Je continu de frapper le portail mais rien n'y fait. J'intensifie les coups et mes lunettes tombent, à nouveau. Merde,merde,merde! Je tombe à genoux et commence à fouiller. Mon ophtalmo a voulu me donner des lentilles,à plusieurs reprises mais,non,j'ai fais ma compliquée. J'aime les lunettes. C'est plus fort que moi. J'adore les sentir sur le bout de mon nez ou chatouiller l'arrière de mon oreille. Ça me donne des airs de Valma dans Scooby. Enfin,en moins sexy. C'est vrai qu'on se ressemble pas mal mais ça s'arrête là. Et puis ce n'est pas le sujet!

Je tâtonne,je tâtonne...et je trouve enfin quelque chose. Mais ce ne sont pas mes lunettes. Je reconnais le fauteuil de l'homme aux lèvres cousu. Il est revenu me chercher. Je me relève et,comme par magie,mes lunettes sont sur ses cuisses. Je n'ai pas envie de le toucher. Il me fait peur. Plus que cet endroit mais je ne vois strictement rien. Donc je prend mon courage à deux mains et les récupère,vite.

Il n'a pas bougé. Super. Je me tourne vers le portail. Merde,il est encore plus barricadé qu'avant. Avec une double grille en fer. Je n'ai pas le choix. Il faut suivre cet inconnu à l'intérieur. Mais le château n'est pas facile d'accès. Il y a un immense champ de coquelicots et une forêt humide à passer. Ça ne me rassure pas. Les grands arbres cachent le ciel et avec l'humidité qui y règle, j'ai l'impression d'être perdu dans la nuit. Pourtant il fait jour.

Nous arrivons à des marches et je vois bien que l'inconnu souffre avec son fauteuil donc je me baisse pour l'aider. Mais il me repousse. Puis il fait demi-tour. J'en conclut que je dois continuer seule. Ce n'est pas plus rassurant.

-Non,restez avec moi!

-...

-Pitié.

Il n'en a aucune. Oui c'est pathétique mais j'aimerais vous y voir. À chaque pas j'ai l'impression d'entendre des bêtes affamés prêtes à me sauter dessus et m'egorger. Donc j'accélère le pas. De plus en plus vite jusqu'à enfin voir l'entrée du chateau. Mais la situation ne s'arrange pas. Évidemment,il a des chiens,avec la chance que j'ai. Deux gros doberman noires aux dents bien pointues m'accueille. Je me fige. Je ne me pensais pas immortelle mais j'aurai voulu une mort moins violente.

Vous vous dites qu'il suffit de les caresser pour les rendre plus dociles mais je ne pense pas que ça marchera. Ils grognent. Des chiens doux et inoffensifs ne grognent pas! Ils s'élancent et je plonge au sol. Je les évite de peu. Oui ils sont bien décidé à me tuer. Ce sont des chiens d'attaque. Donc je me relève et court sans demander mon reste.

Je déboule en furry dans le salon. Une femme s'y trouve mais je n'ai pas le temps de l'admirer. Je cours me cacher derrière le canapé et ferme les yeux.

J'entends un ricanement. Elle se moque de moi? Je ne peux pas lui en vouloir. Puis je l'entends siffler une mélodie . Je la reconnais. Sans pouvoir y mettre un nom. Elle me semble juste familière. Je l'ai déjà entendu,j'en suis sûr! Et je ne suis pas la seule à la connaître. Les aboiements des chiens se calmes comme si elle les apaisait.

J'ouvre les yeux et sors lentement de ma cachette. Ils sont parti. Il ne reste plus que la femme. Maintenant,je peux mieux la regarder. La peau caramel, de longues nattes; elle porte une tenue très révélatrice. Un crop top rouge transparent recouvre à peine sa poitrine. Deux cache tétons noirs en forme de croix l'empêchent de tout dévoiler. Et pour le reste, un bas de lingerie noir et des jarretières. Mais sa tenue osée ne la dérange pas. Non. Elle sirote tranquillement un verre de vin blanc en regardant un carnet à croquis...merde c'est le mien!

-Ne regardez pas ça!

D'un coup je n'ai plus peur. Je me jette sur elle et le lui arrache des mains. Puis je le remet dans mon petit cartable. J'aime dessiner mais hors de question de partager mes croquis. Ça l'amuse.

-Vous avez peur de quoi,mademoiselle ? J'ai bien vu quelques pathétiques corps dénudé mais rien de vraiment érotiques.

-Qu...quoi?!

Mais il n'y a que des dessins de citrouilles là-dedans. Je reprend mon carnet pour vérifier, ce qui est un peu étrange. Je sais quand même ce que je dessine et...Elle explose de rire. D'accord,elle aime me taquiner. C'est bon à savoir.

