Chapitre 3 - Interrogations


- Ca alors, tu parles d'une surprise, dit Franck en se resservant un verre dès que Mélisa et Christophe furent partis.

- Oui. Retrouver comme ça quelqu'un qu'on a perdu de vue depuis vingt ans, qui vient emménager en face de chez soi, ce n'est en effet pas banal.

- En tout cas ils ont l'air vraiment sympa, tous les deux, non ?


Muriel réfléchit un bref instant :

- Oui, on dirait. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est dynamique et ... séduisant. Il donne l'apparence d'un fonceur. Mais je ne sais pas, quelque chose me chiffonne. Tu as vu comme il a cherché à éluder sa vie professionnelle ?

- Comment ça ?

- Ecoute, il est parti de l'assurance soi-disant parce qu'ils l'ont emmerdé –ce sont ses propres termes- mais quand tu lui demandes ce qu'il veut dire par là il change immédiatement de sujet. Et pour ce qui est de savoir comment il en est arrivé à une telle réussite financière, en tout cas apparente, je trouve ses explications bien évasives. Quant à Mélisa, qui paraît nettement plus jeune que lui, pardonne moi, mais ce langage ... Elle est certes très jolie et sexy cette blondinette, mais il vaut mieux qu'elle n'ouvre pas trop la bouche en société je crois.


Franck prit un air parfaitement ahuri :

- Ah tu peux me reprocher de toujours tirer trop vite des conclusions ! Là, avec toi, les voilà chaudement habillés !

- Je ne dis pas ça méchamment. Tu me demandes, je te réponds ce que je pense : d'habitude, les gens qui gagnent beaucoup d'argent avec leur travail sont des passionnés, ils aiment en parler, développer. Or lui, on dirait qu'il s'en fout royalement et même qu'il ne tient pas à évoquer le sujet. Tu avoueras que c'est assez singulier.

- Mais, sans doute est-ce juste parce qu'il n'a pas envie de nous embêter avec des trucs auxquels on ne comprendrait rien. Et il a raison : tu sais moi, les affaires, l'immobilier...

- Oui, peut-être...


Muriel était d'un naturel plus réservé et, généralement, un peu plus méfiante que Franck vis à vis des inconnus. Parfois même trop.

Celui-ci, pensa-t-elle, une fois de plus restait fidèle à lui-même : un gentil qui ne voyait le mal nulle part. Pas plus qu'il ne voyait venir les problèmes.

Oui, le qualificatif lui seyait à merveille : un gentil. Un trop gentil, même.

Cela lui avait d'ailleurs joué des tours à de multiples reprises et il le savait mais, curieusement, il paraissait ne jamais en tirer les bonnes leçons.

Rien que sur le plan professionnel, depuis le temps qu'il travaillait dans cette boîte de géomètre, il y avait belle lurette qu'il aurait dû bénéficier de promotions et du salaire en rapport mais à chaque fois que son tour avait semblé se présenter, il s'était fait griller la politesse sans même s'en apercevoir, du moins avant qu'il ne soit trop tard ...

C'était certes pour cette gentillesse qu'elle l'avait d'abord aimé, mais petit à petit, à force de l'entendre geindre sans se donner les moyens, les sentiments changeaient.


Ce Christophe et sa Mélisa dégageaient une drôle d'impression. Quelque chose d'indéfinissable mais qu'elle croyait pourtant ressentir.

Et ils allaient habiter si près... Pourvu, au moins, qu'ils ne les envahissent pas trop.

La « pendaison de crémaillère » en comité restreint constituerait certainement une bonne occasion d'en apprendre plus sur eux.

Elle préféra, pour l'heure, ravaler ses interrogations et ne pas engager la discussion plus avant.


Après tout, peut-être se trompait-elle...


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top