Chapitre 24 : Début de jeu

Point de vue de Cod

Je me suis déjà demandé comment j'allais mourir. Accident, maladie, vieillesse... ça peut paraître glauque de penser à ça, et pourtant chacun s'est posé cette question un jour, sans en trouver la réponse. Mais ici, dans cette salle où sont entassés des dizaines de personnes muettes à l'idée de trépasser, je connais ma réponse. Je vais mourir ici, tué par ce connard de première classe : Lucas. Ses deux bras droits ont énormément de force, je ne peux rien faire face à eux, et je ne le souhaite pas. Ce ne sont pas eux qui m'ont frappé sans retenue. Si j'ai échappé à la colère de leur chef, c'est grâce au quatrième ado, le plus discret et sûrement le plus réfléchi. Ses cheveux bruns coupés courts, presque noirs, couronnent des yeux noisettes qui semblent plongés dans des pensées sérieuses. Tout le contraire de Lucas qui se contente de lire un livre, en souriant de temps en temps. Normalement, un méchant serait plus badass, avec une cape flottant au vent (même sans vent), une coiffure toujours impeccable, une voix rauque et des vêtements recherchés. Enfin, ça c'est ce que j'ai vu dans les animes. "Oh mon dieu il regarde des séries japonaises il a pas de vie !". Ça a toujours été comme ça depuis que je connais les mangas. Un beau mec attire les filles, un beau mec qui parle animes et cosplays les repoussent. En tout cas, c'est ce que j'ai connu plus jeune. La différence éloigne. Si tu n'aimes pas la muscu, le foot, les couleurs dites "mâles", certains vêtements en particulier, les plus belles filles de l'école, tu as des chances de t'éloigner de ce monde qu'est la popularité. Avant, je me souciais de ça, de mon image, de ce que pensaient les gens. Mais ici, la vie prime sur tout ça. Je suis silencieux, imitant les autres prisonniers. Leurs regards sont tous différents : en colère, désespéré, vide, las... Mais on sent en chacun cette peur de mourir.

On m'a ligoté aux barreaux d'une cage vide, qui je pense, ne va pas tarder à se remplir à son tour, tout comme les trois autres. Cinq cages géantes, et quoi ? Que comptent-ils faire ? Je ne vois pas l'intérêt d'une telle situation. Et inutile de demander à mes ravisseurs des explications, ils ne me jetteront même pas un regard. Ou alors, peut-être que si... Le garçon qui m'a aidé me répondra peut-être. ça tombe bien, il n'est pas très loin de moi. Les cages, construites en forme de pavé, sont réparties en ligne droite, les une à côté des autres. Lucas est assis sur la troisième, et celui que je vise est adossé à la quatrième. Il a prit soin de s'éloigner des cages remplies. Je vérifie les positions des deux subordonnés de mon ennemi. A dix mètres de moi, l'un regarde son chef comme s'il lui vouait un culte, tandis que l'autre jette parfois des regards pensifs au troisième acolyte, l'air surpris qu'il soit encore là. Je n'ai pas le choix, je dois savoir ce qui se passe. Le cœur battant à rompre, je lance dans un murmure :

- Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

Pas de mouvement du côté de la quatrième cage. Il n'aurait pas entendu ? Je hausse un peu la voix malgré la peur d'être repéré :

- Eh !

Gagné ! Il tourne la tête vers moi, étonné. Ses sourcils se froncent, mais il s'adosse à la cinquième cage sans faire de bruit. C'est là que je suis attaché, sauf qu'il est à ma gauche, et moi à droite. Peu importe, ça me suffit tant que nous ne sommes pas grillés.

- Tu sais ce qu'il se passe ici, heu...

- Sam, chuchote t'il sans me regarder. Et oui, je sais ce qu'il se passe, vu que je suis dans leur camp.

- Tu pourrais m'expliquer alors ?

Il semble hésiter. Je comprend son refus, le fait qu'il me donne son prénom est déjà incroyable pour un type qui est censé être mon ennemi. Mais j'ai vraiment besoin de savoir, et tous ces gens qui nous regardent avec curiosité et espoir aussi.

- Je t'en prie, je dois absolument sortir d'ici.

- Pour quelle raison ? me demande t'il

- Il faut que je retrouve une fille.

- Son nom ?

- Iliane.

