Chapitre 3 - Des parents aimants

Le vol a été plus long et difficile que prévu. D'un côté parce que voler avec une aile abîmée n'était pas dans les habitudes d'Ellie et de l'autre parce que voler de nuit ne l'était pas non plus.

Quand elle atterri sur le balcon de sa chambre, le soleil commençait déjà à se lever. Son départ précipité datait de la veille au soir. Elle avait donc passé toute la nuit à Teneris.

— Espérons que maman ne se soit pas trop inquiétée.

À peine eut-elle franchi le seuil de la porte de sa chambre qu'elle eut sa réponse. Une fée lui bondit dessus et la pris dans ses bras.

— Ellie ! Mais où étais-tu ma chérie ? Je sais que tu es adulte mais tu pourrais me prévenir quand tu sors comme ça !

Lila, la compagne d'Iliakó, n'était que douceur et amour. Une force tranquille, tout le contraire de son mari qui était une force de la nature. Ellie n'avait malheureusement pas hérité de cette qualité.

— Je suis désolée, maman. J'ai eu une soudaine envie de balade nocturne. Papa est là ?

La jeune fée du jour ressemblait beaucoup à sa mère. Les mêmes longs cheveux brun foncé, la même raideur dans la coiffure, le même éclat brun dans les yeux bien que ceux, ambre, d'Ellie étaient d'une teinte plus claire, bien particulière. Le seul trait physique qu'elle avait hérité de son père était ses ailes. Elles avaient le même éclat doré tandis que celles de Lila étaient blanches et grises. Ellie avait le physique de sa mère, quoi qu'en un peu plus musclé, et le caractère de son père. La fée aux ailes d'or ne comptait plus le nombre de fois où on le lui avait dit.

Lila recula, observant sa fille avant de lui répondre.

— Ton père n'est pas rentré cette nuit. Il avait trop de travail. Je ne pense pas qu'il aurait pu venir diner si tu le lui avais demandé.

—Maman, je...

— Non. Je ne veux aucune explication jeune fée. Si tu es partie comme tu l'as fait, c'est que tu avais une bonne raison et je te fais confiance.

Que répondre à ça ? Ellie avait véritablement la meilleure mère au monde.

— Mais, si j'étais toi, je me ferais un brin de toilette avant d'aller au palais. Le petit déjeuné est prêt.

Sur un dernier sourire, sa mère quitta sa chambre. Mais qu'est-ce qu'Ellie ferait sans elle ? La jeune fée s'approcha du miroir mural pour constater, qu'en effet, elle n'avait pas l'air très fraîche. Elle s'était retiré ses bandages pendant le vol mais ses blessures n'étaient pas encore guéries. Son visage était sale et fatigué. Sans parler de son ventre qui criait famine. Sa mère avait raison, elle ferait mieux d'aller prendre un peu soin d'elle avant d'aller se balader au palais. Elle avait besoin d'informations et ce n'était pas dans cet état qu'elle les aurait.

Sa chambre n'était pas immense mais elle n'y passait pas beaucoup de temps alors ça importait peu. Un lit, une commode, une armoire, une bibliothèque. Rien d'exceptionnel. Même au niveau de ses vêtements. Elle ne mettait pratiquement que des cuirs de combat qui lui permettaient de s'entraîner dans les meilleures conditions possibles. Évidemment, quelques robes de bal traînaient par ci par là, membre de la noblesse oblige. Voilà à quoi servait la compagne et la fille du chef de la garde, faire bonne figure.

Ellie était en train de préparer une tenue propre quand quelqu'un toqua à la fenêtre de son balcon. C'était un colibri messager. Elle avait toujours voulu en avoir un. Ces oiseaux de trente centimètres de haut étaient vraiment pratique en plus d'être mignon à croquer mais le dire à voix haute reviendrait à exprimer sa faiblesse envers les choses mignonnes et ce n'était pas une bonne chose. Pas pour elle.

La fée aux yeux ambré ouvrit la fenêtre et déroula le message attaché sur le dos de l'animal. Elle le connaissait. C'était celui de Lambsi, la princesse héritière. Elle lui demandait si elle allait bien. Ellie souffla. Autant elle pouvait être sensible aux sentiments d'autrui autant ce n'était rien comparé aux capacités extrasensorielles de Lambsi. La princesse avait dû sentir sa colère la veille et s'inquiéter.

Le colibri ne partait pas... Il voulait une réponse.

— Celle-là alors...

Elle prit rapidement une feuille de papier et écrit : « Je vais bien. Je passerais au château ce matin. »

Une fois le messager envolé, Ellie se dirigea vers sa salle de bain de l'autre côté du couloir. Nue, elle faisait vraiment peine à voir... Ses blessures n'étaient pas profondes mais elles étaient nombreuses.

