Round 4

Degré d'oxygénation : 0 sur 10

Dès que je m'assieds sur le lit, il se met torse nu et m'embrasse avec une urgence qui me déstabilise un peu. Je ferme les yeux en tentant de retrouver l'effet d'amnésie que ses baisers m'ont procuré jusqu'à présent. Pendant que sa langue joue avec la mienne, j'entends qu'il dézippe mon sweat-shirt et je sens mes épaules se dénuder. Sa main étreint mon sein et se met à le malaxer. Ses gestes sont un peu brutaux. Je lui caresse tendrement le bas du dos pour lui montrer que j'ai besoin de plus de douceur. Mais il me plaque contre l'oreiller et ses mains s'aventurent sous mon caraco.

Tout se passe en très peu de temps. Comme une mélodie qu'on croit connaître par cœur et qui tout à coup se déglingue. Un orchestre qui devient fou.

L'instant d'avant, sa bouche contre la mienne me paraît agréable, familière. L'instant d'après, je réalise que je suis seins nus et que le corps de Sebastian m'écrase de tout son poids. Je n'arrive pas à réagir. Je ne comprends pas comment la situation a basculé. La petite alarme qui aurait dû s'allumer dans mon cerveau et me crier « Attention, danger ! » a mis trop de temps à s'activer. Je suis tellement habituée à ressentir un sentiment permanent d'insécurité que mon cerveau ne sait plus reconnaître le danger. Le danger, c'est ma routine.

Maintenant je m'en veux de ne pas avoir réagi. Quand il a glissé son pouce dans mon jeans au café. Quand il m'a collé la main aux fesses dans la rue. Quand il a commencé à me déshabiller. Mais ça avait l'air d'un simple flirt. Maintenant ça n'en a plus l'air du tout. Son excitation est palpable et ses gestes hors de tout contrôle. Je m'attendais à un certain rapprochement, mais pas à me retrouver à moitié nue avant que la chanson ne soit terminée. L'odeur de sa peau me heurte les narines et je pense : Ce n'est pas l'odeur de Julian. Ce n'est pas Julian. Mon pantalon quitte mes jambes avec une rapidité déconcertante. Tout va trop vite. Sauf ma capacité à réagir. Le fait que mon corps soit imbibé d'alcool ne m'aide pas. Le désespoir qui me crève le cœur non plus. J'ai l'impression d'avoir commis une erreur. Mais la façon de revenir en arrière m'échappe. Au moment où je sens un pouce s'immiscer dans ma culotte, je tente de me redresser.

– Je veux rentrer chez moi.

– Je croyais que c'était l'enfer chez toi, me rappelle-t-il en me maintenant contre le matelas avec son coude.

– Ne fais pas l'innocent.

– Et toi ne fais pas l'insolente ! Je suis déjà bien gentil de t'offrir l'hospitalité.

Je ne reconnais plus le garçon qui m'a tenu compagnie une bonne partie de la nuit. Celui qui plaçait la liberté au-dessus de tout. Ses yeux n'ont plus rien de magique. Ils me transpercent comme une nuit glaciale. Une nuit sans étoile. Une nuit criminelle.

– Tu avais dit qu'on écouterait de la musique, je lui fais remarquer dans l'espoir de le ramener sur le droit chemin.

– T'es sourde ? se moque-t-il en désignant la stéréo du menton. On écoute de la musique.

– Ce n'est pas à ça que je m'attendais.

Il m'attrape les poignets et les plie en croix au-dessus de ma tête :

– Tu m'as allumé toute la soirée. Tu vas pas faire ta sainte-nitouche maintenant.

J'ai peur. Je ne suis plus qu'une boule de terreur. Ma salive s'est transformée en ciment. Mes lèvres sont plâtrées par la panique. Je l'ai dragué. Je m'en souviens parfaitement. Il a raison. Je l'ai embrassé et ce geste m'a paru, à ce moment-là, le summum de la liberté. J'ai choisi de monter dans sa voiture. Je l'ai suivi jusqu'ici de mon plein gré. Je me sens tout à coup la pire des idiotes. Toute la pièce semble rire de ma naïveté.

Mon corps ne m'appartient plus. Ma liberté est restée derrière la porte.

