Chapitre 8 : Poltergeist


Le jeune homme inspira profondément en fermant les yeux, appréciant le soleil chaud et matinal qui caressait sa peau comme un cocon doux et réconfortant. Il avait été privé de cette lumière accueillante pendant tant d'années qu'il ne se souvenait qu'à peine du bonheur de la sentir à nouveau effleurer son visage comme la douce caresse d'une plume au sortir du sommeil. Expirant tout aussi lentement, l'ancien immortel agrippa la barrière à deux mains, comme s'il craignait de s'effondrer s'il n'oserait ne serait-ce que desserrer un doigt, et plongea son regard sombre dans la rue en contrebas. Peut-être qu'il pourrait sauter, peut-être qu'il pourrait disparaître et que tout s'arrête enfin là, ici, maintenant ? S'il disparaissait, il savait que Magnus, et même Ragnor dont il était plutôt proche, seraient peinés pour lui. Mais après ? Il se sentirait libéré. Il ne suffisait que de faire un pas en avant, escalader le muret qui le séparait du vide et sauter. Ce n'était pas si compliqué, et pourtant les mains de l'ancien vampire tremblaient comme si la peur s'était emparé de lui, lui vrillant les entrailles et faisant couler la sueur de son front. Il avait déjà pensé à la mort auparavant, évidemment. Il l'avait côtoyé de près pendant plusieurs décennies et après avoir été transformé en enfant de la nuit, Raphaël avait plus d'une fois songé à se donner la mort pour libérer le monde de sa présence. Après être devenu le chef de clan à l'Hôtel Dumort, il n'avait plus pensé à ses idées noires et avait œuvré pour protéger le quartier de son enfance et veiller à ce que les vampires à ses ordres ne commettent pas de meurtres inutiles et respectent les Accords. Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui il n'était plus qu'un fantôme errant, une âme sans attaches coincé dans le corps d'un garçon qui manquait cruellement à sa famille, contrairement à lui que personne ne regretterait s'il venait à ne plus être là.

- C'est faux, souffla une voix à ses côtés; le faisant sursauter et manquant de le faire réellement basculer par-dessus la rambarde, et Raphaël reconnut Max qui s'approchait de lui, une main sur son ventre arrondi.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Grommela le plus vieux en se détournant pour reporter son regard sur le soleil montant. Je veux qu'on me laisse tranquille.

- C'est faux, répéta encore le sorcier à la peau bleue en s'approchant de lui. Tu oublies que j'ai une magie élémentaire et empathique. Je sais quand on me ment, et je peux ressentir ce que tu ressens. Tu es seul mais tu as peur de demander notre compagnie parce que tu ne veux plus être rejeté. Tu penses que tu ne manquerais à personne, et pourtant tu espères que ce sera le cas le jour où tu partiras. Tu veux n'as pas envie de vivre, mais tu as peur de mourir, parce que tu es reconnaissant qu'Ayah t'ai ramené.

- C'était une erreur. Il voulait ramener son fils, pas moi...

- Mais c'est ce qu'il a fait : il a ramené son fils, souffla le plus jeune comme une évidence. Il t'a ramené. Tu es son fils, que tu le veuille ou non. Et tu es notre frère à Rafe et moi, même si ça ne te plait pas, tu nous as sur le dos maintenant...

Raphaël porta son regard en direction du jeune sorcier qui se disait son frère, et un sourire à la fois contrit et reconnaissant étira timidement ses lèvres. Max ne le regardait pas comme un étranger, contrairement à Alec lorsqu'il avait découvert son retour. Max ne voyait pas uniquement son physique, il voyait au-delà. Il voyait son âme, il lisait son cœur. Raphaël était même certain que Max le connaissait mieux qu'il ne se connaissait lui-même sur certains points. Il inspira une nouvelle fois en sentant quelques larmes lourdes de chagrin et de regret envahir ses yeux sombres et son regard se perdit dans la contemplation de la ville et des immeubles alentour. Il garda le silence de longues minutes, que Max respecta en lui laissant le temps d'organiser ses idées, puis, comme une nécessité, l'hispanique ressenti le besoin viscéral de parler, de se livrer, d'ouvrir son cœur et de vider son sac.

