Chapitre 34 : Destinée

Point de vue d'Hermès

Je ne comprend plus grand-chose. Notre ennemi est humain. Enfin, était. Et le pompom sur le gâteau, c'est qu'Iliane semble le connaître. Magnifique. Non vraiment, on se croirait dans une de ces séries américaines, où tout arrive par un hasard incroyable. Le truc qui change, c'est que nous, nous pouvons mourir à tout moment. La puissance de Cronos se sent, dur d'aller l'affronter sans frémir. J'aurai largement préféré me retrouver face à un boss de jeu vidéo, comme Sans ou Ganondorf. À défaut d'être faibles, eux au moins sont connus et aimés.

- J'espère que vous vous êtes bien amusés jusqu'à aujourd'hui.

Sa voix est toujours aussi grave. Je ne peux pas m'empêcher de ricaner. Ça ne convient tellement pas au corps de son hôte. S'en serait presque drôle. J'aimerai vraiment rire un bon coup, histoire de l'énerver. Mais même le plus "jeun's" des dieux a ses limites.

- Ta petite bande n'était qu'un apéritif, jette froidement Sam. N'espère pas gagner, on compte en finir avec toi.

- Petit, tu ne comprends pas. J'ai déjà gagné.

- La seule chose que tu gagneras, c'est une mort certaine.

Les paroles d'Iliane brisent la tension entre Cronos et Sam, comme un fouet claquant dans l'air. Notre adversaire la dévisage des pieds à la tête, une expression moqueuse vissée à ses traits. Un vrai beauf. C'est ça d'être détesté depuis toujours, on prend des rides et on devient encore plus aigri. Plus sérieusement, il n'a pas l'air de sous-estimer l'apprentie. En fait, il a l'air de savoir. Tout savoir.

- Tu me parles de mort ? C'est un comble pour une orpheline. Passe le bonjour à tes parents de ma part, s'en débarrasser n'a pas été tâche facile.

Une onde. Une seule. Et cela suffit. Le hurlement d'Iliane vibre jusqu'au ciel tant il semble venir des profondeurs. Son pouvoir ressort, énorme, gigantesque, titanesque. Les ombres sortent du sol et l'entourent, rampant à ses côtés, en soif de sang, tandis que d'autres se déploient en l'air ou s'accumulent dans son dos, de sorte à former deux grandes ailes. Un véritable démon. Impossible de l'appeler autrement, à voir l'aura de puissance qui se dégage d'elle. Les mots de Cronos ont fait ressurgir sa colère bien plus rapidement que prévu. Il va falloir faire avec en attendant l'arrivée de Poséidon et d'Artémis.

- C'est un bien joli pouvoir que tu as là. Viens jouer avec moi, gamine. Tu ne le regretteras pas.

Une réplique à connotation bizarre ! C'est mon domaine ça ! Je ne peux pas les laisser s'amuser seuls. Iliane a beau être une redoutable adversaire, on a toujours besoin d'un rigolo près de soi. Qui sait, une blague bien placée peut foudroyer de rire même le pire des monstres.

- La pédophilie n'est pas autorisée Cronos. Il va falloir que j'intervienne !

Wow ! Je me décale, juste à temps pour éviter l'attaque surprise qu'il me réservait. C'est qu'il ne plaisante pas ! J'échange un regard avec Sam, et m'élance de son côté droit, tandis que lui fonce vers la gauche. La stratégie de la tenaille.
Nous sommes trois à lui tomber dessus. Trois timbrés, pouvoirs en place, prêts à tout pour ramener la paix. Trois timbrés qui ne sont même pas capables de l'effleurer. Le titan baisse la main, satisfait. Maîtriser le Temps lui a toujours réussi. Depuis toujours, il restait la créature la plus puissante. Nous l'avions battu de peu autrefois, mais remettre ça, après avoir perdu de nombreux dieux, comme Zeus, Hadès, Aphrodite... Pas moyen d'abandonner aussi rapidement. Si Sam est incapable de bouger, Iliane, elle, a disparu. La dimension des ombres ? Pratique pour s'échapper. Ou attaquer de façon sournoise. Ça ne lui ressemble pas. Enfin, pour une situation exceptionnelle comme celle-ci, rien d'étonnant à ce qu'elle use de la ruse.