Je comprends que cette nuit est de celles qui engendrent un Avant et un Après. Plus rien ne sera jamais pareil. Je n'aurai plus jamais confiance en aucun homme.

Je remue un peu, mais je sais que, de toute façon, je ne lui échapperai pas. Le poids de son corps sur le mien est mon cadenas.

Alors je me laisse faire.

Au moment où il me pénètre, une petite fille en moi se meurt. Je me réfugie au plafond et j'observe le dos de Sébastian donner des coups de reins dans ce corps qui n'est plus vraiment le mien. Sur sa peau claire, son tatouage se détache, écriture noire à l'aspect de fil barbelé qui proclame : La liberté est à l'homme ce que l'air est aux poumons.

Je me regarde et je vois mon visage impassible, absent, les paupières closes comme si j'étais morte ou comme si tout cela était un cauchemar dont j'allais me réveiller. J'ai envie de me crier : « Débats-toi ! Dis quelque chose ! »

Le ciment s'effrite. Une faible protestation s'échappe de ma bouche, si faible que je ne sais pas si je l'ai réellement prononcée ou seulement pensée.

La compilation défile dans la stéréo. Je me vois de dos, de face, comme un pantin dont on positionne les jambes et les bras à sa guise.

À un moment, je redescends dans mon corps et j'ouvre les yeux. Je suis au-dessus de lui. Je vois ce visage et je me rappelle à quel point je l'ai trouvé beau quelques heures plus tôt. Cette pensée me couvre de honte. Je me hais de m'être laissé prendre au leurre de cette beauté.

Je voudrais retourner au plafond, quitter ce corps, m'évaporer. Mais je suis tout à coup parfaitement consciente de ce qui se passe. Je tente de récupérer mon corps – ou ce qu'il en reste – mais ses mains sont ancrées sur mes hanches et il a une poigne de fer :

– Attends ! J'ai pas fini.

Je me fous royalement qu'il n'ait pas fini de prendre son pied. Je gesticule, mais il m'agrippe encore plus fermement. Sa respiration est saccadée, son regard trouble. Je concentre mon attention sur les livres qui encombrent le bureau. Les secondes deviennent des heures. Je ne veux plus penser. Je ne veux plus être là.

Enfin, j'entends un râle de contentement et le cadenas fond. Je profite du relâchement de son corps pour me ruer vers la porte dans l'espoir de m'échapper. Au passage, j'empoigne mon jeans et mon sweat qui traînent par terre.

– T'as faim ? Tu veux que je te prépare à manger ?

Surprise, je me retourne pour voir s'il est sérieux. Comment peut-il penser que j'ai faim ?

Il se lève, me rejoint, enroule ses bras autour de ma poitrine et dépose un baiser dans mon cou. La sensation de son corps nu contre le mien me donne la nausée. Et pourtant je reste immobile. Comme s'il m'avait transformée en statue.

– Moi aussi ça m'a donné la dalle.

Il tire sur la clinche. J'aperçois la kitchenette et la rampe de l'escalier. L'escalier qui mène à la porte d'entrée. La porte que son coloc a verrouillée lorsqu'il est sorti. Clic-clac. Mais les clefs de Sebastian sont probablement toujours dans sa veste, accrochée au porte-manteau. Je pourrais descendre en trombe et tenter d'ouvrir cette porte. Pourtant je reste statufiée.

Depuis la cuisine où il réchauffe des lasagnes, il me parle de tout et de rien. Il s'adresse à nouveau à moi comme à une personne, avec autant d'égards que lorsqu'il a discuté avec moi dans le bar. Sa gentillesse sème le doute dans mon esprit. Pourquoi me parle-t-il comme si j'avais consenti à tout ce qui venait de se passer ?

Je pars à la recherche de mes sous-vêtements, confuse. Je me rhabille avec lenteur, puis je m'assieds près du bureau avec une sorte de néant à la place du cerveau.

Il ramène une assiette dans la chambre et me la tend. Je la refuse. Il la mange devant moi, assis sur le lit.

– Il est tard. Il faut que je rentre, je déclare lorsqu'il repose sa fourchette.

– J'en ai pas fini avec toi.

– Je ne veux plus.

Je n'ai jamais voulu.

