Point de vue de Sam

Je trébuche par terre, et me cogne violemment contre une racine. J'ai mal calculé mon arrivée. Résultat : une propulsion trop importante qui m'a éjecté avec force du Portail. Cependant, le pire n'est pas passé. J'entrevois l'étincelle d'une arme derrière moi. Je me retourne sur le dos, et tente de faire face dignement à la dague qui brille à quelques centimètres de mes yeux. Artémis me regarde, l'air de vouloir me découper en rondelles et jeter mes restes dans les Enfers.

- Je t'avais prévenu.

Sa voix est calme. Un calme terrifiant, trop pour ne pas réagir. Je veux reculer pour me mettre à l'abri, pour échapper à cette colère qui menace de se déverser sur moi d'un instant à l'autre. Mais Artémis est plus rapide. Elle m'attrape par mon tee-shirt et me plaque contre un arbre. Dire que dans les romans c'est toujours le gars qui fait ça, et encore, en moins violent ! Et en beaucoup moins effrayant, aussi.

- Tu voulais mourir en me suivant, c'est ça ?

- N-Non, je voulais vous aid...

Un cri de douleur m'échappe. Je me tord dans tous les sens, essayant en vain de fuir cette douleur abominable. J'entend des pas précipités dans ma direction, mais y faire attention n'est pas dans mes cordes actuelles. J'ai mal, je brûle, j'ai l'impression de perdre les rênes de mon corps. Ma mère ne plaisantait pas. Alors que je pensais m'en tirer sans blessures, sa dague s'était levée, et s'était abattue sur le coté gauche de mon ventre. Le sang coule à flot, je suffoque, j'ai mal !

- Sam ! Artémis, qu'as-tu fait ?!

Je sens de longs cheveux m'effleurer le visage. La voix d'Iliane. Je veux me retourner vers elle, ouvrir les yeux et lui sourire pour ne pas l'inquiéter davantage. Je veux être son allié, garder sa confiance intacte, et ce, jusqu'à la fin. Ai-je choisi le bon camp ? Au début, j'aurais dit oui sans hésitation. Maintenant, je n'en suis plus si sûr. Artémis me regarde comme si elle hésitait à me considérer comme un traître. Si seulement elle savait... Et dire qu'elle m'avait appelé "mon ange". Je ne mérite pas d'être son fils. Je voudrais disparaître sous terre. Je risque tout en aidant Lucas. Et si ma mère y passait ? Si tout mon entourage disparaissait d'un coup, et cela sous mes yeux ? Je ne peux m'empêcher de gémir. J'ai mal, j'ai mal, j'ai mal !

- Ne t'inquiètes pas, je vais te soigner.

Une douce chaleur m'entoure le ventre. Peu à peu, l'élancement qui me clouait au sol au moindre geste s'envole. Seul Hermès pourrait utiliser une magie bénéfique aussi puissante ! La dague se retire d'un coup sec, m'électrisant une bonne partie du corps avant que le pouvoir de guérison ne fasse effet à nouveau. Artémis remet son arme à sa ceinture, et s'éloigne de quelques pas. Elle est trop énervée pour s'en vouloir de me blesser. Je comprend ce qu'elle ressent. Le fait que j'ai enfreint son interdiction la rendra méfiante à mon égard désormais. Désolé, maman. Je ne veux qu'une chose, c'est sauver ma meilleure amie. Je n'ai pas le choix.

- Quand tu iras mieux, nous nous mettrons en route.

- Quoi ? Siffle Artémis. Il n'en est pas question ! Il va retourner sur l'Olympe puisque le Portail est là !

- Pourquoi ne pas le prendre avec nous ? Propose Iliane. On ne sera pas de trop pour débusquer et tuer les membres de la Rébellion.

- On se calme, on ne sait même pas ce qu'on fera d'eux une fois trouvés, déclare Hermès en se relevant. De plus, Sam n'a pas encore fait le Test. S'il peut s'entraîner avant, il aura plus de chance de le réussir. Un avantage énorme pour ton fils, ajoute t'il en direction de ma mère. D'autant qu'il aura déjà une expérience de chasseur s'il nous aide dans notre traque.