- Je vivais avec ma mère et mes frères et sœurs, tous plus petits et plus jeunes que moi. On vivait dans un quartier proche de l'Hôtel Dumort. Je savais qu'il se passait des choses dans cet hôtel alors, une nuit, j'ai prit ma bande d'amis avec moi et on est entré par effraction...Mes amis sont morts cette nuit là, par ma faute, et je suis mort avec eux...J'étais devenu comme le monstre qu'on était venu chasser, j'étais devenu un buveur de sang, un tueur...C'est Magnus qui m'a trouvé, et j'ai cru qu'il allait me tuer, mais il est venu me sauver...

- Oui, c'est bien Ayah ça de sauver tout le monde, sourit affectueusement le plus jeune en caressant machinalement son ventre. Qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ?

- Il m'a emmené chez lui, raconta Raphaël en souriant à son tour au souvenir. J'étais un petit con à cette époque, je lui ai fait vivre un enfer. Et pourtant pendant près d'un an il s'est occupé de moi, il m'a appris à faire comme si je respirais, à me déplacer en prenant mon temps, comme un humain. Il me ramenait du sang de l'hôpital avec l'aide de Catarina pour que personne ne soit tué mais que je puisse me nourrir malgré tout...Je crois que c'est à partir de ce moment que je l'ai considéré comme mon père...Quand je suis rentré chez moi, on s'est éloigné. J'étais en colère, parce que j'étais en vie et que j'ai commencé à voir les gens que j'aimais mourir, et que moi j'étais toujours là....Je lui en voulais...

Max garda le silence en baissant les yeux. Il comprenait la réaction de Raphaël, même si lui-même n'aurait pas réagi de la sorte. Il observa son aîné plus en détail et remarqua une trace sur son torse qui lui fit froncer les sourcils. Interrogeant ce dernier sur sa signification, il eut le plaisir d'entendre un rire tendre et ému de la part de l'ancien vampire.

- Tu vois vraiment mon corps d'avant alors ? rit- il en retirant son t-shirt pour exposer son torse. Cette marque, c'est celle de mon crucifix. Ma mère me l'avait offert à mes seize ans. C'est à cet âge là que j'ai été transformé, d'ailleurs. Et j'ai toujours cette tête d'adolescent qui ne me quitte plus.

- Tu n'as jamais vu Ayah sans maquillage alors, rit gentiment Max en se retenant de glousser du mieux qu'il le pouvait. Il a eu sa majorité à dix-neuf ans et crois moi certains matins au réveil il fait aussi jeune que Rafe et moi !

- Disons qu'il est devenu plus sage avec le temps. Parfois l'âge ne se mesure pas aux rides qu'on porte mais aux cicatrices qu'on arbore..., souffla pensivement le plus vieux. Quoi qu'il en soit, comme je voulais retourner dans ma famille, j'ai passé des mois à essayer de dire Dios, et j'ai porté mon crucifix, même s'il me brûlait la peau, parce que je voulais rendre fière ma mère et lui prouver que j'avais toujours mon âme. Et j'ai réussi. Je l'ai porté, et je peux te réciter des prières en une dizaine de langues sans avoir un goût de sang dans la gorge. Si j'ai appris une leçon avec papa c'est bien celle-là : les seuls monstres qui existent sont ceux qu'on se créer nous-même. Si je ne me vois pas comme un monstre, alors je n'en suis pas un...

Le futur père médita les paroles de son aîné en repensant aux propres morts que son Dad et son Ayah n'avaient de cesse de lui répéter depuis qu'il était bébé. Qu'il pouvait être lui-même, qu'il était fort, et qu'il était une belle personne. Max avait appris à ne pas avoir peur, ni à avoir honte de qui il était. Il avait appris à faire de ses différences une force. Son empathie, que certains pourraient qualifier de faiblesse, était devenue son alliée la plus précieuse au fil des ans. Aujourd'hui il était en paix avec sa magie et ses capacités. Max avait appris à s'aimer, comme chacun dans sa famille l'aimait. Sentant dans son ventre ses bébés donner un coup, il prit la main de Raphaël et la posa sur lui avec un sourire confiant.

- Je porte la vie, et cette vie n'a été possible que grâce à toi. Je ne sais pas si ça te sera d'un grand réconfort, mais Ayah m'a sauvé et il a sauvé Rafe, comme il t'avait sauvé toi. Mais s'il a pu nous sauver, c'est parce que tu l'as sauvé, lui. Tu t'es sacrifié pour lui, et c'est ce qui nous a donné une vie, ce qui me permet de porter mes enfants aujourd'hui, chuchota-t-il en libérant ses larmes d'émotion. Peut-être que tu aurais préféré resté mort, mais crois moi quand je dis qu'Ayah a ramené son fils. Tous les ans, à ton anniversaire et à la date de ta mort, Ayah va sur ta tombe pour y déposer des tulipes blanches. Tu sais ce qu'elles signifient ? Le blanc pour le remerciement, et la tulipe pour l'amour familial. Et ton crucifix, il ne l'a jamais quitté. Je ne savais pas que c'était le tiens avant aujourd'hui, mais il n'a jamais quitté son cou, pas une seule fois...

