Nouvelle au chocolat
- Maman.
Je m'arrête brusquement et pivote sur mes talons.
- Oui ?
Ses yeux bruns sont levés vers la vitrine d'une chocolaterie, une vieille enseigne orangée qui clignote dans la nuit. A l'intérieur, les lumières sont encore allumées, les chocolats sur les étagères réveillent ma gourmandise.
- Je veux.
- Théo... on rentre d'accord ? On verra demain.
Mais ses yeux brillent d'un désir palpitant, le vent souffle dans la nuit d'hier, derrière la vitre les lumières chaudes contrastent. Je m'avance à mon tours et nous collons nos yeux à la vitrine , nos souffles la flouant.
- Théo c'est pas possible, ok ? Les chocolats ça s'achète et maman elle ne peut pas les acheter.
- À l'école , les autres ils en ont des chocolats.
Mon cœur se déchire douloureusement. Oui ils en ont. Ils en ont autant qu'ils veulent des chocolats. Et nous on a en pas. Parce que je ne suis pas capable de nourrir ma propre fille.
Elle tourne sa petite bouille vers moi et l'éclat de ses yeux disparaît : elle me voit pleurer. Mais je n'arrive pas à arrêter , les larmes coulent tout seules sans que je puisse les retenir. Mes jambes lâchent et Théodosia se blottit dans mes bras en murmurant comme une litanie : Maman. Maman. Maman ne pleure pas.
Et elle s'agrippe à mon écharpe sale , et elle me fixe avec ses yeux noisette. Et elle pleure elle aussi , mais je n'arrive pas à parler pour lui dire que tout va bien. Parce que la vérité c'est que ça va pas , pas du tout. Ma conscience me martèle comme si elle voulait m'assassiner "Reprend les études , laisse quelqu'un de capable s'occuper de ta fille". Mais je ne peux pas , encore une vérité qui tombe , je suis trop lâche pour donner du bonheur à ma fille. Trop égoïste en souhaitant qu'elle vive une vie de malheur à mes côtés.
La petite commence à s'endormir, de toute manière nous ne sommes pas moins bien ici qu'à la chaleur du poste de la station service. Demain on se réveillera sous les coups de la cloche , les passants nous jetteront des regards pleins de pitié qui masque leur indifférence. Parce qu'ils s'en foutent de nous , ils s'en foute de voir une gamine d'a peine 6 ans et une jeune femme dormir dehors. Ils donnent des pièces , pour leur propre conscience, ils demande si ça va , pour rassurer leurs cœurs fragile. Et si on leur répond que non ? Que la vie est merdeuse et que quand il pleut derrière leur vitre ou se reflète l'écran de la télé , il pleut aussi sur nos tête à nous ? Ils fuient. Ils nous regardent mal et se barrent dans leurs talons haut ou leurs Air Jordan de merde.
C'est fini , j'arrête de lutter. Dès demain elle rejoindra un orphelinat, je reprendrai les études et les petits boulots en priant pour qu'un jour je puisse la reprendre sous ma garde. La nuit fut longue , je caressais les cheveux de ma fille que je m'apprêtais à abandonner tout en songeant à ce que je lui annoncerai le matin venu. Elle pleurerai , elle me retiendrai , elle s'agripperai. Puis la gentille dame de l'orphelinat lui prendrai la main , et mon nom sera remplacé par le sien , ou celui de la mère de sa nouvelle famille. Elle m'oubliera sans doute trop tôt et ne me connaîtra que plus tard comme la mère qui l'a abandonnée.
Il me faut juste un peu plus de courage. Oh pitié donnez moi du courage. La cloche résonne dans toutes les petites ruelles encore vides , 7 heures , l'orphelinat vient d'ouvrir les portes de la cafétéria. La petite Lucie doit commencer son déjeuné et Jules doit déjà parler en souriant , avec l'éclat dans ses yeux qui pourrait raviver n'importe quel dépressif. Quand il parle , ce petit blond , que ses pommettes montent et que ses yeux pétillent , il pourrait presque me faire oublier mes malheurs. On y est déjà passés quelques fois à l'orphelinat, pour que Theodosia s'habitue à ce qui pourrait d'un jour à l'autre devenir ses camarades.
Je me lève et serre ma fille contre mon corps engourdi , nous marchons sous la bruine matinale , mon regard se perd sur ses paupières closes. Le papier que j'ai déjà rédigé est dans ma poche. Cartes d'identité, tout ce qu'ils demanderont avant de l'emporter.
J'ouvre la porte , mon cœur se vide.
Je dépose Theo qui s'était réveillé dans les bras d'une femme en embrassant son front. Je n'ai pas le courage de lui dire , qu'ils le fasse eux même. Je donne les papiers , inscrit les dates. Puis la porte se referme derrière moi. Derrière nous. Derrière la possibilité d'un avenir ensemble, heureux. La porte s'est refermée... pour de bon.
Trentième nouvelle , trentième bouc émissaire sur qui retombe mes sentiments et mes rêves ; éparpillés par leurs vies à eux. Le trentième fragment de leurs vies , et en même temps fragment de la mienne ; tout n'est pas vrai , tout n'est pas faux , mais tout est beaucoup trop dur et en même temps c'est la vie.
En espérant avoir ravi vos imaginaires ( oui je suis bien dans une période poétique et philosophique )
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