Chapitre 23 : Promesse de mort
Point de vue de Sam
Avec dégoût, je fixe Lucas s'étirer comme un chat. Ses yeux se plissent en s'apercevant de ma présence, mais il repart bien vite dans son livre. Et dire que j'aide un type pareil... Son calme m'énerve au plus haut point. Mais ai-je le choix ? Le Test devrait être banni. Avant de connaître ce blondinet arrogant, je pensais déjà qu'une évaluation de ce genre n'était pas une bonne idée. Un de mes demi-frères, Eliot, avait raté cette épreuve en sauvant quelqu'un qui lui tenait à coeur. Il avait agit selon ses sentiments, il n'était pas en faute, au contraire. Sauver quelqu'un au détriment de sa propre existence est extrêmement courageux. Et ça, les dieux ne le comprenaient pas. Non en fait ils n'en avaient carrément rien à faire. "Notre système serait déséquilibré sinon !" qu'ils se plaisaient à dire. Seulement, cette loi n'a servi à rien. Le chaos s'est emparé de l'Olympe depuis la mort d'Aphrodite. Cette divinité tant aimée ne serait jamais morte sans cette foutue rébellion ! Et c'est justement cette rébellion que j'aide putain ! Bon, on se calme. Je pousse un soupir discret, et songe à ce qui m'attend. Mon rapport sur l'état de l'Olympe à Lucas a enchanté ce dernier. Artémis s'est transformée en furie, Apollon ne sort plus de sa chambre, Hermès ne sait plus où donner de la tête, et les autres dieux se sont réunis d'urgence pour établir un plan d'attaque. Je les trahis. Je les trahis tous. Tous ceux qui croyaient en moi, qui me voyaient comme un élève sérieux, un futur dieu. Ils se sont tous trompé. Je suis un traître. Mais je ne peux pas regretter. Si je fais tout ça, c'est pour sauver ceux que j'aime. Iliane, Camille, Eliot. Mais aussi mes camarades de classe, les futurs fils et filles nés en partie d'êtres divins... Je ne veux pas que tous ces innocents meurent. Je voudrais moi aussi rester en vie, même si mes chances sont minces. De toute façon, qu'ai-je fais de bien dans ma vie ? Je veux sortir du lot, montrer qui je suis et ce que je vaux. Je veux marquer l'histoire et sauver ce qui m'est cher. Peu importe si on me juge, je fais ce qui me plaît, même si ça signifie devenir un ennemi de mes meilleurs amis.
- Eh Lucas ! Viens voir ce qu'on a trouvé dans les Enfers !
L'intéressé relève la tête de son bouquin, l'air vaguement ennuyé d'être interrompu dans sa lecture. Ses yeux s'agrandissent de stupeur, avant de briller d'une lueur étrange. Une flamme nette de plaisir sadique, l'expression d'un chat lorsqu'il tient sa sourie entre ses griffes. Ses bras droits auraient attrapé une proie ? Je me retourne, trop curieux pour rester silencieux dans mon coin. Toujours assis sur l'une des énormes cages, Lucas fait signe à Freeze et Eliot de se rapprocher. Fiers de leur trouvaille, ils marchent vers leur chef jusqu'à se retrouver à quelques mètres de lui. Coincés entre eux, un garçon a l'air furieux tente de se débattre, en vain. Ses bras sont solidement tenus par ceux de ses ravisseurs. Un humain n'aurait aucune chance de s'en sortir. Surtout que le visage de Lucas ne prédit rien de bon. Lentement, il descend de son perchoir avec la grâce d'une panthère.
- Alors, Cod... Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. C'est dommage que tu ne te sois pas fait écrasé par un camion avant, ça m'aurait évité de te revoir.
La voix faussement dramatique de Lucas ne fait qu'énerver davantage le dénommé Cod. Il tente de s'échapper, l'air de vouloir transformer celui qui le fait face en charpie. Agacé, Freeze enfonce ses ongles dans son bras et resserre sa prise. L'humain veut clairement tous nous tuer. Pauvre garçon... Il n'aurait jamais dû se trouver dans la terre des morts. Comment a-t-il pu atterrir là-bas ? Sans l'aide de dieux ou d'apprentis dieux, il n'aurait pas pu y être. À moins d'être mort, une meilleure fin que de se retrouver face à Lucas.
- On l'a aperçu en train de regarder Zeus et Hadès, explique Eliot. Je ne sais pas comment il a fait pour se retrouver là, mais on est partis bien vite. Ça avait l'air de chauffer entre les deux dieux.
