Chapitre 10

L'air était étrange en ce jour. Seungcheol avait l'impression que l'oxygène qu'il inspirait alourdissait son corps et l'empêchait de bouger de son piteux matelas. Sous sa fine couverture trouée, le combattant fixait le plafond tout en écoutant la respiration calme de Jeonghan qui dormait encore et le garçon ne voulait pas réveiller son ami tout de suite puisqu'il avait terriblement besoin de repos.

« - Woozi... »

Soufflant le prénom de son adversaire qui l'avait mis K.O il y avait maintenant une semaine et demie, Seungcheol se rappela le cri de l'arbitre annonçant l'égalité après que les deux compétiteurs s'effondrèrent au même instant sur le sable. Cela avait été un des plus beaux combats du garçon mais aussi l'un des plus douloureux.

Portant une main à son nez cassé qui commençait lentement à resouder puis il regarda son poignet bandé de manière serré pour que ses os puissent se reconstruire correctement. Ses blessures étaient conséquentes et il en avait pour plusieurs mois de repos afin que ses fractures puissent toutes disparaître.

Soupirant face à son état pathétique, il était heureux de savoir que ses hématomes commençaient à s'atténuer en virant sur des teintes plus verdâtres ou jaunâtres. Néanmoins, ses parents restaient toujours très inquiets et cela était normal puisque leur fils avait un travail extrêmement risqué.

Ils furent si choqué ce soir-là lorsqu'il était rentré grâce au soutien de Jeonghan et Jisoo qui l'avait traîné jusqu'à la maison. Le sang dégoulinant de l'arête de son nez blessures ainsi que ses multiples fractures violines étaient dures à voir et la mère du garçon avait accouru chercher sa trousse de secours pour soigner son protégé.

Woodam, le père de Seungcheol, c'était empressé d'interroger les amis de son fils pour mieux comprendre la situation et la finalité du combat. Qu'elle ne fût pas sa surprise d'apprendre que son fils avait fait une égalité parfaite avec son adversaire.

« - Vraiment ?

- Woodam ! Au lieu de t'extasier devant le combat barbare que ton fils a mené aide moi à trouver de quoi le soigner ! Il va finir par se vider de son sang ! Jeonghan, assit le sur une chaise. Jisoo, rentre chez toi, ta mère a besoin de te voir et tu t'es aussi battu, tu as besoin d'autant de repos que Seungcheol. »

Cette nuit, madame Choi avait accompagné ses mots en offrant des pansements et du désinfectant à Jisoo avant de lui caresser le haut du crâne tout en lui murmurant maternellement de rentrer chez lui. Le garçon était tellement reconnaissant et fascinée par la gentillesse et la bonté de la mère de son meilleur ami et il avait quitté la maison avec un sourire rempli de remerciements.

Cet échange fut le dernier de Jisoo avec les Choi. Il n'avait recroisé Seungcheol qu'une seule fois après son service en compagnie de Jeonghan. Mais, cela les personnes habitant la maisonnée ne le savaient pas encore.

« - Seungcheol ? T-Tu es déjà réveillé ? »

S'étirant gracieusement, Jeonghan frotta ses yeux en frissonnant face à la morsure du froid présent dans la pièce. Cette petite moue endormie attendri le combattant qui se pencha pour ébouriffer la chevelure désordonnée de son compagnon de chambre.

« - Bonjour toi. Bien dormi ?

- Bof, j'avais un sentiment bizarre... Une impression étrange qui plane au-dessus de ma tête. »

La bouille somnolente se métamorphosa lentement en une mine soucieuse qui affaissa les épaules de Seungcheol qui avait aussi se sentiment en lui. Les traits de fatigues se creusèrent des deux côtés, les cernes se ternirent comme si les garçons avaient passé une nuit blanche et leur sous-alimentation sembla mille fois plus visible qu'habituellement.

Les os de Jeonghan semblèrent vouloir transpercer sa peau asphalte et c'était terrifiant car le garçon ressemblait à un mort-vivant. Un poids pesait sur ses frêles épaules, Seungcheol le discernait parfaitement et il voyait bien plus le fait que l'ange souffrait d'une maladie. Cependant, le plus terrifiant était l'éclat de tristesse qui scintillaient dans les prunelles ébènes de son camarade et, en la remarquant, le combattant ne put se retenir de venir câliner son compagnon : Ils avaient tous les deux besoins de réconfort car la journée s'annonçait affreusement complexe.