Alors qu'elle prenait un gel cicatrisant dans le placard à pharmacie, l'image de la fée de la nuit lui revint en mémoire. Il était vraiment très mystérieux. D'abord il la soignait puis ne lui adressait pas la parole sauf pour lui dire de partir et, finalement, il la menait jusqu'à la frontière tout en lui faisant la conversation.

Décidément, Ellie avait du mal à le comprendre. Sans parler des mots du litard qu'elle n'arrêtait pas de se ressasser. « Votre Majesté ». Qui était-il ? La jeune fée devait bien avouer qu'elle ne connaissait pas grand-chose à la famille royale de Teneris. Voir rien du tout même. Elle ne s'y était jamais intéressé et se rendait compte aujourd'hui que c'était un tort. Elle devait en savoir plus.

Une heure plus tard, une tenue décontractée mais ne permettant pas d'oublier la noblesse de sa famille sur le dos, Ellie entrait dans le palais royal. Première étape, aller voir Lambsi.

Comme prévu, elle trouva cette dernière dans sa chambre, en compagnie de sa petite sœur, Diane.

—Ellie ! Je suis au courant pour Ronan ! Je suis désolée...

Ronan ? Elle pas connaître. Ce devait être le nom de cette fée avec qui parlaient le roi et son père la veille.

— Ne t'en fais pas pour ça. J'ai d'autres chats à fouetter aujourd'hui.

— Non ! Il ne faut pas fouetter les chats !

La petite blonde qui s'approchait d'elles était adorable mais au combien naïve. Diane, la seconde princesse de Solum.

— C'est une expression Di'.

La petite princesse devint rouge de gêne et retourna rapidement à ses occupations.

— Sans vouloir être méchante, heureusement que c'est toi la princesse héritière Lambsi.

—Elle grandira.

— Je l'espère.

Diane était aussi petite et naïve que Lambsi était grande et sérieuse. L'aînée ferait une reine sage, Ellie en était certaine, mais, pour l'instant, elles étaient encore les deux princesses qui emmenaient leur amie faire du shopping.

Toutes les deux blondes, Diane avait de grands yeux bleus hérités de son père tandis que Lambsi avait hérité des yeux gris de sa mère, la défunte reine. Leurs ailes étaient... Royales. Lambsi avait de magnifiques ailes violettes tandis que celles de Diane étaient du rouge - doré royal de Solum. Du même éclat que celles de son père. Bien que le rouge de la princesse se confonde facilement avec du rose aux extrémités.

Bien qu'elle n'ait jamais voulu l'être, Ellie était assez proche de Lambsi notamment car elles avaient le même âge, soit vingt-trois ans. La plus jeune des princesses étant de dix ans leur benjamine.

— Tu es sûre que tu vas bien ? J'ai ressenti ta colère hier soir. C'était vraiment douloureux... Je peux parler à mon père si tu veux.

Oh Lambsi... Tant de gentillesse chez cette fée. Peut-être même un peu trop parfois.

— Non, c'est une affaire que je dois régler seule et, si jamais je n'arrive pas à prouver ma valeur auprès du roi, alors il aura sans doute eu raison de choisir ce Ronan. Qui est-il au fait ?

Les yeux de la princesse s'illuminèrent. Elle adorait parler de la vie des autres.

— Je savais que tu allais me le demander alors j'ai fait des recherches. Ronan vient d'une famille de guerriers de la contrée d'Anlousa. Il n'a apparemment aucun lien de près ou de loin avec les gardes royaux ou la famille royale. Commença à expliquer la princesse, fière de sa trouvaille.

Il ne venait donc pas de la capitale... Ellie se demandait ce qu'il avait bien pu faire pour monter dans l'estime du roi au point de devenir le prochain chef de la garde.

— Je n'en sais malheureusement pas plus... Je n'ai aucune idée de l'acte héroïque qu'il a dû faire pour arriver à la place à laquelle il est aujourd'hui. Mais je continue de chercher ! S'exclama t'elle, sûre d'elle.

— Ne t'en fais pas pour ça, je sais que tu trouveras. Répondit Ellie, un léger sourire aux lèvres.

Lambsi avait dû être espionne dans une autre vie. Elle avait un tel réseau d'informateurs qu'elle pouvait connaître la vie de pratiquement n'importe qui sans grand effort. Ellie n'avait aucun doute sur le fait qu'elle mettrait les moyens nécessaires dans cette recherche. Mais, en attendant, un autre sujet l'intéressait.

— Dis-moi... Qu'est-ce que tu sais sur la famille royale de Teneris ?

