Chapitre 35: She's everything to me

Harry 

Le train court dans les prairies sombres de l'Angleterre. L'herbe, les branches des arbres, les poteaux et les câbles électriques sont maculés de neige. Des centaines de milliers de flocons tombent inlassablement et mon regard est hypnotisé par le paysage répétitif. Ils ne font que tomber, sans jamais s'arrêter. 

Je n'ai rien d'autre à faire que de regarder par cette fenêtre recouverte de buée. Non, je n'ai rien d'autre à faire. Mes parents ne parlent pas. Ma mère me fixe mais je l'ignore. Mon père lui, assit à côté d'elle, a les yeux plongés dans son bouquin. Je n'ai pas envie de discuter avec eux. Surtout pas avec ma mère. 

Son regard pèse sur moi depuis le départ du train, tout à l'heure. Et je la connais mieux que quiconque. Elle s'apprête à me parler. Elle attend le bon moment pour le faire et je sais que ça ne sera pas dans longtemps. Cinq minutes, peut-être dix? Je ne sais pas précisément mais je sais que ça ne tardera pas. 

Elle est intelligente. Elle a prévu de me parler ici, dans ce train, endroit dont je ne peux pas m'échapper. Je suis sûre qu'elle a prévu ce détail. Et savoir que je n'ai aucun échappatoire me frustre complètement. Si elle veut me parler à la maison, je n'ai qu'à claquer la porte et je peux échapper à la discussion. Ici, je ne peux pas partir et je me verrai mal créer un scandale dans le wagon de ce TGV. 

Elle sait qu'ici, je serai obligé de l'écouter. 

Je ferme quelques instants les yeux. Même si je ne veux pas l'écouter, je sais qu'elle a raison. Je sais que je vais souffrir avec Mia. En fait, c'est déjà le cas. Aujourd'hui a été une journée épouvantable. J'ai cru qu'il lui était arrivé quelque chose ou qu'elle ne voulait plus me parler. Je me suis vu mourir des centaines de fois. 

Je sais que je devrais m'écarter d'elle, mais je n'y parviens pas. Elle est comme un aimant duquel je ne peux pas me décoller. Elle m'attire et me retient près d'elle. Et j'avoue que je doute qu'il existe quelque chose d'assez puissant pour me décoller. 

Une déception, une trahison, un sal coup? Pas même une de ces choses réussirait à me tenir loin de Mia. 

La mort. C'est sûrement la seule chose assez forte pour nous séparer. La seule chose qui en serait capable. 

J'avale difficilement ma salive, avant de réouvrir les yeux. Nous passons sur un pont. La rivière qui coule en dessous de nous est à peine visible à cause de l'heure tardive. Mais j'imagine que cet endroit est sublime. Un décor digne de celui d'une carte postale. 

-Harold ? 

La voix de ma mère résonne soudainement. Je m'en doutais. Je tourne lentement la tête vers elle. Elle arbore un air sérieux, autoritaire. Mon dieu, ce que je déteste ça!

-Quoi ? dis-je sèchement. 

Elle passe sa langue entre ses lèvres, les humidifiant légèrement. Elle se racle la gorge, comme si elle s'apprêtait à donner un discours devant une assemblée. J'ai l'impression de me retrouvé à la cours d'assise. 

-Je voulais qu'on parle de ta relation avec Mia, expliqua-t-elle posément. 

Mon père relève les yeux de son bouquin et le ferme. Ses sourcils châtains se froncent légèrement, créant un amas de rides sur son front. Je me rends compte que ça fait très longtemps que nous avons pas passés de temps ensembles. Je passe tout mon temps libre avec Mia, et il doit surement croire que je ne pense plus à lui. Je reporte mon attention sur ma mère. 

-Vas-y, dis-moi ce que tu as à me dire. 

Je croise mes bras sous ma poitrine et prends un air renfrogné. J'essaye de paraitre stoïque mais une boule d'appréhension se développe déjà dans mon estomac. 

-Que sais-tu sur sa maladie ? demanda-t-elle.

-Sûrement bien plus que tu ne le crois. 

-Justement, je pense que tu ne connais rien de la bipolarité. Peut-être t'a-t-elle dit pourquoi elle avait contracté cette maladie mais tu ne sais surement pas ce qu'elle engendre, Harry.

-Qu'engendre-t-elle, alors ? 

-Des baisses de moral soudaines, des dépressions, des colères, des crises, des insomnies. Ça engendre la disparition des envies, comme celles de manger, de boire ou de vivre tout simplement, énumère-t-elle. Et ça engendre aussi des idées noires et des envies suicidaires. 

J'inspire profondément et jette un regard à mon père. J'essaye de trouver du réconfort dans son visage mais je sais qu'il est de l'avis de ma mère. "Des idées noires, des envies suicidaires." C'est pire que je le croyais.

-Es-tu au courant que Mia a déjà fait une tentative de suicide ? 

Ma mâchoire se contracte. J'ai l'impression que tout tourne autour de moi. 

-Elle a tenter de faire une overdose de médicament, mais sa mère l'a trouvé avant qu'elle n'ai le temps de prendre tous les cachets qu'elle avait prévu de prendre. Si sa mère n'aurait pas été là… Elle serait morte, Harry.   

Mes poings se serrent tellement que les jointures de mes doigts deviennent claires. Ça je ne le savais pas. Elle ne m'avait rien dit à se sujet. Merde ! Ma pauvre Mia… 

-On a du la mettre dans un hôpital psychiatrique pendant un an, continue-t-elle. 