Même en plein combat, mon skill de poète fait des ravages. Voyons voir ce qu'il en est de mon pouvoir ! Des images de Cronos me viennent en tête, m'assaillant d'une énergie nouvelle, bien plus redoutable que celle de mon aura. On peut dire que j'ai copié celle de mon ennemi... Et qu'il s'en est rendu compte. Aïe.

- Toi... Toujours aussi inutile sans le pouvoir des autres. Je ne sais pas comment tu as survécu jusqu'à aujourd'hui, mais je sais comment tu vas mourir.

En moins d'une seconde, il est près de moi. Tch, si il croit que je vais le laisser faire ! Son point s'écrase contre mon visage. Plus exactement, elle se serait écrasée, si je n'avais pas fais joujou avec mon nouveau pouvoir. Dommage que ce retournement de script ne lui ait visiblement pas plu, à tel point qu'il revient déjà à la charge. Il a beau être à mains nues, sa force est connue pour pouvoir tuer en un seul coup bien placé. Les yeux de Sam se teintent d'une lueur argentée. Il tremble, frissone, mais de ce que j'arrive à voir entre deux esquives, il réussit à bouger. Bien.

- Cronos ! hurle une voix que je connais bien.

Je me fige un instant, surpris. C'est pas trop tôt ! Une immense vague déferle dans notre direction, suivie de près par une forme animale bien plus petite. Poséidon et Artémis ! Où étaient-ils durant tout ce temps ? Les flemmards sont vraiment partout ! Deux dieux dans nos rangs ne nous fera pas de mal, d'autant que notre adversaire commence à devenir sérieux. Un mouvement flou près de moi ne fait que confirmer ce fait. Je recule et me concentre aussitôt sur le vent et la terre qui nous entoure. Arrête toi. Maintenant. Il faut que ça cesse. Si ce maudit adversaire pouvait s'arrêter, même de quelques secondes, ce serait suffisant. Alors, si je dois mettre toute mon énergie dans l'ordre que j'adresse au Temps... Après tout, qu'ai-je à perdre ? Sans l'Olympe, ma vie n'a pas lieu d'être. Alors, je t'en supplie. Arrête toi. Maintenant. Une brusque sensation de vide s'agrippe à mon corps, me faisant tomber à genoux malgré moi. Geler le cours du Temps demande donc tant d'énergie ? Je ne peux même plus remettre debout. Avoir le pouvoir du Vol a l'air classe, hein ? Et pourtant, je déteste ce pouvoir. Tu dépends des autres pour survivre. Seul, tu n'es rien. Alors, tout ce que je peux faire maintenant, c'est ramper. Ramper, et entendre le rire moqueur de Cronos, qui s'amuse bien de ma situation.

- Cette position te va si bien, me susurre t'il. Reste comme ça un moment, cela fait bien longtemps que j'attend ma revanche.

Ses yeux me contemplent d'un air féroce, affamé, hypnotisant. Je peux déjà me voir à terre, le visage en sang, haletant de fatigue. Alors pourquoi ? Pourquoi mettre autant de temps ? Quelque chose ne va pas. Toujours au sol, je ne peux qu'observer les mouvements de mon opposant. Alors que tout me prédisait un futur sombre, il commence à vaciller, penchant de plus en plus vers le bas, comme incapable de résister au vent. Il serait à court... De pouvoir ? C'est notre chance. Un grondement retentit au dessus de moi. Il ne m'en faut pas plus pour me traîner à toute vitesse plus loin, avant qu'une masse difforme d'eau ne s'écrase avec violence sur Cronos. Ce dernier semble beaucoup plus vulnérable qu'avant. Son visage se tord d'une grimace horrifiée, bien vite effacée par le choc monstrueux du courant. Il ne semble vraiment plus lui-même. De là où je suis, je peux parfaitement voir son corps terrassé par la puissance de l'attaque. Une vulgaire poupée de chiffon.

- Arrêtez !

