II. Retrouvailles avec l'extérieur
– Abyss, Gunnhildr. Vous avez de la visite au parloir.
Jean releva la tête en entendant son nom sortir de la bouche de Yelan, une gardienne. Cette dernière sortit un trousseau de clefs de sa ceinture et se dirigea vers la cellule de Lumine, une jeune détenue blonde avec qui Jean avait déjà eu des conversations. La plus petite était assez agréable, bien que naturellement renfrognée par l'erreur judiciaire qui l'avait conduite en prison pour plusieurs années.
– Ah, et Abyss, reprit Yelan à l'attention de Lumine tout en la faisant sortir de sa cellule. On te reprends encore une fois dans les salles de bains des hommes avec le rouquin, c'est le confinement en cellule pendant deux mois. Compris ?
– Désolé, je pouvais pas savoir qu'il allait réussir à casser ses menottes, répondit l'interpellée pour seule défense.
Ah oui, c'est vrai qu'il y avait eu cette histoire. Jean l'avait entendu de Lisa, qui depuis son arrivée il y a quelques semaines maintenant, mettait un point d'honneur à raconter tous les ragots de la prison à la blonde durant de longues minutes jusqu'à ce que les réponses courtes et déconcentrées de cette dernière finissent par l'arrêter. Parce que très honnêtement, savoir que Lumine avait une relation de quelque nature qu'elle soit avec Childe intéressait très peu Jean. Ce qu'ils pouvaient faire ne la regardait nullement.
Elle remercia Yelan sans recevoir de réponses en retour quand cette dernière la fit sortir et s'avança dans le couloir, aux côtés de la deuxième blonde. La gardienne leur emboîta le pas après avoir refermé sa cellule, marchant d'un rythme rapide. Jean n'étant encore jamais allé au parloir, elle suivit les pas de Lumine, qui elle avait clairement l'habitude.
– Tu sais qui vient te voir ? demanda finalement la plus jeune après quelques minutes.
La question surprit légèrement la blonde, qui s'était emmurée dans le silence et dans ses pensées sans s'en rendre compte. Pourtant, elle avait rapidement appris que Lumine mettait les pieds dans le plat facilement et qu'elle attendait souvent des réponses, détestant donc qu'on esquive ses questions.
– Ma petite sœur, sûrement, répondit alors Jean, voyant mal ses parents venir la voir au vu de leur réaction lors de son arrestation. Et toi ?
– Mon frère. Peut-être sa compagne ou notre tuteur aussi. Ça va faire un moment que je ne l'ai pas vu, lui.
Jean se contenta de hocher doucement la tête, sans poser plus de questions. Savoir ça lui suffisait déjà largement.
Il fallut encore quelques minutes à marcher dans le pur silence avant qu'elles n'arrivent aux fameux parloirs. De petites pièces, dotées d'une porte côté prisonnier et d'une autre côté civil, chacune pourvue d'une fenêtre pour surveiller ce qui se passait à l'intérieur, et une petite table accompagnée de chaises à l'intérieur de la salle. Lumine fut amené jusqu'à l'une de ces petites pièces où son portrait craché masculin ainsi qu'une jeune femme aux cheveux rouges et aux vêtements bleus très légers l'attendaient, lui appuyé contre la table et elle faisait les cent pas. Ne s'attardant pas à les détailler, Jean reçut finalement de Yelan l'autorisation de s'avancer dans le parloir situé trois portes plus loin.
Elle fut très surprise de constater que deux personnes étaient assises à la table, l'attendant calmement.
La première était Barbara, bien évidemment. Sa petite sœur l'attendait en se grattant les ongles. Ses deux petites couettes habituelles étaient surmontées d'un joli chapeau bleu, et elle portait une élégante robe blanche sous un cardigan bleu pâle. Dès qu'elle entendit sa sœur entrer dans la pièce, elle leva la tête et un immense sourire étira ses lèvres pâles, mais Jean ne pouvait détacher ses yeux de l'homme assis à côté d'elle.
Plus grand et plus vieux qu'elle, des cheveux mi-longs et une barbe châtain, des petites rides aux bords des yeux et des lèvres. Il était vêtu d'une chemise blanche aux manches remontées jusqu'aux coudes, d'un pantalon de toile manifestement bleu-gris et d'une affection sans bornes dans ses prunelles vertes-grises alors qu'il fixait la jeune femme blonde en retour.
