Surveillance

Néven se tourne vers moi alors que nous escaladons les collines qui désormais nous font face. De cette façon, nous avons la possibilité d'observer les alentours sur des kilomètres. Cela fait maintenant plusieurs minutes que nous marchons côte à côte. Néven s'est arrêté un instant et me sonde du regard.

- Tu n'avais pas Loïs à la radio, n'est-ce pas ?

Je suis surprise par sa question. Je me sens mal à l'aise. Dois-je lui avouer la vérité ? De toute façon, cela n'a aucune importance. Néven continuera sa route que Loïs soit d'accord ou pas.

- C'est vrai, il n'aurait jamais voulu que l'on suive Follins, avoué-je, en stoppant ma marche à mon tour.

Nous restons deux secondes à nous fixer, les yeux dans les yeux.

- Et tu n'as pas peur de sa réaction quand il va comprendre que tu as menti aux autres ?

Je souris de dépit.

- Il va être furieux ! Ça s'est sûr ! Mais je n'avais pas d'autres choix.

- On a toujours le choix Manéa, affirme Néven, comme une évidence.

- Oui et bien si tu veux savoir, j'ai décidé de choisir la vengeance ! Et pour toi, c'est la même chose ! Que va penser Jéhane de tout ça ? fais-je, contrariée par sa réflexion.

- Ne t'emballe pas Manéa ! temporise-t-il. Ce n'est pas une critique. Je voulais juste être sûr que tu avais bien conscience de la situation où l'on s'est mis tous les deux. Et tu as raison ! Jéhane va m'en vouloir à mort de me mettre encore une fois en danger.

- Dans ce cas, si on ne décède pas en route, on se fera tuer au retour ! plaisanté-je.

 Ma blague fait son petit effet. Néven éclate de rire.

- Bon, puisque tout est clair, repartons, me propose-t-il, en reprenant sa progression. Nous allons suivre l'avancée des troupes de Follins du haut de ces collines. Ils ont dû installer un bivouac un peu plus loin. Je suis certain qu'ils vont revenir et qu'ils attendent des renforts pour finir le travail.

Rien qu'à cette idée, un frisson me parcourt tout le corps. Nous avançons à nouveau depuis plusieurs minutes maintenant et le jour commence à se lever. Nous éteignons nos lampes frontales et observons les environs. Au pied des collines que nous escaladons, une plaine se dessine. C'est de la terre jaunie qui s'étend sur des kilomètres et, pour l'instant, nous ne voyons aucune trace de Follins et de Télia. Où sont-ils donc passés ? 

Soudain ma radio émet un signal qui m'indique que quelqu'un cherche à me joindre. Je l'attrape et appuie sur le bouton récepteur. Je suis stressée. Je sais très bien qui se trouve à l'autre bout. Je respire un bon coup et écoute.

- Manéa, fait une voix passablement énervée mais d'où transparait aussi une grande anxiété, c'est Loïs. Bon dieu !  Vous êtes où ? C'est quoi ce bordel ?

Je regarde Néven, ne sachant pas trop quoi dire puis, je décide de me lancer, essayant de prendre une voix assurée et naturelle.

- Salut Loïs ! Écoute, je sais que tu dois m'en vouloir, commencé-je, comme pour atténuer sa réaction, mais nous avons pensé, avec Néven, que c'était une bonne occasion de découvrir ce qu'il se tramait entre Télia et Follins. On s'est dit qu'on pouvait les suivre un moment et puis revenir. Qu'en penses-tu ?

- Je ne comprends pas que Néven t'ait entraînée là-dedans ! Qu'est-ce que vous espérez trouver ? On sait déjà ce qu'ils vont faire ! s'énerve-t-il. Ils vont revenir et envahir Altis. D'ailleurs, nous sommes déjà en train d'évacuer et je vous ordonne de rappliquer au plus vite !

Rien qu'au son de sa voix,  je ressens la peur qui transparaît dans ses propos. Je m'en veux terriblement de le faire souffrir de la sorte. Alors que j'allais lui répondre, Néven lève soudain le poing et me fait signe de me taire, puis de m'aplatir au sol. J'obéis immédiatement et je repère, comme Néven cinq secondes plus tôt, un attroupement de véhicules et de tentes en bas de notre position. Je sens Loïs qui essaie désespérément de me joindre mais j'ai coupé la transmission. Néven s'est saisi de ses jumelles et je l'imite dans la foulée. On aperçoit des soldats qui sont occupés à effectuer diverses tâches. Néven me donne un coup dans le bras et me montre deux silhouettes vers la droite. Je pointe mes jumelles dans la direction qu'il m'indique et je reconnais Télia et Follins. Ils semblent en pleine discussion mais celle-ci prend brusquement fin sous nos yeux. Follins serre la main de Télia et se dirige vers un véhicule. Il l'a laissée seule sur le théâtre des opérations. Je regarde Néven incrédule. Celui-ci paraît aussi désappointé que moi. Follins laisserait-il à Télia l'initiative de l'intervention ? Nous l'apercevons monter dans sa voiture, accompagné de deux soldats et disparaître de notre vue en moins de cinq minutes.

- C'est Télia qui dirige maintenant ? chuchoté-je à Néven qui est allongé juste à côté de moi.

- C'est ce qu'on dirait, me répond-il, les yeux toujours fixés sur le campement.

- Ça change tout, analysé-je. On pourrait peut-être essayer d'aller lui parler. Elle nous écouterait peut-être.

