Chapitre 17: Rush
Harry
*5 jours après le rendez vous chez la psy, mardi soir*
Je sors précipitamment du lycée, la suivant du regard. Mes foulées sont rapides alors que j'essaie de me frayer un passage entre les lycéens pour suivre le même chemin qu'elle a emprunté, il y a seulement quelques secondes. Je ne dois pas la perdre de vue. J'ai vraiment besoin de lui parler. Maintenant.
Je descends deux à deux, les quelques marches qui précèdent le bâtiment principal, alors qu'elle arrive déjà au niveau de la nationale. Je cours légèrement plus vite, bousculant quelques personnes sur mon passage, essayant de raccourcir l'écart qui s'est creusé entre nous. Le feu tricolore passe au rouge, stoppant les voitures et Mia s'engage sur la route, en suivant les marquages blancs du passage piéton. Elle marche rapidement, faisant voler ses cheveux bruns dans les airs. Sa démarche est gracieuse bien qu'elle paraisse indécise. Mia semble chercher son chemin. Elle regarde partout autour d'elle comme si elle était à la recherche d'une quelconque information qui pourrait l'aider à trouver sa route. Ses pas rapides, l'amènent plus rapidement que prévu, sur le trottoir opposé. Si elle continue de marcher si vite, je ne pourrai pas la rattraper. Lorsque j'arrive à mon tour devant la nationale, le feu passe au vert et toutes les voitures démarrent, créant un barrage entre Mia et moi. Merde! Je risque de perdre sa trace.
Je vais être obligé de traverser, même si c'est dangereux et insensé. Je jette un regard vers Mia, pour m'informer de l'itinéraire qu'elle emprunte mais je m'aperçois qu'elle s'est arrêtée. Elle me fixe. Ses sourcils bruns froncés m'indiquent qu'elle essaye de comprendre ce que je fais. Aussitôt que nos regards se rencontrent, elle se retourne et reprend sa route, plus rapidement. Ses pas sont bien trop rapides pour que ça soit son allure habituelle. Elle essaie de me semer.
Je grogne et commence à traverser la nationale, sans me préoccuper du feu vert, qui luit encore. Je m'engage sur la route, alors que toutes les voitures commencent à me klaxonner. Le vacarme que font les crissements des pneus sur le béton et des Klaxons est assourdissant. Une voiture de sport, conduite par un groupe de jeunes à la peau basanée me fonce dessus. Elle freine au dernier moment, alors que le capot de cette dernière s'arrête juste devant moi. Mon cœur s'arrête un instant, alors que j'essaie de retrouver mes esprits. A quelques secondes prêts, je finissais ma vie, renversé par cette voiture hors de prix, arrivant à une allure beaucoup trop rapide.
Je secoue la tête et reprend ma course, essayant de me remettre de la peur que je viens d'avoir. Quand j'arrive enfin sur l'espace sécuritaire, autrement appelé trottoir, mon cœur bat la chamade. Je n'arrive pas à croire que j'ai failli me faire renverser juste pour pouvoir parler à Mia.
Et même si j'ai envie de me stopper pour reprendre mon souffle, je ne le fais pas. J'ai déjà perdu trop de temps. Je continue ma route, un peu moins rapidement, à cause de mes jambes tremblantes. Je tourne à droite, chemin qu'elle vient d'emprunter, mais elle n'est plus là. Elle a sûrement déjà du tourner au coin de la rue.
5 jours. Cela faisait cinq jours que je ne l'avais pas vu. Elle n'était pas revenue en cours depuis vendredi dernier, et j'ai vraiment besoin de lui demander pourquoi elle n'était pas là. Personne ne semblait avoir remarqué son absence, mais moi si. Et le fait de ne pas avoir eu de ses nouvelles m'a tout simplement inquiété. Je ne pouvais m'empêcher de m'imaginais le pire. Je ne sais absolument pas à quel point elle va mal, et le fait de ne rien savoir me fait peur. Peut-être en est-elle à un stade bien pire que je veux bien m'imaginer. Peut-être a-t-elle des pensées noires, peut-être s'automutile-t-elle? Je n'en sais rien et ça me détruit.
A chaque intercours, à chaque pause, je la cherchais désespérément, espérant la trouver assise sur un banc en train de lire ou de griffonner quelques mots sur son carnet noir. Et chaque jour passé sans la voir était un petit peu plus douloureux.
Elle n'a répondu à aucun de mes SMS et n'a pas décroché lorsque je l'ai appelé hier soir.
