03. Troisième jour
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Jungkook
Troisième jour, et il est encore là.
Aussi immobile qu'une statue grecque figée dans la pierre, l'homme à l'aura séraphique semble être, une nouvelle fois, plongé au plus profond des courbes artistiques du tableau. En totale admiration devant le néant. Inévitablement attiré par le vide.
Je m'approche, doucement.
Mes pas sont lents, les mouvements longs.
Tout se passe au ralenti.
C'est comme si le temps lui-même participe à cette mise en attente. À cette pause au milieu de la monotonie de nos journées qui, finalement, depuis plusieurs jours, se ressemblent toutes.
Mais ça me plaît.
La familiarité de la routine me réconforte.
Comme les jours précédents, je me positionne proche de lui. Il y a une place à sa droite qui ne semble attendre que moi, réclamant ma présence par son silence.
Mon corps frôle le sien, épris de frissons. Ma silhouette se meut une dernière fois avant d'ancrer les pieds au sol, juste devant l'œuvre.
Un souffle. Le mien. Fatigué et que je peine à reprendre.
Les escaliers étaient féroces aujourd'hui.
Un autre souffle. Le sien. Calme et concentré.
Pourtant, son attention n'est plus sur le tableau, mais bien sur moi. Je distingue son regard en biais. Il pose ses yeux sur mon profil durant une seconde, peut-être deux ou trois, ou même quatre. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Mais la sensation est électrisante. Quoiqu'un peu perturbante. Depuis notre premier échange, il y a une tension permanente qui nous enveloppe entièrement. C'est chaud. Réconfortant.
Apaisant.
Et ce, malgré mes pommettes en feu.
Une ombre passe. La salle se teint d'un magnifique noir nébuleux. À l'extérieur, les cumulus se font joueurs. Ils passent, repassent, s'éloignent et se rapprochent sans cesse des immenses fenêtres. Le soleil se laisse faire, profitant d'un court repos pour recharger ses batteries. Le monde, quant à lui, patiente, puis reprend vie lorsque les traînées nuageuses se déplacent enfin et partent embêter d'autres salles de la galerie.
J'inspire calmement, tentant de faire abstraction de ses prunelles perçantes toujours éprises de mon profil, et me concentre sur Automat.
Après tout, ne suis-je pas là pour ça ?
Solitude.
Un reflet de mon être, de mon âme, que je suis venu admirer, m'imprégner.
Encore une fois.
La demoiselle et moi, nous nous épions du regard.
Encore une fois.
Une pensée fugace, mais tortueuse s'immisce dans mon esprit. Mon corps répond à cette dernière et se crispe face à son effet dévastateur. Des soubresauts accablent lourdement ma poitrine lorsque mes lèvres s'entrouvrent, prêtes à divulguer la raison de mes émois soudains.
― Demain...
Puis tout bascule.
― ...Est le dernier jour, murmuré-je, peiné.
J'ai mal au cœur.
L'homme ne dit rien, mais je sais qu'il m'a entendu à la façon dont sa tête s'est légèrement penchée vers l'avant. Son regard est toujours sur moi, malgré ses longues mèches lisses qui recouvrent ses pupilles, tandis que le mien confronte toujours celui vide, mais intense de la femme.
― Il y en aura d'autres, des jours.
Je pense qu'il a essayé de me rassurer. C'est gentil, mais j'ai envie de lui répondre que ce n'est pas pareil. Ça ne sera jamais pareil.
Que les instants ne sont pas éternels.
Mais je crois que, lui aussi, il le sait déjà.
Plus aucune parole ne sera échangée cette après-midi-là.
Bercés par une ambiance douce et tamisée, nous nous laissons mutuellement le temps de contempler l'huile sur toile. Le temps d'imprimer dans nos mémoires les différentes nuances de couleurs, les différentes couches de peinture. D'analyser les techniques utilisées, les émotions peintes, l'histoire racontée. Tantôt les orbes dérivant sur le coin gauche du tableau où trône le petit radiateur orangé, tantôt dérivant sur le haut, là où se reflètent les plafonniers.
C'est un instant hors du temps.
Un instant éphémère qui, pourtant, va nous rapprocher plus que l'on aurait imaginé.
Parce qu'effectivement, il a raison.
Il y aura d'autres jours, tellement d'autres jours...
... mais qui vont, par moment, totalement nous échapper.
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