-Tu es viré, Lila.

J'ai toujours aimé l'automne. C'est ma saison préférée. Enfin, ça l'était. Parce qu'en à peine deux seconde, je venais de perdre mon boulot. Aïe-je fais quelque chose de mal? Non, d'après Vincent. C'était mon premier travail. J'y tenais. Je pensais le faire toute ma vie. Peut-être que j'y rencontrerais mon prince charmant et l'on vivrait un merveilleux compte de fée. Mais voilà que tout tombe à l'eau. Mince. Ça me peine.

-C'est...c'est moi?

-Non,non.

Il tire un petit tabouret et s'assoit. Je vois bien la tristesse dans son regard. Il n'a pas à l'être. Je sais qu'il a ses raisons. Il a toujours été doux avec moi.

-Je te garderais, si je pouvais. Mais...

-Mais?

-Je vais mettre la clé sous la porte. Les citrouilles ne se vendent pas si bien que ça. C'est amusant à Halloween mais les enfants préfèrent les fausses.

-« Fausses »?!

Je ne comprends pas. Il y a tellement de magie dans une citrouille. La préparer est un pure moment de joie. Et l'on peut même faire de la soupe avec les restes. Ou des tartes. Qui n'aime pas ça, la tarte? Les enfants, apparemment. Mais Halloween n'est pas une banale célébration. C'est une fête à part entière et le meilleur moment de l'année. Alors qu'elle absurdité de la falsifiée.

-On doit garder espoir.

-Je suis d'accueil avec toi, Lila. Mais...l'espoir ne paye pas les factures.

Je quitte la petite boutique sans vraiment y croire. Pourtant la pancarte est un peu plus clair: « Fermée ». Mais, d'habitude c'est moi qui l'a met. Et, surtout, je la retire chaque matin, le sourire aux lèvres. J'ai l'impression de recevoir un coup sur la tête. Saperlipopette ! Mince, elle va vraiment fermée. C'était un vrai joyeux. Ces petits coins de paradis où l'on adore se rendre. Où j'adore me rendre. Je pourrais toujours passer devant mais ce ne sera pas pareil. J'avais foi en ce lieu. Il me remontait le morale, comme si chuchoter des mots aux citrouilles était thérapeutique.

Pire, c'était le seul boulot que j'avais réussi à garder. Vendeuse de vêtements ? Non. Apparemment tout le monde n'apprécie pas les chaussettes hautes flashy. Ni les gros collier de perles. Et encore moins les salopettes. Serveuse? Houla, je suis trop maladroite pour ça. La dernière fois, le plat a fini sur la tête du client. Ça lui apprendra à commencer une pizza à l'ananas. Pourquoi pas jardinière ? Je n'ai pas la main verte. Et véto ? C'est pire qu'avec les plantes. Je n'arrive même pas à garder en vie un poisson rouge. Je ne les aime qu'en sushis. Et enseignante ? J'enseignerai quoi? L'art de l'échec? Ou comment éviter les huissiers à trois heures du mat? Réponse: en se cachant dans la niche du chien des voisins. Oui, ce n'est pas une blague. Déjà que l'appartement n'est pas à mon nom mais à celui de mon frère, mais qu'en plus il n'était pas là....j'ai dû improviser. Heureusement, il a réglé les soucis. Pas sûr qu'il y arrive toujours. Surtout que maintenant, je ne peux plus assurer ma part du loyer. Ça va être marrant.

Bon, ça ne sert à rien de se morfondre ici. Ça fait trop mal. Donc je récupère mon vélo bleu et rentre chez moi. Je connais bien le chemin pour l'avoir fait un milliard de fois. D'habitude, je me baladerai un peu. Mais, aujourd'hui, je n'ai pas le cœur à ça. Il est brisé en mille morceaux. Ce n'est rien, je commence à avoir l'habitude.

-Bonjour, Lila.

-Bonjour madame Stevenson!

-Oh, je t'ai déjà dit de m'appeler Georgia.

-Désolé.

-Tu veux que je t'aide avec ton vélo?

Elle a dû remarqué que je le poussais, à bout de souffle. C'est toujours dur de monter la ruelle en pente. Et mn immeuble se trouve tout au bout.

-Merci mais ça va aller. Et vous? Vous voulez de l'aide avec vos courses?

-Ce n'est pas de refus.

Je range mon vélo sur le côté et accours à son secours. Ça fait beaucoup de sacs pour une vieille dame de soixante-dix ans. Elle entre dans sa maison et je la suis. Évidemment, l'un des sacs se perce. Sinon, ce n'est pas marrant. Mais je commence à avoir l'habitude. Donc j'emporte le premier à l'intérieur et reviens chercher le deuxièmement. Et c'est partie pour une partie de cache-cache. Les oranges dans les buissons, la brique de lait me faisant un croche-pied, les fraises écrasées. Une journée banale, quoi. Je cours derrière le melon, maudit l'huile d'olive et abandonne les arachides versées. Il me faudrait une vie pour les ramasser. Je récupère le maximum et dépose le tout dans la maison. Sur la table à manger, pour être précise.