Artémis fixe le portail d'un air songeur. Elle se retourne brusquement vers moi et plante ses yeux dans les miens. Sa colère est parfaitement lisible, mais n'est pas le seul sentiment qui fait briller son regard. Elle a peur. J'en suis sûr. Malgré ses airs de dure à cuir, elle tient à ses enfants à son façon. Le fait qu'elle m'ait blessé était ma punition, elle m'avait prévenu et a tenu ce qu'elle m'avait promit. Tuer est bien plus terrifiant. Détruire un ennemi est une chose, détruire un allié en est une autre, bien plus dévastatrice. Surtout si vous partagez un puissant lien de sang avec lui.

- Bien, finit par dire la déesse chasseresse. Viens avec nous, si tu veux. Cependant, fais bien attention à tes choix. Il se pourrait que l'un d'entre eux te mène à ta perte.

J'acquiesce, puis saute sur mes jambes en m'aidant de la main d'Iliane. Elle me lance un sourire réconfortant, le même qu'Hermès avant qu'il n'ouvre la marche. Apollon et sa sœur se placent à l'arrière du groupe, tandis que mon amie et moi se retrouvons au milieu. Nous serons tranquilles pour parler comme ça, tant de temps s'est écoulé depuis nos derniers moments passés ensemble ! Camille serait heureuse d'être ici, avec nous, comme si rien n'avait changé. Je ne sais même pas comment elle va depuis que je suis partie de l'Olympe pour rejoindre la Rébellion. Je suis revenue ce matin, in extremis avant que le groupe de traque ne parte. Quand je reviendrai à l'Olympe, j'irai directement la voir.

- Sam ? chuchote Iliane sans me regarder

- Oui ?

- Que faisais-tu sur les terres des humains ?

- Je m'entraînais avant le Test.

- Comment aurais-tu pu descendre en tant qu'apprenti ? Les seuls moyens de sortir de l'Olympe sont les Portails, et seuls les dieux peuvent les utiliser.

- Et toi alors ? Tu es une apprentie, que je sache. Et pourtant, tu n'as pas eut besoin d'aide pour arriver jusqu'ici !

Une grimace barre un instant son visage, avant qu'une expression sérieuse ne l'efface. Elle se tourne vers ma mère et mon oncle, et demande d'une voix forte :

- Artémis, savez-vous où nous allons ?

- Oui, pas loin d'ici se trouve un cercle que j'ai crée il y a longtemps. Appeler l'aide de mes sujets sera bien plus simple là-bas.

Iliane hoche la tête. Ses yeux affichent ce sentiment de haine, le même que celui de Cod en face de Lucas. Où Eliot et Freeze l'ont t'ils amenés d'ailleurs ? Le lien qui le lie à mon amie me trouble. Je ne vois pas pourquoi elle s'attacherait à un humain.

- Iliane, est-ce que tu connais un humain nommé Cod ?

Elle se fige aussitôt. Ses couleurs disparaissent aussi vite qu'un soleil en hiver. Alors, c'est vrai. Elle et Cod se connaissent... J'espère que leur relation se résume à une amitié de passage. Je suis presque sûr que l'humain sera mort avant que le groupe de traque ne le retrouve. Je tente de me rappeler des endroits potentiels où Lucas pourrait l'envoyer, mais une main agrippe mon tee-shirt avec force et m'oblige à faire face à deux yeux verts striés de noir.

- Où as-tu entendu parler de ce nom ? explose Iliane sans prêter attention aux autres membres du groupe

- Je... J'en ai entendu parler, c'est tout.

- Tu mens ! Dis-moi ce que tu sais !

- C'est pas bientôt fini votre boucan ?

Hermès nous sépare de force, et nous toise d'un air sévère.

- Nous sommes bientôt arrivés, donc taisez-vous avant d'alerter des humains.