Varka. Son mentor.
Elle n'aurait jamais cru le revoir depuis sa décision qui allait l'amener sous les barreaux. Pourtant il était là, assis dans cette pièce qui semblait beaucoup trop minuscule pour sa musculature. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux.
– Grande sœur ! Comment vas-tu ? commença la plus jeune des trois.
Et Jean sourit immédiatement, plus que ravie d'entendre le doux ton de voix, à la fois si pur et si innocent de sa tendre petite sœur. Elle avait eu si peur de ne jamais le réentendre, mais Barbara semblait bien surmontée les faits.
– Ça pourrait aller mieux, mais je ne me permettrai pas de faire l'exigeante, répondit alors l'aînée en souriant toujours. Et vous deux, comment allez-vous ? Tu vois toujours le psychiatre, Barbara ?
– Oui, ne t'inquiètes pas ! Mr Calx est vraiment très à l'écoute et il fait attention à tout. J'ai de la chance que vous ayez trouvé quelqu'un comme lui ! Même si Papa et Maman continuent de penser que ça ne sert à rien d'y aller...
Jean ne fut pas surprise d'apprendre ça. Leurs parents avaient refusé de la croire dès le début de l'affaire, alors l'idée que la plus jeune de leur fille aille voir un psychiatre pour ce qu'ils continuaient d'appeler des salades ne devait pas leur plaire.
– Mais puisque c'est moi qui paye, reprit Varka en affichant un sourire ô combien satisfait et fier, ils n'ont rien à dire. Je suis ravi de voir que tu vas bien, ma chère Jean. J'ai tellement entendu d'histoires sur le milieu carcéral que je craignais qu'il t'arrive quelque chose. Surtout dans une prison mixte.
La blonde fut touchée par l'inquiétude de son mentor. Inquiétude qui n'était pas infondée, elle ne pouvait malheureusement le nier. Les personnes incarcérées ici n'étaient pas des anges, absolument pas non. Bien qu'ayant été elle-même peu victime de commentaires ou de gestes déplacés jusqu'à présent, elle avait bien entendu plusieurs remarques vulgaires et outrageantes sur la poitrine de Lisa, par moment. Et il y avait bien sûr des histoires, dans la cour ou racontées durant les temps de repas. Aucune n'était plus rassurante que l'autre, sans même forcément parler d'agressions sexuelles.
La prison n'était pas un milieu sûr, pas du tout, et Jean ne se voilait pas la face à ce sujet.
– Je suis touchée par tes craintes, Varka, finit-elle par répondre. Mais pour le moment, rien de grave ne m'est arrivé. Et je compte bien faire en sorte que ça continue.
– Je suis soulagé, alors. Reste bien prudente, tout de même. Certaines personnes ne s'arrêtent pas avant d'avoir obtenu ce qu'ils veulent...
Réalisant ses propos et le double-sens malheureux qu'ils comportaient, un afflux d'appréhension envahit la trachée-artère de la jeune femme et elle se tendit immédiatement, ses épaules se rigidifiant. Varka sembla remarquer son erreur et une fine pellicule de sueur coula sur sa tempe alors qu'il cessa de respirer. Il émit ensuite un doux toussotement pour tenter de dissimuler sa gêne, ses yeux faisant des allers retours entre les deux sœurs et ses mains. Un silence malaisant envahit la pièce et plus personne n'osa dire quelque chose.
Jean se mordit la langue, jusqu'à sentir le goût métallique du sang envahir sa bouche. Elle soupira et détourna le regard quelques instants, comptant jusqu'à cinq avant de reporter son attention sur ses deux amis. Barbara lui fit un sourire éclatant, ne semblant pas avoir remarqué le malaise des deux adultes, ou alors avait-elle fait exprès de ne pas le remarquer. Soulagée, l'aînée lui sourit tendrement et opta pour le changement de conversation. Après tout, rien ne servait de s'éterniser sur ce qui venait de se passer.
– Et comment ça se passe à la maison, avec les parents ?
