Chapitre 15 - Opération légale


Si Franck avait caché à Muriel l'épisode du colis et rangé les 6000 euros en lieu sûr, il l'avait mise au courant de la raison de leur aller-retour en région parisienne.

Elle ne trouva rien à redire au fait qu'il rende un petit service à son ami Christophe en jouant le rôle d'un type intéressé par un appartement.

Le mardi matin, ils partirent de très bonne heure avec la Jaguar. Le rendez-vous était à 11 heures et, en prenant son temps et en se ménageant une marge de sécurité, il fallait tout de même 5 petites heures de trajet, par l'autoroute.


Après un voyage sans histoires au cours duquel Christophe avait un peu briefé Franck sur la conduite à tenir, ils arrivèrent à Buc, une localité tout à côté de Versailles.

L'appartement se trouvait dans une résidence proprette mais sans grande originalité.

L'acheteur potentiel, un nommé Ducerf, était à l'heure. Contrairement aux deux premières fois, il n'était pas accompagné de son épouse. Il voulait, selon lui, revoir une dernière fois l'appartement avant de se décider mais Christophe sentait bien qu'en réalité, ces nouveaux atermoiements n'avaient pas d'autre but que d'essayer de le faire lanterner et d'obtenir la baisse escomptée sur le prix de vente.

Christophe le salua et lui dit sans ambages que face à ses hésitations, il s'était permis de profiter de sa venue pour faire visiter l'appartement à une autre personne intéressée.

Le type ne broncha pas.


Franck, que Christophe avait déposé un instant plus tôt au coin de la rue, arriva comme prévu avec 10 minutes de retard, temps voulu pour énerver quelque peu l'homme.

La visite prit une forme assez singulière : pendant que Christophe montrait les lieux à Franck jouant un père qui cherchait à acheter un appartement pour y loger son fils dans un premier temps puis le louer par la suite, Ducerf, qui connaissait l'appartement, se renfrognait à vue d'œil et ne disait pas un mot.

Christophe avait vu juste : sous une indifférence feinte, il bouillait intérieurement de voir arriver un gêneur risquant de contrecarrer ses plans.


Christophe faisait l'article à Franck qui, avec le plus grand sérieux, formula quelques critiques vénielles quant à l'agencement des pièces mais finit par admettre qu'il ne trouvait pas grand-chose à redire sur cet appartement qui était comme neuf, dans un immeuble bien situé de surcroît.

Il se déclara très intéressé et demanda à Christophe s'il pouvait lui parler un instant.

Christophe, prenant un air gêné en s'excusant auprès de Ducerf, se mit à l'écart pour parler à voix basse avec Franck deux minutes, puis Ducerf vit que Christophe lui remettait sa carte après avoir noté quelque chose au dos.

Franck serra la main de Christophe et quitta l'appartement sans un mot, l'air satisfait.


- Je suppose qu'il va vous faire une proposition, dit Ducerf d'un ton glacial.

- Oui, l'appartement lui plaît beaucoup.

- Mais enfin, je ne vous ai jamais dit que je ne le prenais pas !

- Certes, Monsieur Ducerf, mais votre proposition de prix est totalement déraisonnable. Je vous ai indiqué que, si j'acceptais de négocier, il y avait un plancher sous lequel je ne descendrais pas. Cela fait trois fois que vous visitez l'appartement, je pense vous avoir laissé le temps de vous faire une opinion. Vous avez toutes les données et mes coordonnées.


Christophe lui indiqua courtoisement la sortie et referma à clé.

Ducerf lui dit à peine au revoir.


Christophe attendit quelques instants dans le hall de l'immeuble, le temps de le voir partir en voiture, avant d'aller chercher sa propre voiture et de reprendre Franck au lieu convenu, là où il l'avait déposé juste avant le rendez-vous.

- Alors ? demanda Franck.

- Ah, ah, ah ! Ma parole, tu as un vrai talent d'acteur ! Bravo ! Tu ressemblais tellement à un mec intéressé que pour un peu je te vendais l'appartement pour de bon, dit Christophe en riant. Il a mordu, il est ferré.

- Mais, qu'est-ce qu'il a dit ? Il le prend ?

- Du calme, attends. Tu ne croyais pas qu'il allait me faire un chèque sur place, tout de même ? Pour le moment, il est vexé parce que pris à son propre piège : me sentant pressé il voulait me faire attendre, et maintenant c'est lui qui se retrouve pressé, persuadé d'être en train de se faire souffler l'achat. En plus je l'ai un peu remué avant de partir, histoire qu'il croie que j'en ai marre. Mais il va se calmer, il n'est pas assez vexé pour renoncer par dépit. Il veut trop l'acheter.

- Tu crois qu'il va te rappeler, alors ?

- Ecoute, on va aller déjeuner dans un resto sympa que je connais à Versailles. Pendant ce temps, lui il va foncer expliquer à Bobonne ce qu'il se passe avec cet appart qu'il se voyait déjà toucher à bon compte. Ils vont se monter le bobéchon tous les deux en faisant la popotte et dans deux heures il m'appelle.


- Tu crois ?


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