Chapitre 14: Escape.
Mia
Je me faufile hors des couvertures prestement, ne pouvant plus supporter le fait d'être enfermée sous cet amas de tissus douillets. Cela faisait des heures et des heures que je restais confinée là dessous sans pouvoir trouver le sommeil. Sans pouvoir fermer les yeux tranquillement. Depuis quelques jours maintenant, c'est le même scénario. Trouver le sommeil m'est impossible ou quand j'arrive, par je ne sais quel miracle, à m'assoupir, je cauchemarde. Je cauchemarde et ensuite il m'est impossible de me rendormir, comme si mon cerveau refusait de souffrir encore plus à cause de ces mauvais rêves. C'est le même scénario chaque soir, et ma fatigue s'accumule. Ma fatigue s'accumule et plus les jours passent, plus je vais mal.
Mais même si je suis épuisée, je ne peux pas restée ici. Je dois sortir car je ne pourrais pas supporter une minute de plus à attendre un sommeil qui n'arrivera pas.
J'allume la lampe qui repose sur ma table de chevet, pour sortir des ténèbres l'endroit sombre qu'est ma chambre. J'enlève immédiatement mon grand et large tee-shirt noir, qui me sert de pyjama, et enfile des vêtements chauds.
Je sais qu'il fait très froid en ce moment dehors. Je le sais puisque je suis également sortie les deux dernières nuits à la même heure et pour les même raisons. Donc, je peux deviner que cette nuit aussi, l'air extérieur sera glacial. J'attrape mon baladeur MP3, qui était posé sur mon modeste bureau et le fourre dans la poche de ma veste en daim. Je suis prête.
Je me dirige à grandes enjambées vers la porte, la mâchoire serrée et pose ma main sur la poignet. L'étape la plus délicate est arrivée. L'étape qui ne faut pas foirer car si je fait trop de bruit en tournant la clenche, je pourrais réveiller mes parents. Ils dorment dans la chambre juste en face et je n'ai vraiment pas envie qu'ils découvrent que je sors en pleine nuit de la maison. S'ils découvraient ça, ils deviendraient malades, surtout après ce qu'il s'est passé il y a quelques années. Alors, si je fais trop de bruit, la liberté sera hors d'atteinte. Et je n'ai vraiment pas envie que ça se produise.
Je retiens ma respiration et finis par tourner le plus doucement possible, la poignée rouillée. Le petit clique se fait entendre et la porte s'entrouvre légèrement. Je me glisse dans l'espace minime qu'il y a entre le mur et la porte pour m'échapper. Quand je suis enfin sortie de la pièce, j'attrape à nouveau le loquet et scelle précautionneusement la porte. Je peux à nouveau respirer. J'ai réussi pour cette fois.
Je me dépêche de parcourir le couloir qui mène jusqu'au escalier, m'arrêtant à chaque fois que le parquet craque sous mes pas maladroits. Je descends les marches deux à deux et je ne peux m'empêcher de sourire lorsque mes pieds touchent enfin le sol du rez-de-chaussée. Je trottine sur la pointe des pieds vers les portes manteaux ou j'attrape habillement mon écharpe en laine. Je l'enroule autour de mon cou puis enfile ma paire de bottes à lacets. Puis, toujours à l'affut je me précipite vers la sortie, pressée de me retrouver dehors. Je prends les clés, posées sur un buffet à coté de la porte et l'insère dans la serrure. L'entrée s'ouvre et je sors enfin de ma maison. Je respire profondément, remplissant mes poumons d'air frais. Et en effet, comme je l'avais prévu, il fait très froid. L'air est sec et glacé mais peut importe, je suis enfin sortie de cet endroit, et c'est tout ce qui compte. Je referme précautionneusement la porte et la verrouille avant de dissimuler les clés sous le paillasson, comme à mon habitude. Je réajuste mon écharpe autour de mon cou et descends les quelques marches du perron qui précèdent ma maison.
Je marche, posant mes pieds sur les dalles qui recouvrent le sol à intervalle régulier, et arrive devant le portail qui délimite ma propriété. Ce portail qui est censée cacher et protéger notre intimité. Je dis "censé" car aucun portail, aucune barrière ne pourra cacher notre passé. Notre sombre et douloureux passé. J'ouvre la barrière et arrive dans la rue. Cette rue si calme et si paisible à cette heure ci. J'aimerai vraiment que cette allée reste si paisible. Quelle reste aussi calme qu'elle l'est actuellement.