Sur ces mots qui touchèrent Raphaël au plus profond de son cœur, Max déposa un baiser sur sa joue et lui souffla un "merci" avant de retourner à l'intérieur du loft. L'ancien vampire resta longtemps sans rien dire, les paroles de son cadet tournant en boucle dans son esprit. Il ne savait pas ce qu'avait fait le Grand Sorcier de Brooklyn pour lui et il n'avait pas non plus conscience que Magnus gardait sa croix sur lui en permanence. Une vague de reconnaissance et d'affection l'envahit et il laissa couler quelques larmes de soulagement sur ses joues réchauffées de soleil. Un sourire serein peignit son visage et, relevant la tête, il croisa le regard avenant d'Alec qui venait de le rejoindre et qui, il n'en doutait pas, venait d'entendre une bonne partie de la conversation qui était survenue entre Max et lui. L'ancien chef de clan secoua la tête en souriant en coin et ouvrit la bouche pour parler quand, soudain, toutes couleurs quittèrent son visage qui devint pâle comme la mort. Le noiraud appela son nom une fois, deux fois, plusieurs fois, mais Raphaël ne l'entendit même pas. Une douleur lancinante vrilla son esprit et il pressa ses mains contre ses tempes en hurlant de douleur alors qu'il s'écroulait au sol, pleurant roulé en boule. Alec se précipita vers lui pour le prendre dans ses bras et comprendre ce qui n'allait pas.

- Raphaël, bon sang...Magnus ! Magnus vient vite !!

Mais ce fut un cri à lui glacer le sang qui lui répondit. Comprenant que son mari était en difficulté, le Chasseur d'Ombre déploya ses ailes pour y envelopper Raphaël qu'il porta dans ses bras et il retourna au salon pour le déposer sur le canapé alors que le plus jeune hurlait toujours de douleur comme un damné en pleine tourmente. Pourtant, ce n'était pas le pire. Couché en travers de la pièce, recroquevillé sur lui-même, Magnus hurlait également de douleur, une main pressée sur le côté de son ventre et le Nephilim réalisa que c'était ses douleurs fantômes qui refaisaient surface. Laissant un instant Raphaël psalmodier en espagnol au milieu de ses hurlements d'agonie, l'ancien Consul rejoignit son époux et le berça contre lui en massant son ventre et utilisant sa magie pour l'apaiser, en vain. De concert, père et fils hurlèrent une dernière fois en gémissant paisiblement puis ils retombèrent comme des poids morts, immobiles telles des marionnettes inanimées et désarticulées. Le silence se fit dans le loft, seulement coupé par la respiration laborieuse et paniquée d'Alec qui retenait vaillamment ses larmes angoissées. Enfin, au bout de ce qui lui parut être une éternité, le noiraud sentit son compagnon remuer faiblement entre ses bras et lever ses yeux dorés à la pupille fendue sur son visage pâle d'inquiétude.

- Sayang..., croassa-t-il piteusement.

- Je suis là, mon chat, je suis là...J'ai eu tellement peur...Raphaël s'est écroulé, puis toi..., chuchota-t-il en caressant son visage et ses cheveux d'une main tremblante. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Raphaël ? Raphaël va bien ? Commença à paniquer Magnus en se redressant malgré le vertige qui le prit, le faisant gémir un peu plus.

- Je crois que ça va..., répondit le concerné en les rejoignant tous deux au sol, se laissant tomber dans les bras de l'Indonésien. Papa...,soupira-t-il en fermant les yeux.

Alec continua de bercer son mari contre lui qui lui-même rassurait l'ancien vampire du mieux qu'il le pouvait. Le noiraud ne sut si c'était la douceur dans les gestes de son cher et tendre, ou si c'était sa voix chargée de tendresse et de patience, ou encore ses propres réminiscences de moments passés avec leurs fils mais, quelle que fût la raison, c'est à cet instant qu'il réalisa que l'amour de Magnus pour Raphaël n'était en rien supérieure à celle qu'il portait à Max et Rafe. Au contraire, il était égal. Tous trois étaient ses fils et ils les aimaient autant les uns que les autres. Un profond sentiment de sérénité gagna le plus jeune malgré sa précédente angoisse, car Magnus avait été sincère en souhaitant ramener Rafe. Il n'avait pas privilégié Raphaël, il avait simplement suivi son coeur, et son coeur voulait ramener les deux auprès de lui. Il murmura un "je t'aime" tendre à l'oreille de son âme sœur et caressa presque timidement la joue de l'ancien vampire qui se laissa faire.

