Télia a rassemblé tout le groupe dans son bureau. Chacun réagit à sa façon face à cette nouvelle. Certains, comme Tessie, sont terrorisés à l'idée d'apprendre la mort d'un des siens. D'autres, c'est le cas de Phébé, sont animés d'une rage prête à s'exprimer à la moindre occasion. Je me tiens près de Loïs, et, pour ma part, j'oscille entre ces deux réactions.

Télia nous regarde un peu anxieuse. Elle se demande sûrement comment nous allons prendre les nouvelles informations qu'elle a obtenues. Gaïa vient se placer à côté d'elle, désireuse de la soutenir.

- Voilà, commence Télia, j'ai pu obtenir quelques réponses aux questions que vous vous posez au sujet de vos familles. Malheureusement, les nouvelles ne sont pas excellentes. Le comité de pouvoir a effectivement fait arrêter, sous couvert d'une retraite bien méritée, tous les parents des derniers dissidents à nous avoir rejoints.

Un murmure de mécontentement retentit parmi le groupe.

- La bonne nouvelle, continue Télia, si je peux dire, c'est qu'ils se trouvent tous à l'Eden numéro un.

- L'Eden numéro un ? demande Ségal surpris. Mais il y en a donc plusieurs !

- Oui, répond Loïs à la place de Télia. Ils sont au nombre de cinq, éparpillés dans les différentes régions.

- Et nos frères et sœurs ? interroge Tessie à son tour.

- Beaucoup d'entre eux sont vivants. Ils ont réussi à s'échapper quand ils ont compris ce que le comité de pouvoir leur réservait. Ils ont trouvé refuge dans les différents sites de dissidents. Malheureusement, il y a eu des morts... 

Un grand silence plane soudain dans la pièce, chacun priant intérieurement pour que ce ne soit pas sa famille. On est assez égoïste dans ces moments-là.

- On nous a annoncé le décès de deux personnes. 

Télia semble hésiter à prononcer les noms puis se lance.

- Il s'agit de ton frère, Tessie et de ta sœur,  Néven. Je suis désolée, s'empresse t'elle d'ajouter.

Tessie a poussé un cri déchirant et s'est réfugiée dans les bras de Ségal. Néven n'a pas bronché. Il reste impassible tandis que Jéhane tente de le réconforter.

- Que s'est-il passé ? demande-t-il calmement à Télia.

Je trouve sa réaction irrationnelle vue la situation. Alors que Tessie est maintenant en larmes, Néven fait comme si tout était normal. Je sais qu'au fond de lui, il doit être en proie à une terrible rage, mais comme d'habitude, il ne laisse rien paraître.

- Ta soeur a tenté de fuir avec le frère de Tessie. Malheureusement, leur convoi s'est fait rattraper par les soldats qui ne leur ont laissé aucune chance. C'est très triste ce qui est arrivé mais maintenant il faut se concentrer sur vos parents et les sortir de l'Eden. Dans deux jours, nous serons prêts à partir les délivrer, le temps de tout organiser. Loïs, est-ce que tu peux rester ici, ainsi que Phébé, pour qu'avec Gaïa, on se mette d'accord sur la mission ?

- Bien sûr Télia, accepte Loïs.

Je le laisse préparer l'évasion et me dirige vers Tessie. Je la prends dans mes bras.

- Je suis là Tessie,  la rassuré- je, comme elle l'avait fait pour moi lorsque Loïs avait disparu. Je suis désolée pour ton frère.

- Merci Manéa. Je n'aurais jamais pensé que les choses tournent aussi mal. C'est de ma faute s'il est mort !

- Ne dis pas ça, Tessie. Tu n'y es pour rien. C'est le comité de pouvoir qui est coupable. C'est lui qui nous a mis dans cette situation !

Tessie acquiesce de la tête. De grosses larmes envahissent ses yeux.

- Promets-moi de libérer mes parents avec les autres. Il ne me reste plus qu'eux.

- C'est promis Tessie. On va réussir, tu verras !

Tessie s'éloigne soutenue par Ségal. Je jette un œil sur Néven. Il discute avec Jéhane et ne verse pas une larme. Je m'approche d'eux.

 Jéhane esquisse un sourire plein de tristesse. Le regard de Néven me terrifie presque. Il est noir, exprimant une colère sourde.

- Ça va Néven ? fais-je, inquiète de le voir dans un tel état.

Son visage s'adoucit un peu au son de ma voix.