- Comment vous avez fait pour sortir ? demande Lucas, qui ne quitte pas Cod des yeux. Les Enfers sont un véritable labyrinthe.
- On a eut l'aide de Paul pour remonter à la surface.
Paul ? L'un des fils d'Hadès, et donc le demi-frère d'Iliane. C'est assez étrange qu'un lien unisse ces personnes que tout oppose. Enfin, ce n'est pas si différent d'Eliot et moi. Artemis aime tous ses enfants, mais je pense qu'elle a toujours préféré Eliot. Il aimait s'entraîner, il était bon élève, et rêvait de voir les animaux de la Terre pour parler avec eux. Après tout, c'est en notre pouvoir. Nous pouvons parler aux bêtes, notre vitesse et notre agilité sont plus élevées que les autres apprentis, et nous sommes particulièrement doués avec les arcs. Malgré ces points communs, Eliot a toujours été celui qui s'entraînait le plus. Il avait cette volonté de devenir fort à tout prix, au risque de mettre sa santé en jeu. Moi qui aime lire et me documenter au lieu d'aller tirer des flèches pour progresser... Nous avons vraiment peu de choses en commun. Malgré tout, nous nous sommes toujours bien entendus. Le fait que je rejoigne son camp l'a surpris. Puis il s'y est fait, et compte sur moi pour les aider dans leur révolution. Oui, bien sûr, et il y a écrit "joie d'être ici" sur mon front aussi !
- Que faisait un morveux de ton espèce dans les Enfers ? Et surtout comment as-tu pu y entrer en étant vivant ?
La voix menaçante de Lucas me tire de mes pensées. Chaque mot qu'il sort envers Cod est lourd de mépris. J'ai compris ce qu'il pense des humains depuis mon arrivée dans le groupe, à voir le peu de remords qu'il a au sujet de la mort de milliards de personnes. Mais cette aversion totale qu'il ressent envers le prisonnier est trop flagrante. Ils se sont déjà croisés avant, et ça ne s'est pas bien passé.
- Comme si j'allais répondre à un bâtard de ton genre.
Idiot. Complètement idiot. Lucas sourit, l'air ravi de cette insulte. L'instant d'après, son poing frappe violemment le ventre de l'humain. Je vois ce dernier suffoquer, asphyxié par la douleur. Son visage devient rouge de fureur, mais il ne peut toujours pas bouger. Tout ce qu'il peut faire, c'est promettre des yeux mille souffrances à son agresseur, la mâchoire serrée par l'envie de se battre.
- Et tu osais être aux côtés d'Iliane... Tu n'es rien. Tu ne mérite même pas d'exister !
- Ta mère a dû regretter de t'avoir mis au monde, gronde Cod en le fusillant du regard.
S'en est trop. Lucas lâche un ricanement sordide. Une étincelle de folie anime ses pupilles, alors que son rire démoniaque continue de résonner à travers la pièce. Un courant d'air glacé me fait frissonner, mais c'est seulement quand je vois ce que le chef va faire que je recule délibérément. Lucas empoigne l'humain par les cheveux et le jette à terre. Avant que celui-ci puisse se relever, il saute à genoux sur son dos, le plaquant au sol en plus de lui écraser l'arrière du corps. Ses mains s'abattent sans pitié sur tout ce qui est à sa portée : tête, épaules, bras, cou... Son accès de rage soudain semble effrayer Freeze et Eliot, qui n'osent pas bouger. Cod va finir en morceaux si il continue à endurer ça. Son agresseur n'a pas l'air de vouloir arrêter, en tout cas pas jusqu'à ce que sa proie ne meurt. Pas que je tienne à cet humain inconnu, mais il a un lien avec Iliane, alors je ne peux pas le laisser là où il est.
- Lucas, il faut s'arrêter. Tu vas finir par le tuer.
- C'est justement mon but, pauvre crétin !
- De nous deux tu es le plus crétin, si tu ne penses pas aux avantages qu'il y a de le garder en vie !