Je soupire et replace une des mes mèches foncées derrière mon oreille. Enfaite tout à tellement changé. Oui, car il y a encore quelques années cette rue était calme, presque déserte. Elle n'était pas, ou alors très peu emprunter. Les voitures ne passaient pas par là, elles roulaient sur la grande rue, juste à coté d'ici. Elles ne se doutaient même pas de l'existence de cette petite ruelle. Mais depuis trois ans, ce n'est plus le cas. Des automobiles passent au ralentit devant chez nous, et regarde intensément ma maison. Ils la fixent et ils doivent se dire "C'est ici. Ouais c'est ici qu'ils vivent. Que ça doit être dur de supporté ce qui leur est arrivé." Je suis presque certaine que plusieurs d'entre eux on du être déçus lorsqu'ils se sont rendu compte qu'on habitait dans une maison ordinaire. Dans une maison entretenue et propre.
Je baisse les yeux et recommence à marcher en direction du parc. De ce petit espace vert qui est devenu, au fil du temps, mon refuge et ma cachette. Mes yeux se remplissent de larmes mais je ne suis pas capable de dire si c'est à cause du froid ou de la boule qui s'est formé dans ma gorge. Peut-être les deux.
Le parc n'est vraiment pas loin de chez moi et après seulement quelques minutes de marche, j'arrive devant les grandes grilles vertes qui le délimite. Je pénètre dans l'enceinte naturelle et je me sens comme soulagée et détendue. J'ai toujours aimé cet endroit, même s'il me rappelle pleins de souvenir. Même s'il me rappelle Kate. Même si quand je suis là, je me souviens des seuls et rares bons moments que nous avons partagé. A vrai dire, j'ai l'impression que ce parc est une thérapie et un remède pour moi. Qu'être à cet endroit m'aide bien plus que d'aller voir ma psy ou d'avaler une tonne de comprimés.
Je me dirige vers le banc, où j'ai l'habitude d'aller. Je ne saurais pas expliquer pourquoi je vais toujours m'asseoir sur ce banc, je sais juste que c'est une habitude et que je me verrai mal en changer. Mes pas semblent connaître le chemin par coeur car je n'ai même pas besoin de faire attention à ou je dois passer.
J'aperçois le banc, mais une chose intruse est assise dessus. Je m'arrête de marcher et considère la scène. Une personne est assise dessus, dos à moi. Une personne que je n'aurai jamais cru pouvoir rencontrer ici à nouveau. Encore moins à cette heure là. Que fait-il ici, sérieusement? Je mords ma lèvre inférieure et reprend ma marche en direction du banc occupé. Je fourre mes mains dans mes poches et avance, les lèvres pincées, ne réfléchissant même pas à ce que je vais bien pouvoir lui raconter. Je ne suis pas confiante mais de quoi devrais-je avoir peur? Il n'est pas méchant, enfin c'est ce qu'il semble être.
J'arrive à la hauteur du banc et le contourne pour passer devant. Le regard du brun rencontre immédiatement le mien quand j'entre dans son champs de vision. Son regard vert émeraude me glace le sang mais ravive les faibles battements de mon coeur détruit. Ses cheveux sont tout ébouriffés et ses mèches paraissent plus emmêlées que d'habitude. Sa peau est pâle et ses lèvres incroyablement rouges. On dirait qu'il vient de se réveiller. Il est encore plus beau que d'habitude.
Je baisse les yeux et m'assois, soucieuse, à coté de lui. Il n'a pas du tout l'air étonné de me voir, comme s'il s'attendait à ma venue. Comme s'il savait que j'allais venir.
-Je t'attendais, chuchote t-il, brisant l'infinisable silence matinal.
Il frotte ses mains ensembles avant de souffler dessus comme pour les réchauffer. Il doit être là depuis un bout de temps pour avoir si froid. A sa peau pâle, j'avais déjà deviner qu'il avait froid car généralement sa peau n'est pas si claire. Mais vu son geste désespéré pour donner ne serait-ce qu'un brin de chaleur à ses doigts, me prouve qu'il doit être là depuis plus longtemps que je ne l'imaginais.
-Je pensais que tu ne viendrais pas, continue-t-il après avoir jeter un coup d'oeil à sa montre de luxe, visiblement dernier cri.
-Je suis là, répondis-je.
Cela faisait une semaine que je ne l'avais pas vu et je dois avouer que sa voix rauque et rassurante m'avait manqué. Sa voix et bien d'autres choses d'ailleurs… Pour dire la vérité, je dois dire que tout m'a manqué chez lui. Son regard, son sourire, sa voix… Je ne sais pas pourquoi, mais Harry m'a manqué. Et même si je ne le connais pas beaucoup, j'aime bien passer du temps avec lui, car j'ai vraiment l'impression qu'il ne me juge pas, et qu'il ne le fera jamais.