Les puissants bras de Seungcheol entourèrent le frêle corps de l'ange qui se blottit contre son torse tout en enfouissant naturellement son visage dans sa nuque pour humer son odeur et si perdre. Cette fameuse nuit où son ami avait combattu Woozi, Jeonghan avait eu si peur de le perdre à tout jamais.

Tremblant, ses mains osseuses vinrent serrer le t-shirt de l'autre garçon pour le rapprocher davantage, le sentir un peu plus proche de lui et s'assurer qu'il ne rêvait pas. Jeonghan ne voulait pas être piégé dans un de ses horribles cauchemars où il voyait ses piles de cadavres l'entourer, l'ensevelir, le noyer. Non, il voulait rester dans ce cocon protecteur que formait les bras de Seungcheol qui vint déposer son menton sur le haut du crâne de l'ange.

Ferment paisiblement leurs paupières, les deux profitèrent de la présence de l'un et l'autre le plus longtemps possible car il savait que, une fois leur bulle éclater, la journée débuterait et elle finirait mal, très mal. Dans le silence de la maisonnée, Jeonghan réalisa qu'ils étaient seuls et que le couple Choi était déjà parti au travail depuis quelques heures déjà : le temps avait continué à s'écouler sans attendre leur réveil et il semblait que certaine chose se soit déroulée en leur absence.

« - Tu l'as aussi ?

- De quoi, Jeonghan ?

- Ce pressentiment. Tu l'as aussi, n'est-ce pas ?

- Ouais... L'air est lourd.

- Comme si un orage se préparait,

- Et que le tonnerre s'apprêtait à gronder.

- Mais ce genre de chose n'arrive pas chez nous,

- Ce n'est que dans les livres parlant du monde de la surface, de la météo...

- Et pourtant, l'air et lourd. »

Jeonghan se recula péniblement en prononçant cette dernière phrase afin que ses yeux puissent se planter dans ceux ténébreux de son ami d'enfance. Puis, en croisant ses prunelles, il remarqua parfaitement cette lueur identique qui brillait en son sein.

« - Il va se passer un truc grave.

- J'en ai peur.

- C'est comme... Comme...

- Comme lorsque tes parents sont morts. Ouais, j'ai le même sentiment. »

Revenant à la charge, Seungcheol plongea à nouveau son ange dans ses bras car il commençait à être secoué de spasmes comme à chaque fois qu'on abordait le sujet de la mort de ses parents. Avec tendresse, le plus cieux caressa le dos de son camarade en fixant le mur tout en réalisant que l'ambiance était identique à ce jour funeste.

Cette date marquante pour Jeonghan, ce moment où sa vie avait drastiquement basculé. Les sanglots de Jeonghan augmentèrent, ses poings se serrèrent avec impuissance alors que l'injustice rongeait son âme. L'ange était déchu, sa douleur ne s'atténuerait jamais. Comme une malédiction, Jeonghan la traînait comme un boulet depuis plusieurs années et il n'arrêtait pas de se demander si tout cela finirait un jour, s'il arriverait à faire son deuil et à refermer cette plaie béante causée par leur départ prématuré.

« Surtout qu'un destin similaire t'attend, Jeonghan. ».

Ses pensées hantèrent Seungcheol, il n'oserait jamais les dires à voix haute mais dans son esprit elle résonnait comme une comptine infernale. C'était presque un mantra, une sordide prière qui le gardait éveillé pendant des heures lorsque la nuit tombait.

Le temps s'écoula davantage, leur terreur les figeait car il ne souhaitait pas connaître l'origine de ce sombre pressentiment, la raison de pourquoi l'oxygène s'alourdissait à chaque inspiration en empoisonnant leur sang tout en encombrant leur esprit d'idées noires. Quelle horreur allaient-ils découvrir s'ils sortaient de cette minuscule chambre poussiéreuse ?

Ils attendirent midi pour finalement trouver le courage de se lever et débuter leur journée. Jeonghan était heureusement en repos aujourd'hui et cela le soulageait car il n'aurait jamais pu travailler dans de telles conditions.