Si je l'ai appelée c'est parce que j'étais à bout. J'étais à deux doigts d'aller dans le cabinet de ma mère et de fouiller son dossier pour voir ce qu'elle avait. Je voulais seulement savoir si j'avais une raison de m'inquiéter pour elle ou si son absence pouvait être justifiée. Je voulais savoir si, d'après sa maladie, c'était inquiétant. J'avais juste besoin de me rassurer. Oui, c'est ça. Je voulais simplement être rassuré et avoir de ses nouvelles. C'est pourquoi je l'ai appelée, car je ne voulais pas tout apprendre en violant son intimité.
Mais elle n'a pas répondu, et j'ai dû prendre sur moi même pour ne pas aller dans ce foutu cabinet. Je ne sais pas ce qu'elle m'a fait pour que je devienne paranoïaque à ce point, mais ce qui est sûr, c'est que ça me tue.
Mais qu'aurais-je fait si j'avais appris qu'elle s'était jetée d'un immeuble pour mettre fin à son calvaire ? Qu'aurais-je fait si j'avais appris qu'elle s'était taillée les veines jusqu'à se vider de son sang ? Que serais-je devenu, si j'avais appris qu'elle avait fait une overdose ? Comment aurais-je réagi, si j'avais appris qu'elle avait mis fin à ses jours, alors que moi, j'étais au courant ? Alors que je savais qu'elle allait mal, mais que je n'avais rien fait pour l'aider ? Comment aurais-je été censé vivre avec tous ces remords ?
Quand j'arrive au bout de la grande rue, je tourne la tête de gauche à droite, espérant qu'elle soit encore dans mon champ de vision. Si elle ne l'est pas, c'est fini. Je ne l'a trouverai plus. Mais, j'aperçois sa silhouette à environ 50 mètres de moi. Je soupire de soulagement et continue de la suivre, inlassablement.
Je me rends compte que je ne connais pas très bien cet endroit de la ville. Habitant de l'autre coté, je n'y suis jamais venu. Tout ce que je peux deviner c'est que, d'après la montée rude que nous sommes en train de gravir, nous nous dirigeons vers les hauteurs de la ville. Mes cuisses commencent à me faire mal et je sens un point de coté naître dans le coté droit de mon torse. Comment fait-elle pour être si endurante ? Son allure n'a pas baissé depuis tout à l'heure et elle parait encore en forme.
Nous grimpons durant quelques minutes, quittant la ville et plus nous montons, plus les habitations se font rares. Elles sont remplacées par la végétation envahissante de Londres. Où va- t-elle à la fin ?
Quand je l'ai aperçue tout à l'heure dans le hall, pour la première fois depuis des jours, j'ai eu l'impression d'être libéré du gros poids qui me pesait dessus. J'avais l'impression que je pouvais enfin arrêter de me torturer l'esprit avec toutes mes idées morbides. Je l'ai observé quelques instants avant de m'approcher d'elle, un sourire aux lèvres, pour lui demandé comment elle allait. Question anodine, mais qui pour moi représentait beaucoup. J'avais réellement besoin de savoir comment elle se sentait. Mais lorsque je suis arrivé devant elle, elle est partie précipitamment, pour je ne sais quelle raison. Et j'avoue que ce geste m'a blessé.
Mia s'arrête soudainement de marcher, et je me rends compte que nous sommes arrivés tout en haut. Tout en haut de ce qui semble être une falaise. Perdu dans mes pensées, je n'avais pas réalisé que nous avions marché de longues minutes avant d'arriver ici. Finalement, je suis sûr d'avoir déjà vu cette grande montagne en me baladant dans la ville, mais je n'y suis jamais venu. La vue d'ici est splendide, parfaite pour admirer un beau coucher de soleil comme celui de ce soir. La pente vertigineuse me permet de voir l'intégralité de la ville animée, noyée dans l'immensité du ciel rouge-orangé.
En temps normal, j'aurais pensé que Mia serait venue ici pour admirer la vue panoramique, mais quelque chose me dit que ce n'est pas pour ça qu'elle est venue ici. Pas cette fois en tout cas. Je m'approche d'elle en silence, alors qu'elle se tient debout regardant l'horizon. Ses longs cheveux bruns flottent dans les airs, ainsi que le bas de son long manteau. Ses poings sont serrés et tout son corps paraît figé. Je marche jusqu'à elle et m'arrête à ses côtés. Elle ignore ma présence. Elle ne me jette pas un regard, ses yeux restent rivés vers la magnifique vue de la ville. Moi, mon regard et fixé vers elle, admirant son visage.
