Chapitre 14
Poussant la porte de bois avec prudence, Jisoo eut un petit instant de doute avant d'effectuer son acte, les questions l'envahirent soudainement en se demandant si tout cela était une bonne idée de jeter un coup d'œil à l'intérieur de la pièce. Peut-être que cette personne avait un certain mal qui devait rester secret ? Peut-être que cela était un lourd mystère dont il ne devrait pas se mêler pour sa propre sécurité ?
Hélas, Jisoo était un jeune homme à la curiosité débordante et son esprit était constamment traversé de multiples interrogations qui cherchaient vainement des réponses. Sa paume attrapa avec fermeté la poignée, il la tourna calmement et fit un pas en avant qui provoqua un grincement de la paroi boisée. Les sanglots devinrent plus distincts mais ils furent coupés par une voix brisée et empli de souffrances.
« - Seungkwan ? Ce... C'est toi ? »
Hésitant, le blessé se demanda s'il devait réellement continuer, entrer dans cet endroit sans l'autorisation des propriétaires de la maison. Ses doigts étaient le seul élément visible dans le champ de vision de l'inconnu qui avait un timbre de voix grave mais assez jeune, il devait avoir quelques années de moins que Jisoo à son avis.
Les interrogations se diffusèrent en lui, son âme s'emplit de questionnements insolubles et l'homme ne sut quoi faire. Son regard était fixé sur la paroi de la porte, ses pupilles tremblaient de doute alors que son cœur se serrait en ouïssant les reniflements de la personne dans la chambre.
« - Pourquoi pleures-tu ?
- T-tu n'es pas Seungkwan ou Seokmin ? Q-qui es... Tu ?
- Jisoo, Hong Jisoo. »
Résolu, le concerné ne préféra pas entrer dans la pièce. Il se laissa simplement glisser au sol, ignorant le fait qu'il ne savait pas comment il arriverait à se redresser avec sa blessure, puis laissa sa main traîner sur le parquet pour signaler sa présence à l'inconnu. Jisoo reposa son dos sur la porte entrebâillés, il resta dans cet équilibre précaire en ignorant qu'à tout moment il pouvait tomber à la renverse et rouvrir sa plaie.
En réalité, Jisoo ne savait pas pourquoi il ne rentrait pas, pourquoi il restait sur le sol à fixer la poussière tomber dans un rayon de lumière artificielle. C'était son instinct qui le guidait, qui le poussais à ne pas pénétrer dans la chambre de cet inconnu sans son autorisation car ce qu'il pourrait découvrir était peut-être grave.
« - De... Depuis combien de temps es-tu là, demanda l'inconnu.
- Plusieurs jours, peut-être des semaines maintenant. Je ne sais pas trop quand Seokmin et Seungkwan m'ont sauvé la vie en réalité.
- Ils t'ont sauvé la vie ? Cela ne m'étonne pas d'eux. »
Jisoo entendit un sourire dans la voix du garçon, une sorte de fierté résonnait dans ses paroles et cela lui indiqua que l'inconnu devait beaucoup aimer ses sauveurs. Et au vue de la suite de ses paroles, ses doutes se confirmèrent.
« - Toujours là pour aider ces deux-là. »
Un reniflement suivit d'un ricanement étouffé et fragile. Le son était plus que faible et cela laissa deviner à Jisoo que cela faisait une éternité qu'un rire n'avait pas quitté la gorge de cette personne : il devait être bien malheureux.
« - Et toi ?
- Hein ? »
Interloqué, la voix de l'autre gagna quelques gammes dans son interrogation ce qui fit esquisser à rictus à Jisoo qui clarifia gentiment sa question.
« - Et toi, qui es-tu toi ? Ils ont parlé d'une quatrième personne tout à l'heure donc je devine que tu dois être ce dernier.
- Eh bien... J-je m'appelle Hansol, Chwe Hansol. Je suis un ami d'enfance de Seungkwan, une chose bien rare dans ce monde.
- Je te confirmes cela, je suis heureux que vous ne vous soyez jamais perdu de vue tous les deux. Je suis enchanté de te rencontrer... Enfin, de t'entendre plutôt. »
Un léger pouffement se fit à nouveau entendre dans la pièce et cette fois-ci il était plus clair, plus net et ce dernier était extrêmement mignon. Toutefois, en ouïssant cet éclat de vie, le cœur de Jisoo se serra alors qu'un flashback s'imposa à son esprit car ce bruit lui rappelait le rire de Jeonghan.
Sans comprendre, son cerveau lia son ami avec Hansol et un sentiment extrêmement familier se propagea en lui. Son instinct lui hurla des sensations similaires que lorsque Jeonghan avait une crise et il se sentit mal en réalisant que l'autre personne avait de nombreuses caractéristiques avec son compagnon. Une voix se limitant à un souffle fébrile, un rire fragile et étouffée puis ce sentiment que la personne semblait s'effriter petit à petit et qu'elle manquait de disparaître d'une seconde à l'autre.