Ses actions ralenties par l'appréhension, une boule serrait sa gorge et aucun des deux garçon ne put avaler ne serait-ce qu'une miette du guignon de pain présent sur la table : ils attendraient le repas du soir pour s'alimenter. Vêtu, ils s'aventurèrent d'un pas lent vers la sortie et la main de Seungcheol se mit à trembler au-dessus de la poignée car il ne savait ce qui se passerait hors du seul de cette maison. Comment était le monde dehors ?

Il se passa plusieurs minutes où la paume du combattant resta suspendue dans les airs, fixant la poignée avec intensité et terreur. Cela fut uniquement lorsque Jeonghan posa calmement une main sur l'épaule de son ami qu'il revint sur terre pour plonger son regard stressé dans celui triste mais encourageant de l'ange.

« - Quand faut y aller... »

Englobant la poignet avec sa paume, Seungcheol déverrouilla finalement la porte et le monde extérieur s'imposa à lui. D'un premier coup d'œil, tout était calme, normal et rien ne changeait de la scène habituelle.

Les marchands déambulaient, les enfants courraient en s'hurlant dessus, les mendiants suppliaient d'avoir un peu de nourritures. Tout semblait normal dans le quartier et cela fit grandir la boule qui obstruait la gorge des deux garçons : la mauvaise nouvelle allait leur tomber dessus de manière subite.

Le pas traînant, tous deux partirent en direction de la maison de Jisoo afin de questionner leur ami sur ce mauvais pressentiment. Peut-être que lui aussi le possédait ? Cependant, alors que les deux camarades se posaient la question, une horrible idée germa dans leurs esprits qui se stoppèrent brusquement en se dévisageant.

« - Et si la mère de Jisoo était... »

Immédiatement, le regard de Jeonghan s'embruma alors que le combattant ne voulait pas penser à cette possibilité, cela devait être autre chose. Sa tête se secoua de gauche à droite et il fit fuir les perles salées qui menaçaient de couler.

« - On se dépêche de le rejoindre. »

Attrapant la main de Jeonghan, Seungcheol s'élança vers les quartiers Sud en voulant démonter sa théorie avec des preuves concrètes. En revanche, Jeonghan était terrifié à l'idée de trouver le corps froid et sans vie de Haneul Hong avec son fils effondré à ses côtés, pleurant la mort de sa défunte mère. Ferait-il face à une scène similaire à celle qu'il avait reproduit quelques années auparavant lorsque son père et sa mère c'étaient éteints le même soir ?

Déglutissant, le Yoon n'eut pas le temps de protester que Seungcheol le tira jusqu'à la zone habitée par leur camarade qui avait probablement besoin d'eux si sa mère était décédée. Les trois garçons étaient des amis extrêmement proches et ils s'étaient promis d'être toujours là lors des moments difficiles.

Essoufflés, presque au bord de la crise de panique, le duo arriva dans la rue où habitait Jisoo mais cette dernière était anormalement bondée et mouvementée signe que quelque chose c'était déroulé dans la zone. Se faufilant dans la foule, Seungcheol fit très attention à ne lâcher à aucun instant la main de son ami afin de ne pas le perdre au milieu de tous ses gens car ils ne savaient pas ce qu'il verrait au-delà de cette fourmilière d'hommes : ils valaient mieux être à deux pour encaisser un possible choc.

Puis, voyant le bout de cette marée noire, les garçons firent face à la source d'intrigue et d'excitation. En face d'eux se trouvaient une scène macabre, un tableau montrant le corps de plusieurs personnes mortes sur le sol terreux. Une personne les recouvrait respectueusement d'un drap gris le temps que le service funéraire finisse par arriver pour les amener vers la fosse commune après identification de leurs identités.

« - Ce sont les gars qui voulaient acheter la maison de Jisoo. Seungcheol, tu penses que Jisoo les a-

- Possible. »

L'aîné lâcha son mot avec calme bien que sa panique bouillonnait à l'intérieur mais il se devait de garder son sang-froid pour avoir une vision claire de la situation.

« - Cela ressemble à la manière de se battre de Jisoo mais il ne tue jamais. Il assomme fortement normalement... Ils ont dû faire un truc qui l'a mis fou de ra- »

Les sourcils de Seungcheol se défroncèrent rapidement alors que sa voix s'éteignit face au tableau que son esprit peignit dans sa tête : il n'y avait qu'une raison pour exprimer cet acte extrême. Blêmissant, ses yeux s'écarquillèrent alors qu'un sanglot s'échappa maladroitement de ses lèvres.