-Une timide en manque de confiance en elle...,elle lance en me pinçant la joue. Ça va être marrant.

Ce petit sourire fait froid dans le dos mais étrangement,je le trouve assez sexy. Elle a beaucoup d'assurance. Ça aussi c'est...sexy. Mais je dois me concentrer. Je ne suis pas venu pour ça! Je me dégage et vais m'assoir sur le canapé.

-Je suis venu pour l'offre d'emploi.

-Oh. Elle n'est plus à pourvoir.

Pardon?! Pour une fois que je parle avec confiance, je me fais rembarrer.

-Mais elle est toujours dans le journal...

-Oui je vais régler ça. Il ne vous reste plus qu'à partir. Sauf si...vous voulez un verre de vin,avant.

C'est tout? Non,je ne peux pas partir!

-S'il vous plaît,j'ai vraiment besoin de ce boulot.

-Vraiment?! Mais tu ne sais même pas de quoi il s'agit.

-Ce n'est pas grave. Je ferais n'importe quoi.

-Hum...

Elle dépose son verre sur la table et vient s'assoir sur le grand fauteuil en tissu. Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres.

-À genoux!

-Quoi?!

-À genoux!

Je tombe à genoux en un claquement de doigts. Et elle jubile,assise en face de moi. Puis elle me fait signe d'avancer. Je le fais sans savoir pourquoi. Pour avoir ce boulot? Pour ne pas devoir faire le chemin retour? Peut-être...Parce que quand je pense aux chiens et à l'inconnu effrayant,je préfère rester ici.

J'arrive tout près d'elle et croise ses beaux yeux chocolat. WoW,elle a vraiment un beau regard. Ses doigts glissent sur la peau et elle les serre autour de mon cou. Je me fige. Elle se penche jusqu'à ce que ses lèvres effleure mon oreille.

-Suppli-moi!

Elle a perdu la tête. Ses doigts agrippent mes lunettes et me les retire. Je ne peux pas quitter ses yeux comme s'ils m'hypnotisaient.

-Dis-le!

Et je bois ses paroles comme du vin.

-Je veux...rester.

-Dis-le encore!

-Je veux rester,s'il vous plaît.

Son pouce caresse ma lèvre inférieure. Elle l'a fixé d'une manière étrange, qui mêle à la fois désir et contrôle. Puis elle le fait glisser à l'intérieur. Lentement. Et je sens son doigt aller et venir dans ma bouche.

-Tu es tellement sexy quand tu suppli...

Elle sourit et se retire. Je sors de mon espèce de transe et me reprend. Bordel,c'était quoi ça?!

-Ton nom!

Elle ne dit jamais « s'il te plaît »?

-Lila.

-C'est joli.

-Lila Adams.

Elle semble surprise.

-Un peu colorée pour une « Adams ».

Je comprends la blague et ris. Mais,je vois son sourire progressivement s'effacer. De l'incompréhension se lit sur son visage. Et elle me pose la question la plus étrange possible.

-Où sont tes parents?

Je me fige. La meilleure réponse serait de dire la vérité mais elle ne m'en laisse même pas le temps.

-Tu es orpheline ?

J'hoche la tête.

-C'est bien ce que je pensais.

L'ambiance change du tout au tout. Elle se lève et s'assoit beaucoup plus loin de moi comme si elle me fuyais. Je ne comprend pas. Qu'est-ce que j'ai dis? Rien. Enfin,je crois. Puis elle prend un livre au hasard pose sur la table et se met à le lire.

-Tu as le job. Reviens demain matin.

-Je...

-Je te dirais quoi faire. Ça ne devrait pas bien être compliqué.

-Mais...

-Juste de la lecture. J'espère que tu sais lire.

Je m'emporte et frappe sur la table en bois. Elle daigne enfin me regarder. J'ai tant de questions. Pourquoi elle est aussi étrange? Pourquoi elle est aussi pressée de se débarrasser de moi? Mais,son regard est si furieux que je veux couper court à la discussion. En vrai,il n'y a qu'une question qui compte.

-Qui êtes-vous ?

Elle n'hésite pas une seconde.

-Madame Rose. Tente de t'en rappeler. Maintenant, vas t'en!

Elle est ignoble. Voilà ma première impression. Mais j'ai besoin d'elle et de ce boulot. Je me relève et avance lentement vers elle.

-Vous...vous pourriez me raccompagner,s'il vous plaît?

-Pardon?!

-J'ai peur de...

-Ce n'est pas mon problème !

Et elle replonge dans son livre. Super. Je vais trouver un moyen de m'en aller d'ici et je n'y remettrais plus les pieds. Hors de question que je travaille pour une cinglée pareille!

Madame rose apparaît enfin. J'espère que vous n'allez pas regretter de l'avoir connu.☺️❤️