Partition 16
Le soleil estival inonde la pièce. Je suis allongée contre Julian, ma tête calée dans le creux de son épaule, son bras glissé sous mon dos. Nous venons de le faire pour la seconde fois et je me suis sentie un petit peu plus détendue. La chaîne hi-fi imprime la musique de Placebo sur nos corps. Les mots rythment mon pouls. Brian Molko crie pour moi : Protect me Protect me. Je sais que Julian pense que cette chanson est inutile, la pire chanson de Placebo, un titre commercial dont l'industrie du disque et ses propres oreilles se seraient bien passées. Mais moi je suis heureuse qu'elle existe parce qu'elle hisse ce moment vers le sublime. Les mots gambadent sur nos corps, rendant l'étreinte de Julian encore plus puissante. Ses doigts refermés autour de mon épaule me font l'effet d'un sceau de cire cachetant une enveloppe. Je me sens précieuse entre ses bras. Hors d'atteinte.
– Si seulement on pouvait rester comme ça toute l'éternité, je murmure.
– On ne peut pas, rétorque Julian d'un ton terre-à-terre qui me déçoit.
– Je sais bien qu'on ne peut pas. Tous nos muscles fondraient à force de rester immobiles. On deviendrait des larves.
– Je ne parlais pas de ça. Mais de Carly.
Je sens le sceau de cire qui me maintenait à l'abri se liquéfier. Pourtant les doigts de Julian n'ont pas bougé.
– Tu sais comment tu vas t'y prendre pour la reconquérir ? je lance aussi innocemment que possible.
La mélodie déprimante de Without You I am nothing a commencé à imbiber les murs. Je me détache un peu de lui comme pour contredire la chanson. Le cocon est brisé de toute façon.
– En quoi ça te concerne ?
– C'est toi qui en as parlé le premier ! je rétorque en me redressant pour le fusiller du regard.
– Mais tu sais bien que ça ne peut pas durer. Cette situation... c'est temporaire. C'est ce qui était convenu.
– Oui... Évidemment.
Je me recouche et me tourne vers la lampe pour qu'il ne voie pas ma tête. Je cherche sa main, j'entrelace nos doigts et je ferme les yeux. Pourquoi est-ce que j'ai parlé ? On était tellement bien il y a cinq minutes. Pourquoi a-t-il fallu que j'ouvre la bouche ?
– Tu sais combien de temps ça va prendre ? demande-t-il comme si on parlait de la réparation d'une auto.
– Si ça te gêne tant que ça de coucher avec moi, on peut arrêter tout de suite.
J'enfonce mon pouce dans sa paume dans l'espoir de lui faire mal, mais il ne bronche pas. Sa main se pose sur mon épaule.
– Je suis un mec, Autumn, évidemment que ça ne me gêne pas. Mais je voulais juste savoir si ça servait à quelque chose ? Est-ce que tu sens un changement ? Est-ce que tu as l'impression que ça t'aide à ne plus avoir peur ?
Un petit cristal de silence enfle dans ma gorge. Bien sûr que ça sert à quelque chose. Tant que tu es là, je me sens en sécurité. Mais je ne peux toujours pas imaginer me laisser toucher par un autre que toi. Tu me réconcilies avec moi-même, mais tu ne me réconcilies pas avec les hommes.
– C'est trop tôt pour le dire, je marmonne.
Je sens son souffle contre mon oreille tandis que son bras m'enveloppe, et toute la tristesse accumulée dans les murs s'évapore lorsqu'il me dit :
– Tu as été la seule personne à te battre pour moi quand j'étais au plus bas, alors je ne te laisserai pas tomber. Peu importe le temps que ça prendra.
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