Chapitre 1 - Les murmures du trône
Ah le printemps ! Quelle belle saison que le printemps ! Il n'est qu'une partie de l'immense cycle de la vie mais une partie tellement joyeuse. C'est à cette période de l'année que les fées du jour volent le plus gaiement. C'est également à ce moment que nos amis à plumes chantent de tout leur cœur. C'est la saison de l'amour et du renouveau. Cependant, souvent, il arrive que les choses les plus incongrues arrivent durant ces périodes prospères. L'histoire que je vais vous conter aujourd'hui est celle d'une jeune fée du jour qui, bien malgré elle, va vivre des choses qui pourraient menacer l'équilibre de tout un monde.
Héliris ou Ellie, comme elle préfère être appelée, marche d'un pas rapide à travers le palais du roi Achéon. Elle cherche son père sur demande de sa mère et sait très bien où le trouver : dans la salle du trône du roi de Solum. Ce n'est un secret pour personne que le chef de la garde royale, Iliakó la fée de lumière, est très proche du roi du royaume du jour. Après tout, en plus de son grade militaire, il détient également un siège au conseil du royaume.
Tout cela étant possible grâce aux exceptionnelles aptitudes de la fée mais également grâce à sa noblesse, transmise à sa descendance.
C'est d'ailleurs cette dernière caractéristique qui empêche Héliris de s'entraîner tout au long de la journée afin de lui succéder ; car elle sait que c'est son destin. La noblesse est un soutien mais également une barrière l'obligeant à passer une bonne partie de son temps en compagnie des princesses du royaume. Oh ce ne sont pas de mauvaises personnes, loin de là. Elles considèrent même Ellie comme une amie d'enfance irremplaçable. Mais les trois fées n'ont pas du tout le même caractère et le même ordre de priorités. Disons que passer des après-midis entières dans les rues commerçantes de la ville n'intéresse pas énormément la jeune combattante.
Si vous voulez mon avis, il y a bien pire que de faire les boutiques à Ostria, capitale du royaume de Solum, mais Ellie n'est pas ce qu'on peut appeler une personne sociable.
Du haut de ses vingt-trois ans, elle n'a jamais vraiment considéré quelqu'un comme étant son ami. En ce qui concerne la gente masculine, elle s'en moque comme de son premier biberon. Certains ont déjà tenté leur chance mais leur courage ne s'est jamais vu récompensé et, pourtant, il en faut pour oser se déclarer à Héliris, la fée aux ailes d'or. D'ailleurs, elle n'a jamais compris pourquoi certains l'appellent ainsi. Ses ailes sont certes dorées mais pas plus que celles de son père. Ce qui choque peut-être, au bout du compte, c'est la différence marquante entre ses sombres cheveux marrons et ses ailes étincelantes.
Enfin, comme vous l'aurez compris, son physique est loin d'être la priorité d'Ellie. Elle ne cherche pas à être belle ou à avoir « la taille mannequin » ; elle est une combattante, point final. D'ailleurs, la voilà qui arrive à la salle du trône. Voyons voir ce qui se passe.
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Ellie tourna la tête alors qu'une Selky passait au-dessus d'elle. Ces petites fées de quelques dizaines de centimètres étaient vraiment énigmatiques. Pourquoi donc celle-ci s'amusait-elle à la suivre ? Enfin, ça avait peu d'importance. La fée aux ailes d'or s'apprêtait à ouvrir la porte de la salle quand elle entendit la voix du roi retentir.
— Je suis très heureux de ton travail, mon garçon. Tu feras un extraordinaire chef quand ma fille aînée sera sur le trône.
— Vos compliments sont trop d'honneur votre majesté mais je ferais en sorte de mener la garde royale comme il se doit.
Ellie avait du mal à croire à ce qu'elle venait d'entendre. Il devait y avoir une erreur. C'est elle qui a toujours été considérée comme la future chef de la garde royale. Son père n'était peut-être même pas au courant de ce qui se disait dans cette salle.
C'est alors qu'une autre voix se fit entendre de l'autre côté de la porte.
— Ton enseignement commencera bien assez tôt, jeune fée. Pense d'abord à profiter de ta jeunesse avant de vouloir diriger.
— Ne vous inquiétez pas pour ça, maître, j'y compte bien.
Maître ? Mais cette voix... C'était...
Impossible ! Son père n'aurait jamais accepté ça. Il l'entraînait depuis qu'elle était toute petite. Il l'entraînait pour ça, pour lui succéder. Elle avait construit sa vie entière là-dessus et voilà que tout s'écroulait en une fraction de seconde. La forte voix de son père parlant à cette fée inconnue fut mille fois plus douloureuse que celle du roi. Tellement plus douloureuse...
Un instant plus tard, Ellie se retrouvait à voler à toute vitesse en dehors de la ville. Elle était en colère. En colère contre son père, contre le roi, contre cette fée mâle qui allait prendre sa place mais surtout, elle était en colère contre elle-même. Elle se croyait forte et pourtant, il avait suffi d'une seule phrase pour qu'elle perde les pédales et s'enfuie toutes ailes dehors.
Elle se sentait idiote. Elle aurait dû ouvrir cette porte en grand et demander des explications mais elle n'était pas dans un film ; elle ne pourrait pas faire de beaux discours héroïques sur les fondements de l'entraînement ou du retour sur investissements. Non, elle avait beau faire partie de la noblesse, elle n'était rien. Rien de plus qu'une « fille de ».
Dans sa grande générosité, le roi lui aurait sans doute simplement demandé de partir et de ne plus les gêner mais ce ne serait pas le cas de son père. Autant Iliakó pouvait être un vrai papa poule, empli de tendresse, autant il ne fallait pas oublier qui il était en dehors du cadre familial : un militaire, un dirigeant, un membre du conseil de Solum. Et, ça Ellie le savait bien, devant le roi Achéon c'était le conseiller qui était présent.
En pensant à tout cela, sa rage envers elle-même augmenta. Après tout, voler à perdre haleine ne servirait à rien mais elle continuait parce que ça la défoulait. Il valait mieux qu'elle soit le plus calme possible quand elle devrait affronter son père, quand elle devrait lui demander des explications. Elle espérait secrètement tomber sur le père et non sur le général. Ce serait plus simple, moins dangereux.
Mais alors que le visage de son père apparaissait dans son esprit, celui-ci devint noir. Tout ce qu'Ellie ressenti fut une profonde douleur dans l'aile gauche puis ce fut le néant.
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