« Salut, dis-je soudainement. »
Elle ne répond pas. Aucun mot ne sort de sa bouche. Les traits de son visage paraissent plus dur que d'habitude et sa mâchoire est contractée. Qu'est-ce qu'elle a bordel de merde ? Elle semble si bouleversée que ça me fend le cœur. J'ai l'impression qu'elle retient toutes ses émotions à l'intérieur d'elle et qu'elle va finir par éclater.
Je n'arrive pas à comprendre ses changements d'humeur radicaux. J'ai eu beau essayer de comprendre ce qu'il se passe dans sa tête, je n'ai pas réussi. Ses changements de caractère restent inexplicables. Il y a exactement une semaine, nous avions passé un super moment dans le parc à faire de la balançoire. Il me semblait même que nous nous étions rapprochés et que nous étions sur la bonne voix pour devenir amis. Mais visiblement, ce que je pensais acquis ne l'est pas. Elle s'est totalement renfermée, sans la moindre explication.
Je me déplace jusqu'à être en face d'elle, l'obligeant à poser ses yeux sur moi. Ma grande taille domine amplement la sienne et elle paraît plus petite que d'habitude. Elle ne lève pas les yeux vers moi et je sais qu'elle lutte contre elle même pour ne rien dire. Je sais qu'intérieurement elle me hurle de partir. Il est évident qu'elle veut être seule.
« Ça va? continuais-je. »
Elle relève timidement la tête alors qu'elle est secouée par un spasme. Son regard me transperce lorsque ses yeux se posent sur moi. Elle me scrute, passant en détail tous les éléments de mon visage blême. Mais lorsque je la regarde, une seule chose retient mon attention: ses yeux. Ses pupilles dilatées sont noyées par les larmes qu'elle retient. Voilà pourquoi elle était si crispée, elle retenait ses larmes. Elle secoue frénétiquement la tête de droite à gauche, répondant à ma question.
Une boule se forme dans ma gorge. Elle va mal, elle vient de l'avouer. Une peur s'installe au creux de mon estomac alors qu'une larme roule le long de sa joue rose. Sa lèvre inférieure commence à trembler alors qu'une seconde larme s'échappe de ses yeux.
Non. Je ne suis pas prêt à la voir pleurer. C'est trop dur de voir ça et de ne pouvoir rien faire. C'est trop dur de savoir que je suis impuissant face à son mal être.
Je peux sentir mon visage se décomposer et je lutte pour ne pas craquer à mon tour. Cela faisait des jours que je m'inquiétais pour elle et aujourd'hui, maintenant que je la retrouve, elle m'avoue qu'elle va mal. Elle m'avoue, indirectement, que toutes mes peurs sont vraies.
Alors, soudainement je la prends dans mes bras et la sers fort contre moi. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, mais je sais qu'elle a besoin de se sentir soutenue. Et sûrement aussi car je la veux dans mes bras. Je la sens se débattre contre mon corps un instant, avant de finalement se laisser faire. J'ai l'impression qu'elle est exténuée de toujours se battre et de ne jamais s'en sortir. De mettre toutes ses forces dans ces luttes acharnées mais qu'elle ne parvient jamais à gagner. Elle pleure dans mes bras alors que je caresse ses cheveux de la manière la plus réconfortante que possible. Son corps tremble et je sens ses genoux céder. Je m'accroupis, l'accompagnant dans sa "chute" toujours mes bras serrés autour d'elle. Elle blottit sa tête contre mon torse, toujours en pleurant. Je ferme les yeux et la berce un petit peu, espérant que mon geste la réconfortera.
« Qu'as tu Mia ? J'ai besoin de savoir ce que tu as, chuchotais-je. »
Les spasmes et les tremblements qui la secouaient s'atténuent doucement. Mes gestes ont l'air de réussir à l'apaiser quelque peu. Ses petits doigts s'accrochent fermement à mon manteau comme si elle se rattachait à moi pour ne pas sombrer. Pour ne pas sombrer dans cette maladie qui la noie. Le soleil se couche petit à petit, rendant le ciel de plus en plus sombre. Les lumières des maisons et des immeubles de la ville, s'allument progressivement, enluminant le paysage urbain. Je la regarde et m'aperçois qu'elle a fermé les yeux. Et contre toute attente je l'entends murmurer :
« Libère moi.»
Je caresse doucement son visage blême, l'incitant à m'en dire plus.
«Te libérer de quoi Mia? demandais-je
-De cette connerie, libère moi de cette connerie... »
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