Partition 24

Je retrouve Julian dans sa chambre où je lui fais un compte-rendu. Il me dit qu'il est content pour moi, mais je vois bien qu'il rumine. Il a mis l'album de Passengers et une bouteille de vodka traîne à ses pieds. Je la ramasse.

– Alors comme ça tu trinques sans moi ?

– Je n'y ai pas encore touché.

– Eh bien tant mieux parce que j'ai besoin que tous tes chakras soient ouverts pour m'écouter.

Un sourire, vite réprimé, traverse son visage.

– Mes chakras sont tout ouïe.

Je tente de lui expliquer mon ressenti :

– Je ne veux pas nous mettre dans une case et qu'on se sente obligés de ressembler aux autres couples. Par exemple, je ne veux pas me sentir obligée de te tenir par la main. Je ne veux pas avoir l'impression qu'on est sur le point de rompre chaque fois qu'on se dispute. Je ne veux pas que tu t'attendes à ce que je pose ma tête sur ton épaule chaque fois qu'on regarde un film. Je ne veux pas que tu te casses la tête tous les ans pour m'offrir quelque chose de spécial le jour de la Saint-Valentin.

Je vois dans son regard qu'il est perplexe et un peu vexé.

– Tu veux qu'on reste chocamis, c'est ça ?

– Je n'ai pas fini, je le sermonne comme s'il venait d'interrompre mon discours présidentiel. Je veux te prendre par la main parce que j'en ai envie et que ça te surprenne. Je veux pouvoir t'embrasser à n'importe quel moment et qu'aucune autre fille n'en ait le droit. Je veux être la seule fille qui compte pour toi. Je ne veux plus céder ma place en attendant de la récupérer. Si tu as envie d'aller voir ailleurs, alors je préfère qu'il n'y ait plus de chocamitié du tout.

– Je suis perdu.

– Une chocamitié exclusive, voilà ce que je te propose. On reste nous, on ne change rien à nos habitudes, mais personne ne va voir ailleurs.

Son regard s'illumine.

– C'est une sorte de chocamitié 2.0 ?

– Oui, c'est la nouvelle version, je confirme avec un sourire. L'ancienne était arrivée à expiration, je crois.

Il m'attrape par la taille pour m'attirer dans le lit. Puis il frotte son nez dans mon cou comme si mon odeur lui avait manqué.

– Donc ça peut évoluer, murmure-t-il. Peut-être qu'il y aura une chocamitié 3.0 où j'aurai le droit de t'offrir des fleurs à la Saint-Valentin ?

Je dodeline de la tête.

– Si jamais ça arrive, tu devras trouver un cadeau plus original. Je veux qu'on aille à notre rythme. Pour le moment, je veux juste avoir le droit d'être jalouse.

– Tu as toujours été jalouse, me balance-t-il d'un ton taquin.

– Peut-être bien, mais j'étais obligée d'étouffer ma jalousie, ça me demandait énormément d'efforts. Maintenant je vais pouvoir l'exprimer au grand jour.

Il s'esclaffe.

– Ça commence bien. Tu vas finir par me faire regretter notre chocamitié 1.0.

Je pose ma paume sur sa joue.

– Je plaisantais. Je te fais confiance. Mais j'aimerais savoir ce qui se passera si tu n'es pas admis à Thornton. Parce que moi je vais entrer à l'USC au semestre prochain. J'ai pris ma décision. J'ai toujours voulu partir d'ici au fond de moi et je ne veux pas que ce soit la peur qui m'en empêche. J'espère de tout cœur que tu me rejoindras, mais si jamais ce n'était pas le cas... Comment est-ce qu'on gérerait la distance ?

J'espère ne pas l'avoir froissé. Je ne veux pas qu'il croie que je doute de son talent. Mais Thornton est une école très sélective et rien ne nous garantit qu'il obtiendra la place qu'il mérite.

– J'y ai déjà pensé, me répond-il sans l'ombre d'une inquiétude dans la voix. Je pourrais aller dans un community college. Ils acceptent n'importe qui et les inscriptions sont ouvertes toute l'année. Il y en a un très bon à Santa Barbara.

– Tu partirais en Californie pour moi ?

– J'aime la Californie. Megan Fox y habite.

Je lui donne une petite tape sur l'épaule.

– Tu irais pour Megan Fox ou pour moi ?

Il fait mine de réfléchir.

– OK, je reformule ma question. Si j'étais coincée dans un immeuble en feu avec Megan Fox...

Il plisse les yeux en tirant une moue dépitée l'air de dire Cette question est horrible. Ne m'inflige pas ça. J'enfonce mon index entre ses pectoraux.

– Réponds. À. La. Question.

Il étire le cou, puis finit par lâcher :

– Je laisserais cramer Megan Fox pour te sauver.

Je souris à m'en décrocher la mâchoire.

– Ça t'horripile de dire ça, n'est-ce pas ?

– Je suis presqu'en deuil.

– Si ça peut te consoler, je suis sûre que Megan Fox aurait engagé une doublure et que ce n'est pas vraiment elle qui périrait par les flammes.

Il incline la tête.

– Merci, je me sens déjà mieux.

Je noue mes bras derrière sa nuque et je l'embrasse. Premier baiser de notre chocamitié 2.0. Ça ne change rien, et ça change tout. Ça change que je n'ai plus peur du lendemain. Ça change qu'à partir d'aujourd'hui, c'est mon Julian et celui de personne d'autre.

– Dis donc, si tu pars en Californie, il va falloir te remettre à la muscu, je lui fais remarquer en glissant une main sous son tee-shirt. Tout le monde a un corps parfait là-bas.

– Alors il va falloir que tu arrêtes de manger du chocolat, me rétorque-t-il en me touchant le ventre.

– Tu veux connaître mon dernier mot ? je murmure d'une voix plus sérieuse.

Il pose ses coudes autour de mon visage et me caresse les cheveux.

– Tu peux toujours essayer d'avoir le dernier mot, mais je doute que tu y parviennes.

Je dessine le contour de ses sourcils du bout du doigt avant de murmurer :

– Voici mon dernier mot... Je t'aime.

Mon cœur se met à cogner si fort que j'ai l'impression que toute la pièce en tremble. C'est la première fois que ces mots sortent de ma bouche. Mais cela en valait la peine. Parce que la petite lueur qui s'allume dans son regard me fait chavirer. Sa bouche fond sur la mienne.

– J'ai quand même quelque chose à ajouter, murmure-t-il entre deux baisers. Je t'aime aussi.

Et, cette fois-ci, je sais que ce n'est pas un « Je t'aime » boule-de-neige. Ce n'est pas un « Je t'aime » parce que tu es une distraction agréable. C'est un « Je t'aime » qui signifie exactement la même chose que le mien et qui me donne la sensation d'être indispensable.

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