- Que s'est-il passé ? Redemanda-t-il encore. Je vous ai vu vous effondrer et hurler à la mort...

- Je ne sais pas, avoua l'asiatique en se redressant, son dos reposant contre l'assise du fauteuil derrière lui. J'ai vu l'image de Rafe dans mon esprit et tout à coup j'ai eu l'impression que tu me poignardais à nouveau...

- Tu l'as poignardé ?! S'horrifia Raphaël en dévisageant Alec.

- C'est une longue histoire, coupa court Magnus en levant les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'il t'es arrivé à toi ?

- J'ai eu mal à la tête et...j'avais l'impression d'être en transe, j'ai vu Rafael...J'étais Rafael...Je l'ai vu s'enfoncer une lame dans le ventre, exactement là où tu viens d'avoir mal...J'avais l'impression que ma tête allait exploser...

Le souffle coupé, les deux époux demandèrent s'il avait vu où il se trouvait ou si quelqu'un d'autre était présent, mais l'hispanique fut incapable de leur donner la moindre réponse. Tout ce qu'il avait vu, c'était Rafe en train de se poignarder lui-même, les joues maculées de larmes. Se remettant lentement de leurs émotions, Alec vérifiant qu'ils allaient tous deux bien, ils décidèrent d'un commun accord de se rendre à l'Institut pour parler du phénomène à leur famille et tâcher de comprendre ce que ça pouvait signifier. Se remettant debout avec l'aide de son mari, Magnus ouvrit un Portail et le traversa avec lui, main dans la main, suivit de prêt par Raphaël. Les trois hommes débouchèrent sur la salle à manger, où leur famille était réunie pour prendre un petit déjeuner tardif. La place en bout de table, celle de Ragnor, était restée vacante; ainsi que celle de Catarina. Zaya et Madzie grignotaient, assises épaule contre épaule en lisant le même livre, Jace et Clary bavardaient à voix basse, et Isabelle, encore à moitié réveillée, remuait sa cuillère dans une tasse pleine de café alors que Simon la rejoignait, son bol entre les mains, veillant à ne pas le renverser. Le bruit du Portail leur fit relever la tête et lorsque celui de Simon croisa celui de Raphaël, la tentation fut plus forte que sa volonté et il s'agenouilla à nouveau, renversant son bol au passage sous les gloussements exaspérés d'Isabelle et les moqueries taquine de Jace.

- Sérieusement, tu peux pas faire en sorte qu'il arrête ? soupira la brune en toisant l'ancien vampire. Même si je dis s'il te plait ?

- Malheureusement ça ne dépend pas de moi, et même si je le pouvais je n'aurais pas envie qu'il arrête, c'est trop drôle de le voir faire.

Isabelle leva les yeux au ciel et Simon put enfin se remettre debout en grommelant. Les trois invités saluèrent leur famille, bien que Raphaël resta en retrait, puis ils s'asseyèrent avec eux pour prendre une boisson chaude bien méritée. Aussi douce et prévenante que son cousin, Zaya prépara un chocolat chaud et le déposa devant Raphaël qui la regarda suspicieusement avant de lui souffler un "merci" à voix basse et de dévorer son bol goulument. Il ne se souvenait plus de la dernière fois qu'il avait bu un véritable chocolat chaud, et la sensation était incroyable. Il avait la même impression que lorsqu'il avait bu du sang la première fois qu'il s'était transformé : c'était jouissif. Magnus tourna son regard vers lui, amusé de le voir se régaler et se retenant d'essuyer la moustache de cacao qu'il avait au-dessus des lèvres. Alec, pour une fois, était tout autant amusé que son époux et il fallut que Jace l'appelle plusieurs fois avant qu'il ne se décide à leur raconter ce qu'il s'était passé le matin même. Les autres écoutèrent dans un silence presque religieux, les lèvres pincées et les mines inquiètes, jusqu'à ce que Magnus, qui avait pris le relais en cours de récit, ne conclut enfin.

