8 - Coup sur coups



*

Recroquevillée dans le fond de son lit, Ceska souffrait en silence. L'attitude de Cassidy était inadmissible mais celle de Sonny l'était bien plus encore.

La veille en rentrant chez elle le coeur en miettes, elle découvrit son frère, debout près de la fenêtre. Il était évident qu'il guettait son arrivée.
— Sonny ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?
— Je ne peux plus venir chez ma soeur ?
— Bien sûr que si mais tu aurais pu m'appeler.
— Regarde-toi, t'es habillée comme une pouf.
— J'avais une soirée de gala.
— C'est une raison pour sortir à poils ?
— C'est une robe dos-nu. Je ne suis pas à poils !
— Assieds-toi Ceska !
— Sonny je suis fatiguée et j'ai besoin de me reposer. On peut discuter demain non ?
— Assieds-toi j'te dis !
— Mais qu'est-ce qu'il te prend ? Tu débarques comme ça, et puis tu m'obliges...

Sonny lâcha une première gifle sur le visage inquiet de sa soeur.
— Tu te moques de moi Ceska ! Et je n'aime pas ça.
— Quoi encore ? Dit-elle en tenant sa joue meurtrie. Qu'est-ce que tu me reproches cette fois-ci ?
— Tu allais me cacher ça encore longtemps ?

Ceska resta sans voix devant le magazine qu'il lui colla sous le nez. Un article en double page titrait : « Caleb Oldchester le nouvel homme fort de Blue Divine & Coldschester. »

Elle crut défaillir ! Bien sûr, qu'elle n'avait pas parler de Caleb à son frère. Elle connaissait trop ses mauvaises réactions. C'était parfaitement inutile et la situation dans laquelle elle était à présent lui donnait totalement raison.

Dans son esprit tordu, Sonny avait tout mélangé. Il s'était persuadé que les deux amants s'étaient rabibochés. Raison pour laquelle elle avait été embauchée.
— T'es contente. Tu le retrouves et tu te fais sauter ?
— Arrêtes d'être vulgaire ! Et même si je te l'avais dit, tu ne m'aurais pas cru. Excuse-moi, mais cette discussion est stérile, dit-elle en se relevant.
— Assieds-toi ! J'e n'en ai pas fini avec toi.
— Ça suffit ! Je n'ai plus cinq ans. Et puis, que je me tape Caleb ou pas, je ne vois pas en quoi ça te concerne.

Sonny lui décolla une droite qui marqua immédiatement son visage. Ceska poussa un cri de douleur. Elle comprit que son frère était venu pour une chose bien particulière: il voulait la corriger.

Elle eut très peur, sachant de quoi il était capable lorsqu'il se trouvait dans cet état. Il n'était plus lui-même et il frappait sans plus rien contrôler.

« Paradoxal, pour quelqu'un qui aimait tout maîtriser ». 

— Non seulement tu te tapes Caleb, mais tu te tapes aussi l'autre blanc ?
— Mais quel blanc ? Je ne couche avec personne. Et si tu veux savoir, je n'ai jamais couché avec personne. Et si tu continues comme ça, tu réussiras à faire que je ne couche jamais avec personne de ma vie. T'es content maintenant ?

Il la frappa dans les côtes, d'un coup mesquin et plus puissant. Elle se plia de douleur.
— J'ai des indics Ceska et je sais tout ce que tu fais. Hier rue de trévise, ce n'était pas toi peut-être ?
— Mais...
— Sale traînée va, tu me fais honte !

Comme elle regrettait de s'être laissé porter par la légèreté de la situation ! Elle regrettait doublement. À cause de Cassidy et à cause de Sonny.
— Peu importe. Ça ne te regarde pas.
— Et tu oses me répondre ?

Sonny s'emballa et frappa sa soeur. Il l'insulta et la battit jusqu'à en perdre haleine. Chaque coup porté personnifiait sa rage.
— T'as pas le droit de faire ça. Je ne suis ni ta fille, ni ta femme, ni ta chose ! Hurla-t-elle.
— Fermes-la ! Tu crois que Mama t'a élevé pour que tu te donnes comme une traînée au premier venu ? Je t'ai trop laissé faire, maintenant c'est fini. Puisque t'es une chienne, je vais te dresser moi !