Jeonghan était trop occupé à fixer la scène morbide. Le sang dégoulinant du nez de l'un d'eux, les marques de strangulation, le crâne brisait de l'un qui avait chuté sur une pierre sortant du sol. L'immense tâche sanglante était terrifiante mais ce n'était pas tout cela qui captait Jeonghan. Non, il s'agissait d'un autre détail qui le faisait froncer des sourcils : l'expression soulagé des mercenaires.

« - Jeonghan...

« - Hm ? »

Quittant ses pensées, l'ange donna toute son attention à son ami et il fut surpris de le découvrir aussi pâle et au bord des larmes. Il était rare de voir Seungcheol autant submergé par ses émotions.

« - Qu'est-ce que tu as vu ?

- Rien. Juste, je crois avoir une explication sur pourquoi Jisoo les a tués.

- Vraiment ? Laquelle ?

- J'espère me tromper... »

L'expression sombre augmenta l'état de panique de Jeonghan qui tenta de secouer un peu son ami car il ne pouvait pas attendre dans ce genre de situation : il devait cracher vite le morceau.

« - Seungcheol, dis-moi. Cesse de tourner autour du pot !

- Et s'ils avaient assassiné la mère de Jisoo ? »

Blanchissant en prenant une teinte similaire à son ami, Jeonghan ne réfléchit pas une seule seconde avant de s'élancer vers la maison. Il poussa les gens sur son passage, piétinant la scène de crime en tâchant sa semelle de pourpre en passant dans la flague sanglante puis il s'enfonça dans la bâtisse sous les cris de Seungcheol.

Sans attendre, l'odeur d'humidité et de moisi attaqua les narines du jeune homme ce qui était habituel mais une fragrance supplémentaire se mêlait à la condensation. C'était une odeur métallique familière qui se diffusa jusqu'au papilles de Jeonghan en créant un arrière-goût écœurant, limite révulsant.

« - Non. »

Le lieu était plongé dans une obscurité quasi-opaque, seul un maigre rayon de lumière artificiel se faufilait par la porte et le store cassé mais cela était suffisant pour que le garçon puisse discerner la scène d'horreur. De plus, l'odeur était un signe suffisant pour montrer l'omniprésence du sang frais en ces lieux.

« - Jeonghan ! Bordel tu aurais pu m'attendre au lieu de- »

Seungcheol ne termina jamais sa phrase puisque, à peine ses yeux étaient tombés sur l'intérieur de la pièce, que son cœur se serra et son corps se plia en deux. Manquant de vomir, le combattant se retint de justesse en s'appuyant sur le mur en évitant de regarder l'inquiétante flaque de sang qui tapissait le parquet de la pièce.

Cependant, la mare d'hémoglobine n'avait pas de propriétaire. Ce dernier devait être probablement à l'heure qu'il était mais personne ne connaissait son identité puisqu'il était absent des lieux. Choqué, Jeonghan réussit à faire un pas en avant pour pénétrer les lieux du crime alors que son ami retenait ses nausée fulgurantes car d'horrible souvenir ressurgissait des tréfonds de sa mémoire.

« - Haneul ?»

L'ange s'approcha du petit lit couvert de vermeil. Ses semelles claquèrent dans la flaque pourpre mais il ignora ce liquide visqueux puisqu'il réalisa que les draps blancs étaient maintenant carmin. Sa main monta à sa bouche, les tremblements qui secouèrent brusquement son corps le conduire au sol et il attrapa la main glacé de madame Hong.

« - Non... Pas ça. »

Laissant les sanglots le dominer, Jeonghan tremblait de manière effrayante tout en fuyant cette sordide réalité.

« - Tu as si froid, Haneul. Tu es congelée. »

Niant la mort de la femme, l'ange tenta de réchauffer la paume de la mère de son ami. Hélas, elle s'en était allée depuis quelques heures donc ses actes était vain alors que ses pleurs se renforçaient. Les suppliques de Jeonghan créèrent lentement une ode funèbre qui se mêlait aux sanglots et haut-le-cœur de Seungcheol qui était incapable de mettre un pied dans cette pièce.