– Oh ! Ils... Ils ont commencé à faire comme si tu n'avais jamais vraiment existé, répondit Barbara en rentrant la tête dans les épaules, offrant un regard profondément désolé à sa grande sœur.
Cette dernière n'eut pourtant qu'une seule réaction, celle de hausser les épaules. Elle ne s'attendait à rien de la part de leurs parents et imaginait parfaitement leur déception que leur fille aînée si parfaite soit devenue une criminelle. Donc les propos de Barbara ne lui faisaient ni chaud ni froid.
Heureusement, la conversation ne resta pas longtemps sur ce versant. Barbara se fit la mission de raconter uniquement toutes les bonnes choses qui s'étaient produites après l'arrestation de la plus vieille. Elle était retournée à l'école de musique la semaine précédente, et tout y était comme avant. Pour son plus grand bonheur, elle avait pu reprendre le chant et les cours de solfège, bien que les derniers étaient toujours aussi longs et fatigants. Jean rit doucement à cette information. Allez savoir pourquoi, nombreux étaient les musiciens et chanteurs qui n'aimaient pas le solfège. Barbara n'était qu'un exemple parmi tant d'autres qui lui avait été donné d'entendre.
La discussion continua pendant un long moment, principalement animée par la plus jeune. Varka ne reprit le flambeau qu'à un moment, pour partager des petites anecdotes et informations portant sur le travail qu'il partageait avec Jean et sur lequel il avait passé tant de temps à la former. Cette dernière, ravie d'entendre tout ça, garda précieusement chaque nouvelle au creux de son cœur, se réjouissant un peu plus à chaque fois. Elle ne vit pas le temps passer, jusqu'à ce que Yelan vienne frapper à la porte du parloir côté détenu, lui faisant comprendre qu'il était temps de mettre fin à l'entretien. Avec un profond soupire, la jeune femme blonde se leva, très vite suivie par sa sœur et son mentor. La première la serra pendant deux longues minutes dans ses bras et le deuxième lui embrassa affectueusement le front, lui recommandant encore une fois de faire très attention à elle.
– Je resterai parmi les ombres, ne t'inquiètes pas, promit-elle en retour, serrant sa main entre les siennes.
– Alors j'en suis rassuré. Mais tout de même.
– Bon courage, grande sœur. Tu es forte, tu es super forte ! Et merci pour tout...
Un sourire empreint de culpabilité étira doucement les lèvres de la plus jeune. Jean souffla légèrement avant de l'embrasser sur les deux joues, lui assurant une dernière fois que Barbara ne devait ressentir aucune culpabilité, même si c'était dur. Jean elle-même ne regrettait rien. Et elle était largement plus responsable que sa cadette.
Suivant finalement la gardienne en dehors du parloir, la jeune femme parcouru le chemin inverse en regardant ses pieds. Retrouver un petit bout de l'extérieur était une sensation très étrange. C'était un peu comme entrapercevoir un faible éclat de lumière après être restée une longue période dans l'obscurité totale, et ne pas pouvoir complètement revenir à la lumière avant encore un bon moment. C'était à la fois agréable et enrobé d'un goût amer de frustration et d'impatience. Et surtout, ça l'avait vidé de toute énergie pour un bon moment. Jean n'aspirait plus qu'à revenir dans sa cellule et à s'y reposer jusqu'à l'heure du dîner. Voire même jeûner jusqu'au lendemain. Souvent, les gardiennes laissaient tranquille les détenues ne voulant pas sortir.
Toutefois, son premier projet, celui de retourner dans sa cellule, fut compromis lorsqu'elle rencontra une colonne brute de muscles durs et fermes. Surprise et déséquilibrée, la jeune femme recula de deux pas tout en essayant de contrebalancer sa stabilité perturbée. Au même moment, une main ferme se plaqua juste au-dessus de la chute de ses reins, soucieuse de l'empêcher de partir en arrière.
Jean releva la tête, voulant connaître l'identité de la personne qu'elle venait de percuter avant de s'excuser. Et son souffle, qui s'était coupé dans la panique, s'écourta de nouveau lorsque ses prunelles d'eau clair rencontrèrent les rubis de Diluc.
