1. Allons à Pegredin

Hermin n'avait plus de temps à perdre. Son devoir était de protéger le maître Canon. Ainsi, il se précipita vers l'entrée et s'arrêta net, devant la porte. Quelque chose l'empêchait d'avancer. Ce n'était pas de la peur, non... Plutôt un manque d'équipement. S'aventurer dans les dangereuses contrées de Mernes sans avoir pris connaissance du terrain était du suicide.

Hélas, le vieillard n'était pas du genre à combattre et chez lui ne se trouvait qu'une arme légendaire que même son disciple ne savait pas manier. Alors, le majordome ayant appris à se servir d'une chandelle à trois branches sur lesquelles étaient incrustées des bougies, décida d'aller en récupérer une.

Son « arme » en main, prêt à enfin sortir d'ici, il prit une grande inspiration, les yeux fermés, devant l'immense porte de bois.
- Il est temps, maître... Je vais vous sauver.
Sa voix d'adolescent à la fois enfantine et grave résonna dans le hall. La lumière pénétra ce lieu si calme et profondément enfoui dans la pénombre. Malgré les circonstances déplaisantes, il allait enfin réaliser son rêve : quitter Carlem.

Comme chaque jour, les rues étaient désertes. Marchant seul sur le chemins principal en pavé de pierre, Hermin se dirigeait vers la sortie du village de noble. Puis, il fut interpellé.
- Eh !
Intrigué par une voix irritante et faible, il s'arrêta.
- Petit...
Quelque chose clochait. Les sons sortants de la bouche d'un vieillard inconnu étaient si proches de son oreille qu'il avait encore l'impression d'entendre ce type s'adresser à lui. Comme si ses paroles s'étaient imprégnées dans son esprit. Cela suffit au garçon pour comprendre que quelqu'un se trouvait dans son dos.

Rapidement, il se retourna en balayant les airs avec sa chandelle. Le bref souffle repoussa le noble caché sous sa capuche.
- Quelle puissance !
- Qui êtes-vous ?
- Je ne me présente pas auprès de mes victimes.

À peine était-il parti qu'un obstacle se dressait sur son chemin. N'ayant pas le temps de discuter ni de se battre, il fronça les sourcils et serra les dents.
- Maître Canon m'a parlé d'un riche qui aimait tuer des enfants. Vous êtes Darius ?
D'un bond rapide et silencieux, l'assassin s'élança jusqu'au majordome qui n'eut aucune réaction. Cette action fut bien trop précipitée pour lui et cela lui coûta malheureusement une grave blessure. Poignardé au ventre, il recula en tenant fermement la dague courbé que l'homme laissa plantée.

En fuite, il se mit à rire et disparut de l'horizon. Encore debout, les yeux rivés vers le sol de pierre, Hermin essayait de retirer l'arme mais c'était bien trop douloureux. La déchirante souffrance lui procurait une étrange sensation de brûlure et des picotements dans l'entièreté de son corps.

Sa vue se troublait. Ses jambes tremblaient. Le jeune homme tomba à la renverse et commença à fermer les yeux, en accélérant sa respiration. Puis, il entendit quelque chose. Comme une voix lointaine. Un souvenir...

« Tu n'es qu'un idiot, Hermin. Jamais tu ne vaincra d'adversaire car tu es bien trop naïf et prêt à aider tout le monde. »

Les larmes montèrent. Ses globes oculaires luisaient et il pleura inconsciemment.

« Cependant, quand tu n'auras plus le choix, ta motivation te fera avancer. Tu es courageux et fort. Ne meurs pas la tête baissée, tu dois tuer la tête haute. Me suis-je fait comprendre de la façon la plus correcte ? »

Le sol de l'entrée de Carlem fut maculé de sang. La dague tomba et heurta la pierre tachée d'un pourpre aux nuances sombres. Hermin appuyait sur sa plaie avec sa main gauche et il se dirigea vers sa première destination en passant par les plaines de Carlem...

Aussi faible que son maître à l'heure actuelle, il marchait doucement sur l'herbe des petites collines, en titubant. Son corps recourbé vers l'avant se balançait sur les côtés. Le majordome se devait de vite arriver auprès de l'alchimiste qui allait sauver son père adoptif.

Au bout de quelques longues minutes de marche, le garçon entendit hurler. Sans pour autant y faire attention, il poursuivit son chemin sans daigner s'arrêter. Pourtant, les cris plaintifs ne cessaient point.
- AU SECOURS !
Hermin tourna la tête et sentit un pincement au cœur. Impossible pour lui de laisser deux personnes dans le besoin. Alors, malgré sa blessure importante, il courut jusqu'à une calèche où deux inconnus se battaient.