Sam se jette brusquement au travers de la vague, protégeant notre ennemi de la pression meurtrière. Qu'est-ce qu'il fait ! Il va se faire broyer ! Je hurle à Poséidon d'arrêter, affolé par l'expression souffrante de l'apprenti dieu. L'adolescent me fixe, le regard noir, et pousse un rugissement de colère. Digne d'un fils de la sauvage Artémis. Pourquoi protéger quelqu'un que nous cherchons à tuer ? Et s'il nous trahissait une fois de plus ? Il serait... Un allié de Cronos ? Je ne peux m'interroger davantage, pas avec la terre qui se met à gronder, à trembler. Et dire que l'eau n'y est pour rien. Elle recule avec grâce, suivant les ordres du dieu de la mer. Sa proie semble sans vie, ne reste plus qu'à l'achever. Je m'avance vers elle, alors que Sam s'effondre au-dessus de celui qu'il a aidé, visiblement à bout de force. Sa respiration est trop hachée pour passer inaperçue.

- Vous êtes... Complètement cons !

- Pardon ?

- Vous êtes complètement cons, pour n'avoir pas remarqué que Cronos a quitté le corps de ce gars !

Un éclair de génie me traverse. Mais c'est ça ! Voilà pourquoi il semblait si faible ! Ça explique aussi le geste héroïque de Sam. Je pousse un soupir de soulagement. Avec ça, pas moyen qu'il soit passé du côté sombre. Maintenant, je n'ai que deux questions. Comment va le jeune humain, et surtout, où est passé notre adversaire ?

- Donc en résumé, grince Poséidon, celui que nous sommes censés tuer s'est enfui, sans être vu par aucun de nous ?

- La faute à ton tsunami, réplique Sam, accusateur. Tu as oublié que l'humain n'était qu'une enveloppe, le vrai méchant pouvait en sortir à tout moment. Et c'est ce qui s'est passé.

- Bref, laisse mon pouvoir en dehors de cette histoire. Est-ce que quelqu'un sait ce qui est arrivé à Iliane ?

- Elle a dû s'endormir dans la dimension des ombres.

Mes trois compagnons me jettent un regard blasé, avant de porter leur attention sur le corps immobile du garçon. Cod, je crois. En tout cas, c'est comme ça qu'Iliane l'a appelé. Un ami ? Ou, qui sait, peut-être plus ? Je m'agenouille près de lui, et pose une main sur son torse. Non, je ne suis pas un adepte de la communauté LGBT, je veux juste le soigner pour qu'il s'en tire. Ma magie commence à crépiter autour de nous, sans se soucier du silence électrique des environs. Comment cet humain a pu être choisi par l'être le plus puissant du monde ? Enfin, je pourrais me demander la même chose pour Lucas. Au fond, il a toujours été la victime. Il a vu ses parents mourir, et Cronos a peu à peu prit le contrôle de son mental. Il n'avait pas d'avenir.

- Qui ?

Un frisson parcourt mon dos, sans même que j'en connaisse la raison. Je relève la tête, inquiet. Mes alliés ont l'air sidérés. Wow. Je comprend mieux pourquoi. Iliane se tient au dessus de nous, les bras croisés, et aborde une expression meurtrière. Elle en impose beaucoup plus que d'habitude, avec les deux grandes ailes noires qui ornent son dos.

- Qui  l'a blessé ?

- C'est moi, lance Poséidon, décontracté. Mais je ne pensais pas que...

Trop lent. Avant qu'il n'ait pu finir sa phrase, l'apprentie déesse se jette sur lui. Il ne lui faut qu'un seul coup de poing pour clouer sa cible au sol, et le terrasser de toute sa puissance. Le dieu de la mer la regarde, complètement hagard. Le visage d'Iliane n'est plus le même, elle transpire la haine et la folie. J'interroge Sam du regard, presque sûr de ce qui se passe. Il hoche la tête, l'air grave. Alors, c'est ça.

- Artémis ! Poséidon ! Cronos a prit possession d'elle !

L'adolescente ricane, et s'envole de nouveau. Décidément, cette journée risque d'être longue. Je vérifie l'état de Cod une dernière fois. Bien, il s'en remettra. À nous deux, petit monstre. Je soupire, et me concentre pour copier le pouvoir de l'apprentie. Des ombres me viennent à l'esprit, agressives, dangereuses, prêtes à tout pour leur maître. Cependant, ça ne se finit pas. D'habitude, cela suffit pour me permettre d'utiliser la même magie. Pas ici. Pas maintenant. Pas avec une telle personne. Les ombres semblent me fixer, énervée, sous une lumière rose qui m'aveugle de plus en plus. Qu'est-ce que... Un poids énorme me fait fléchir, m'obligeant à revenir dans la réalité. Mais ! J'avais bien réussi pour utiliser le Temps, pourquoi pas les ombres ?