Malgré les coups qui fusaient, Ceska s'arrêta de crier car plus elle s'agitait, plus il la frappait. On aurait dit une bête féroce.

Fatigué d'avoir passé sa soeur à tabac, Sonny partit en promettant de revenir. Ceska savait qu'il reviendrait. Alors elle s'enferma à double tour, laissant la clé dans la serrure de sa porte blindée pour empêcher son bourreau de rentrer.

Elle n'eut pas le courage de se démaquiller. Elle enfila juste un tee-shirt et traîna son corps meurtri jusqu'à son lit. Elle ne parvint pas à s'endormir. Triste et humiliée, elle pleura toute la nuit.

*

« Franceska, c'est le dixième message que je vous laisse. Rappelez-moi je vous prie. Je commence sérieusement à m'inquiéter.
A. Archibald »

«  Ceska, c'est Chen. J'ai bien eu ton message hier soir. Je croyais te voir ce matin. J'espère que tu vas bien. »

« Désolé pour hier soir. J'ai été infect. Laissez-moi vous expliquer. CL »

« Ma chérie c'est Mama. Alors cette soirée ? J'attends de tes nouvelles. Je t'aime »

Que ce soit par sms ou sur répondeur, les messages s'accumulaient sans que Ceska n'y réponde.

C'est lorsqu'elle aperçut son reflet dans la glace, qu'elle réalisa qu'elle était coincée. La vue de son visage boursoufflé la fit éclater en sanglot. Elle ne pouvait se présenter ni à BDC, ni nulle part ailleurs. Qu'aurait-elle pu faire avec sa tête gondolée ?

Il fallait une bonne semaine avant que les hématomes ne disparaissent. Elle avait la chance que dans son immeuble il y ait un cabinet médical. Elle alla voir le Dr Florès à qui elle se confiait parfois.
— Il va te tuer un jour si tu ne fais pas attention. Ton frère est dangereux. C'est une brute épaisse. Porte plainte Franceska.
— Je ne peux pas. C'est mon grand frère.
— Ce n'est pas le mot « frère » qu'il faut retenir si tu veux t'en sortir. C'est le mot « dangereux ». Vas-tu le comprendre un jour ?

Ceska comprit parfaitement ce que le Dr Florès disait. Mais elle ne voulait pas causer du tort à Sonny qui lui, la battait pourtant sans hésiter.

Munie de son arrêt de travail, Elle rappela Astrid Archibald et lui fit part de son absence. Cette dernière fulmina en apprenant la nouvelle :
— J'ai besoin de vous au labo Mlle Milembo. J'ai besoin de vous maintenant, pas dans dix jours. Vous soignerez vos petits bobos plus tard. Chez BDC nous ne flânons jamais, nous visons l'excellence ma chère enfant ! Alors au boulot !
— Je suis désolée Madame mais je ne peux pas !
— Bon sang de bonsoir Franceska ! Vous n'avez pas le choix !

Ceska se sentit mal à l'aise. Il est vrai que douze jours d'arrêt c'était énorme pour quelqu'un qui venait de se faire embaucher. Mais en réalité même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pas pu travailler.

Le surlendemain, elle reçut un bouquet de fleurs toutes les heures. Décidément Cassidy ne manquait pas d'air ! Ses tentatives d'excuses romantiques ne fonctionnèrent pas. Ceska renvoya les bouquets un à un à leur destinataire. Cela n'arrêta pas Cassidy qui le soir venu se rendit directement chez elle.

La porte d'entrée de l'immeuble étant exceptionnellement ouverte, il se faufila dans le bâtiment et monta jusqu'au troisième, les bras chargés de fleurs et de chocolat. Pensant qu'il s'agissait du Dr Florès qui devait passer la voir en fin de tournée, Ceska ouvrit sans regarder dans le judas et fut très surprise :

« Quelle idiote, ça aurait pu être Sonny réfléchit-elle tardivement ».

— Bonsoir Franceska, est-ce que je peux entrer ?




***

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