Sa première sortie de Carlem était impressionnante. C'était la première fois qu'il voyait un monstre et c'était bien plus terrifiant que dans ses illusions. Le couple de personnes âgés était en bien mauvaise posture.
- Il est temps que j'accomplisse mon devoir.
Le majordome fit un dernier pas vers l'avant et leva la tête. La peur n'eut raison que des deux personnes. Lui, il se retrouva face à cette immonde créature, à quelques centimètres de sa gueule.
- Je vais user des compétences que mon maître m'a enseignées.

Selon les écrits les plus anciens de Mernes, les ancêtres des hommes étaient les Reptius, d'abominables bête ailées et vertes. Leurs écailles étaient si dures, si impénétrables, que ces monstres furent appelés les armures vivantes. Certains n'ayant pas réussi à évoluer en humain sont devenus des Repticus. Des lézards avec des bras se tenant sur deux pattes, une mâchoire allongée et des dents acérées, une longue queue parfois tranchante ainsi qu'une peau froide et résistante.

Hermin se tenait devant ce type de créature. Celle-ci s'apprêta à l'écraser avec sa machette imposante mais il ne se laissa pas intimider et d'un simple geste de la main droite, il repoussa son ennemi. Sa chandelle s'alluma ensuite. Les flammes consumant les bougies semblaient servir d'arme élémentaire au garçon.
- Qui est-ce ? demanda la vieille femme.
- Ne fais plus un bruit et laissons-le faire...

La première attaque que le majordome put apprendre était la combustion. Une sorte de petite explosion créée à partir des flammes émanantes.
- BURN !
C'était plutôt efficace au corps à corps mais bien plus difficile de toucher sa cible à distance. Heureusement, les Repticus n'aimaient pas fuir. De ce fait, il fut frappé de plein fouet par une rafale de flammes. Il était hors de question de s'arrêter ici et laisser l'avantage à l'ennemi.

En ignorant sa blessure et le fait que son sang coulait abondamment, il martela son adversaire de coups et finit sur une technique des plus particulières.
- Expulsion...

Lorsqu'il n'avait encore que dix ans, Hermin apprenait à devenir un combattant. Ce que lui répétait son maître chaque jour, avant les entraînements, était qu'il ne fallait pas se servir de la magie à des fins maléfiques.

« Si tu dois affronter quelqu'un qui te veut du mal, luttes en le frappant à ton tour. Si jamais il ne comprend pas... »

Une silhouette étrange et blanche venait de s'échapper du corps inerte de son ennemi tandis que le majordome repensait aux mots de Canon.

« Détruis-le de l'intérieur... »

C'était l'âme du Repticus. Lorsque le fantôme comprit qu'il était en danger, il commença à paniquer et se précipita jusqu'à sa carcasse. Pour ne pas le laisser faire, Hermin l'envoya valser plus loin d'un simple coup de pied. Surpris, l'esprit grimaça.
- Exorcisme...
La main posée sur le torse translucide de l'âme, il ferma les yeux et sentit sa puissance intérieure s'évacuer. Elle se concentra sur sa paume et se libéra en un instant pour désintégrer le fantôme.

C'était enfin terminé. Il pouvait laisser ses forces l'abandonner et mourir. En se laissant une nouvelle fois tomber dans l'herbe, il admira les cieux et versa une larme en prenant une grande inspiration.
- Pardonnez-moi, maître. J'ai échoué...
Les personnes qu'il venait de sauver prirent une seconde pour discuter puis le vieil homme se rua vers leur héros suite à leur accord.
- Vous nous avez été d'une grande aide monsieur. Je ne sais pas comment vous remercier mais tenez.

Il versa un liquide bleu sur la plaie qui surchauffa. La douleur était insoutenable et de la vapeur sortait du trou ornant son ventre. Hermin hurlait, implorant les dieux de le libérer.
- Tout va bien... Vous êtes soigné.
Ses yeux s'ouvrirent brusquement. Il semblait en effet aller mieux et sa blessure n'a laissé qu'une petite cicatrice.
- Merci infiniment ! hurla le majordome en se relevant.
- C'est à nous de vous aider après ce que vous venez de faire. On allait seulement livrer des marchandises à Pegredin et voilà que ce monstre nous a pris au dépourvu. Sans vous, on aurait sûrement servis de repas à ce Repticus.
- Qu'avez-vous dit ? Votre destination est bien la cité marchande ?
- C'est exact.

Le garçon posa un genou à terre et attrapa les mains de son interlocuteur.
- Je vous en prie, emmenez-moi.
- Ce sera avec plaisir, l'ami !

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