Partition 19

Avertissement : Ce chapitre contient des scènes de sexe explicites déconseillées aux plus jeunes.

Je suis assise sur lui, les jambes nouées autour de sa taille. Ses mains accompagnent le mouvement de mes hanches qui ondulent doucement tandis que mes seins lui caressent le torse. Son regard trouble semble receler des trésors enfouis. Ses boucles s'entortillent autour de mes doigts chaque fois que je l'embrasse. Son souffle et le mien se font écho. Nous respirons au même rythme. Un rythme qui, peu à peu, s'accélère. Nos hanches s'entrechoquent. Nos peaux vibrent à l'unisson. Je noue mes bras derrière sa nuque. Il enfouit ses cheveux entre mes seins. Je presse sa tête contre mon cœur. Puis tout s'évanouit et le plaisir m'emporte.

Quelques secondes plus tard, mon corps pétri d'une douce sensation s'écrase contre le matelas. Mais aussitôt ma mauvaise conscience prend un malin plaisir à me gâcher ce moment. Elle me sermonne : Tu es en train de profiter de la situation. Tu vas mieux maintenant. Tu dois le lui dire. Je voudrais la bâillonner, me convaincre qu'elle a tort, que j'ai encore besoin de ces moments d'intimité. Ce n'est pas tant de sexe dont j'ai besoin, c'est de lui tout court. Or si je lui avoue que je prends du plaisir et que je pense avoir résolu mon blocage, il se remettra avec Carly et je serai de nouveau seule. Une tristesse infinie me lacère le cœur. Je voudrais que les choses restent ainsi, mais ce n'est pas juste pour lui.

Je ne sais pas si je serai un jour capable de me rapprocher d'un autre garçon, mais Julian a rempli sa part du contrat. Il m'a offert tant de beaux souvenirs qu'il a relégué la Nuit au rang de souvenir secondaire. C'est comme une petite encoche dans mon cœur qui ne disparaîtra jamais, mais elle a perdu sa souveraineté. Elle ne me contrôle plus.

Je dois le laisser se remettre avec Carly, si c'est cela qui le rend heureux.

– À quoi tu penses ? me demande-t-il en me caressant le front.

– À rien, je grommelle en enfouissant un peu plus ma tête dans l'oreiller.

Il me saisit la bouche et la pince légèrement comme s'il voulait libérer les mots qui papillonnent silencieusement au fond de mon cerveau.

– Je te connais par cœur. En ce moment, tu es en train de penser à quelque chose de triste. Si tu me le disais, je pourrais peut-être te consoler.

– Sûrement pas. C'est toi la raison de ma tristesse.

Son visage se fige. Les ressorts grincent tandis qu'il se redresse sur un coude.

– Quoi ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

– Rien, je murmure d'un ton désabusé. Je pense juste au jour où tu ne seras plus là.

– Je ne vais pas mourir demain, me rétorque-t-il d'un ton léger.

– Non, c'est pas ça. Je parle du jour où tu me laisseras tomber.

– Je ne te laisserai jamais tomber.

Mes doigts se resserrent autour de l'oreiller. Une vague de colère me submerge. Je dois me retenir de lui balancer l'oreiller à la figure.

– Arrête ça tout de suite, Julian ! Pas de promesse ! Tu te rappelles ? Ne me fais pas une promesse que tu ne sauras pas tenir.

Il pose un doigt sur ma bouche pour me signifier que ça ne sert à rien de hurler.

– Bon d'accord, pas de promesse. Mais je ne comprends toujours pas de quoi tu parles. Je n'ai aucune envie que tu sortes de ma vie. Je tiens à toi.

Son visage se rapproche, comme s'il s'apprêtait à déposer un baiser sur mon front. Je plaque une main sur son torse pour le repousser.

– Oh, Julian ! Tu es tellement naïf ! Bien sûr que tu me laisseras sortir de ta vie. Un jour, tu tomberas amoureux, vraiment amoureux. Je ne parle pas de cette sorte d'amour ridicule que tu éprouves pour Carly.

Sa bouche se tord. Je m'empresse d'ajouter :

– Un jour, tu rencontreras la femme de ta vie, tu te marieras et tu ne voudras plus de moi. Ou plus exactement elle ne voudra pas de moi.

