2
Adam
Je referme la porte du labo et traverse le couloir silencieux pour gagner l'ascenseur. Il n'y a plus personne à cette heure, le calme se joint à la lumière déclinante du soleil. Les lieux seraient légèrement effrayants s'il n'y avait pas autant d'agents de sécurité.
L'habitacle amorce sa descente, lentement, et j'en profite pour inspecter mes messages sur mon téléphone. Je ne l'ai pas sorti de mon casier de toute la journée, il fallait que je me concentre pour terminer mon rapport. L'écran est désespérément vide. Avec un soupir, je le remets dans ma poche et m'empare de mes clés.
L'avantage d'avoir une moto, c'est qu'on circule plus vite et qu'on se gare plus près. Je n'ai pas besoin d'arriver à la première heure pour avoir une place près de l'entrée du bâtiment.
— Bonsoir Adam, me salue Philippe, l'un des vigiles, alors que je traverse le hall.
Je lui accorde un signe de la main en lui souhaitant une bonne soirée et sors dans la fraîcheur de cette soirée de printemps pour retrouver ma bécane. Un cadeau de mon père. Cela fait treize ans qu'il est sorti de l'enfer, mais il cherche encore aujourd'hui à se faire pardonner de nous avoir emportés avec lui dans sa chute.
Le trajet jusqu'à l'appartement me paraît toujours plus court à cette heure. Il y a beaucoup moins de voitures qu'aux horaires où je sors habituellement, c'est-à-dire la même heure que la plupart des personnes qui quittent leur travail pour rentrer chez eux.
J'arrive au bas de l'immeuble et me gare juste à côté de la porte, là où se trouvent les deux places réservées aux motos et compose le code pour ouvrir la porte principale. En entrant dans l'ascenseur pour atteindre le 7e étage, je me dis qu'il faudrait que j'aille courir de nouveau. Je n'ai pas fait de sport depuis plusieurs semaines, j'étais trop absorbé par mon rapport, il faut que je m'y remette.
La cabine s'ouvre sur une énorme valise verte qui gît sur le sol à côté d'un carton. Je l'enjambe en m'apprêtant déjà à engueuler Malik, mon colocataire, qui ne le sera plus pour très longtemps. Après six mois d'idylle avec Rose, il a décidé d'aller s'installer avec elle. Quelques rues seulement plus loin. D'ailleurs, au moment où je suis sur le point d'ouvrir la porte de notre appartement, le seul de l'étage parce que nous sommes sous le toit, Malik sort avec un autre carton dans les bras.
— Salut, Adam.
Il arbore ce sourire agaçant des mecs qui viennent de passer un moment parfait avec leur copine. Sans lui dire quoi que ce soit, je pointe son bazar un peu plus loin devant l'ascenseur.
— Ouais, désolé. Tu m'aides ?
Il dépose le carton dans mes bras avant même que je ne réponde. La porte s'ouvre un peu plus derrière lui et je vois apparaître la petite blonde au visage rond et aux beaux yeux bleus qui porte un carton presque aussi grand qu'elle.
— Salut Rose, je marmonne avant de reculer pour la laisser passer.
— Tu rentres tard, elle me lance avec l'air d'une mère qui me demande où j'étais passé.
— Je ne savais pas que j'étais attendu, je rétorque en la suivant jusqu'à l'ascenseur.
— Tu ne l'étais pas, me précise Malik. Mais un coup de main n'est pas de refus.
Il appuie sur le bouton et se penche pour récupérer ce qu'il a laissé là.
— Ce sont les derniers ? je demande en entrant dans l'ascenseur.
Ma journée a été longue et je n'ai vraiment pas envie de jouer au déménageur ce soir, mais Malik est mon meilleur pote, nous avons cohabité dans cet appartement pendant quatre années qui se sont très bien déroulées, si on ne compte pas la fois où j'ai failli lui casser le nez parce qu'une allumeuse qui se voulait être ma petite amie de l'époque l'avait embrassé.
— Non, il y en a encore. Mais ça pourra attendre demain. Là, j'en peux plus.
L'ascenseur descend dans le silence le plus total. Ça va me faire drôle de ne plus l'entendre se moquer de moi pour n'importe quelle raison. Mais le plus étrange, ça va être de me retrouver complètement seul ici. Je n'ai jamais vécu seul. Avant de vivre avec Malik, j'étais chez mes parents. Ils ont une maison en dehors de la ville, et quand j'ai rencontré Malik à l'université, il m'a proposé d'habiter avec lui parce que son colocataire venait de partir. Et comme l'appartement est spacieux et bien aménagé, avec une vue sur la tour Eiffel au loin depuis le petit balcon, le loyer n'est vraiment pas donné pour quelqu'un qui y vit seul dans le 9e arrondissement. Cette proposition me plaît totalement, je pouvais ainsi quitter le foyer familial, me permettre un logement très satisfaisant et être beaucoup plus près de l'université. Nous avons passé notre doctorat ensemble et avons, tous les deux, été pris dans le labo de la fac après nos diplômes. Alors forcément, son départ est un grand changement.
— Tu as passé une bonne journée ? me demande Rose alors que nous traversons le petit hall de l'immeuble pour sortir rejoindre la voiture de Malik.
— Bébé, intervient mon pote sur un ton amusé et entendu, ça fait six mois et tu n'as toujours pas compris que s'il rentre tard, il ne faut pas poser cette question ?
Sa copine m'adresse un sourire d'excuse. Je ne connaissais pas cette règle sur mon comportement.
