Les yeux fixés sur la lune au travers de sa fenêtre, les pupilles dilatées et les yeux écarquillés, April restait immobile. Ses yeux ne pleuraient plus, les sanglots qui pendant des heures avaient secoué son corps s'étaient calmés. Elle était juste là, assise au bord de sa fenêtre à fixer l'astre d'argent sans parvenir à dormir, seule.
Seule ?
Non. Évidemment que non. Là était les racines du problème. Si ses yeux étaient encore grands ouverts à cette heure si tardive, si ses joues étaient encore trempées de larmes bien que ces dernières s'étaient peu à peu arrêtées, si des cernes apportaient une touche terne à son visage et si elle paraissait si épuisée et si loin de ce monde, c'est bien parce que non, elle n'était pas seule.

''- Ça fait du bien de pleurer hein ? Ça vide la tête. Ou presque, moi, tu ne me feras pas partir, pas même un instant. Il marqua une pause, avant de reprendre. Mais dis moi, qu'est ce que ça fait de pleurer ? Qu'est ce que ça fait... Allons, réponds. Par ta faute, moi, je ne pleurerais plus jamais. Par ta faute... Ou grâce à toi... Selon le points de vue... Il ricana.
- Lysandre...
- Oh qu'il sonne bien mon prénom, lorsqu'il sort de ta bouche...
- C'est ta faute ce qui arrive...
- Petite idiote. J'ai été très clair sur les conditions dans lesquelles tu devais me rejoindre. Tu ne les as pas respectées.''

Elle cligna des yeux. Son esprit s'endormait peu à peu, cependant, ses paupières ne se fermaient toujours pas. Ses doigts engourdis étaient gelés. Cette nuit hivernale était froide, et n'étant pas sous sa couette, elle était frigorifiée. Mais pour l'instant, elle n'avait pas envie de changer ça. Avoir les sens engourdis, ça lui allait bien. Ça lui permettait d'avoir un peu de répis.
April sentait sa gorge la brûler. Bientôt, elle aurait un rhume, si elle restait là. Elle prit son courage à deux mains, se leva pour se faire un café dans la cuisine.
Une goutte de liquide fumant lui tomba sur la main, avec un petit ''pshht'' discret. La jeune fille baissa les yeux, un instant, avant de relever la tête en allant chercher une cuillère. Elle avait à peine sentit et, pour être honnête, elle n'en avait plus rien à faire.

''- Ma belle, on t'a déjà dis que le café n'était pas conseillé aux insomniaques ?''

April serra les dents. Il commençait à l'agacer sérieusement, en plus du reste. Ses nerfs allaient bientôt lâcher. Elle avait plongé en enfer si vite... La jeune fille avala une gorgée de café, avant de se baisser pour regarder sous la table. Elle ouvrit les tiroirs et les placards, en cherchant un peu partout.

''- Et qu'est ce que tu cherches ma grande ? Un meilleur moyen de nous faire sauter tout les deux ? Si c'est ça, je peux t'aider...
- Je cherche le moment où je t'ai demandé ton avis, rétorqua-t'elle sèchement.
- Ouh Madame joue les durs... Ça te va bien April. C'est que tu m'impressionnerais presque.
- T'es vraiment qu'un putain de psychopathe.
- Roh ne soit pas si insultante... Tu me blesses, mon chou. Je préfère mh... Créatif.''

Elle roula des yeux, les mains rendues tremblantes par la colère. Tout se bousculait dans sa tête. Elle se sentait aspirée dans un gouffre, un gouffre sans fin, remplis de ténèbres et de douleur. Une douleur sourde, qui ne s'en irai pas de sitôt. Serrant les dents à s'en faire éclater la mâchoire et les yeux braqués sur le mur en face d'elle, éclairés par une étincelle de haine pure, elle fit tomber la tasse qui s'écrasa bruyamment sur le sol, la sortant de sa torpeur, éjectant des morceaux de céramique aux quatres coins de la pièce.

''- Putain...''

En regardant les vestiges de sa tasse, la jeune femme sentir les larmes revenir. Ils étaient un peu comparables aux vestiges de sa vie, ruinée en une soirée. Elle se laissa tomber à genoux, la tête dans les mains, et poussa un hurlement, sanglotant à nouveau. Les petits morceaux de la tasse se fichèrent dans sa peau, laissant le café brûlant reparti sur le sol lécher ses coupures.

''- Je te fais tant d'effet que ça ?
- Arrête bon sang c'est pas drôle !
- Oh ça dépend du point de vue, je t'assure.
- Je te déteste. T'es qu'un connard, un monstre qui se prend pour plus intelligent qu'il ne l'est !
- Est ce que j'ai droit à un bisou si je fais semblant d'en avoir quelque chose à foutre ?
- Punaise !''

April entendait son rire résonner dans sa tête, une fois encore. Ce n'était pas un rire fort et bruyant comme les méchants des films, non, c'était un rire plutôt calme, doux, sombre et insolent. Le genre qui vous donne l'impression de vous faire insulter dans toutes les langues. Le genre à avoir pourtant un côté envoûtant. Le genre qui allait finir par rendre April totalement cinglée.

''- Ah lala... Tu es si sensible... S'en est presque mignon.
- Tu vas te payer ma tête encore longtemps ?!
- Possible. C'est fun.
- Vas en enfer, Lysandre.''

Quelques jours plus tôt, la jeune fille n'aurait jamais cru dire ça à son ancien ami. Le tsunami de son coeur avait reprit, lui faisant imploser la poitrine. Elle essaya de se forcer à retenir ses larmes, et sa gorge se mit à la brûler vivement, comme si quelqu'un venait de lui faire avaler une allumette impossible à éteindre. Elle se sentit étouffer, comme si la fumée du feu de cette allumette imaginaire remontait dans ses voies respiratoires. Sa vision se brouilla, devenant plus floue à mesure que le tic-tac de l'horloge de la cuisine au dessus d'elle battait les secondes.

''- La seule chose qui m'attend en enfer, c'est un trône, April.''