6 - Pause Déj'
*
La période d'essai de Ceska prit fin et elle fut confirmée au poste de Maître-parfumeur adjoint. À peine l'eut elle appri qu'elle attrapa son téléphone pour l'annoncer à sa mère. Rosalie Milembo pleura de joie. Sa fille venait de réaliser l'impossible, elle était si fière d'elle.
À l'inverse, Sonny, eut l'air embêté. Il aurait préféré que Ceska perde son pari. Il n'avait jamais accepté qu'elle parte loin de chez eux, parce qu'il aimait savoir tout ce que sa soeur faisait. Ce nouvel emploi allait la rendre trop indépendante et Sonny refusait de perdre le contrôle.
Ceska fut déçue qu'il ne se montre pas plus enthousiaste. Mais, qu'il soit content ou pas, elle devait désormais vivre pour elle seule et non plus pour remplir les exigeants objectifs que son frère lui fixait.
La soirée du solstice d'été avait lieu le lendemain. Ceska, Madame Archibald et Chen finissaient de mettre au point la nouvelle formule du parfum de La Maison Chaffard.
— Il est midi pile. Allez déjeuner. Je vous laisse une heure et pas une minute de plus. Nous avons encore beaucoup de choses à voir pour la présentation demain.
— Bien Madame, dirent-elles en chœur.
Ceska proposa à Chen de manger avec elle, mais cette dernière devait récupérer sa robe de soirée pour le lendemain. Elle décida donc de prendre son repas à l'extérieur, une petite balade dans le quartier ne lui ferait pas de mal. Alors qu'elle passait le sas d'entrée de BDC, Cassidy arriva derrière elle en trottinant.
— Pause déjeuner Mademoiselle ?
— Oui Monsieur. Pause déjeuner.
— Où allez-vous manger ?
— Je ne sais pas encore. Je pensais flâner dans le quartier.
— Que diriez-vous plutôt de m'accompagner ? Je connais un petit restau sympa à deux pas d'ici, ça vous dit ?
— Oui. Pourquoi pas.
Ceska continuait d'ignorer les conseils de Madame Archibal. Elle suivit Cassidy sans trop se poser de questions. Ils s'installèrent dans un restaurant Bio à quelques minutes du bureau. Bien que sympathique l'endroit, était bondé de monde.
"Encore un qui a cédé à la folie du bio", se moqua-t-elle.
— Vous avez choisi Ceska ?
— Pas vraiment. Et vous, qu'allez-vous prendre ?
— Pavé de saumon, épinards et blé noir. C'est un délice. Je vous le recommande.
— Alors je vous suis.
— Ah ! Vous me faites confiance ça me plaît.
— Pour le plat seulement hein ! Ne vous faites pas de film Mister Legrand.
— Et bien je ne vous imaginais pas avec tant de répartie.
— Sérieusement ? Pourquoi ça ?
— Parce que vous donnez l'image d'une jeune femme sage, timide et solitaire. Une jeune qui n'a d'yeux que pour les formules chimiques et les senteurs et qui peine à sortir de son laboratoire. Et Je crois bien que depuis que je vous connais, c'est la première fois que je vous vois prendre un vrai repas.
— Oh vous exagérez Cassidy. Je mange vous savez ? Ceci dit, vous n'êtes pas loin de la vérité, je travaille beaucoup trop et il faut que je pense à ralentir.
— Je me demandais, êtes-vous réellement timide ou est-ce une carapace ?
— Les deux je crois bien, dit-elle avec malice.
— Intéressant !
Ceska, porta à ses lèvres la première bouchée de son plat. Cassidy avait raison, c'était un délice. Elle n'en revint pas que ce soit aussi goûteux.
— De quelle origine êtes-vous Ceska ?
— Ça vous intrigue hein ?
— Est-ce un sujet tabou ?
— Non pourquoi ?
— Parce que vous répondez à ma question par une autre question.