Il se raidit en entendant ma réponse. J'aurais touché un point sensible ? Peut-être qu'ils se connaissent après tout ? Il a l'air d'avoir le même âge que cette apprentie déesse. Son soupir interrompt mes pensées, et il se lance en s'efforçant de parler bas :

- Je suis un ami d'Iliane. Je ne sais pas où elle est, mais je sais qu'elle doit être en choc émotionnel, et donc dangereuse. Quand à notre plan, c'est simple : nous allons faire exploser chaque pays.

- Quoi ?!

La surprise m'a pris de court. J'ai parlé tout haut, oubliant de me soucier de ce qui m'entoure. Je vois Freeze s'approcher de nous, l'expression clairement méfiante. Eliot, lui, n'a pas bougé. Il semble partagé entre la peur et la colère. Pourquoi ? Je ne le saurais sans doute jamais, surtout vu l'expression furieuse de Sam. Il revient dans sa position initiale, près de la quatrième cage, l'air de rien.

- Vous étiez en train de parler, crache Freeze en fusillant Sam du regard.

- Et alors ?

- Alors on ne parle pas aux prisonniers, intervient Lucas.

Sa voix calme n'est qu'apparence. Il s'est déplacé silencieusement jusqu'à la quatrième cage, où il est perché, debout, les yeux perçants tels ceux d'un aigle. Il foudroie Sam du regard, avant de s'adresser à Freeze :

- Emmène cet humain avec Eliot dans un coin tranquille, je ne le veux pas dans mes pattes. Quand à toi Sam, tu vas m'écouter attentivement. J'ai une mission pour toi.














Point de vue d'Iliane

Parcourir les pièces des Enfers n'aura jamais été aussi long. Quoi de mieux pour une personne maîtrisant les ombres que de ne pas aimer être seule dans l'obscurité ? Si c'est pour un petit moment, je peux supporter ça. Mais trouver le Portail des lieux pour se rendre à l'Olympe n'est pas chose facile. Surtout qu'une bombe d'électricité a ravagé beaucoup de salles autour d'elle, rendant l'endroit encore plus oppressant qu'il ne l'était déjà. La lumière solaire me manque. Tiens, cette remarque aurait plu à Apollon, lui qui est le Dieu du Soleil... Il aurait affiché un petit air supérieur et l'aurait gardé pour le reste de la journée.

Je pousse un soupir, et suit mes ombres, pas fâchée qu'elles me servent de guides. L'ambiance familiale de l'Olympe me manque. J'aimerais que tout redevienne comme avant, au moins pour une minute ou deux. Si seulement c'était possible. Oh et puis merde ! Les regrets viendront quand l'heure du jugement sera terminée. En attendant, je dois avancer. Malgré la fatigue, je me force à augmenter la cadence. Mes ombres m'imitent, et nous nous retrouvons bientôt dans une salle qui aurait pu être une bibliothèque. Des morceaux de murs ont été arrachés, et les immenses étagères soufflées par la force de l'explosion.

Inutile de dire que les livres ont volé un peu partout, rendant encore plus difficile l'exploration de la pièce. Tous ces recueils regorgeant d'histoires... Cette énorme masse de papier montre à quel point mon père tenait à ces trésors. Je me penche, ramasse un bouquin, et l'ouvre avec précaution. Son aspect fragile et ses pages jaunies confirment mes doutes : ce livre est vieux, et donc précieux si Hadès en a prit soin jusqu'à là. Je le referme, et passe la main sur la couverture en lettres d'or. "Le Livre de Shelzer". Par Isis, c'est mon père qui avait cette légende en sa possession ?! Il est décrit comme étant un mystère de la nature, trouvé sur l'Olympe et dont l'auteur reste inconnu ! Je ne peux pas me permettre de l'abîmer ou de le laisser ici, il pourrait m'être utile dans ma quête ! J'ai du mal à y croire. Et si tout ça n'était qu'un rêve ? Des milliers de livres sont réparties, tel un océan précieux, et comme par hasard, je tombe sur le plus incroyable de tous. J'ai autant de chance que l'héroïne d'un roman !

J'entend un grognement soudain près de moi. Une de mes ombres me lance un regard frustré, et s'éloigne en voyant qu'elle retient mon attention. Pas le choix. Six de mes sujets m'enveloppent d'une robe bustier et d'une pèlerine, faisant disparaître l'uniforme de l'internat, que j'avais oublié de retirer. Je glisse le Livre de Shelzer dans le tissu de la pèlerine. Il y entre sans résistance. Dans la dimension des ombres, il sera en sécurité. Bon allez, finit la pause. Je démarre au quart de tour pour rejoindre mes guides. J'en vois une qui me fait signe derrière trois énormes étagères renversées. Je les évite en faisant un grand détour, accélérant pour satisfaire au plus vite ma curiosité.

