Je me tiens là, dans la rue. Les gens passent. Ils sont en mouvement, mais tout semble figé autour de moi. Leur visage, leurs gestes, leurs voix... Tout est flou, un enchevêtrement de bruits et de couleurs. Pourquoi ne puis-je pas... comprendre ?

Ma main se crispe autour de mon sac. Je dois avancer. Je dois faire quelque chose. Mais chaque pas me semble plus lourd que le précédent, comme si mes jambes refusaient de me porter.

— Lila, t'es là ?

La voix. Elle me traverse, un frisson glacé le long de ma colonne. J'arrête de marcher, mais la voix persiste. Ce n'est pas la mienne. Ce n'est même pas la voix de Lila.

Je tourne brusquement la tête, les yeux écarquillés.

— Non, non, pas maintenant !

Les passants me fixent. Leur regard semble déchirer l'air autour de moi, comme s'ils me voyaient pour la première fois. Ils savent. Ils savent ce que je cache.

Mais je suis ici, dans cette rue, seule, pourtant entourée. Il n'y a pas d'échappatoire.

Je ferme les yeux un instant. Mais tout s'effondre.

Elle
Tu veux t'échapper, hein ? Mais où iras-tu, Lila ? Où peux-tu aller ?

Je suis partout, dans chaque recoin de ton esprit. Une main invisible, un souffle de vent, une pensée. Tu penses que tu peux te cacher ? Non. Pas cette fois.

Je t'ai vue, et je te tiens. Tu n'échapperas pas à ce que tu es.

Lila
Je secoue la tête, désespérée. Non. Non, ce n'est pas vrai. Il faut que je m'en sorte. J'ai le contrôle. J'ai toujours eu le contrôle.

Je me précipite dans la rue, mais les visages se brouillent devant moi. Je n'arrive plus à distinguer la réalité. Chaque visage est une ombre, un masque qui se déforme sous mes yeux. Les sons m'assourdissent, comme une cacophonie irréelle.

Je m'arrête soudainement, le cœur battant, mes mains tremblantes.

Qu'est-ce qui se passe ?

Un cri. C'est moi qui crie.

Le sol sous mes pieds vacille. Je suis perdue. Mais est-ce moi, ou est-ce elle qui me perd dans ce tourbillon ?

Je veux crier, mais rien ne sort. Rien.

Elle
Un sourire se forme sur mes lèvres. Lila, tu n'as plus rien. Plus de contrôle. Tu es à ma merci.

Elle me regarde, égarée, les yeux noyés de confusion. C'est fascinant.

Elle pense pouvoir comprendre, pouvoir tout saisir. Mais elle ne comprend pas que je suis là pour la sauver, pour la protéger. Et elle me hait pour ça. Elle me hait parce que je suis tout ce qu'elle ne veut pas être. Tout ce qu'elle ne peut pas accepter.

Mais je suis elle. Et elle est moi. Nous sommes liées. Et cette vérité la dévore.

Lila
Je tombe à genoux. Je suis au bord du gouffre, une pierre glacée dans ma gorge. Je ferme les yeux, le souffle court.

— Laisse-moi ! crie-je dans ma tête.

Mais la voix ne me répond pas. Elle se contente de me laisser me perdre. Et moi, je perds tout, chaque morceau de mon âme.

Je suis seule.

Non... non, ce n'est pas possible. Je ne peux pas être seule. Pas maintenant. Pas ici.