— Je suis si désagréable que ça ? je demande en déposant le carton dans le coffre de la voiture déjà bien rempli.
Rose n'ose pas me regarder et Malik se marre. Je crois que j'ai ma réponse.
— Je dors chez Rose ce soir, on se retrouve au labo demain ?
Je lève un sourcil. Il me pose sérieusement la question ? Où veut-il que je sois demain sinon au labo, comme tous les jours de la semaine ?
— Non, demain je vais me faire une séance de spa, je lui explique sur un ton sarcastique.
— Tu vois, il a eu une longue journée, il dit d'une voix plus basse à sa petite amie.
Ah, d'accord, je saisis mieux. Mais je n'y peux rien. Après la journée que je viens de passer, je n'ai pas envie de répondre à des questions idiotes. Je soupire et referme le coffre de la voiture. Mais comme à son habitude, parce qu'elle a ce besoin incompréhensible d'étreindre les gens et de les réconforter sans véritable raison, Rose s'approche de moi et écarte les bras. Je la laisse me serrer contre elle, elle est tellement petite que le haut de sa tête arrive à peine au niveau de mon thorax. Mais elle compense ça par un sacré caractère. Elle peut être aussi adorable qu'elle peut vous crever les yeux si vous l'énervez. Je tapote doucement son dos avant qu'elle ne me relâche.
— Passe une bonne nuit Adam, elle dit avec un léger sourire.
— Toi aussi, Rose.
— T'as de la chance que je ne sois pas jaloux, marmonne Malik en attrapant sa copine par la taille.
— Ou alors c'est toi qui as de la chance de l'avoir séduite avant que je ne m'en occupe.
Rose se met à rire, mais Malik me fusille du regard.
— Un arrêt cardiaque est si vite arrivé quand on travaille dans un labo plein de produits chimiques, il lance en rejoignant la portière pour pratiquement pousser la jeune femme à l'intérieur.
Je secoue la tête en riant et retourne à l'entrée de l'immeuble. Malik klaxonne une fois en partant et m'adresse un doigt d'honneur à travers la vitre. Sa façon à lui de me dire au revoir.
Je me retrouve seul dans l'appartement à dîner devant la télévision. J'ai passé tellement de temps face à mon écran aujourd'hui que j'ai prévu de me plonger dans un livre après le repas, histoire de me changer les idées.
Tout en regardant un reportage sur le salon des nouvelles technologies qui a lieu en Californie, je me dis que je vais devoir me presser pour trouver un autre colocataire avant de me faire jeter d'ici. Je vais tenir au maximum trois mois seul, avant de ne plus pouvoir payer le loyer. Et je n'ai pas spécialement envie de puiser dans mes économies. J'ai prévu de faire un long voyage, mais je ne sais pas quand. Je ne suis jamais parti d'ici, de la France, et je rêve de voir le reste du monde, ou du moins une partie. Ou juste un autre pays. N'importe lequel du moment que les gens ne parlent pas la même langue et que les paysages sont différents.
En regardant tout autour de moi, je réalise que la plupart des objets qui décoraient cet appartement appartenaient à Malik. Il n'y a presque plus de figurines de super héros, plus de poster avec les éléments de la table périodique, plus de photos de molécules, que j'ai toujours trouvées étranges, mais que je n'ai jamais osé enlever.
Le logement est devenu... normal. Une personne qui entrerait maintenant ne se douterait pas au premier coup d'oeil que nous travaillons... que je bosse dans un laboratoire de chimie. Je vais entretenir ce changement dans la décoration à venir. Il va sans doute falloir que je prenne un colocataire en dehors du labo, ce sont tous des geeks là-bas. De toute façon, je crois que personne ne cherche d'appartement en ce moment.
Je mettrai une affiche, ou ferai passer le mot. Et il faut que ça aille vite, sinon c'est moi qui me retrouverai à avoir besoin d'un nouveau toit.
Après m'être endormi presque instantanément en commençant à lire, je me réveille en sursaut à 06 heures du matin. Horloge biologique exige, je réussis à me lever sans mon réveil. Une première. Ce qui me donne largement le temps de mettre mon plan de retour au sport à exécution. Sans me préoccuper de ma tête, j'enfile mes survêtements et emporte seulement mon téléphone avant de prendre le chemin du parc pour aller courir. Les gens commencent à peine à se lever, mais le soleil pointe déjà à l'horizon.
De quoi m'encourager un peu plus malgré le froid qui me mord le visage. Ça fait quelques semaines maintenant que je ne suis pas venu ici.
J'aurais voulu me préparer pour le marathon, mais je crois que je n'en aurai pas le temps. J'aime courir le matin, ça m'avait manqué, mais je vais sérieusement songer à mettre ça définitivement dans mon emploi du temps. Course le matin, travail, et ensuite je rentre pour m'effondrer sur mon lit et ne plus bouger. Un bon programme, non ? De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais quelque chose à faire ou quelqu'un à voir...
Je suis définitivement seul. Et avec le départ de Malik, je n'ai même plus quelqu'un pour m'emmerder quand je rentre du boulot.Avec un soupir de découragement, j'entre dans le parc et commence mon tour. Si je suis en forme, j'en ferai peut-être deux, voire trois.
Si cet extrait vous plait, rendez-vous sur mon site ou sur toutes les plateformes d'achat de livres pour connaitre le reste de l'histoire!
http://stacyaliceallard.wixsite.com/monsite/from-australia-with-love
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top