Je contrôle tout. Chaque regard est posé sur moi , tous les cœurs battent au rythme de mes mouvements. Je le sens suffoquer entre mes doigts. Je me penche sur son oreille, mes longs cheveux venant caresser son épaule.
- J'espère que tu regrettes.    Sifflais-je  , mes ongles pourraient facilement s'enfoncer.
Il ne me répond que par un gazouillis.
Je réalise alors que maintenant,c'est lui ou moi
Alors le choix me paraît terriblement dur.

Bipolaire. C'est ça qui me qualifie d'après eux.

Changeante. C'est ça qui leur fait peur. 

Il aurait dû se méfier. Me considérer comme un être humain, ayant des sentiments.
Pourtant il a continué avec sa confiance et son air hautain.
Il a considéré les ardeurs de mon cœur comme des faux sentiments. Comme un coup de tête passager.
Il m'a moquée aux yeux de tous , il a dévoilé mes sentiments.
Alors que fais-je ? Je me laisse emporter par le courant qui me pousse à planter lentement mes ongles dans sa chair ?
Ou je fuis tout cela.
Personne ne bouge. Lena scrute mes yeux à la recherche du brin de folie.
Elle le sait, il n'est plus là. Cela m'inquiète encore plus car j'aurais du le lâcher depuis longtemps ; pour une fois je vais agir sans la folie voyageuse.
- Léna ? Les choix sont durs , pourtant inévitables.
- Qu'est-ce que-
C'est trop tard , le sang coule sur mes vêtements. Mais c'est le mien. C'est mon sang qui s'écoule de ma gorge où sont toujours planté mes ongles. Soudain, mon choix me paraît absurde. Mais inévitable. Toujours.
Il s'échappe de mon emprise et tâte sa gorge.
Je tombe à genoux. Les jambes pliant sous le poids de mon action. Une larme coule.
Léna se pose face à moi, elle à toujours été réaliste , elle sait que c'est trop tard.
Alors elle se laisse également tomber.
Ses lèvres rencontrent doucement les miennes, un mélange de larmes et du goût métallique du sang.

Je sens ma vie partir comme une grande inspiration de la mort. Elle aspire ce qu'il reste de mon être. Je m'écroule dans les bras de Léna , mes mains dans les siennes , nos langues encore enlacées.

Je m'éveille lentement, ma tête me semble lourde mais aucune douleur nulle part. Ma langue danse encore dans ma bouche. Je suis dans la même position exactement que quand la mort m'a prise comme une de ses nombreuses filles.
Je regarde autour de moi.
Des visages flous, mouvements lents , yeux vitreux.

« Mais- ! Je suis morte ! »
~ Ton enveloppe humaine est morte. Ton âme brisée est éternelle.
J'éclate d'un rire hystérique. Puis je me met à pleurer. Et je lâche un cri.
~ Alors , tu ne la voulais pas ? Ta mort... tu la regrette ?
« Ça vous ferez plaisir , monde cruel , que je regrette un choix inversible ! »
Pas de réponse. Ma tête tourne. 
Puis un sourire s'étire sur mes lèvres. Tandis que les larmes salées dévalent mes joues. Je souris. Je souris devant l'absurdité de ma situation, devant l'absurde de mon imaginaire.
Mon corps se déplie et je me balance.
En avant.
En arrière.
En avant.
Et puis tout s'écroule. Je sombre dans une eau noire. Puis écarlate de sang. Un sang rouge vif, poisseux. Le sang de "il" et le mien qui se mélangent pour former le dernier tourbillon.
C'est alors que je comprends : je n'étais pas encore morte.
Puis cette fois , toutes les lumières s'éteignent.