La princesse était surprise et c'était compréhensible : Ellie ne s'était jamais particulièrement intéressée aux habitants de Teneris. Elle était d'ailleurs sensée n'y avoir jamais posé les pieds. Ce qui n'était plus le cas aujourd'hui. Cependant, la jeune fée savait qu'elle pouvait faire confiance à Lambsi. Elle ne dirait rien et ne poserait pas de questions si elle voyait que la fée aux ailes d'or n'était pas prête à y répondre.

— Je dois t'avouer que je ne sais pas grand-chose. Le roi Miloren et la reine Alexa sont de puissantes fées de la nuit très respectées de leur peuple. Je crois bien qu'ils ont un fils mais on n'entend jamais parler de lui.

Un fils hein ? Intéressant.

— Merci Lambsi, je dois y aller. Contacte-moi si tu as du nouveau. Dit-elle tout en s'avançant vers la sortie.

Ellie s'apprêtait à passer la porte de la chambre quand Lambsi l'interpella.

— Ellie ! Fais attention à toi.

Après un rapide sourire, elle quitta la pièce. Elle devait avoir plus d'infos sur ce prince et elle savait parfaitement qui aller voir.

Seulement quelques minutes plus tard, elle se trouvait devant le bureau de son père, dans l'aile du château réservée à la garde royale. Elle toqua et entra sans même attendre une réaction venant de l'autre côté de la porte.

Son père avait l'air débordé, des dizaines de papiers éparpillés sur son bureau. Ses courts cheveux blonds n'étaient pas coiffés et ses yeux bleus, habituellement si brillants, semblaient ternes et fatigués. Ellie se sentait mal de le déranger maintenant. Il ne l'avait même pas entendu entrer... Mais bon, ce ne serait pas long.

— Papa ?

Iliakó releva la tête, se rendant, enfin, compte de la présence de sa fille.

— Oh Héliris, je ne t'avais pas vu. Tu as besoin de quelque chose ?

Il l'avait appelé par son prénom complet. C'était une preuve incontestable qu'il était exténué. À ce moment, Ellie ne ressentait plus aucune colère contre lui. Elle contourna le bureau et prit son père dans ses bras. Seuls ses parents avaient le droit à ce genre de marque d'affection. Même Lambsi n'avait jamais reçu de câlin venant de sa part.

— Tu as l'air si fatigué. Maman s'inquiète. Elle ne me l'a pas dit mais je le sais.

Son père ne se fit pas prier et serra fort sa fille dans ses bras. Ce qu'elle pouvait aimer ce genre de moments. Comme ça, elle avait l'impression d'être une petite fille sans défense se réfugiant dans les bras forts de son père et ce n'était pas désagréable.

— Je suis désolé ma puce... J'ai beaucoup de travail ces temps-ci et je n'ai pas eu le temps de rentrer à la maison. Mais tu peux dire à Lila que travail ou non, je rentrerais dîner ce soir. Un jour sans vous voir est une véritable torture.

Comment être en colère contre quelqu'un qui dit des choses pareilles ? Le pire étant qu'Ellie savait bien que c'était la vérité. Iliakó aimait sa famille plus que tout au monde et l'avait prouvé à de nombreuses reprises. Là, maintenant, tout de suite, elle n'avait qu'une envie, rester dans les bras de son père et oublier tout ce qui pouvait avoir un rapport avec Ronan ou la garde. Mais elle ne le pouvait pas. Ni elle, ni lui, n'avait de temps à perdre.

Bien à contre cœur, Ellie se redressa, quittant la chaleur paternelle.

— Papa, est-ce que je pourrais t'emprunter le dossier du prince de Teneris ?

Comme Lambsi un peu plus tôt, Iliakó était surpris mais se leva et revint rapidement avec une feuille de papier.

— C'est tout ce que nous avons sur lui. Mais, dis-moi, pourquoi t'intéresse-t-il ?

Son père n'avait pas l'air méfiant, juste curieux.

— Je me suis rendue compte que je ne savais pas grand-chose sur Teneris alors je me documente. Je te le ramène vite.

Elle prit le dossier et quitta la pièce non sans un « merci ». Enfin... Si on pouvait appeler ça un dossier... Ellie avait déjà eu l'occasion de voir le sien et il faisait une bonne dizaine de pages. Tout était répertorié : ses capacités, comment elle les avait acquises, son hérédité, tous les moments importants de sa vie et même ses relations. Même si cet aspect de son dossier était assez court, faute de choses à écrire... Or celui qu'elle avait dans les mains ne faisait qu'une page et encore, une bonne partie était des hypothèses. En revanche, une chose attira son attention. Un nom écrit en haut de la feuille.