- C'est pour ça qu'on a décidé de venir. Raphaël a vu comment ça s'est passé, il a vu Rafe se poignarder, comme ce qu'avait conclu Catarina...Mais....

- Mais quoi ? interrogea Clary en secouant la tête sans comprendre.

- Mais j'ai ressenti ce que Rafe à ressentit pendant ma vision, répondit Raphaël à sa place. Il avait peur, et surtout il ne voulait pas mourir. Il voulait rentrer chez lui, je l'ai senti.

- Le corps de Rafe nous est revenu par Portail, reprit Alec en déglutissant difficilement. Il était heureux avec Max, ils ne s'étaient pas disputés avant, les jumeaux seront là dans quelques mois, je ne vois pas pour quelle raison il aurait eu envie de mourir maintenant...

- On l'a forcé à se tuer, comprit Isabelle en sentant des larmes de colère envahir ses yeux noirs. Quelqu'un lui a demandé de se tuer, sans doute pour une contrepartie...peut-être du chantage pour protéger Max ? Ou n'importe lequel d'entre nous, réfléchit-elle encore. Rafe aurait donné sa vie pour nous tous, c'est peut-être même ce qu'il a fait. La question reste à savoir qui lui a fait faire ça...

Les uns et les autres baissèrent les yeux en accusant le coup, Magnus et Alec se tenant la main pour se soutenir mutuellement. D'aucun ne savait quel était le plus fort, entre le soulagement de savoir que, non, Rafael n'avait pas voulut mettre fin à ses jours, et l'horreur d'apprendre que quelqu'un, quelque part, avait forcé leur fils à se tuer ainsi. Puis Jace trouva le courage de briser le silence à nouveau, et chacun donna aux autres les derniers souvenirs qu'ils avaient de la dernière fois où ils avaient vu Rafael en vie. Ils ne surent combien de temps ils restèrent là à discuter. Une demie heure, trois quart d'heure, une heure. Quoi qu'il en soit, au bout d'un certain temps, l'air ambiant se glaça peu à peu, et les murs et le sol grondèrent dangereusement, comme si un volcan venait de se réveiller dans les entrailles de la terre.

- Rassurez moi, il n'y a pas de séismes à New York ? interrogea Madzie en serrant la main de Zaya dans la sienne.

- Non, et ça ce n'est pas normal...., souffla Magnus en sentant sa magie crépiter dans sa main. Je ne sais pas ce que c'est, mais je...

Le sorcier fut interrompu lorsque, tous ensembles, les tasses, bols et assiettes présents sur la table explosèrent tous en même temps. Madzie, Alec et lui eurent à peine le temps de lever un bouclier de défense grâce à leur magie que des dizaines d'objets volèrent en travers de la pièce pour s'écraser et se briser contre les murs. Clary laissa échapper un cri lorsque l'épée décorative accrochée au mur passa à quelques centimètres de son visage et Simon fut envoyé baladé sur plusieurs mètres par un fauteuil et heureusement rattrapé par Raphaël qui avait senti le coup venir. Ne comprenant pas ce qu'il était en train de se passer, ils eurent leur réponse lorsque, dans l'embrasure de la porte, ils aperçurent Rafael, les yeux fous de rages et les poings serrés.

- On se croirait dans Poltergeist ! S'écria Simon en baissant la tête lorsqu'un vase passa juste au-dessus de sa tête.

- Ce n'est pas un fantôme, expliqua Magnus en se baissant à son tour. Rafael a réussi à projeter son âme mais il est furieux et je ne sais pas pourquoi, je ne suis même pas sûr qu'il nous entende !

- Rafael, s'il te plait Pequeno ! Implora presque Alec en tenant de l'approcher.

Percevant son mouvement dans sa direction, l'Argentin serra le poing plus fort sous la colère et le noiraud se retrouva projeté à l'autre extrémité de la pièce alors qu'il percutait le mur dans un craquement sourd.

- Alexander !! Hurla Magnus en courant vers lui pour le soigner.

- Je...Je vais bien..., souffla le Nephilim en se relevant, sa magie déjà à l'œuvre pour soigner ses blessures qu'il ne sentait déjà plus. Il faut aider Rafe, il n'est pas lui-même....

- Non, il n'a pas conscience de ce qu'il fait, confirma Magnus avec inquiétude. Il a beau être vivant, lorsqu'il projette son âme il adopte inconsciemment le même comportement qu'un fantôme et là il est très énervé. Je ne pense pas qu'il nous ferait du mal, en tous cas pas volontairement, mais il vaut mieux trouver comment le calmer au plus vite...