« - Tu es malade Hansol, n'est-ce pas ? »
Un léger blanc s'installa et ce mutisme confirma silencieusement les doutes de Jisoo. Après avoir touché ce point sensible, le garçon resta tout de même muet un certain temps dans son équilibre précaire alors qu'un nouveau sanglot s'échappa de la pièce.
« - Le Fléau ? »
Jisoo tenta d'aller plus loin. C'était sûrement très malpoli, maladroit et il aurait mieux fait de se taire mais c'était plus fort que lui : il avait besoin de réponse à ses questions.
« - Comment tu...
- Je ne sais pas, mon instinct me le hurle simplement. Mais après tout, tu lui ressembles, tu leur ressembles... »
Lentement, le regard de Jisoo s'inonda de larmes en se rappelant de la famille Yoon et leur funeste destin. Comment oublier les horreurs auxquels leur enfant avait dû assister, ce dernier observant ses géniteurs lentement s'éteindre au cours d'une sordide descente aux enfers. Cette maladie était une malédiction incurable, un véritable fléau comme le stipulait son nom.
Les flash s'enchaînèrent, la dégradation de l'état des parents de Jeonghan s'accélérait et le garçon se rappela les derniers mois : les pires. Jisoo avait fini par devenir incapable de leur rendre visite tant leur folie était grande, tant il était dur de les voir ainsi alors que la Mort n'était qu'à deux pas d'eux.
Tentant de se ressaisir, le garçon osa poser de nouvelles questions déplacées pour en savoir plus sur l'état du malade souffrant en silence dans sa chambre fermée aux yeux de tous.
« - Quel stade ?
- Troisième.
- Début ou cela fait déjà quelques mois ?
- Cela fait quelques semaines que je suis réellement dans cette phase... Mais ça reste minime, je ne suis pas encore arrivé aux problèmes les plus graves. Seokmin fait du bon travail. »
Un petit sourire s'entendit dans la voix de Hansol lorsqu'il aborda le cas de son ami médecin et cela poussa Jisoo à prendre son courage à demain et poser cette dernière question.
« - Puis-je entrer ?
- Oui, entre. »
Avec beaucoup de difficultés, Jisoo mis de longues secondes à se redresser à cause de sa plaie qui le tiraillait en menaçant de se déchirer aux moindres gestes de travers. Cependant, il réussit à se remettre sur ses jambes fourmillantes et il put pousser calmement la porte afin de faire face à Hansol qui était emmitouflé dans ses draps avec une mine pâle et fatiguée.
Silhouette chétive rongée par la maladie, son ossature perçait son épiderme à la teinte cadavérique et les seuls touches de couleurs sur sa peau étaient ses cernes creusés et ses iris ambre au contour rougis par les pleurs. Ces derniers avaient laissé de discrets sillons sur ses joues creusés et cela serra le cœur de Jisoo.
L'état du garçon lui rappelait celui des parents de Jeonghan. Cette enveloppe cadavérique recouverte de multiples draps car leur organisme n'avait plus assez d'énergie pour maintenir une température normale. Face à cette scène, Jisoo eut du mal à avancer dans un premier temps car ses iris noirs n'arrivaient pas à lâcher ce corps squelettique et il jura contre lui-même en réalisant que ce jeune homme semblait mille fois plus jeune que lui.
« - Quel âge as-tu ?
- J-je ne sais plus exactement... »
Un voile de panique traversa le visage de Hansol dont les iris se mirent à trembler alors qu'il bredouilla une réponse plus précise.
« - J'ai déjà quelques troubles de la mémoire alors que je suis au stade trois... Je sais juste que j'ai le même âge que Seungkwan.
- Donc tu es bien plus jeune que moi et lui.
- Lui ? »
Hansol montra une certaine curiosité et l'ombre de la vie traversa son visage à la teinte macabre ce qui fit esquisser un rictus à Jisoo. Ce dernier s'approcha, prenant place sur un petit tabouret traînant non loin et il se dit qu'il pouvait bien raconter l'histoire de son ami en quête d'échappatoire à ce pauvre garçon alité.
« - Un de mes amis est malade comme toi. Le Fléau le ronge petit à petit mais... »
Un soupir quitta les lèvres du conteur qui posa son regard un instant sur la petite fenêtre qui laissait entrevoir l'extérieur avant de reposer ses iris ébènes sur celles ambres de son interlocuteur.
« - Mais cet ami ne veut pas avouer sa maladie. Il nous la cache, souffrant en silence car il ne veut pas nous inquiéter mais on n'est pas aveugle. »
Le Fléau... Une maladie qui portait à la perfection son nom. Une saloperie comme aimait l'appeler le peuple des bas-fonds. Elle était sans pitié, touchant les enfants comme les adultes, et elle accordait la même destiné à chacun soit la Mort.
Pendant longtemps, les médecins considéraient le Fléau comme une maladie dégénérative mais cela avait été remis en question car on n'en connaissait pas réellement le point de départ, le premier organe touché. Cerveau ? Muscles ? Système immunitaire ? La question restait sans réponse depuis des années même si la majorité pensait que le mal s'attaquait au cerveau pour ensuite faire dysfonctionner l'entièreté de l'organisme.