Néven m'observe un instant, semblant réfléchir à ma proposition.

- C'est risqué, dit-il enfin. Il faudrait trouver un moment où elle est isolée de ses hommes.

- Ou alors on attend la nuit et on se faufile jusqu'à sa tente. Si on peut éviter une nouvelle effusion de sang, ça vaut le coup d'essayer.

- Après, continue Néven, je ne suis pas sûr que cela serve à quelque chose. Tu as vu comme elle a laissé assassiner son père ! Je pense qu'elle est prête à tout pour détruire le LPT.

Alors que nous réfléchissons aux nouvelles possibilités qui s'offrent à nous, je repense à Loïs qui doit se demander ce qu'il se passe et pourquoi j'ai interrompu ainsi notre conversation.

- Néven, il faut que je parle à Loïs. Il doit être fou d'inquiétude ! Tu penses que je lui raconte ce que l'on vient de voir ?

- Essaie, on verra ce qu'il en pense. Peut-être qu'il nous laissera continuer.

- Alors là, tu rêves ! m'exclamè-je. Il va vouloir qu'on retourne à la base sans tarder ! Après, on peut toujours espérer...

 J'attrape ma radio et joins Loïs. Ce dernier est en fureur.

- P***** , mais pourquoi vous ne répondiez plus ? hurle presque Loïs.

Heureusement, j'ai baissé le son de l'émetteur sinon je pense que les soldats nous auraient repérés à l'instant.

- Désolé Loïs mais on a découvert l'emplacement de Follins et il ne fallait pas se faire remarquer. Un truc bizarre a eu lieu au campement des soldats. Follins est parti et a laissé le commandement du camp à Télia. Je pense que ce serait intéressant d'essayer de l'approcher, on pourrait peut-être la faire changer d'avis !

- Tu penses que ce serait intéressant ! s'énerve Loïs à l'autre bout du combiné. Cette fille a laissé tuer son père et s'est alliée à nos pires ennemis ! Bon dieu Manéa, qu'est-ce que tu as dans la tête ?

Je me sens extrêmement vexée par la réflexion de Loïs.

- J'ai dans la tête, répliqué-je, que, s'il y a une possibilité d'éviter un nouveau bain de sang, ça se tente !

J'entends Loïs soupirer dans sa radio. Visiblement, il n'est pas d'accord avec moi.

Néven me prend la radio des mains, essayant de venir à mon secours.

- Loïs, c'est Néven. Elle n'a pas tort. On peut peut-être tenter le coup, dit-il.

Mais Loïs reste campé sur ses positions. 

- Vous ne tentez rien du tout, dit-il. 

On sent qu'il fait tout pour reprendre son calme.

-  Je ne comprends pas Néven ce qu'il t'a pris d'entraîner Manéa dans ce foutoir ! Ecoutez-moi bien tous les deux ! Dans deux heures, nous aurons quitté Altis. Je ne peux vous donner notre nouvelle destination tant que vous n'êtes pas rentrés pour éviter que vous ne divulguiez notre position si vous vous faites prendre. Après ces deux heures, vous serez obligés de vous débrouiller seuls pour nous retrouver. Vous comprenez ? Néven, repasse moi Manéa s'il te plaît.

Néven me tend la radio et se remet à surveiller Télia pour nous laisser un peu d'intimité.

- Manéa, fait-il doucement, je t'en prie. Je sais que tu veux venger ton père et Néven sa sœur et je le comprends. Je te jure qu'on le fera, mais pas maintenant. C'est trop dangereux ! Pense à moi. Je ne veux pas te perdre...

Sa voix est chevrotante. Je l'imagine là-bas devant tout gérer sans Jonas. Le poids qu'il doit avoir sur ses épaules doit lui paraître immense. Je me sens tout d'un coup égoïste de l'abandonner alors qu'il a tant besoin de moi.

- Ok Loïs, j'en parle avec Néven et ne t'en fais pas. On vous rejoint dès que possible.

- Ne prenez aucun risque. Promets-moi . N'oublie pas  que je t'aime !

- C'est promis Loïs et moi aussi je t'aime.

Je coupe la conversation un peu gênée de cette effusion de sentiments face à Néven.

- Tu veux rentrer ? me demande ce dernier.

- Qu'est-ce que tu en penses toi ? le questionné -je, partagée entre ma vendetta et ma raison.

Il me regarde avec douceur.

- Malheureusement pour nous, je pense qu'il a raison. On ne tirera rien de Télia et Follins s'est fait la malle. Rien ne nous retient ici. Allez viens, me dit-il en se levant. Les autres partent dans moins de deux heures.

Mais au moment où il commence à se retourner, j'entends comme un cliquetis dans notre dos. Néven me regarde, se fige quelques secondes puis se retourne lentement. Deux soldats nous visent avec leurs fusils et ils n'ont pas l'air de rigoler ! L'un d'eux nous apostrophe.

- Mettez-vous à genoux, immédiatement !

********************************************************************

Coucou,

Je m'excuse de publier aussi rarement des chapitres mais je suis toujours très occupée 😉 Pour autant, je ne vous oublie pas !

Manéa et Néven se sont mis dans une situation délicate en décidant de désobéir. Il y a fort à parier qu'ils vont se retrouver prisonniers des soldats ! Et dans ce cas, comment s'en sortir et retrouver Loïs et les autres ? 

Merci pour votre fidélité et vos commentaires et n'oubliez pas de voter😍





Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top