Lucas se stoppe net. Il tourne la tête dans ma direction, hésitant. Ses yeux me sondent, voir si je dis la vérité ou mens pour sauver la cible de sa colère. Je m'efforce d'afficher un air blasé. Finalement, il se redresse, et pousse Cod vers ses deux subordonnés d'un violent coup de pied. Freeze et Eliot s'empressent d'entourer le garçon, vérifiant son état et lui enlevant toute chance de fuite. Sans se préoccuper d'eux, Lucas se dirige vers la cage, et y remonte sans peine d'un seul bond. Il ressemble vraiment à un félin. Cette agilité est normalement réservée à ceux de la descendance d'Artemis. De qui tient-il cette caractéristique ? Comme s'il lisait dans mes pensées, le blondinet me fixe, un sourire suffisant aux lèvres. Il reprend cependant bien vite son sérieux, et me demande d'une voix froide :
- Quels sont les avantages à le garder vivant ?
- On pourrait attirer Iliane avec. Elle tient à cet humain, non ?
Une flamme de colère passe dans son regard, mais il ne répond pas. Il accepte cette idée, je le sens. Néanmoins, le fait que mon amie tienne à Cod le dérange. Ce serait... De la jalousie ?
Point de vue d'Iliane
Tout est atrocement noir. Je n'arrive même plus à bouger. Quelque chose de dur bloque le moindre de mes mouvements. Par Isis, c'est dans ces moments-là qu'une blague perverse aurait détendu l'atmosphère, ou du moins aurait essayé ! Dommage que mon humour s'envole dans ce genre de situation, celui où tu as du mal à utiliser tes poumons et tes membres.
Je me sens étouffée, heureusement mon aura ne tarde pas à illuminer la pièce, me permettant de voir ce qui m'empêche de bouger. Enfin, pièce est un bien grand mot. Le lieu que où nous étions n'est plus. Les murs, le plafond, tout s'est écroulé sous la puissance de l'explosion. Il y a même de la brique, des tuiles, de l'herbe et un... Radiateur ? Attends une minute, que fait cette chose ici. L'impact du sort de Zeus n'aurait quand même pas... Non. Non, impossible ! L'explosion aurait provoqué un gouffre géant vers le monde humain, et des maisons y seraient tombées ?
Par Isis, non ! Les habitants de la Terre vont s'affoler, et pourraient bien découvrir notre existence ! Mes ombres se regroupent de là où je suis. Leurs silhouettes noires s'attardent au-dessus de moi, inquiètes, puis s'occupent de soulever l'énorme morceau de mur qui me bloque. J'aurais été écrasée si elles ne m'avaient pas protégée. Je leur souris, reconnaissante de leur soutien, puis me redresse avec difficulté. L'endroit est lugubre, bien plus effrayant que je ne l'avais imaginé. Super, moi qui adore les films d'horreur... J'essaye de penser à autre chose, mais regarder autour de moi n'arrange en rien mon sentiment d'oppression. L'explosion a fait voler en éclat tous les murs dans un périmètre de deux kilomètres. Et dire que je suis encore vivante après ça. Seulement moi ? Ho non. Mes yeux fouillent désespérément les environs. Où est mon père ?! Peut-être qu'il est encore vivant, mal au point, mais vivant ! Oui c'est sûr, il est le dieu des Enfers, il ne peut pas mourir ! Ses ombres l'ont protégé, il doit être en train d'attendre de l'aide quelque part ici ! Quand il me verra, il me sourira et tout rentrera dans l'ordre !
Un rire nerveux m'échappe, tandis que j'envoie valser derrière moi les débris gênant mon chemin. Mes larmes coulent sans que j'arrive à les arrêter. Quelque part au fond de moi, je veux encore y croire. Mes ombres m'aident dans ma tâche en reluquant le moindre coin susceptible de cacher Hadès. J'ai peur de ne pas le trouver, mais aussi de le trouver, mort. Soudain, un bruit de roche qui tombe me fait sursauter. Je laisse ma fouille de côté, et m'approche du lieu d'où venait le son. Un amoncellement de terre et de gravier, pas franchement rassurant, semble attirer les ombres comme des mouches. Je les rejoint en prenant soin d'examiner le monticule. Une tâche claire remue faiblement en bas du tas. Un petit animal ? Je me rapproche encore pour mieux voir. Non. Pitié, pas ça ! Mon coeur s'arrête au moment où j'assimile la forme. Tout mais pas ça ! Je presse mes ombres de creuser dans la terre, et le fais moi-même en ignorant la douleur de mes doigts. Il ne faut pas longtemps avant que le monticule soit dégagé. Ce que j'avais vu... C'était bien une main. Et cette main, c'est celle de mon père. Des traces sombres jonchent le sol autour de son corps meurtri. Des ombres carbonisées ? Je comprends mieux. Tout comme moi, il a été protégé par ses sujets. Je baisse la tête, en quête de sa respiration. Je n'entend rien. Depuis le début, je le savais, je ne voulais juste pas me l'avouer. Je m'effondre par terre, sans force face à cette réalité. Mon père n'est plus. Il a rejoint ma mère, ils m'ont laissé seule. Mes sanglots redoublent d'intensité, je n'arrive plus à réfléchir correctement.