Je me lève et me dirige vers la porte. Il ne tente pas de m'en empêcher et cela me perturbe. Peut-être que j'aurais pu m'en aller dès le début... À la dernière seconde, je me retourne et jette un regard vague à la pièce, tentant de me rappeler si j'avais un sac en entrant ici. Je ne sais plus. J'ai l'impression d'avoir perdu quelque chose.

Au moment où nous descendons les escaliers, il s'arrête subitement et me fait barrage.

– J'ai envie de te prendre ici.

Mes yeux hurlent « Non ! », ma bouche reste muette de terreur.

Il remonte une marche et colle son bassin contre moi pour que je sente à quel point il en a envie. Sa main s'abat sur mon pantalon, je tente d'écarter son poignet. Il revient à l'attaque, tel un fauve appâté par le défi. Le premier bouton cède et je sens ses doigts qui me dégoutent tenter d'abaisser mon pantalon. Je ne suis plus aussi saoule que tout à l'heure et cela me paraît tout à coup beaucoup trop réel. Je le pousse avec mes deux paumes, il vacille et rate une marche.

– Qu'est-ce qui te prend, August ? T'étais plus docile il y a cinq minutes.

– August ?

– C'est pas ton nom ?

Je suis effarée qu'il ne se souvienne pas de mon nom. Les gens s'en souviennent toujours. Je m'apprête à le corriger, mais finalement j'acquiesce.

– Oui, August, c'est bien ça.

Je préfère que la fille qui a vécu cette nuit soit August. Pas moi. Je ne veux pas qu'il salisse cette dernière chose qui m'appartient, je ne veux pas que mon prénom franchisse le seuil de sa mémoire.

– Comme le mois le plus chaud de l'été, commente-t-il d'un air salace. Tu portes bien ton nom.

Je ne bronche pas. Mon regard se pose sur la porte d'entrée avec l'envie dévorante de dévaler les escaliers.

Mais deux bras m'emprisonnent. Un souffle d'alcool et de tabac effleure mon visage. Deux yeux verts me sondent d'un air déterminé. Je revois ces mêmes yeux, plus doux, se tourner vers moi lorsqu'il était au volant. Ce moment décisif où il m'a demandé : « On va chez moi ? » Ma raison m'a dicté de fuir, mais je ne l'ai pas écoutée. Maintenant je suis là. La peur comme un masque à gaz posé sur mon visage, me faisant suffoquer. Je ne sais pas si je sortirai d'ici, mais une chose est sûre : je n'en sortirai pas telle que j'y suis entrée.

Il passe un doigt sur mon nombril et écarte l'élastique de ma culotte. Je lui jette un regard affolé. J'entends le « Non ! » exploser comme une bombe à l'intérieur de ma tête, mais lorsque je le prononce, il me paraît aussi inaudible qu'un courant d'air. De toute façon, quoi que je dise, le mal est déjà fait.

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Ça va ? Pas trop choqué(e) ?

Je sais que vous avez tous/toutes accordé votre confiance à Sebastian au début, parfois même jusqu'à la fin du round précédent. J'avoue que je ne m'attendais pas à ces réactions. Je croyais que tout le monde jugerait Autumn naïve et imprudente lorsqu'elle est montée dans la voiture de Sebastian, mais apparemment le piège s'est refermé sur vous comme sur elle.

J'ai absolument besoin de vos réactions sur ce chapitre, car je traite d'un sujet délicat et c'est très important pour moi de savoir si je ne suis pas allée trop loin.

L'enjeu pour moi était de ne pas minimiser la violence de cet acte, tout en prenant soin de ne pas heurter votre sensibilité. Donc j'ai besoin de savoir si j'ai utilisé les bons mots. Si une phrase vous a choquée ou si un passage vous a paru trop malsain, dites-le moi.

Après, il faut tout de même qu'on ressente le traumatisme d'Autumn puisque cette nuit aura d'énormes répercussions. Mais je ne veux pas non plus choquer outre-mesure.

Merci de me donner votre avis, c'est très important pour moi.

PS : pour celles qui étaient en adoration devant Sebastian, j'imagine que la chute est rude, mais j'espère que dans la vraie vie vous auriez été plus méfiantes.

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