Hermin
La dévotion était une caractéristique grandiose et admirable. L'être humain a toujours été égoïste et personne n'a jamais pu prouver le contraire. La seule émotion qui empêchait une personne de ne penser qu'à elle toute sa vie était ce qu'ils appelaient l'amour.
Pourtant, sans considérer quelqu'un comme tel, l'homme pouvait sacrifier sa vie pour autrui. C'était là l'unique qualité de ce jeune homme que pouvait trouver les nobles. Cependant, inintéressés par son incompétence en nettoyage, cuisine et tout ce qui importait, les riches ont vite rejeté l'orphelin qui demandait seulement la grâce de dieu.
Dans le village de Carlem, des kilomètres au sud de la capitale, se trouvait une âme charitable, un homme au cœur sur la main. Un noble bon comme pas deux qui le jugea digne d'être son majordome. Ayant à peine huit ans quand il fut recueilli par celui-ci, l'enfant aux courts cheveux violets et aux yeux rouges n'était pas capable de faire ce que son hôte attendait de lui.
« Tu n'es pas un esclave. », lui répétait-il sans cesse. « Tu es mon fils et je t'apprends seulement à travailler et à devenir méritant. »
Pendant des années, le garçon sans nom vécu auprès de son père adoptif qui le nomma Hermin dès son plus jeune âge. C'était une identité nouvelle. Une vie loin de ceux qui l'ont abandonné si jeune, bercée par la monotonie et la pauvreté de l'originalité. Chez les riches, tout était si pure et si beau, or, c'en était lassant. Les maisons symétriques, du blanc partout, un comportement hautain et méprisant venant des voisins et un silence fade dans les rues inanimées.
« Quand tu seras bien assez grand, je te chasserai d'ici. Tu devras avoir ta liberté et devenir quelqu'un de bien. Vivre ici ne fera que te pourrir jusqu'à l'os. »
Le majordome tirait un tas de leçon de vie du maître qu'il aimait tant et le voyait comme son idole. Comme l'exemple à suivre. Pas comme un membre de sa famille car pour lui, c'était synonyme de lâcheté, suite à la fuite de ses géniteurs.
Hermin n'eut aucun anniversaire à fêter ne connaissant pas sa date de naissance. Le noble qui l'a recueilli aurait pu lui en inventer une et bénir ce jour comme il le souhaitait mais l'enfant désirait simplement être différent des autres. Selon lui, c'était sa force. Être abandonné par ses parents ne jouait plus en sa défaveur. C'était un orphelin heureux et fier.
« Un jour, mon enfant... »
L'homme décida alors d'ignorer toute coutume et décida de respecter les envies du petit. Il était certes son serviteur mais il avait une âme, comme lui.
« Un jour, tu deviendras un héros. J'en suis certain. »
Hermin ouvrit ses yeux, chatouillé par la brise du matin. La fenêtre de sa somptueuse chambre était ouverte. Doucement réveillé, il prit le temps de s'étirer et de se sortir des chaleureux draps de soie blancs. En sous-vêtements, il alla ouvrir sa penderie et prit soin de se vêtir pour préparer le petit déjeuner du maître.
Habits noirs, contenant veste sobre et pantalon simple, chaussons de velours mauves, cravate blanche et des gants gris. Avec un serre-tête, il emmena délicatement ses cheveux vers l'arrière et posa l'objet sur son crâne afin de les maintenir plaqués dans cette position toute la journée.
Il s'approcha ensuite d'un miroir oval et immense ornant un mur de la pièce, tapissé de tissu vert, sans motif. Hermin saisit une petite pince à épiler et se retira les quelques poils qui poussaient plus vite que les autres. La peau de son pâle visage devait être lisse.
Une fois en condition, il se rendit dans la cuisine du manoir, au rez-de-chaussée. Quelques caisses de légumes avaient été livrées ce matin. Le maître a sans doute payé en avance cette commande alors il n'y avait pas à s'inquiéter. Le garçon n'avait qu'à ranger les provisions après avoir préparé le petit déjeuner.
