Le Mirador
Deux soldats viennent de passer devant nous, faisant leur ronde. Ils ne nous ont pas remarqués. Nous attendons qu'ils se soient éloignés puis, nous abordons la partie la plus périlleuse de notre plan. Il s'agit de traverser les quelques mètres qui nous séparent du mirador. Néven et Phébé s'élancent dans sa direction alors que je reste à l'arrière en compagnie de Ségal pour les protéger de toute nouvelle intrusion. Les graviers craquent sous les pieds de nos deux amis, rendant leur progression moins silencieuse que prévue. Mais ils avancent vite et Néven se retrouve déjà sous le mirador, suivi par Phébé. Ils entreprennent de gravir les marches qui les conduisent au poste de surveillance, là où se trouvent deux soldats. Mon coeur se met à taper un peu plus fort. Je peux entendre ses battements jusque dans mon cerveau. Je respire lentement pour calmer la pression qui m'envahit. Je me repasse le scénario dans ma tête. Néven et Phébé surprennent les soldats et les anesthésient avec leurs armes avant que l'un d'eux n'ait pu faire un geste. Rien de plus simple. Néven se charge du premier et avant que le deuxième n'intervienne, Phébé lui règle son compte.
Mais, malheureusement, ce que je distingue dans le noir est tout à fait différent du scénario initial. Une bagarre semble éclater.
- Viens, me dit Ségal, sans plus attendre, ils ont des problèmes. Il faut intervenir.
Nous traversons rapidement la cour pour monter à leur secours. Alors que nous arrivons à leur hauteur, nous apercevons les corps des deux soldats gisant sur le sol puis, à quelques centimètres d'eux, nous voyons Néven penché sur Phébé qui se tient le ventre, les mains couvertes de sang. Mon coeur s'emballe à nouveau. Mais comme à l'accoutumée, Néven réagit vite.
- Mets tes mains sur son ventre Ségal, lui ordonne-t-il, et appuie fort.
Ségal s'exécute dans la seconde mais ses mains tremblent. Néven se saisit de la trousse de secours, l'ouvre et en sort une piqûre de morphine qu'il injecte à Phébé pour le soulager. Ensuite, il attrape le kit contenant les agrafes servant à refermer rapidement une blessure, avant qu'elle ne soit soignée. Il demande à Ségal de s'écarter et il commence par cautériser la plaie avec du nitrate d'argent afin de stopper le saignement puis il utilise les agrafes pour la suturer. Ses gestes sont nets et précis. Je suis toujours en admiration face au sang-froid qu'il affiche en toutes circonstances. Phébé gémit de douleur à chaque point effectué mais il reste stoïque. Pour finir, Néven lui bande le ventre.
- C'est bon, fait-il, en regardant Phébé. Ça devrait tenir un petit moment.
- Que s'est-il passé ? lui demandé-je. On pensait que vous aviez la situation en main.
- C'était le cas au début mais, dans la bagarre, un des soldats a sorti un couteau et avant que Phébé n'ait pu l'éviter, il lui a planté la lame dans le ventre.
- Mais il n'avait pas son gilet pare balle fais-je, étonnée, car il sert justement à parer à ce genre de situation ?
- Phébé n'a pas pû s'en procurer, m'explique Ségal. Il n'y en avait pas assez pour tout le monde.
Je suis désemparée.Je me baisse à côté de Phébé. Il a le visage couvert de sueur. Je touche son front, il est brûlant.
- Ça va aller Phébé, fais-je doucement en lui caressant le visage, tu vas t'en sortir.
Il hoche la tête et parvient à émettre quelques mots.
- Oui, j'en suis sûr. Ne t'inquiète pas pour moi.
Je le gratifie d'un sourire forcé en espérant que l'angoisse qui me ronge en le voyant ainsi ne transparaît pas sur mon visage.
- Allez ! ordonne Néven, il ne faut pas rester ici. Nous devons le ramener au tunnel. Aide-moi Ségal. On va le relever et le soutenir pour redescendre le mirador.
