Chapitre 1 - Nouveaux habitants
- Eh bien dis donc, ils n'ont pas l'air d'être dans la misère, nos nouveaux voisins, dit Franck.
A travers le fin voilage des rideaux du salon, il regardait de l'autre côté de la rue où se poursuivait l'emménagement qui avait commencé de bonne heure ce samedi matin.
- Ca t'étonne ? Moi pas, dit Muriel, son épouse. Déjà, pour acheter l'ex maison des Laferre, il faut avoir de quoi : je ne sais pas combien ils l'ont payée au final mais sur le journal de l'immobilier, elle était mise en vente à 600000 euros.
- Oui, je sais bien, mais en plus ils ont de ces meubles ! Les déménageurs n'arrêtent pas d'en décharger. Et puis chacun leur voiture, elle a une jolie Mini Cooper et lui une Jaguar, et pas une petite, un modèle sport tout neuf ! Je me demande combien peut coûter une voiture pareille...
- Sûrement pas dans tes moyens. Tu ferais mieux de te demander comment on va changer la mienne qui arrive au bout du rouleau. Avec tous les ennuis qu'elle nous a déjà causés, chaque matin je me demande si elle va m'emmener jusqu'à l'école.
- Je sais, dit Franck d'un ton désabusé. Il faudrait ré-emprunter mais le banquier commence à tousser. Ce sont les études de la gosse qui nous plombent, cette location à Paris...
- Que veux-tu que je te dise ? Elle ne gagne pas encore sa vie, on ne va tout de même pas la laisser se débrouiller toute seule. Sans notre aide financière, comment pourrait-elle s'en sortir à Paris ? Elle s'est déjà arrangée en trouvant une colocation pour que ça coûte le moins cher possible, tu devrais t'estimer heureux... En plus, elle est brillante et fait ce qu'elle voulait faire. Tu aurais préféré la voir abandonner après le bac et végéter dans un emploi à la con, pour tirer le diable par la queue toute sa vie comme nous ?
- Je n'ai pas dit ça, je dis qu'il y en a qui ont du bol, fit-il d'un air amer.
Il quitta son poste d'observation en remettant soigneusement les rideaux à leur place.
- Du bol... Tu as toujours vite fait de tirer des conclusions, reprit Muriel. Tu ne sais pas ce que font ces gens là dans la vie ! Si ça se trouve, ils triment comme des forcenés depuis des années et n'ont même pas de vie de couple. L'argent c'est bien beau, Franck, mais quelquefois...
- C'est ça, oui, je connais la chanson : l'argent ne fait pas le bonheur. Seulement, celui qui a inventé ça était un beau couillon. Ou bien très riche.
Assise à la table du living, Muriel leva les yeux au plafond en soupirant et prit, sur l'imposante pile posée devant elle, une nouvelle copie à corriger.
Elle s'était promis d'en finir au plus vite avec ces dernières corrections afin de rendre les notes à ses élèves. Cela n'avait pourtant plus guère d'importance en cette fin d'année scolaire mais Muriel avait certains principes.
Franck partit acheter du pain.
Il avait pris son vélo et en profiterait pour aller faire un tour, ça lui changerait les idées.
*****
Il était presque midi le lendemain dimanche lorsqu'on sonna à la porte.
Franck alla ouvrir. C'étaient justement les nouveaux voisins d'en face qui venaient se présenter.
- Bonjour, dit l'homme qui, comme Franck, paraissait avoir la petite quarantaine. Je m'appelle Christophe et voici ma compagne Mélisa. Nous sommes vos nouveaux voisins d'en face et faisons un peu le tour du quartier pour nous présenter. Nous avons emménagé hier et...
Il s'interrompit subitement et, dévisageant Franck, ses yeux prirent une expression incrédule qui fit rapidement place à un large sourire.
- Franck ? demanda-t-il. Franck Bordes ?
- Oui ? répondit Franck, interrogatif.
- Franck ! Tu ne me reconnais pas ? Christophe ! C'est moi, Christophe Miller ! Les assurances !
Ce visage disait vaguement quelque chose à Franck. Il fronça les sourcils.
Soudain, la mémoire lui revint en bloc.
Mais oui, il connaissait effectivement ce type : Christophe Miller ! Ils avaient travaillé ensemble pendant environ un an.
Cela faisait... une vingtaine d'années, au moins. A Paris. Dans les assurances. Le tout premier emploi de Franck.
Incroyable !
Franck lui tendit la main chaleureusement :
- Christophe Miller ! Tu parles que je m'en rappelle ! Paris ! Les assurances-vie, le porte à porte. Et tu emménages en face de chez moi ! Le monde est petit, dis-donc.
- Alors ça, oui ! dit le nouveau voisin en éclatant de rire et en lui secouant vigoureusement la main.
- Entrez ! dit Franck en faisant la bise à la ravissante Mélisa qu'il ne connaissait pas.
- Muriel ! appela-t-il.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top