Louis avait parlé de ça, la première fois que j'avais vu Mia, à la cafétéria. A cette époque je ne croyais pas à tout ça, et je n'aurais jamais cru que ça serait vrai…

-Elle va mieux maintenant, défendis-je.

-C'est pour ça qu'on appelle sa maladie la bipolarité, Harry. Ce n'est pas parce qu'elle va mieux maintenant que ça sera toujours le cas. 

Une fois de plus elle a raison. Mais j'essaye de me cacher la vérité. Tout ça me rend malade et j'essaye de faire comme-si tout va bien. Je me mens à moi même pour réussir à supporter l'évidence. Pour supporter la réalité.

-Je sais, Maman. 

-Tu sais que j'ai raison, n'est-ce pas ? 

Je hoche la tête. Ça ne sert à rien de mentir avec elle. C'est son métier de trouvé la vérité dans ce que dise les gens pour les aider à aller mieux. Et je sais qu'elle est très douée pour ça. Elle connait chaque signe pour déceler le vrai du faux. 

-Tu sais que tu vas souffrir avec elle, pas vrai ? 

-C'est déjà le cas, soufflais-je.

-Alors pourquoi ne l'as quittes-tu pas, Harold ? 

-Je ne peux pas la quitter… 

Je baisse la tête, les sourcils froncés. Ma mère attrape une de mes mains tendrement. Je relève les yeux vers elle. Elle m'adresse un léger sourire et elle caresse le dos de ma main avec son pouce. 

-Qu'est-ce qui t'en empêche, mon chéri? 

-Je lui ai promis de rester toujours là pour elle. De ne jamais l'abandonner. 

-C'est pour ça? Pour cette promesse, qui est impossible à tenir éternellement, que tu ne veux pas t'éloigner d'elle?

-Pas seulement. 

"Je l'aime plus que tout au monde…" songeais-je. "Je ne peux pas m'écarter d'elle parce que je l'aime plus que tout au monde, Maman."

-Explique-moi. Explique nous, dit-elle en jetant un coup d'oeil à mon père.

-Je te l'ai déjà dit Maman. Et tu ne m'as pas cru. 

Elle retire sa main de la mienne.

-Parce que je l'aime. 

-Et tu penses que c'est réciproque? demanda mon père. 

Je repense aux mots que m'a murmuré Mia à la gare. Elle m'a dit "Je t'aime aussi." Et je l'a crois. Elle a pris son temps pour me le dire. Et je pense qu'elle ne l'aurait pas dit si elle ne le pensait pas. 

-Je ne pense pas. J'en suis certain, affirmais-je en le regardant dans le blanc des yeux. 

Mes parents échangent un long regard. Je ne parviens pas à déceler l'émotions qui luit dans leurs yeux, mais quelque chose me dit que ce n'est pas positif. 

-Vous ne me croyez pas ? 

Je les sors de leurs pensées et ils reportent tous deux leur attention sur moi. Ils ne répondent pas. Je sens une boule se former dans ma gorge. 

-Elle m'a demandé de la libéré de toute cette connerie ! dis-je, en haussant le ton. De la sortir de sa maladie, de l'aider à supporter tous ces gens qui la mettent à l'écart, elle m'a demandé de l'aider pour tout ! Et ce que je compte faire, avec ou sans votre accord. 

-Harry…  soupira ma mère. Tu ne te rends pas compte de toutes les efforts qu'elle te demande de faire ? De toutes les responsabilités dont elle t'accable ?  

-Elle ne m'accable en rien.

-Tu es naif, Harold.

-Et toi tu es intolérante et incompréhensive. Tu me dégoute ! Tu m'as toujours dis qu'il ne faut pas juger sans connaitre mais c'est ce que tu fais !

-Ce n'est pas ce que je fais ! Je connais Mia, Harry. Sûrement mieux que toi ! 

Je souris à sa réponse. Elle dit qu'elle l'a connait mieux que moi ? 

-Bien sûr, c'est pour ça qu'après deux ans de consultation elle ne t'a toujours pas dit ce qu'il s'était passé cette nuit là !

-Ne parle pas comme ça a ta mère ! gronda mon père.

-Je savais que cette conversation ne servirait à rien. Tu refuse d'accepter que c'est moi qui puisse l'aider et pas toi ! dis-je ignorant mon père.

-Ce n'est absolument pas pour ça, Harold ! reprit-elle. J'ai juste peur qu'elle te fasse du mal !

-C'est sans elle que j'aurais mal, Maman… C'est ça que tu ne comprends pas. 

J'aurais mal sans elle car je l'ai dans la peau. Parce qu'elle est tout pour moi. 

-Tu ne comprends pas que depuis la rentrée je n'avais plus aucun objectif, plus aucune envie, plus rien n'a faire. J'avais envie de repousser mes limites, de faire de nouvelles connaissances, d'apprendre de nouvelles choses. Et rencontrer Mia a été une bouffée d'air frais réparatrice qu'il me fallait. Parce qu'avec elle j'ai enfin l'impression de servir à quelque chose...

"La vie est basée sur les envies. Mais qu'est-ce que devient notre vie si l'on a même plus envie de la vivre? Et bien, pour ma part il m'a suffit de rencontrer Mia…"

***

Voilà le chapitre 35! Je sais qu'il m'y a pas de Mirry et que ce chapitre n'est pas le plus intéressant de l'histoire mais il était indispensable. 

J'espère que ça vous a quand même plu! Je mets la suite aux 100 votes! Commentez s'il vous plait! <3 

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