Il n'y a jamais pensé, je le vois dans ses yeux. Notre absence d'avenir ne lui a jamais effleuré l'esprit. Moi, ça fait des mois que j'y pense. Je sais ce qui m'attend. On ne peut pas rester chocamis à vie. C'est comme si ce terme avait une date de péremption. C'est une définition temporaire de nous deux.

– Je n'épouserais jamais une femme qui me demanderait de choisir entre elle et toi.

J'apprécie les efforts qu'il fait pour se voiler la face, mais je suis convaincue d'être plus lucide que lui.

– Elle n'aura pas à te le demander. Ça se fera tout seul. Tu couperas les ponts avec moi pour ne pas la faire souffrir.

Il secoue la tête. Ses illusions sont tenaces. Pour les dissoudre, je lui assène d'un ton implacable :

– Aucune femme, AUCUNE ne pourrait tolérer que son homme soit aussi proche d'une autre femme, comme on l'est toi et moi.

– Tu vois toujours tout en noir.

– Non, c'est toi te mets un bandeau sur les yeux. Tu n'es pas mon meilleur ami, Julian. Et je ne suis pas ta meilleure amie. On est plus que ça. Aucune femme ne pourra le comprendre et l'accepter. De toute façon, si tu ne me fuis pas, c'est moi qui partirai. Je ne mettrai pas ton bonheur en danger juste parce que j'ai besoin de toi.

Je ravale le sanglot qui me mord le cœur et me tourne face au mur. Un jour ce mur, ce lit, cette présence derrière moi appartiendront au passé. Plus de numéro à appeler en cas d'urgence. Je devrais compter uniquement sur moi-même. Ou appeler le 911, comme tout le monde.

Je sens son genou qui se cale derrière le mien tandis qu'il se rallonge et passe un bras par-dessus mon épaule. Nos corps s'emboîtent. Je ne pense pas pouvoir un jour me passer de cette sensation. Oh, bien sûr, il y aura d'autres corps pour faire exactement ce qu'il fait, mais ce ne sera pas pareil. Les autres corps créent du vide, je le sais. Les autres corps sont peut-être même capables de ressusciter le fantôme de Sebastian.

Sa joue rugueuse se pose sur la mienne :

– Depuis quand tu penses à mon mariage ?

Je soupire.

– Je crois que ça a commencé avec Carly. Quand j'ai vu à quel point tu t'éloignais de moi à cause d'une fille aussi intéressante qu'un navet, je me suis dit : « Qu'est-ce que ce sera le jour où il rencontrera la femme de sa vie ? »

Je sens sa mâchoire se crisper. Je m'attends à ce qu'il relève ma pique au sujet de Carly. Contre toute attente, il me demande :

– Qu'est-ce qui te dit que ce n'est pas toi qui te marieras en premier ? Si ça se trouve, c'est toi qui vas me laisser tomber.

Un petit rire m'échappe face à cette idée absurde.

– Aucun homme ne voudra jamais m'épouser.

– Et pourquoi ça ? m'oppose-t-il d'un ton sérieux.

Je réalise à ce moment-là qu'il ne mesure pas la profondeur de mon problème.

– Parce que quand tu épouses quelqu'un, tu épouses aussi sa famille. Et aucun homme ne voudrait de ma famille. Ma famille effraye tout le monde.

– Elle ne m'effraye pas, moi.

– Parce que tu me connais depuis toujours, c'est différent. Tu sais bien que tout le monde me voit comme une fille à problèmes. Personne n'aime les filles à problèmes. Moi-même je ne m'épouserais pas. La folie, l'alcoolisme, la dépression, personne ne veut être confronté à ça.

Il replace une mèche de cheveux derrière mon oreille puis me caresse la joue comme s'il séchait une larme imaginaire.

– Je ne vois pas pourquoi on a cette discussion. Je ne sais même pas si j'ai envie de me marier un jour. Tout ce que je sais à l'heure actuelle, c'est que je n'imagine pas ma vie sans toi. (Il cherche ma main sous la couette et entrelace nos doigts.) Alors même si je ne peux rien te promettre, je crois que tu devrais cesser de te tracasser pour des choses qui n'arriveront peut-être jamais.

Je serre ses phalanges comme si je tentais de les broyer.