-C'est génial, merci Lila.

Heureusement, madame Stevenson voit aussi bien qu'une taupe aveugle. Elle ne remarque pas le sac à moitié vide et me remercie. Mieux, j'ai même droit à des cookies et un verre de lait. Les adultes aussi ont droit à des douceurs. Je m'assois et les déguste.

-Délicieux...

Elle me rejoint. S'asseyant près de moi. Toujours avec ses grosses lunettes rondes et son sourire chaleureux. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans elle. Elle est le seul semblant d'ami que j'ai ici. C'est une petite ville et personne n'a mes goûts. Trop flashy, trop osé, bizarre, mon style n'est pas apprécié à sa juste valeur.

-Alors Lila, tu as l'air un peu triste.

-Oui. Je viens de me faire virer.

Elle est vraiment peinée.

-Je suis désolé.

-Il ne faut pas.

Un silence malsain s'installe.

-Je n'aurais pas la robe rouge à pois rouges dont je rêvais. Mais...j'ai assez pour une nouvelle paire de collants jaune poussins.

Elle rit. Je préfère ça.

-Et pour ton loyer?

-Je trouverais un autre travail. Ce n'est pas ce qui manque.

-Je te trouve très optimiste Lila. Mais...si tu n'y arrive pas...

-J'y arriverais!

Je ne vais pas me morfondre bien longtemps. Elle me connaît bien. Je me relève toujours. On a beau être dans une petite ville, il y a moyen de s'en sortir. Il faut juste s'accrocher. Elle se lève. Je ne la suis pas, trop occupé à finir mon verre. Puis je m'essuie la bouche avec mon bonnet rouge. Décidément, je n'ai aucune tenue! Mais elle s'en fiche bien. Elle ne me jugera pas à mes petites manies. Quand elle revient, elle a une enveloppe et un journal dans les mains. Je n'y fais pas très attention. Mais je la regarde le feuilleter. Ça fait bien longtemps que je n'en ai pas vu un. J'ai tout le temps la tête plongée dans les magazines de mode. Ils ne sont pas à mon goût mais m'occupent bien l'esprit.

Je la vois surligneur dès passage au fluo jaune. J'aimerais lui demander ce qu'elle fabrique. Mais elle a l'air si concentré. Comment elle fait? J'ai l'esprit le plus dispersé sur terre. Une vraie boule d'énergie. Dix-huit ans et le monde n'arrive déjà plus à contenir ma folie.

-J'ai fini.

-Quoi?

Elle cache le journal sous la table. Oui, je sais, je suis trop curieuse. Elle finit par me le tendre.

-Je t'ai souligné les offre d'emploi.

-Retour à la bonne vieille méthode.

-Tu peux te moquer mais ça marche.

-Hum...

-Promets-moi d'y jeter un œil.

-Ok.

-Et n'ouvre pas le journal avant d'arriver chez toi!

Je promets mais je ne suis pas né de la dernière pluie. Madame Stevenson est d'une gentillesse incroyable. Je ne veux pas en abuser. Je lui dis au revoir et quitte la maison. Dans le jardin, j'ouvre le journal. Entre deux pages, se cache une petite enveloppe. « Pour le loyer » y est inscrit. Je vous l'avez dis, elle a bon fond. Mais je ne peux pas accepter.

-Salut, Lila!

-Salut, Steven!

Heureusement, je croise son fils, Steven. Je lui tend l'enveloppe. Même si j'ai un petit pincement au cœur. J'ai vraiment besoin de cet argent. Mais ça ne m'empêche pas de faire ce qui est juste. Il n'est pas à moi. Et Madame Stevenson a aussi des factures à payer.

-Donne ça à ta mère, de ma part.

-Qu'est-ce que c'est?

-Un cadeau.

Il le prend et rentre. Quant à moi, je reprend mon vélo et monte la pente. Cette longue et douloureuse pente. Puis je range mon vélo dans le garage et entre chez moi. Enfin. Je balance mes vêtements et enfile un peignoir. En forme de licorne, biensur. Stylée jusqu'au bout des ongles. Et je me fais couler un bain. Puis je m'effondre sur le canapé du salon, un saut de popcorn à la main. Je fini par m'endormir devant la télé. Cette journée a été épuisante. J'ai besoin de repos. Mais des cris me réveillent.

-Soeurette!

-Lila!

-Lilaaa!

Merde. Les deux calamités.

Hello, alors j'ai décidé de sortir le premier chapitre plus tôt que prévu. J'espère que vous avez aimé découvrir Lila❤️