Elle s'écarta brusquement de lui comme si elle s'était brûlée, obligeant la main de ce dernier à retomber contre son flanc. Il fronça les sourcils, une lueur curieuse brillant dans ses iris derrière l'ennui qu'il affichait à chaque instant. Mais Jean n'expliqua pas son comportement soudain et détourna la tête, sentant une couleur aussi rouge que la chevelure du jeune homme s'étendre sur ses joues. Depuis son arrivée et leur échange de regards dans la cour, ils étaient arrivés qu'ils se regardent à nouveau, des contacts visuels fugaces que la jeune femme se dépêchait d'abréger comme si s'autoriser à les faire durer la plongerait au plus profond de l'Abîme.
En revanche, ce n'était arrivé à aucun moment qu'ils se retrouvent en face à face comme maintenant. Et Jean ne savait absolument pas où se mettre.
– Qu'est-ce que tu fais là, toi ? intervint finalement Yelan avec une certaine froideur, au plus grand soulagement de la détenue.
Diluc tourna son regard vers la gardienne, croisant ses bras –dépourvus de menottes– sur sa poitrine avant de répondre d'une voix impassible.
– Je revenais de la cour.
– Et y'a aucun gardien pour te suivre ?
– Ils sont tous autour du groupe, un peu plus en avant. Je les ai laissé me distancer, leurs bavardages incessants me donnaient une migraine insupportable.
– Dépêche-toi de les rejoindre.
Le prisonnier hocha sobrement la tête, sans montrer si l'échange avec Yelan l'avait affecté en bien comme en mal. Il porta juste une dernière fois son attention sur la blonde, ses prunelles descendant le long de sa combinaison orange, comme à la recherche de la moindre blessure qu'elle pouvait porter. Jean se mordit la lèvre inférieure, se sentant vulnérable sous l'analyse de son regard.
– Tout va bien ? finit-il par demander.
– O-oui... Désolé de t'avoir percuté.
Il haussa simplement les épaules en réponse, ne montrant aucun signe qu'il s'en souciait réellement. Il décroisa finalement les bras et se remit en marche, reprenant la direction des cellules des hommes. Yelan n'attendit pas et fit signe à la jeune femme de reprendre le chemin vers les cellules des femmes. Jean la suivit sans rien dire, réalisant à peine qu'elle avait visiblement loupé le temps en extérieur.
De toute façon, peu importe. Même si c'était agréable d'être dehors et de pouvoir respirer un peu d'air frais, revoir sa sœur et son mentor lui avait fait le plus grand bien.
Juste avant de prendre le couloir suivant, elle se tourna vers Diluc, ce dernier ayant déjà presque disparu. Les yeux bleus de la jeune femme se promenèrent un dernier instant sur ses épaules avant qu'il ne s'efface définitivement. Et cette fois, elle ne fut pas surprise de ressentir l'habituelle sensation qui lui brûlait délicatement l'organisme à chaque fois.
~2422 mots~
Il s'agit actuellement du plus petit chapitre, mais j'arrivais pas à couper autrement les autres parties pour qu'il soit plus long. Déjà, j'ai rajouté des mots durant ma relecture parce que sinon, il faisait 2200 mots ce qui est vraiment très court.
Du coup, à la question des ships : oui, il y aura du Chilumi, quoique largement sous-entendu et jamais montré directement. Parce que oui, je fais partie des matrixés de ce ship (si ça intéresse, on a une sect- un serveur discord sur le Chilumi). Et O U I, vous n'avez pas rêvé, la compagne d'Aether est bien Nilou x) Généralement, je ship Aether avec Amber mais j'avais envie de changer, pour cette fois.
Ensuite, je pense que là, le crime de Jean est largement plus clair, bien que vous avez pas encore les tenants et les aboutissants exacts (enfin si, les aboutissants, c'est qu'elle a fini en prison).
Et oui, j'ai rajouté Varka. Je modifierai son apparence dans ma fic quand on le verra ENFIN dans le jeu (mec, grouille toi, t'es comme la Tsaritsa, on parle de toi depuis le premier acte)
Et pour finir, en tant que pianiste, je suis d'accord avec Barbara : le solfège, c'est chiant.
Sur ce !
A... Jeudi ou Vendredi, je dirais, pour le chapitre 3 !
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