« - Haneul, réveille-toi. Jisoo... Où est-il ? Il a besoin de toi, Haneul. »

Tel une feuille tremblant face à une bourrasque trop brusque, Jeonghan se redressa pour se placer au-dessus de la défunte et lui effectuer un massage cardiaque. Haneul devait vivre aux yeux du garçon, elle ne pouvait pas partir de la sorte.

Faisant fi du poisseux liquide qui tâcha ses paumes, l'ange se mit à appuyer de manière rythmique sur la cage thoracique de Haneul avec l'espoir que son cœur puisse repartir, que sa vie revienne dans son corps.

« - N'abandonne pas ! Il a besoin de toi Haneul, Jisoo a besoin de sa mère. Ne fais pas comme mes parents ! Ne laisse pas ton enfant seul comme ils l'ont fait avec moi ! »

Le visage ravageait par ses larmes floutant sa vision, Jeonghan était déterminé à rendre la vie à la mère de son ami. Lentement, les blessures passées du garçon se rouvrirent davantage et les souvenirs du matin de la perte de sa famille lui revinrent en tête.

« - Ce monde est bien trop terrifiant pour vivre sans famille ! »

Hurlant de désespoir, le garçon se mit plus à frapper la poitrine d'Haneul qu'à effectuer une réanimation correcte. Les traits de son visage était déformé par le désespoir, son cœur était sanguinolent à cause d'une souffrance passée qu'il n'avait jamais soignée et son âme hurlait sur cette injustice rongeant ce monde.

« - Jeo- Jeonghan... »

Seungcheol tenta d'appeler son ami, de le ramener à la réalité malgré sa faiblesse liée à ses haut-le-cœur. Cependant, au même instant les gardes arrivèrent dans la maisonnée et grimacèrent en découvrant cette scène qui n'était pas si rare, au contraire, elle était familière à leurs yeux.

Froidement, l'un des hommes vint attraper Jeonghan sous les aisselles pour l'éloigner du cadavre mais le garçon était vif et désespéré. Ce fut de justesse que l'homme esquiva ou encaissa les coups du garçon tout en le traînant hors de la pièce en compagnie de son collègue qui avait pris en charge Seungcheol.

Professionnel et conciliant, les gardes amenèrent dehors les deux garçons et ils réalisèrent bien vite que le plus apte à répondre à leur question serait Seungcheol. Effectivement, malgré sa pâleur cadavérique, le garçon semblait plus lucide que Jeonghan qui se débattait comme un forcené.

« - Il est avec vous celui-là ?

- Oui, c'est mon ami.

- C'est sa maison ?

- Non, c'est celle d'un autre ami.

- Qui est ?

- Jisoo... Hong Jisoo. La femme morte était- »

La gorge de Seungcheol se serra, il avait du mal à accepter le fait que la mère de son ami était partie rejoindre le ciel à son tour : c'était dur d'assimiler cela aussi vite, tout était bien trop frais.

« - Elle s'appelait Hong Haneul.

- Où est ce Jisoo ?

- Je ne sais pas... »

Devant la foule curieuse, les gens commencèrent à créer différents ragots sur la situation et les discussions s'étaient amplifiées en voyant les mains et vêtements de Jeonghan tâchés de sang frais. Les témoins comprirent rapidement qu'un meurtre avait été commis à l'intérieur et que tout cela devait avoir un lien avec les cadavres présents dans la rue.

« - Je pense que votre ami est mort. »

Sans pincette, le garde balança ses mots qui firent sursauter le plus vieux.

« - Comment ça ? »

Seungcheol s'emporta brusquement alors que Jeonghan se calma faisant que les rôles s'inversèrent subitement. L'ange dans les bras du garde se laissa tomber à terre en se métamorphosant en une poupée de chiffon.

Ses genoux touchèrent le sol sans bruit, créant un petit nuage de fumée rougeâtre alors que ses poings serrés prirent appuis sur ses cuisses et que les larmes coulèrent de plus belle. Jeonghan s'en doutait au fond de lui, il savait pertinemment à qui appartenait l'immense tache de sang au milieu de la pièce.

« - Vous avez trouvé le corps de Jisoo non loin. Où est-il ? »

Seungcheol était devenu hystérique, attaquant presque le garde en l'attrapant par le col pour lui arracher des informations.

« - Du calme, du calme ! On n'a retrouvé aucun corps mais le mode opératoire est celui du clan Yota. Si votre ami est encore en vie, alors il n'en a plus pour très longtemps dans tous les cas.