Il prit quelques pommes entassées dans un filet en hauteur, puis les éplucha au-dessus d'un sac vide. En chantonnant, de bonne humeur, il cuisina une bonne tourte aux pommes. Avec les baies du jardin, il se permit de faire un velouté onctueux aux senteurs alléchantes et au goût incomparable. Il avait appris à devenir un fin gourmet en mangeant chez cet homme et est devenu expert en la matière. Créer de nouvelles recettes et les mettre en œuvre n'était rien de plus qu'une tâche journalière et c'était devenu bien plus qu'un don du ciel. C'était un talent exceptionnel qu'il perfectionnait avec le temps.
Une heure plus tard, la tourte était prête. Hermin coupa deux parts qu'il plaça dans une belle assiette dorée et la posa ensuite sur un plateau, accompagné de son petit frappé fruité. Sans se presser, il monta les escaliers et vint frapper à la porte de son père adoptif qui dormait probablement encore.
- Maître Canon, puis-je me permettre d'entrer ? J'apporte votre petit-déjeuner !
Aucune réponse n'incita le garçon à rejoindre le vieil homme. Intrigué alors par son manque de réaction, il cogna à nouveau la porte et haussa la voix une dernière fois.
- Maître Canon ? Peut-être souhaitez-vous que je vous laisse vous reposer ?
- Hermin... entendit-il d'une faible voix.
Le plateau tomba et les couverts se brisèrent sur le sol. Le velouté se déversa sur le long tapis rouge du couloir et les bouts de porcelaine s'incrustèrent dans les moelleuses part de gâteau.
- MAÎTRE !
L'adolescent poussa brutalement la porte et courut jusqu'au lit où couchait son hôte. Les rideaux empêchaient la lumière de pénétrer la pièce mais cet homme barbu n'était pas entièrement caché par la pénombre. Ses yeux pétillaient et sa bouche était d'un pourpre si clair. De fines bulles vermillon éclataient sur ses lèvres suintantes de sang.
- Que vous arrive-t-il ? Que dois-je faire ? Je ne suis pas préparé à ça !
- Ne t'en fais pas...
Tendrement, il caressa la joue de celui qu'il considérait comme étant son fils.
- Je te l'ai dit, un jour, tu partiras. Mon heure est tout simplement venue.
Le garçon retira légèrement la couverture, intrigué par quelque chose. C'est alors qu'il vit la plaie de son père.
- Non ! Vous avez été attaqué !
- Hermin, je n'ai pas juste été poignardé. La lame de cet homme était empoisonnée. Il ne me reste plus beaucoup de temps.
Furieux, le majordome frappa le mur encore et encore à s'en ouvrir les mains. Canon lui avait tout appris, de la maîtrise d'une arme à la magie en passant par tout les rudiments de la chasse, la cuisine et le nettoyage. C'était un homme prêt à partir et à vivre comme les autres. Pourtant, il refusait de perdre la seule personne qui comptait pour lui.
- Je vais trouver un moyen de vous sauver.
- Il est inutile de se voiler la face. Si j'arrive à retarder ma mort en luttant, je doute qu'il existe un antidote capable de détruire le venin qui coule dans mes veines.
Les paupières du pauvre orphelin s'ouvrirent lentement jusqu'à leurs extrémités.
- Que... Que dites-vous ?
- Un assassin est entré dans ma chambre ce matin... Il portait une marque dans son cou. Celle d'un phénix noir. Il fait partie de l'ordre de Kaber.
La lente respiration du vieil homme sifflait.
- Ces types ne font pas les choses à moitié.
- J'irais jusqu'au bout, faites-moi confiance ! Vous voulez que je parte ? Très bien !
Hermin serra son poing droit et grimaça.
- Mais d'abord, je vous sauverais...
Un sourire se dessina sur le visage de Canon exprimant un instant la joie.
- Tu es irrécupérable, hein ? Alors pars en direction de Pegredin. Là-bas, tu devras chercher l'alchimiste Rickert. Dis-lui que mes heures sont comptées et il te donnera de nouvelles indications. Si tu veux vraiment te dévouer, ceci est mon dernier ordre...
Le majordome laissa son maître lui saisir la main fermement.
- Si je meurs, trouve-toi une famille et garde une place pour moi dans ton cœur. Mon fils...
C'est ainsi que débuta le long périple d'un majordome prêt à servir son maître jusqu'à son dernier souffle. Sa première destination était Pegredin, la cité marchande plus au nord de Carlem, là où il allait rencontrer le potentiel sauveur de Canon...
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