La nuit


Dans les ruelles sombres et sales

Aux pavés gorgés d'or et de sang

La pénombre de la capitale

S'ouvre et roule au rythme du vent


Comme une fumée aux volutes noires

Grimpant aux feux de mille lanternes

Elle s'invite comme chaque soir

A cette danse majestueusement terne


Elle dégringole du Sacré-Cœur

Pour se jeter dans l'onde glacée

Dans une course sans cri et sans peur

Elle se fracasse contre nos rêves brisés


Puis elle plonge dans nos bouteilles

Pour être vomie sur le trottoir

Pour étrangler le soleil

Et laisser s'étendre le soir


Elle cajole les pauvres de sa froide caresse

Pousse les malheureux dans les bras de la mort

Dévore les amants comme une terrible ogresse

Et quand sonne minuit, elle jubile encore


Car sous le rouge des néons fêlés

Elle sait se blottir contre les cuisses chaudes

D'une belle Vénus venue travailler

Fantôme le jour, le soir en maraude


Alors elle laisse un étrange baiser

Dans le regard de ces inconnues

Un baiser mordant et passionné

Qui disparaît une fois le jour venu


Lorsque la nuit recouvre de son voile

La fanfare de voix, le tapis de lumière

Pour saupoudrer de quelques étoiles

La cathédrale, ses monstres et chimères


Comme le couinement d'un accordéon

Crevant de froid en bord de  Seine

La nuit partage sa chanson

A ceux qui en valent la peine


Tout se renverse et tout se mélange

Dans une tempête silencieuse

Paris voit partir tout ses anges

Et laisse apparaître ses pleureuses


Tel le chat noir errant et solitaire

Veut garder en lui ses sombres secrets

Paris vient d'éteindre ses lumières

Et s'apprête à se réveiller


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