Qu'a t'elle découvert pour avoir l'air si excitée ? Je finis par la rejoindre, les jambes lourdes. Je reprend mon souffle quelques secondes, puis examine l'endroit que l'ombre désigne. Un tas de livres le cache en partie, mais les pierres incrustées de symboles ébènes brillent trop pour ne pas s'en apercevoir. Le Portail ! Je dégage en vitesse les bouquins qui recouvrent son côté droit. Il est magnifique. Un arc de cercle, tout en finesse, dont la lueur bleutée grésille et change de nuances en son centre.

Alors c'est ça, le chemin royal pour se rendre à l'Olympe. J'espère que c'est rapide ! Je rappelle mes ombres autour de moi. Elles se faufilent sans bruit sur les livres recouvrant le sol, et entourent mes bras pour se transformer en longues mitaines. D'autres intègrent même ma robe, qui s'allonge jusqu'à couvrir mes pieds. À part la pèlerine qui m'est utile uniquement pour le Livre de Shelzer, c'est la même tenue que mon côté sombre, celui que j'avais vu avant de me réveiller. Coïncidence ? Si seulement. Je ne veux pas devenir aussi cruelle qu'elle, qui sait si je ne serai pas engloutie par ce côté noir, et deviendrai folle ? Par Isis, la fatigue me fait perdre la tête. Sans me poser plus de questions, je prend une grande respiration, et franchit le portail.

- Apollon ! Tu vas sortir, oui ?! On a une chasse à faire !

Je sursaute, surprise d'entendre Artémis crier. La déesse chasseresse a l'air vraiment furieuse, à tel point que je n'ai pas vraiment envie de croiser sa route. Dommage que j'y sois pourtant obligée... Je sors définitivement du portail, manquant de tomber alors que mon poids semblait si léger à l'intérieur. Le voyage entre les Enfers et l'Olympe est instantané, je n'ai rien senti ! Incroyable ce dont Hermès est capable. C'est lui qui a créé cette invention, pour voyager plus facilement entre plusieurs royaumes. J'ai lu quelque part qu'il y en avait un dans l'Olympe, dans les Enfers, sous l'océan Atlantique, le Pacifique, et un sur Terre. Après, il faut juste penser à sa destination avant d'entrer dans le Portail, et le tour est joué.

- Mais c'est pas possible celui-là ! Eh gamin, tu vas te réveiller oui ?! Je vais défoncer la porte si tu continues à m'ignorer !

Décidément, c'est le chaos ici ! Le Portail occupe le fond de la salle du Conseil des Cieux, pourtant il n'y a personne ! Je me dirige vers la seule porte avec l'espoir qu'elle ne soit pas fermée. Elle est habituellement verrouillée pour empêcher les apprentis et les dieux mineurs d'y entrer. Sauf que là, surprise : la porte est entrouverte... Ça, c'est un signe de situation grave. Je sors en vitesse, et inspecte les environs. Ça fait tellement longtemps que je ne me suis pas baladée dans les couloirs. J'aurai aimé faire un tour à la cafétéria, mais un tout autre problème que la faim m'en empêche. Il faut que je demande de l'aide à Artémis pour traquer Lucas, je n'y arriverai pas seule.

- Artémis !

La déesse ne m'entend pas. Ses yeux sont fixés sur la porte, comme si elle voulait la faire exploser d'un simple coup d'oeil.

- Sors de là, idiot ! Hurle t'elle. Je comprends ton deuil, mais sache que moi aussi j'ai mon lien dans cette tragédie ! Il est hors de question que je reste là à rien faire alors que Lucas se balade tranquillement dehors !

- Artémis !

La déesse tourne son regard vers moi, l'air de vouloir désintégrer celui qui ose la déranger. Cependant, ça ne dure pas. Son visage pâlit en me voyant.

Ha.
J'ai oublié un détail.
Un détail important, même.
Je suis toujours sous ma forme sombre, avec une aura plus noire que rose.







__________

Hey ! Je ne sais pas ce que j'ai en ce moment, les chaps sont vite rédigés. Enfin, comparé au rythme de l'année scolaire... Ça a bien changé !
J'espère que vous avez aimé ce chapitre, et si oui n'hésitez pas à voter et commenter !

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