules, musclé et le regard sûr. Alors pourquoi avait-elle un mauvais pressentiment ?
— Mesdames et Messieurs, pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Ronan, le futur chef de la garde royale. Mais ce n'est pas de moi dont nous devons parler. Voilà une jeune fée qui devrait penser à se convertir sérieusement à la musique au lieu de jouer avec des armes. Qu'en pensez-vous ?
... Sérieusement ? Si le présentateur n'était pas arrivé pour annoncer la personne suivante, Ellie lui aurait crié dessus malgré la situation. Descendu de scène, il partit en lui lançant un regard moqueur et sûr de lui. Il savait, il savait qu'elle faisait des recherches sur lui, il savait qu'il lui avait pris sa place et ça l'amusait, il jubilait.
Au départ, Ellie avait prévu de regarder la suite du spectacle mais là, elle avait besoin de se calmer. Si jamais quelqu'un venait à lui parler maintenant, elle exploserait. En plus de l'avoir humilié devant tout le monde en exposant son « jeu avec les armes », il avait profité du festival pour se présenter et rendre sa présence officielle. Conséquence de quoi, Ellie ne pouvait plus espérer faire changer si facilement le roi d'avis. Elle devrait faire ses preuves à plus grande échelle, soit une chose pratiquement impossible.
— Bordel ! J'y crois pas !
Elle s'envola et se dirigea vers la sortie de la ville. Ce Ronan avait réussi un coup magistral. Il était monté dans l'estime du peuple tout en la faisant passer pour une petite fille qui s'amusait à copier son père et le pire était qu'elle n'avait rien vu venir. Pendant un moment, elle avait même réussi à oublier son existence.
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— Majesté, où allez-vous ?
— À Solum.
— À Solum ? Mais... C'est impossible ! Mon prince, la sécurité est...
Avant même que Fatzìs n'ait pu lui dire que la sécurité était accrue autour de la capitale à cause du festival, Fenrir était déjà partit. De toute façon, il savait tout ça. Il le savait mais, il était trop en colère pour pouvoir réfléchir plus longuement. Il allait aller à Ostria et faire comprendre à ce Ronan ce qu'il en coûtait de s'en prendre à Ellie. Il allait lui faire payer.
Il vola aussi rapidement que lui permettaient ses ailes et la forêt qui l'entourait. Il était bien heureux d'être venu regarder le festival dans son refuge et de ne pas être resté au palais : Ça lui faisait gagner un temps précieux.
Pour la première fois de sa vie, il franchit la lisière de la forêt mais s'arrêta net quand il vit une fée voler dans sa direction : c'était elle.
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Elle se rendait compte qu'elle commençait à avoir l'habitude de voler à toute allure vers la frontière et ça l'énerva d'autant plus. C'était devenu un réflexe mais c'est seulement en vol qu'elle se rendit compte de l'idiotie de son geste. Fenrir ne serait pas là. Il n'avait aucune raison d'y être. Il était en train de regarder le festival tranquillement chez lui. C'est seulement quand elle se redressa, s'apprêtant à faire demi-tour, qu'elle le vit, là, en vol stationnaire, devant elle. Il avait dépassé la frontière.
C'est ce moment que choisi son cerveau pour se déconnecter et laisser ses désirs prendre le dessus. Ellie traversa la distance qui les séparaient en moins de temps qu'il n'en faudrait pour le dire et vint se blottir dans les bras de Fenrir, les larmes commençant à couler. Elle ne savait pas quoi dire. Elle en avait juste assez d'être si faible, si sensible quand il était question de son père et de Ronan. Mais Fenrir ne dit rien non plus. Il la serra juste dans ses bras sans bouger puis, alors qu'Ellie pensait qu'il allait la lâcher, il lui caressa les cheveux. C'était inattendu mais d'une douceur telle qu'Ellie ne fut pas capable ne serait-ce que de penser à se dégager.
Elle était bien, là, dans les bras de ce prince qu'elle ne connaissait pas un peu plus d'une semaine plus tôt. Mais alors que le calme prenait le dessus dans son cœur, elle sentit une émotion émaner de Fenrir. Elle se redressa d'un coup, n'ayant pas l'habitude de cela. D'habitude, elle n'arrivait pas à décrypter ses sentiments et avait toujours inculpé son masque mais peut-être qu'il était juste capable de contenir ses émotions.
Celle que ressentait Ellie en ce moment était si forte qu'elle savait qu'elle pourrait être destructrice si elle était hors de contrôle. Cette émotion c'était une profonde colère. Une rage qu'elle ne lui avait encore jamais connu.
Elle essaya de le regarder dans les yeux même si fixer un masque la gênait toujours autant. Elle appuyait toujours ses mains sur la poitrine du prince, ne souhaitant pas rompre le contact.
— Fenrir ? J'espère que ce n'est pas moi qui te mets en colère à ce point ?
La colère qui émanait de lui eut un léger mouvement de recul avant de revenir en force. Elle l'avait surpris.
— Non, bien sûr que non. Tu n'y es pour rien. Par contre, si jamais ce Ronan se retrouve face à moi, je te jure que je lui ferais comprendre ce qu'il en coûte de s'en prendre à toi.
Même si ce qu'il venait de dire était en quelques sorte une déclaration de guerre, Ellie en fut infiniment heureuse. Il n'était pas en colère après elle. Mieux, il était en colère pour elle ! Elle ne s'était pas rendu compte à quel point ce qu'il pensait d'elle était devenu important à ses yeux. Pourtant, elle ne pouvait pas lui permettre de laisser sa colère s'exprimer. Ce serait trop dangereux pour lui.
— C'est gentil mais tu ne dois pas traverser la frontière pour ça. Il s'est déclaré officiellement comme le successeur de mon père. Si jamais tu t'en prenais à lui, ça pourrait être pris comme une déclaration de guerre.
Elle ajouta ensuite plus doucement, en baissant la tête : « Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose par ma faute... ».
La fée de la nuit la serra à nouveau contre lui, posant son menton sur la tête de la brune.
— Tu trouveras un moyen de faire reconnaître ta valeur. Je t'aiderai.
Ellie n'ajouta rien et laissa sa tête s'appuyer sur la poitrine de Fenrir. Seule c'était peut-être impossible mais, avec son aide, elle pourrait peut-être trouver et elle montrerait au roi Achéon qu'il ne fallait pas la sous-estimer.
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