- Aïe...
Je relève aussitôt la tête, sur le qui-vive. Qui a parlé ? L'espoir me porte à nouveau quand j'entends une respiration, faible et irrégulière, mais elle est là, quelque part. Hadès ? Je colle mon oreille contre son torse méconnaissable. Non, ce n'est pas lui. Qui ? Qui ose rester en vie alors que mon père ne l'est pas ? Mes ombres se tordent et grondent, aussi furieuses que moi. Elles filent à la vitesse de l'éclair en direction d'une autre salle. Désolée papa, je n'ai pas su te protéger. Vois comme ta fille est inutile quand il s'agit de sauver ceux qu'elle aime. Mais je sais ce qu'il me reste à faire. Je me relève à contrecoeur, les poings serrés pour m'empêcher de rester près de mon père trop longtemps. Je vais te venger, ainsi qu'Aphrodite, que ces imbéciles d'humains ont laissé mourir ! Je vais tous les tuer, même si cela me fait disparaître ! Je ferme les yeux un instant, et tourne le dos au cadavre d'Hadès. D'abord, je vais trouver l'être encore vivant ici, et le détruire. Mes ombres me font signes, tout en regardant d'un oeil mauvais un corps avachi sur le dos. Une faux se trouve un peu plus loin, brillant d'un éclat terne. Je la reconnaîtrait entre mille. C'est cette faux qui m'a mortellement blessée, et qui m'aurait tuée sans le sacrifice de ma mère. L'arme de Paul.
- Tu oses encore respirer... Tu aurais mieux fait de mourir durant l'explosion !
Paul ouvre péniblement les yeux. Il est recouvert de sang et de poussière, et son air épuisé ne le rend pas beau à voir. Je n'ai cependant aucune pitié envers lui. Je vais le tuer, mais avant ça, je dois savoir une information qui m'est chère.
- Où est Zeus ?
Sa respiration hachée se calme un peu. Il semble prendre conscience de l'espace où il se trouve, vu l'expression lasse de son visage. Il me regarde, puis détourne les yeux, l'air de chercher quelque chose.
- Abandonne l'idée de reprendre ta faux.
Un sourire carnassier se forme sur ses lèvres. Il tousse, puis marmonne, sûrement trop faible pour élever la voix :
- Dommage, te laisser une jolie cicatrice avant de mourir m'aurait enchanté.
- Je répète, où est Zeus ?
Ma question a l'air de le prendre de court. Il hausse les sourcils, étonné, et réponds :
- Que crois-tu ? Il est mort, idiote. Tu n'as pas vu que son corps à explosé ? C'est ça qui a détruit une grande partie des Enfers.
- Quoi ?
- Eh oui, ta vengeance n'aura jamais lieu. Il s'est tué lui-même.
Zeus est mort. Je ne pourrai pas le détruire de mes mains. Par Isis, pourquoi le destin s'acharne t'il sur le moi ? Je sens mes yeux se brouiller, mais non. Je refuse de pleurer encore une fois ! Les larmes ne changeront pas la situation. Je dois agir ! Sans un mot, je fais volte-face, et me dirige vers le trou béat. D'un regard, j'ordonne à mes ombres de tuer mon demi-frère. Il est trop fidèle à la rébellion, je sais qu'il ne me dira rien, alors autant en finir tout de suite tant qu'il est trop faible pour se défendre. C'est lâche, je profite de sa situation, et je ne le tue même pas moi-même. Je n'en ai ni la force, ni le courage. Après tout ce qu'il s'est passé, j'ai envie de me terrer dans un coin et d'y mourir en paix. Mais je ne pourrai jamais avoir cette paix. Pas tant que ma vengeance ne se réalise pas.
_______
Hey ! Chapitre express, c'est un miracle ! Il m'a donné du fil à retordre, je crois que c'est le plus long de tous pour l'instant.
J'espère que l'avez aimé, et si c'est le cas n'hésitez pas voter et commenter !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top