« - A quel stade est ton ami ?
- Je pense qu'il est au premier mais il s'approche du deuxième stade. »
Le Fléau touchait dans la plupart des cas l'ensemble d'une famille faisant penser qu'il s'agissait d'une maladie héréditaire, mais, tout cela était bien trop simple puisque des cas de Fléau avait commencé à apparaître de manière spontanée dans les bas-fonds.
Mutation génétique ? Transmission de génération en génération ? Virus ? Les scientifiques s'arrachaient les cheveux à connaître l'origine de cette maladie qui tuait des centaines, voire des milliers, de personnes chaque années.
Toutefois, les recherches avaient permis de décrire le Fléau et on le décomposait en cinq stades assez variables en termes de symptômes et de durée en fonction de chaque cas. Ainsi, en plus de toucher aléatoirement la population, ce maux tuait sans prévenir.
Effectivement, il était déjà arrivé qu'une personne puisse passer du stade un au cinq en moins d'un mois. La malade enchaînait les premiers état de la maladie très rapidement, son état se dégradant de manière terrifiante à chaque cycle solaire puis tout avait stagnait au stade quatre pendant plusieurs semaines. Souffrant le martyr, le patient avait fini par mettre fin à ses jours lui-même car il n'en pouvait plus de vivre ainsi.
En ce qui concernait l'ami de Jisoo, ce dernier était au premier stade depuis des années et l'apparition des premiers symptômes du stade avaient commencé quelques semaines avant sa disparition.
« - Seokmin pourrait peut-être l'aider s'il n'est qu'au début de la maladie ? Cela serait plus efficace que sur moi.
- Comment ça ?
- Seokmin travaille sur un remède, un moyen d'inverser la maladie et d'empêcher la dégénérescence. Cependant, mon cas s'aggrave de jour en jour et je ne pense pas qu'on pourra me soigner si je passe en stade quatre... Mais, si ton ami n'est qu'au stade un, il a plus de chance lui ! »
Un irradiant sourire s'étira sur le visage de Hansol et un éclat emplit de pureté et d'innocence envahit les pupilles du garçon ce qui serra le cœur de Jisoo. Pourquoi Hansol devait être malade ? Pourquoi devait-il souffrir le martyr lui aussi ?
Le jeune homme avait mal, il n'arrivait pas à faire face à ce pauvre garçon qui méritait mille fois mieux dans la vie. Son état était catastrophique, plus qu'inquiétant, mais il arrivait toujours à sourire et Jisoo ne put retenir ses larmes en attrapant timidement la main du malade pour ensuite avouer quelque chose d'important.
« - Si Seokmin trouve un remède, on verra pour vous soigner tous les deux. Je suis sûr que s'il trouve une solution alors il en aura assez pour deux. Et puis, connaissant Jeonghan, jamais il n'accepterait d'être soigné au détriment d'un autre.
- Ton ami semble être quelqu'un de têtu.
- Ah, si tu savais. C'est impossible de l'obliger à faire un truc ou de le convaincre à je ne sais quoi. Jeonghan, c'est Jeonghan quoi ! Il n'y en a pas deux comme lui. »
Après plusieurs jours à souffrir le martyr à cause de sa blessure tout en ressassant la mort de sa mère, Jisoo finit par sourire sincèrement pour la première fois en parlant de son ami. Ses lèvres s'étaient étirées en un doux rictus moqueur, ses iris ébènes s'étaient emplis d'étoiles alors qu'il parlait du caractère de cochon de Jeonghan.
Puis le temps passa, le sujet de conversation entre Hansol et Jisoo changea pour des choses plus joyeuses, plus légères et apaisantes. Ils se mirent à parler de leur amitié, échangeant plusieurs anecdotes à la fois drôles et stupides.
Ce fut ainsi que le plus vieux parla de la fois où Seungcheol avait foncé en plein dans un soldat à l'âge de cinq ans et que le petit avait engueulé l'homme car il était sur son chemin : lui aussi avait un caractère bien trempé. Cette information avait fait pousser le plus jeune qui c'était empressé de parler de Seungkwan et du fait qu'il le surprotégeait énormément mais il avoua qu'il adorait passer des soirées dans les bras de ce dernier à parler du monde à la surface.
Les minutes devinrent des heures, les gorges s'asséchèrent mais les yeux pétillèrent ce qui était rare pour les deux jeunes hommes ces derniers temps. Plongés dans leur passionnante discussion, aucun ne vit les deux paires d'yeux qui les observaient avec douceur dans l'encadrement de porte : Seungkwan et Seokmin était rentrés.
Le duo fixa Jisoo et Hansol qui étaient plongé dans leur profonde discussion et ils jugèrent qu'ils étaient mieux de les laisser rêver et s'évader un peu. La porte se referma avec douceur en laissant les deux blessés prendre un temps de pause dans cette vie bien trop mouvementée.
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