- Ça va, ne t'inquiète pas. On savait tous qu'une telle chose pouvait arriver. Maintenant, il faut se concentrer sur la mission et aller libérer nos parents.

Un bip retentit soudain dans la poche de Jéhane.

- Mince, mon bipper ! s'exclame-t-elle en le prenant. Je dois rejoindre l'infirmerie. Ça m'embête de te laisser tout seul.

- Vas-y, je vais bien, je t'assure, lui affirme Néven.

- Ok, alors je te laisse et te retrouve tout à l'heure. Je te le confie Manéa. 

Elle l'embrasse en le serrant fort contre elle avant de nous quitter. Je suis légèrement embarrassée de rester seule avec lui. Nous décidons de sortir de la pièce.

- J'ai besoin de respirer un peu à l'extérieur, me dit Néven.

- Je t'accompagne, lui proposé -je, car je le sens prêt soit à exploser, soit à s'effondrer.

Il acquiesce de la tête. Nous sortons en passant par les tuyaux d'aération. La lumière du soleil nous aveugle. Les montagnes s'étirent à perte de vue et le ciel est d'une couleur bleu  immaculée. Tout ce calme contraste fortement avec la situation que nous vivons.

- Ma sœur aurait adoré ce paysage. Elle aimait beaucoup peindre, m'explique Néven. Elle avait un grand sens artistique.

Je lui souris. Je ne sais pas quoi dire et je me sens impuissante à trouver les mots justes.

- Elle donnait des cours de dessin aux enfants du village, continue-t-il. Ils l'adoraient et elle passait des heures à s'occuper d'eux.

Sa voix se brise en prononçant ces derniers mots.

- Je n'ai pas su la protéger. Je me suis enrôlé comme soldat pour venir en aide à la population et je n'ai même pas pu sauver ma soeur !

Il se lève d'un coup et se met à frapper de toutes ses forces le tronc d'un arbre qui a le malheur de se trouver en face de nous. Il tape, tape et retape jusqu'à que ses mains soient couvertes de sang. Je m'approche de lui et attrape ses mains.

- Arrête Néven ! Garde ta rage pour le comité de pouvoir. Ce sont eux les ennemis, eux les coupables ! La meilleure façon de rendre hommage à nos morts, c'est de les anéantir.

Néven stoppe net son accès de fureur. Il lève son visage vers moi et se met à pleurer. On dirait, à cet instant précis, un enfant sans défense. Je le prends dans mes bras, le serrant aussi fort que je peux, espérant ainsi calmer sa peine. Nous restons plusieurs minutes ainsi, Néven extériorisant cette douleur qui l'assaille, enfoui au creux de mes bras.

Puis, il se calme et relève la tête vers moi. Nos deux visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je nous revois dans le désert. Les sentiments qui nous habitaient à ce moment là remontent à la surface. Je le vois dans les yeux de Néven. Une attirance inexplicable, insoutenable, nous envahit soudain. Nos lèvres sont si proches, résolues à s'enflammer une nouvelle fois. Mais nous n'allons pas plus loin. Ce n'est pas le moment, nous n'avons pas le droit.

A regret, nous nous éloignons l'un de l'autre et restons encore quelques minutes à contempler, en silence, l'immensité qui s'offre à nous avant de redescendre rejoindre les autres.

- Promets-moi une chose Manéa, fait Néven tout d'un coup. Donne-moi ta parole que nous allons venger tous nos proches !

- Je te promets Néven, je réponds sans hésitation. L'armée et le comité de pouvoir doivent payer pour ce qu'ils ont fait.

- Alors, je te propose de faire un pacte. Si la moindre occasion se présente pour les écraser, rien ne viendra se mettre en travers de notre chemin. On se lance et on les combat.

Néven me tend la main. Je ne sais pas si une telle alliance serait du goût de Loïs mais Néven semble tellement déterminé que je n'hésite pas une seconde.

- Entendu Néven. Je te suis.

Nous nous serrons la main, les yeux dans les yeux, sans savoir, à cet instant, les problèmes que cet accord va engendrer pour nous deux.

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Coucou, 

Je suis très heureuse de pouvoir reprendre mes publications. Je m'excuse encore de tout ce retard indépendant de ma volonté. J'espère arriver à avoir un rythme plus soutenu désormais.

Dans ce chapitre, Manéa et ses amis doivent faire face à des nouvelles difficiles et chacun va réagir à sa façon. Quant au pacte entre Manéa et Néven, il risque bien de compliqué encore plus leur situation.

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