14 - Histoires de famille



*

Charles Oldchester posa son imposante carcasse dans son fauteuil Chesterfield en cuir vieillit, il alluma un cigare et toussa grassement. Des volutes de fumées envahirent l'espace.

Tandis qu'il fixait une photo de ses enfants posée sur son bureau, il trouva que Caleb lui ressemblait de moins en moins. Il n'avait reçu de lui que la taille, la blondeur et la couleur océan de ses yeux. Pour le reste ils étaient vraiment différents.

Le fils était beau garçon, robuste et élégant, alors que le ventre bombé du père révélait un penchant pour la bonne chair et l'alcool, ses longues jambes fines juraient avec le reste de son corps. Charles Oldchester était héritier d'une grande dynastie texane par sa mère, et d'une noble famille niçoise par son père. C'était un enfant gâté, à l'abri du besoin depuis la première heure de sa vie.

Éminent stratège et magnat de l'immobilier, il était doué pour les affaires, les siennes prospéraient sans difficulté. Il avait élu domicile en France, avec sa dernière femme Valériane, la seule des quatre qu'il avait eu, à lui avoir donner des enfants. Charles préoccupé par les chamailleries publiques de ses fils les fit convoquer à son bureau. À vrai dire, il ne savait plus quoi faire pour que ces deux-là s'entendent enfin.
— Faites entrer mes garçons Jessie !
— Tout de suite Monsieur.

Cassidy entra le premier. Caleb encore occupé au téléphone, arriva quelques minutes plus tard. Après de brèves salutations et quelques généralités, Charles Oldchester lança la discussion. 
— Je suis extrêmement déçu. Ne grandirez-vous jamais ? J'ai appris qu'hier encore vous vous êtes donnés en spectacle, Chez Blue Divine & Coldchester. Avez-vous la moindre idée de ce que m'a coûté la fusion de notre compagnie avec cette société ?
—  Je sais que je n'aurai pas dû m'emporter de cette façon, mais Caleb joue un jeu qui m'exaspère. S'il continue je quitte le navire, j'en ai assez !
— C'est ce que tu fais de mieux, quitter le navire, à chaque fois que tu perds pieds, attaqua Caleb.
— Désolé fils, mais je ne peux pas continuer à vous départager, vous approchez de la trentaine et vous agissez toujours comme des adolescents. C'est ridicule, surtout lorsqu'on sait pourquoi vous vous disputez !
— Personne ne te demande de trancher Charles ! C'est juste une dispute entre frères, tempéra Cassidy.
— Une dispute où tu as cassé du matériel, hurlé comme un damné devant des employés... Je ne peux plus laisser passer ce genre de bêtises les gars. Si je vous ai placé à ces postes stratégiques, c'est parce que j'avais confiance en vos compétences. Mais là franchement vous me décevez, surtout toi Cassidy.
— Je t'ai toujours déçu n'est-ce pas ? C'est ta phrase préférée celle-là. Change de disque Charles !
— Comment oses-tu me parler ainsi ? Je te conseille d'arrêter avant que je ne prenne une décision qui entrave le cours de ta vie.
— C'est déjà fait ça et tu as plutôt bien réussi ! Trouve autre chose Charles, dit-il en se levant.
— Mais quelle insolence ! Reviens-ici immédiatement Cassidy !
— Non ! Grogna-t-il avant de leur claquer la porte au nez. 

Seul face à son père, Caleb resta muet, il n'aimait pas la façon d'agir de Charles avec Cassidy. Il n'aimait pas non plus le coté faussement rebelle de son frère, qui se cachait derrière ses maux pour fuir la réalité.

La relation de Cassidy et Charles s'abîma, le jour où le fils apprit que son père n'était pas son géniteur, ce fut un immense traumatisme pour lui. Pour étancher sa peine, il se plongea dans la drogue, au grand dam de ses parents.

Cassidy arrêta aussitôt de l'appeler Papa, il refusa de continuer à porter son patronyme, et il reprit donc le nom de jeune fille de sa mère. Charles eut du mal à s'y faire mais pour une rare fois dans sa vie, il n'eut pas le choix.
— Alors fils, vas-tu m'expliquer pourquoi cette négresse fait la une des magazines à tes cotés ? Toute la presse en parle, es-tu devenu fou ?
— Ce n'est une pas négresse Papa, elle s'appelle Franceska.
— Ah parce que tu la défends maintenant ?
— Comme tu vois, je la défends.
— Et c'est à cause de cette noire, que vous êtes en bisbille ton frère et toi ? C'est innommable, dit-il avec dégoût.
— Mais enfin, on ne parle pas des gens comme ça. C'est une personne comme toi et moi !
— Au Texas chez Grand'Pa Oldchester, on rêve de suspendre les gens comme elle aux branches des arbres. Comme autrefois, si tu vois ce que je veux dire.
— Ce que tu dis est abject Papa.
— Ces gens prolifèrent à une vitesse...
— Waou !
— En tout cas, j'exige que tu règles cette histoire au plus vite, tu as un bon service de communication chez Blue Divine, sers-t-en !
— Je n'en ferai rien.
— Et pour quelle raison ?
— Parce que j'aime cette femme Papa.
— De Cassidy, tout ça ne m'étonnerait pas, il a l'habitude de faire tout le contraire de ce qu'on lui demande. Mais de toi Caleb, ça me surprend, t'imagines-tu vraiment que je puisse te laisser vivre avec une négresse ?
— Je ne te demande pas ton avis Papa, je t'impose ma décision.
— Écoute-moi bien Caleb Henry Coldchester, je ne le répéterai qu'une fois. Jamais cette chose ne posera son cul de négresse dans ma maison, elle n'y entrera même pas. Passes du bon temps avec elle si le coeur t'en dit, mais n'assombrit pas notre sang en lui faisant des enfants. Je t'en supplie !
— Tu es profondément raciste et tes propos sont écoeurants.
— Tu m'insultes maintenant ?
— C'est le comble ! C'est toi qui balances des choses immondes, et tu serais la victime à présent ? Laisse-moi te dire, je rêve d'oxygéner le sang pourris que tu m'as transmis et j'espère que les enfants que j'aurai avec elle n'auront pas à t'avoir comme grand-père.
— Nom d'un chien mais tu souhaites ma mort en plus ? Si elle savait tout ça, ta mère n'en dormirait pas.
— Tu te trompes, Maman est bien plus ouverte que tu ne le crois.
— Elle n'a plus toute sa tête voilà tout ! Tu n'auras jamais notre bénédiction.
— Mais à quel siècle vis-tu Papa ? Et que ce soit clair je l'épouserai si j'en ai l'occasion.
— Quelle idée répugnante, je préfère encore mourir plutôt que de voir ça de mon vivant !
— Ce n'est pas plus répugnant que d'engrosser ses maitresses et les obliger à avorter.
— Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour mériter des enfants pareils ?
— Le bon Dieu est juste au moins, il te rend la monnaie de ta pièce.
— Je crois que nous n'avons plus rien à nous dire fils.

Caleb se leva sans un regard pour son père, et se dirigea vers la sortie. Les relents racistes de son discours l'écoeurèrent au plus haut point et il préféra ne plus y penser. Sa priorité fut de convaincre Ceska de sa sincérité mais la belle refusa qu'il la visite le croyant à l'origine de ce déferlement médiatique.

En réalité, il ne lui voulait aucun mal, il souhaitait simplement la séduire à nouveau, la tenir dans ses bras, l'embrasser et aussi l'entendre rire.

« Je sais que tu doutes de moi Franceska, mais je trouverai le moyen d'atteindre ton coeur » se promit-il à haute voix.



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