- Cesse tes bêtises, Hermès, ronronne Cronos, satisfait. Tu ne peux copier une telle concentration de pouvoir. Cette petite en regorge. Elle est l'arme parfaite. Je... C'est... Dégage de là !

La voix d'Iliane ! L'esprit de Cronos bataille pour garder le contrôle, à en voir les différentes grimaces qui se succèdent. Les ombres s'écartent soudainement d'elle, comme chassées par la volonté de la jeune fille.

- Tu vas arrêter ça, fillette ! Tu ne reprendra pas ce corps, c'est le mien a présent ! Je... Je me vais me tuer, ici et tout de suite. 

- Non ! hurle Sam, désespéré. Iliane, ne fais pas ça !

Des larmes brillent dans les yeux de l'apprentie déesse. Elle ne feinte pas. Elle en a les capacités. Non, je refuse d'assister à ça sans réagir ! Je me précipite vers le corps de Cod, et sort un de mes canifs. Elle tient à lui, non ? Je n'ai pas le choix, c'est ça ou elle se détruira.

- Iliane, par ici ! Qui est-ce qui dort comme un bébé ? Ton ami, n'est-ce pas ? Ce serait dommage qu'il lui arrive malheur, maladroit comme je suis. Ne t'avise pas de te suicider, ou s'en est fini de lui.

Son regard s'assombrit aussitôt, mais elle ne dit mot. Elle semble lasse, comme si elle savait déjà ce qui l'attendait, et qu'elle ne pouvait s'y soustraire. Idiote. Tu pourrais juste nous laisser ce travail. Tu en as déjà assez fait.

- Si tu mets fin à tes jours, je le tuerai. Je n'hésiterai pas.

- Laisse-moi entrer dans les légendes. Moi seule peux le retenir de force en moi, grâce au pouvoir de l'Amour et des Ombres réunis. Moi seule en suis capable. Alors, par Isis, ne le menace plus. Comme si... J'allais mourir avec toi !

- Il doit y avoir un autre moyen, crache Sam, hérissé de colère.

Iliane lui sourit. Mais ça n'a rien d'un sourire normal. Cette expression qui se veut rassurante, cette voix, un tantinet tremblante... Un signe d'au revoir. Non, non, et non ! La maman, puis le papa, et maintenant la fille ! Ça suffit les drames ! Je veux rapprocher le couteau de la gorge de Cod, toujours inconscient. Mais même ça, on me le refuse. Trois ombres tiennent fermement mes bras, m'empêchant le moindre mouvement. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle soit aussi héroïque ? Ne lui manque que le super costume fluo avec la cape.

- Qu'est-ce que tu comptes faire, garce ! Non, tu... Non ! Arrête ça ! Pas ça !  Tais-toi et admire, âme inutile.

Elle se pose en douceur sur le sol, laissant ses ailes revenir à leurs formes d'ombres. Cette petite, qui d'habitude préfère gronder que pleurer, ne cherche même pas à cacher ses yeux. Pour qu'elle en arrive à ce point... Elle ne compte pas revenir en arrière. Et cela a cause de l'esprit de Cronos. Il veut sortir à tout prix, d'après la mâchoire serrée de l'apprentie, et pourtant, elle réussit à garder le contrôle. Ses pas se dirigent vers Artémis, accélérant de plus en plus. Le tigre blanc pousse un grognement méfiant. Qui de Cronos ou Iliane dirige le corps ? L'animal recule, et ouvre la gueule, prête à se défendre. La déesse a beau avoir un certain sang-froid, nous ne savons pas exactement qui commande. Allié ou ennemi ?

- Maman, ne fais pas ça !

Sam a crié, visiblement désespéré. Mais personne ne l'entend. Iliane a sauté en un éclair, droit sur le fauve. Le tigre rugit, et, d'instinct, montre les crocs, menaçante.
Les crocs. Les crocs.

Oh, non.
J'avais oublié ça. Pas Iliane. Elle savait. Elle savait déjà, pour le poison.












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Un chapitre long, pour me faire pardonner du retard ? ^^
En plus pour le premier avril !
J'espère qu'il vous aura plu ! :D

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