Ils soulèvent Phébé qui ne peut s'empêcher de laisser échapper un râle de douleur. Mais il est endurant. Porté par ses deux amis, il descend péniblement les marches. Puis, nous avançons lentement au milieu de la cour, en espérant ne croiser personne. Mais alors que nous allons atteindre le bâtiment où dorment les soldats, des tirs se font entendre. Nous stoppons notre progression et nous nous regardons, tétanisés.
Nous entendons des bruits dans le bâtiment en face de nous. Des lumières s'allument et nous voyons des personnes s'agiter à travers les fenêtres. Sans attendre une minute de plus, Néven et Ségal se dépêchent de s'éloigner en direction de l'extérieur de la cour, tout en traînant Phébé. Il nous faut à tout prix trouver un abri ! Des soldats commencent à sortir de leur dortoir et se déploient dans la cour. Nous apercevons un tas de caisses empilées les unes sur les autres dans un coin, à l'écart. Il parait assez haut et large pour que nous puissions nous cacher derrière. Nous nous jetons à l'abri de ce refuge de fortune. Une poignée de secondes plus tard, des soldats passent devant nous en courant. Il était moins une que nous soyons découverts.
- Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? murmure Ségal en direction de Néven.
Phébé est allongé sur le sol. Il devient de plus en plus blanc, et j'ai l'impression de revoir Riwal dans la forêt, quand il sombrait peu à peu dans le néant.
- Il faut savoir ce qu'il s'est passé, pourquoi ces tirs ! Manéa, essaie de joindre Loïs avec la radio !
Je m'exécute immédiatement. Comme Ségal tout à l'heure, mes gestes sont hésitants mais j'essaie de ne rien laisser paraître.
- Loïs ! appelé-je le plus doucement possible, tu m'entends ? Qu'est-ce qui se passe ?
Pas de réponse.
- Réessaie, m'ordonne Néven. On ne peut rien faire tant qu'on ne connaît pas la situation.
Après plusieurs tentatives, Loïs me répond enfin. A sa voix, je comprends que quelque chose ne tourne pas rond.
- Manéa, je suis content de t'entendre ! Comment ça se passe pour vous ?
- Pas très bien. Phébé est gravement blessé et on est coincés dans un coin de la cour, planqués derrière un tas de caisses !
- Merde ! fulmine Loïs. Ici, ça a dégénéré ! Un groupe de dissidents s'est fait repérer. Heureusement, on a presque pu exfiltrer la plupart des parents mais on a dû repartir au tunnel. On a des blessés et on a subi quelques pertes dans les membres du LPT. Vous pouvez nous rejoindre ?
Je fixe Néven, ne sachant que répondre. Il me prend la radio des mains, ou plutôt me l'arrache. Il est extrêmement fébrile et ça n'augure rien de bon.
- Loïs, ici Néven. J'ai bien peur que ce soit difficile. On a un blessé dans un état critique et des dizaines de soldats autour de nous.
- Je vois, fait Loïs, nerveusement. Je vais avertir Jonas pour savoir comment vous secourir. Restez où vous êtes, je vous tiens au courant.
Loïs coupe la conversation. La tension est palpable au sein de notre groupe. Nous sommes piégés derrière un abri qui ne nous protègera pas longtemps et Phébé semble s'éteindre petit à petit. Je supplie Néven des yeux de nous trouver une solution mais je ne lis dans son regard que désespoir et impuissance. Je comprends alors que nous n'avons aucune chance de nous en sortir, à moins d'un miracle. Les soldats vont nous débusquer et nous arrêter. Quant à Phébé, je doute qu'il survive.
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Coucou,
Suite des aventures de Manéa et de tout le groupe. La voilà piégée et de toute évidence les solutions pour s'en sortir sont minimes.
Alors, va-t-elle se faire arrêter une fois de plus et perdre un de ses fidèles amis ?
Réponse dans le prochain chapitre.
J'attends avec impatience vos commentaires et vos votes😍 pour ceux qui le désirent.
Je vous souhaite une bonne journée.
A bientôt !
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