Je baisse les yeux, faisant mine d'avoir compris et d'être désolé. Tout le contraire d'Iliane, qui, en plus d'ignorer les paroles de son aîné, semble sur le point de me sauter dessus. Elle tient à savoir ce que je cache. Le truc, c'est que je ne peux rien dire, et qu'il n'y a aucune explication logique au fait que je connaisse Cod. Je ne sais rien de lui, il pourrait venir de n'importe où. Je n'ai plus qu'à attendre la prochaine halte en espérant rester vivant d'ici là. Je me concentre sur la route, histoire de localiser l'endroit ou nous sommes. Une épaisse forêt baignée de lumière, des fleurs, des champignons, des papillons... Ne manque plus que des cœurs et des licornes pour compléter le cliché d'une forêt enchantée dans un conte de fées. À la différence près que les méchants et les gentils ne sont pas si différents l'un de l'autre. Les deux doivent tuer pour atteindre leurs objectifs. Les deux veulent se battre pour un but qu'ils jugent bon. La Rébellion pour supprimer le Test, synonyme de mort pour de nombreux apprentis, et donc l'Olympe qu'ils trouvent injuste Et le groupe de traque, pour empêcher la Rébellion de tuer une énorme partie des humains, ainsi que pour vivre en paix. Car il ne faut pas être dupe : Lucas en vie, les Olympiens n'auront jamais ce calme si cher à leurs yeux.

- On y est.

Le ton clair d'Artémis brise le silence qui entourait la troupe. Elle devance Hermès et s'avance vers un cercle couleur argent. Les symboles en son centre ressemblent vaguement à ceux de la culture celte, mais je n'en sais pas plus. Dès que son pied effleure la surface du rond, une douce lumière blanche s'en échappe et illumine la silhouette élancée de ma mère. Que compte t'elle faire ? Je l'ai souvent entendue parler de ses alliés, mais les voir un jour... C'est simple, grâce à eux, elle sait tout. Chaque personne ayant foulé le sol, les nuages ou les racines sous terre, rien ne lui échappe. Sa magie est la plus redoutable quand il s'agit de trouver ceux qui se cachent. Elle finit toujours pas les repérer, même les meilleurs à ce petit jeu de cache-cache mortel.

Immobile au milieu de son cercle, Artémis lève la tête, ferme les yeux, puis fait une chose que je n'aurais jamais cru possible : elle chante. Ses paroles sont incompréhensibles, une sorte de son féerique inconnu, et hypnotisant. Les fois ou elle chantait à l'Olympe, c'était tellement mauvais que ses camarades se moquaient gentiment d'elle en évoquant la pluie et les orages. Mais ici, cachée au fond d'un bois, elle donnait ce qu'elle avait sur le cœur, elle ne se retenait pas. Je sais depuis longtemps que les forêts sont les royaumes sur lesquels elle veille, le voir en vrai est pourtant stupéfiant. Les feuilles, les pétales et les pierres lui tournent autour sans la toucher, en une sorte d'aura mystique dont elle est la seule à en connaître les usages. C'est magnifique. Voir ma mère user de son pouvoir est un spectacle ensorcelant.

Néanmoins, même une étoile a ses limites. Artémis finit par s'immobiliser. Ses yeux demeurent clos, elle ne fait aucun geste, c'est tout juste si elle respire. Elle serait en train... D'écouter ?

- Pour l'instant, aucun animal en Amérique et en Inde ne l'a vu.

Ce n'est qu'un murmure, deux phrases difficiles à entendre. Mais cela suffit à électrifier l'atmosphère. Hermès, Apollon et Iliane sont sur le point de crier tant ils sembles surexcités. Elle va découvrir la position de la Rébellion, c'est génial, doivent-ils penser. C'est dans ces moments-là que je me sens seul : ce n'est pas génial du tout.

- Ils n'ont rien vu en Italie et en Espagne.

Iliane trépigne d'impatience comme une gamine de six ans. Hâte de découper des têtes, hein ? Et dire que ça sera peut-être la mienne...

- Ils sont là.

- Où ?! lancent Apollon, Hermès et Iliane en même temps.

Artémis me jette un coup d'oeil suspect. Elle a remarqué que je n'ai pas l'air aussi satisfait que les trois autres. Je n'ai jamais été doué pour jouer la comédie.

- Je sais où ils sont, affirme ma mère. Retournons en arrière et prenons le Portail.

- Mais où sont-ils ? gémit Hermès

Artémis le regarde d'un oeil amusé, avant de déclarer, sûre d'elle :

- Quelque part à Concarneau, en Bretagne. Allons-y de suite.

_______________

Hey !
Un chap avec peu d'action, voir pas du tout, mais qui nous rapproche peut-être de la fin !
En attendant, j'espère que vous avez aimé ce chap, et si oui, n'hésitez pas à voter et commenter !