- Comment pouvez-vous dire cela ?

- Le sang, Seungcheol. La tache de sang... C'est son sang. À Jisoo... J-Je... J'en suis sûr. »

Écarquillant les yeux, Seungcheol fixa son ami comme s'il venait de dire la plus horrible des phrases. Sa tête bougea de droite à gauche, il ne voulait pas croire aux dires de son frère de cœur qui devait forcément se tromper. Il était impossible que Jisoo soit mort, ils avaient encore beaucoup trop à vivre tous les trois.

« - Non... Non, ce n'est pas possibles, Jeonghan. Il ne peut pas... »

Seungcheol fit quelques pas en arrière, choqué par les propos de son ami alors que les personnes présentes comprirent la situation et plusieurs eurent une expression compatissante. Cependant, ce n'était pas cela qui lui rendrait Jisoo.

Perturbé, bouleversé, Seungcheol ne vit pas la pierre derrière lui et il trébucha sur cette dernière avant de s'effondrer sur le sol ce qui terrifia l'ange qui fonça le rejoindre. Immédiatement, ses mains tremblantes et ensanglantées prirent le visage de son ami en coupe et il sentait ses forces s'abandonner en découvrant son compagnon se décomposé de la force.

A ses côtés, sous le regard de ses inconnus attendris et attristé par la scène, Jeonghan vint câliner son ami tout en lui susurrant des mots que seul lui pouvait entendre.

« - On va le retrouver.

- Jeonghan, il est mort. On pourra le retrouver uniquement si l'on meurt à notre tour...

- Alors il nous attendra, il nous surveillera depuis le ciel.

- Comment ? Je te rappelle qu'on vit sous terre. »

La gémissement de Seungcheol serra le cœur de l'ange qui resserra sa prise en essayant de trouver un minimum de sang-froid car il se devait de tenir, pour eux.

« - La planque. Il sait où elle se trouve et je suis certain que, depuis le ciel, il saura trouver l'ouverture et attendra qu'on vienne le voir un soir. »

Tendrement, Jeonghan vint cueillir le visage de son ami en coupe puis il fit glisser ses pouces sur les joues rougies de son ami pour essuyer ses larmes qui se mêlèrent au sang couvrant les paumes de l'ange.

Cependant, malgré la situation, Jeonghan tenta d'esquisser un sourire, un maigre rictus qui tarirait les pleurs de son ami car il haïssait de le voir aussi triste : cela lui rappelait beaucoup sa mort à elle et les mois de chagrin de la famille Choi. Jeonghan tenta d'être fort, il terra au fond de lui sa tristesse, ses craintes et sa douleur pour amener le plus de soutien possible à son ami qui s'effondrait.

« - Jeonghan... »

Fébrilement, la voix de Seungcheol s'échappa de ses lèvres dans un murmure faible qui attira l'attention de l'ange.

« - Oui ?

- Ne m'abandonne pas. »

Les mots étaient puissants, un peu terrifiant car tous deux savaient la destinée qui se traçait pour le garçon : elle n'était pas des plus belles. Cependant, il avait tout de même la force de lui répondre, de lui offrir une réponse qui était plus que sincère.

« - Jamais. Jamais je ne t'abandonnerais, Seungcheol.

- Ne meurs pas.

- Uniquement de ta main, lorsque tu le décideras.

- Non, on mourra ensemble. Comme ça aucun de nous deux souffrira du départ de l'autre... »

Leurs prunelles étaient inondées de larmes dans lesquelles ils se noyèrent. Calmement, le front de Seungcheol vint rencontrer celui de son compagnon et, de sa main non-blessée, il vint emmêler ses doigts avec les mèches ébènes du garçon.

L'ange brisa un peu plus l'espace qui les séparait, leurs souffles se mêlèrent tandis que leurs nez se frôlèrent tendrement et que leurs mains s'accrochèrent au vêtement de l'autre. Ils avaient besoin de sentir la présence de chacun, de s'assurer que tout ceci n'était pas un mirage et, une fois certain de cela, Jeonghan souffla entre deux sanglots ses quelques mots qui résonnèrent dans le cœur de Seungcheol.

« - Ma vie est tienne tout comme mon cœur. Cela ne sera pas jusqu'à ce que la mort nous sépare car, même dans l'éternité, je serais à tes côtés. »

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