-Comment savais-tu que je viendrais ici?
Il rit doucement avant de passer une main dans ces cheveux épais. Ce geste expert qu'il fait tout les jours pour remettre ses cheveux en place, me semble familier à présent.
-Avant hier, je t'ai vu ici. Je passais dans le parc en revenant d'une fête et je t'ai aperçu. Je n'ai pas voulu venir te déranger tu avais l'air si tranquille, il marque une pose puis reprend. Hier, je suis revenu pour voir si tu venais ici régulièrement et je t'ai revu. Encore. Alors, aujourd'hui j'ai décidé de t'attendre ici, pour qu'on puisse discuter, comme tu sembles avoir l'habitude de venir ici en pleine nuit.
Je ne sais pas trop quoi répondre. J'ai envie de lui dire quelque chose mais je ne trouve rien. Les mots se bousculent dans ma gorge mais finalement aucun d'eux n'arrive à sortir de ma bouche.
-Tu veux bien discuter avec moi? dit-il en me regardant intensément.
Je hoche la tête et un léger sourire étire ses lèvres rouge vif.
-Je pensais qu'on pourrait peut-être apprendre à se connaître un peu, en se posant quelques questions. Enfin, si tu ne veux pas je comprends. Tu m'as dit la dernière fois que tu ne…
-D'accord, le coupais-je.
-Vraiment? Cool! Une question chacun notre tour? offrit-il.
-Ça me vas, commence.
-Hum, quel âge as-tu?
-J'ai eu 16 ans cet été, et toi?
-17 ans. J'en aurais 18 début Février. Tu comptes choisir quelle filière l'année prochaine?
-Je pense choisir littérature, annonçais-je. Je t'aurais bien demandé ce que toi, tu fais, mais je voudrais d'abord savoir comment tu t'appelle.
-Ho, souffle t-il. Je ne savais pas que tu ignorais mon nom. Je m'appelle Harry.
J'étais presque certaine qu'il s'appelait comme ça, car j'avais déjà cru entendre Louis dire son nom mais je n'étais pas vraiment sûre qu'il parlait de lui.
-C'est joli, répondis-je sincèrement, ce qui me vaut un sourire. Et toi, tu sais comment je m'appelle?
-Heu, ça peu paraître bizarre, mais oui je connais ton prénom, Mia.
-Je m'en doutais, soufflais-je. Je crois que c'est à toi.
-Hum, pourquoi vas-tu choisir littérature?
-Je suppose que c'est parce que j'adore lire. Ça m'occupe l'esprit et j'aime les livres en général. Et toi, tu as choisi quoi?
-Pareil. Mais moi, ce n'est pas parce que j'adore lire, c'est plutôt parce que je déteste les sciences.
J'étouffe un rire et je peux voir ses yeux s'illuminer un bref instant. Comme s'il semblait heureux d'avoir réussi à me faire sourire.
-Tu as aimé le livre "Troubles Bipolaires"? demanda-t-il subitement.
-Et bien, l'écriture de l'ouvrage n'était pas trop mal, j'ai trouvé les personnages plutôt attachants mais il est clair que l'auteur ne connaît rien de la bipolarité.
-Pourquoi dis-tu ça? questionne t-il.
-Il me semble que c'est à moi de poser une question. Pourquoi t'intéresses-tu à moi?
Il avale difficilement sa salive et regarde droit devant lui, son regard vagabondant dans l'horizon.
-Je n'en sais rien enfaite. Je suis perdu, je veux te connaitre mais je ne sais pas pourquoi et ça me rend dingue. Alors, laisses-moi juste apprendre à te connaitre Mia, ne me fuis plus. S'il te plait. Je n'en peux plus de te voir partir…
-J'essaierai de ne plus m'enfuir. Promis. Mais je ne contrôle pas toujours tout ce que je fais.
-Ne t'inquiète pas, moi non plus. Laisse-moi te poser une dernière question.
-Vas-y.
-Pourquoi es-tu partie si rapidement le soir du match de foot?
Non. Je ne veux pas parler de ça. Je ne peux pas. Je me lève précipitamment du banc le souffle court.
-Désolée Harry. Je ne peux pas rester. Je t'envoie un message dès que j'ai le temps. Je suis vraiment désolée...
Et sans lui laisser le temps de répondre, je m'enfuis encore une fois.
"Finalement, affronter la vérité semble trop difficile pour moi. Je crois que le temps de parler à ma psy de ce qu'il s'est passé est arrivé. De tout manière, je ne peux plus garder ça pour moi, ça me rend trop faible…"
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