A peine venait-il de finir sa phrase que le sol trembla plus fort, manquant de leur faire perdre leur équilibre fragile. Semblant de plus en plus énervé, Rafael écumait de rage à peine contenue. Une table basse qui se trouvait dans un coin de l'immense salle à manger se mit à léviter par la force de son esprit, menaçant de tous les envoyer balader aux quatres coins de l'Institut. Jace vit avec inquiétude le meuble se diriger près des gens qu'il aimait le plus et il réagit de la seule manière qu'il pensait être capable de calmer, au moins temporairement, son filleul.

- Rafael Santiago Lightowood-Bane ! Cria t-il par dessus le brouhaha ambiant.

Le regard de son cadet se porta sur lui et la fureur dans ses yeux se dissipa presque instantanément pour laisser place à une peur panique lorsqu'il découvrit que son parrain avait levé son poignard pour le positionner au-dessus de son cœur, prêt à traverser sa peau pour se l'enfoncer dans la poitrine.

- Jace, non ! Paniqua Alec en voyant le comportement suicidaire de son parabatai.

- Rafael, il faut que tu te calmes, continua le blond en tâchant de ne pas prêter attention à son frère de cœur qui semblait sur le point de s'écrouler d'inquiétude pour lui. Je sais que tu es énervé, et c'est normal d'être énervé parfois, mais si tu ne nous dit rien on ne pourra pas t'aider. S'il te plait, dis moi ce qu'il se passe...

- ILS LES ABANDONNÉS !! Hurla le jeune homme aux yeux chocolats, faisant trembler les murs et gémir d'inquiétude Madzie et Zaya, recroquevillées toutes deux dans les bras d'Isabelle qui s'était précipitée sur elles pour les protéger.

- Qui ? Qui a abandonné qui, Rafe ?

Un regard rancunier en direction de Magnus et Alec leur répondit et l'Indonésien déglutit difficilement. Visiblement ils avaient fait quelque chose qui ne plaisait pas à leur fils aîné, mais quoi ?

- Ok, tu es énervé contre tes parents, tempéra Jace en gardant sa lame contre son cœur. Mais leur taper dessus ne va pas arranger la situation alors je te propose un marché, d'accord ? Tu vas poser la table, gentiment, tout doucement, et moi je vais poser mon poignard et l'éloigner de moi d'accord ? Je ne me ferais pas de mal si tu promets que tu ne nous en feras pas avec la table, d'accord ? S'il te plait, Rafe...

Sans un mot, le Chasseur d'Ombre aux longs cheveux bruns le toisa, jaugeant de ses réactions puis, dans le calme le plus total, la table reprit sa place et le tremblement des murs et du sol se calma jusqu'à s'arrêter complètement. Chacun soupira de soulagement et sortirent de leur cachette improvisée. Ils avaient beau être des Chasseurs d'Ombres, ils n'en restaient pas moins des êtres humains qui ne pouvaient pas faire grand-chose contre un esprit. Heureusement, Jace leur avait sauvé la mise, une fois de plus. Le blond, par ailleurs, s'approcha de son filleul mais garda une certaine distance afin de ne pas le brusquer. Bien qu'il ne s'agisse que d'une projection, Rafael semblait épuisé et à bout de souffle. Il lança par ailleurs un regard méfiant en direction de son parrain et Jace cessa d'avancer.

- Vous les avez abandonnés, répéta l'apparition en direction des époux Lightwood-Bane, cette fois.

- Max..., comprit Magnus en pâlissant, les yeux emplis de larmes. La séance d'aide à l'accouchement que Cat' a organisée c'est aujourd'hui ! Pardon, pardon Pequeno ! S'écria-t-il en s'excusant platement, imité aussitôt par Alec.

Sous le regard froid de leur fils aîné, les deux époux prirent un Portail en direction de l'hôpital pour rejoindre Max qui devait s'inquiéter de ne pas les voir arriver. Dès qu'ils furent partis, l'apparition de Rafael commença à disparaître, sans doute épuisé d'être resté si longtemps, et Jace sentit son cœur se serrer.

- Rafe...Tu manques tellement mon grand...

- Tu me manques aussi papa, souffla naturellement son cadet en souriant enfin avant de disparaître, laissant son parrain en larmes mais comblé, jusqu'à ce qu'il le retrouve pour de vrai, enfin. 

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