– Les choses changent tellement vite, je réplique avec amertume. Quand tu étais avec Carly, c'est à peine si tu me calculais et, le pire de tout, c'est que tu ne t'en rendais même pas compte. Mais tu as raison, ça ne sert à rien d'en parler, parce que tu vis uniquement dans le présent, tandis que moi je pense au futur.

– Peut-être que le futur te réserve de belles choses, rétorque-t-il, porté par son incurable optimisme. Bientôt tu prendras ton indépendance et tous tes problèmes familiaux s'allégeront.

– Ils seraient incapables de se débrouiller sans moi. On en a déjà parlé. Je suis leur roue de secours, leur pilier. Ils s'appuieront sur moi de toutes leurs forces jusqu'à ce que je m'effondre.

– Alors tu t'appuieras sur moi. Je suis un pilier robuste.

Je garde le silence en fixant une microscopique fissure dans le mur. Voilà qui résume bien la situation. La faille est déjà là, mais je suis la seule à la voir. Avec le temps, elle grandira et Julian finira par la remarquer lui aussi.

Je rassemble mon courage pour libérer la phrase fatale. Celle que me dicte ma conscience, même si une part de moi la refuse de toutes ses forces.

– Je crois qu'il n'est plus nécessaire qu'on couche ensemble. Je suis guérie. Tu t'en es rendu compte, non ?

Je me félicite intérieurement pour ce ton coquin qui dissimule si bien ma peine. Qui ne dit rien de mes véritables pensées : Je voudrais que tout disparaisse. Sauf toi.

– Tu permets que je vérifie ? me glisse-t-il à l'oreille.

Son index se pose sur mon nombril, puis dessine une série de cercles qui peu à peu s'élargissent. Ses doigts dérivent doucement vers mes jambes en contournant mon intimité. Lorsqu'au bout de trois minutes, sa main se loge entre mes cuisses, je laisse échapper un gémissement. Je sens son doigt s'immiscer en moi et entamer un mouvement de va-et-vient. Ma chair s'enfièvre. Lorsqu'il appuie sur mon clitoris, les prémices de l'orgasme commencent à m'envahir. Mais je n'ai pas envie de partager ce plaisir seul. Je m'écarte de lui pour m'allonger un peu plus loin, le dos bien cambré en guise d'invitation. Il tend un doigt et le fait glisser de mes seins à mon ventre, me faisant frémir d'excitation :

– Oh, Autumn... murmure-t-il et je vois le désir assiéger son regard.

Après avoir enfilé un préservatif, ses mains s'ancrent solidement sur mes hanches. Je remue le bassin tandis que son sexe me caresse sans me pénétrer. Mon désir humide l'appelle de toutes ses forces. Lorsque je le sens buter au fond de mon intimité, je me cambre davantage en gémissant. Tout est sauvage, bestial, comme si nous savions tous les deux que c'était la dernière fois et qu'il fallait en profiter. Je lui hurle : « Plus fort. » Ses mouvements deviennent de plus en plus saccadés, préparant le terrain de mon extase. Mon esprit s'égare là où s'éteignent les pensées. Il se penche pour m'attraper les cheveux. Au passage, je bascule la tête en arrière pour qu'il effleure mes lèvres.

Lorsque sa main se glisse sous mon ventre pour me caresser, je lâche complètement prise. Comme s'il venait d'appuyer sur un interrupteur, des vagues de plaisir déferlent et me submergent. Je cherche mon souffle, mais pour une fois c'est si bon de ne pas le trouver. Nos corps à bout de souffle n'ont pourtant jamais été aussi vivants.

Quelques instants plus tard on s'écroule tous les deux, comme si on venait de courir le marathon de Tokyo.

– C'était génial, lâche-t-il.

– Oui, c'était vraiment bon, je murmure, même si maintenant que c'est terminé je commence à sentir un violent désespoir s'enraciner.

Comme si le désir assouvi avait laissé une place vacante.

– On dirait bien que tu es guérie, me susurre-t-il en me caressant l'épaule.

Je me tourne vers lui, l'attrape par le cou et l'embrasse avec toute la violence de mon désespoir. Ses lèvres ont le goût des adieux. Puis je pose ma tête contre son torse en pensant : C'est le dernier câlin. C'est la dernière fois que tu respires sa peau. C'est la dernière fois que tu respires tout court. C'est la dernière fois que tu entends son cœur battre comme si c'était le tien.


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