— Il y avait un milliard d'autres questions à me poser avant celle-ci. Pourquoi voulez-vous me résumer à la couleur de ma peau ? Je suis autre chose qu'un tas de mélanine vous savez ?
— Eh ben dis donc...
— Quoi encore ?
— Ce n'était qu'une question. Je ne savais pas que le sujet était fragile.
— Fragile ? La grosse blague !
Ceska partit dans un fou rire, Cassidy l'observa, et il la trouva magnifique. Son rire chaleureux, et sa bonne humeur accentuèrent l'idée qu'il se faisait d'elle. En même temps, il se sentit coupable d'être éprit de cette femme qui ne répondait à aucun de ses critères habituels. Comment allait-il expliquer cela à son entourage ? Dans son milieu les filles comme Ceska servaient les repas, faisaient le ménage, et s'occupaient des enfants. Au mieux elles étaient chanteuses ou mannequins, mais rien de plus.
Depuis un moment Cassidy la courtisait. Poliment. Gentiment. Il ne voulait rien brusquer, juste apprendre à mieux la connaître, avant de se lancer. Et plus il la côtoyait, plus elle l'électrisait. Il y avait entre, une alchimie inexpliquée.
Enfin remise de son fou rire, Ceska regarda fixement le grand brun :
— Oh purée ! Vous m'avez fait pleurer de rire avec votre histoire de "sujet fragile" ! C'est vous le Babtou-fragile Monsieur Legrand !
— Pardon ?
— Oh ne me dites pas que vous ne savez pas ce qu'est un babtou?
Ceska compris que Cassidy n'en avait pas la moindre idée. Il tenta de cacher son embarras par un trait d'humour.
— Et dire qu'au départ je voulais juste savoir quelles étaient vos origines...
— Vous ne perdez pas le nord vous au moins, vous me ramenez tout droit vers votre sujet. Je vous en pose moi des questions sur vos précieuses origines ?
— Précieuses ? En voilà un préjugé !
— Mon pauvre Cassidy, ironisa-t-elle, vos manières parlent pour vous. Vos origines sont précieuses, c'est un fait !
— En tout cas je m'excuse si je vous ai offensé.
— Je ne me sens pas offensé du tout ! C'est juste que comme la plupart des personnes caucasiennes de ce pays, vous avez des préjugés. Vous vous imaginez que les personnes de couleurs sont complexées lorsqu'elles ne parlent pas de leurs origines. Personnellement, je ne me sens pas complexée, bien au contraire. Je n'ai pas envie d'en parler. Voilà tout !
Cassidy fixa Ceska si intensément qu'elle en fut mal à l'aise.
— Et pourquoi me regardez-vous comme ça ? C'est gênant !
— Parce que je vous trouve surprenante, et votre rire est charmant.
— Oh n'essayez pas de changer de sujet Cassidy.
— Ce n'était pas mon intention.
— Mais bien sûuuuuuuur, lança-t-elle en riant.
Un sourire plein de tendresse s'étira sur les lèvres du jeune homme. Il aurait voulu que ce moment dure encore, il se rendit compte qu'ils avaient de nombreuses choses en commun.
Le repas prit fin et Ceska le remercia pour cet instant gourmand. Ils se promirent de réitérer l'expérience dès que possible. Sur le chemin du retour Cassidy eut une pulsion, alors que Ceska lui parlait il s'arrêta net, encadra le visage de la demoiselle de ses doigts puissants et la gratifia d'un doux baiser.
"Touché coulé" balbutia-t-elle.
C'était tout ce qu'elle espérait. Ils s'embrassèrent timidement, Cassidy eut vite d'autres envies...
Mais au moment où Ceska lui fit promettre de ne rien dire à personne au sujet de ce baiser, le mobile de Cassidy sonna sans arrêt. Certainement une urgence au bureau, pensa-t-il.
— Désolé ma belle, il faut vraiment que je prenne.
— Je t'en prie, vas-y !
Au bout du fil, son demi-frère :
— Allo Caleb ? Que se passe-t-il ?
— Viens ! Viens vite ! C'est Maman...
***
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