Cher connard,

Tu ne me connais pas.
Je ne te connais pas plus que ça. Nom sur un visage, présence anonyme de plus dans ma classe.
Je suis invisible.
Sur ton ordre.
Indifférence.

Cher connasse,

Des mots, des poings qui s'écrasent.
Le goût de sang dans ma bouche. Mes lunettes brisées, par terre.

Cher connard,

Tu n'a pas mis ma tête dans les toilettes. Devrais-je me sentir reconnaissant ?
Tu as, aux yeux du monde entier, dévoilé ma nudité.

Cher connasse,

Pourquoi ce besoin irrépressible se me tirer les cheveux ? Est-ce un traumatisme ? Une expérience ? Une jalousie ?
Pourquoi me les as-tu coupés ?
Pendant deux ans, mon cuir chevelu a subi tes sévices. Et moi, selon eux, je n'ai pas subi de harcèlement.

Cher connard,

Je suis virée. Je me suis battue. Contre toi.
Pendant cinq ans, sur un garçon de ma classe, un inconnu, tu t'es acharné. Cinq ans.
Tu as vidé son sac dans les toilettes pour la dernière fois. Tu l'as traité de salope, de tapette pour la derniere fois. Ses yeux se sont ouverts, fixant le vide. En lettre de sang sur sa peau, ton nom.
Alors je me suis battue. Pour expier mon crime de n'avoir pas su écouter, accompagner, aider.

Cher connasse,

Le viol touche aussi les garçons. Et, ce n'est pas parce que j'en suis un que je te désires. Entrainé dans un coin, la tête vidée par tes drogues, tu as obtenu ce que tu voulais. Et moi, j'ai vu un pont. Juste après. Devine ce que je fais ?
Je suis en équilibre.
Message envoyé

Cher connard,

Cette lettre, maigre consolation, maigre expiation de n'avoir su aider, maigre défense face au sadisme, se veut dénonciatrice. Et n'oubliez pas. Ça arrive.

Mais il n'est pas trop tard pour tendre la main.

LibertAiles