« Fenrir. »

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Je vous avais dit qu'Ellie était une fée intéressante non ? D'ailleurs... J'aimerai bien savoir ce qu'il se passe du côté de ce fameux prince. Et si j'allais voler du côté de Teneris moi ?

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Lorsque la fée masquée atterrie à côté du château de son royaume, un petit être, lui arrivant à peine à la taille, couru vers lui.

— Mon prince, sa Majesté le roi vous demande.

La fée emboita le pas du litard tandis que celui-ci reprenait.

— Sans vouloir être indiscret... Qu'est-il arrivé à la fée du jour ? Demanda le métamorphe.
— Elle est rentrée chez elle. Répondit le prince du tac au tac.
— Je vois.

La fée mâle regarda son serviteur. Il avait l'air déçu. Les litards étaient des créatures dont Teneris se servait principalement en tant qu'espions. Ils étaient très curieux et aimaient découvrir des choses inédites. Surtout que, grâce à leur capacité à se transformer en animaux, ils étaient quasiment indétectables. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les habitants de Solum ne les aimaient pas beaucoup.

— Ne soit pas triste Fatzìs, j'ai un travail pour toi. J'aimerai que tu me cherches toutes les informations possibles sur la fille du chef de la garde de Solum.
— À vos ordres !

Avant qu'il n'ait pu le voir partir, Fatzìs avait déjà disparu.

Tant mieux. Le prince ne tenait pas spécialement à ce que son plus fidèle serviteur soit présent quand son père le sermonnerait. Parce qu'il savait parfaitement que le roi ne l'appelait jamais pour une visite de courtoisie, jamais.

Il entra dans la salle du trône après avoir traversé plusieurs couloirs dont il connaissait chaque recoin par cœur. La salle brillait, comme à son habitude, du bleu royal alors que le roi et la reine discutaient, assis sur leur trône.

— Vous m'avez demandé père ? Demanda la fée masquée, s'arrêtant à quelques mètres de ses parents.

Le roi Miloren leva la tête vers lui et le sourire qu'il avait, tout en parlant à sa femme, disparu.

— Fenrir. J'ai entendu dire que tu étais encore partit te promener près de la frontière. Tu sais pourtant que ta place est ici, à Pétris.

La capitale de Teneris était peut-être le centre de commandement du royaume mais elle restait avant tout une grande ville commerçante où leur peuple aimait vivre. Fenrir refusait de considérer cet endroit comme une prison.

— Un prince doit également savoir partir en première ligne pour prendre connaissance des capacités du terrain adverse.

Une phrase bien prétentieuse de sa part étant donné que Miloren avait été prince avant lui et qu'il connaissait bien les arts militaires. Mais ça n'avait pas d'importance. De toute façon, celui que tout le monde considérait comme son père ne l'était pas vraiment.

— Ton arrogance te perdra jeune prince. Hors de ma vue.

Fenrir sortit en claquant la lourde porte de la salle comme il le faisait toujours. Toutes leurs conversations se ressemblaient. C'était toujours la même rengaine. Il savait bien ce qui allait se passer maintenant. Il allait retourner à ses occupations et sa mère, la reine Alexa, viendrait le voir d'ici peu pour lui demander comment il allait et lui dire de ne pas en vouloir à Miloren. Comment ne pas en vouloir à un père tel que lui ? Un père qui ne l'avait jamais considéré comme son fils.

C'est à ce moment que les mots de la fée du jour lui revinrent en mémoire. Des mots qui l'avaient profondément marqué : « Je ne suis qu'une fille de... ». C'était ce qu'elle avait dit. Elle était fille de noble mais sa naissance ne lui donnait aucun pouvoir de décision. C'était exactement l'inverse pour lui. Il avait du pouvoir mais n'était fils de personne. Rien de plus qu'une pièce rapportée.

— Mon prince !

Fatzìs courrait vers lui comme si sa vie en dépendait et s'arrêta juste avant d'entrer en collision avec son maître.

— J'ai trouvé ce que vous m'avez demandé.

Il lui tendait un paquet de feuilles, fier de lui. Fenrir les prit et commença à les feuilleter tout en se dirigeant vers sa chambre, Fatzìs sur ses talons.

— Intéressant. Malgré son statut, elle n'a pas l'air d'avoir une vie sociale très remplie.
— Non mais elle reste la meilleure amie des deux princesses. Je commence à me dire qu'on aurait peut-être dû la garder pour l'interroger.
— Ne t'en fais pas pour ça. Bon travail. Le félicita le prince, le sourire aux lèvres.

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Je ne sais pas vous mais je me demande bien ce que ces deux-là comptent faire des informations qu'ils ont récupérés. La suite promet d'être intéressante.

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