Chapitre 5 : Pères et fils
- Max ? Max mon coeur...Réveille toi trésor...
Le jeune sorcier grommela dans son sommeil, tiré de ses songes par cette voix
qui l'appelait et cette main, tiède et délicate sur son bras qui le secouait avec douceur mais fermeté pour le ramener à la réalité. Il n'avait pas envie de se réveiller, il n'avait pas envie d'ouvrir les yeux et de retourner dans un monde où son amant était toujours inconscient, dans un monde où le père de ses bébés était toujours piégé entre la vie et la mort. Des réminiscences de son rêve refirent surface dans son esprit embrumé par sa nuit. Rafael. Il avait vu Rafael en rêve, il s'était trouvé dans son esprit, dans ses souvenirs, dans son cœur et dans les tréfonds de son âme. Max savait ce que ça signifiait, il le sentait au plus profond de lui. Ils étaient toujours liés. Après tout, leurs runes de mariage et parabatai étaient toujours présentes, bien qu'elles soient froides désormais, donc ils étaient toujours liés, quoi qu'il puisse arriver. Il y avait également les paroles de Rafael qui lui tournaient en boucle, encore et encore. Il ne voulait pas mourir. L'Argentin voulait vivre, il voulait rentrer à la maison. S'était-il vraiment suicidé ? Avait-il vraiment voulu mettre fin à ses jours ? Rien n'était plus sûr désormais et Max se promit de trouver la réponse à ce mystère mais pour ça il fallait qu'il se réveille et suive la voix qui l'appelait encore et toujours d'une voix douce. Baillant fortement, ses yeux papillonnant lentement, Max s'étira en faisant craquer ses articulations et le futur père posa instinctivement une main sur son ventre arrondis de quatre mois maintenant, presque cinq même, qui abritait ses bébés. Regardant autour de lui pour connaître l'identité de la personne qui avait souhaité le réveiller, le plus jeune des fils Lightwood-Bane réalisa que son père se tenait à ses côtés, sa main caressant tendrement ses cheveux ébouriffés et ses nouvelles ailes l'enveloppant de douceur et de tendresse. Le sorcier ne put empêcher un sourire de fleurir sur son visage en sentant tout l'amour de son père pour lui, pour leurs futurs petits, et pour Rafael. Rafael ! Tournant la tête vivement, Max fut déçu de constater que son cher et tendre était toujours allongé dans son lit, immobile et inconscient, ses cheveux ayant désormais tournés au blanc lui donnant un air maladif. Lorsqu'il baissa les yeux, Alec resserra son étreinte sur lui.
- Mon coeur ? Qu'est-ce qu'il se passe trésor ?
- J'ai rêvé de Rafe...,avoua le plus jeune dans un sanglot contenu. On était au Lac Lyn...Il me disait qu'il voulait rentrer mais qu'il ne savait pas comment...Dad, je crois qu'il n'a pas voulu se suicider, lui confia-t-il en levant ses yeux larmoyant sur le visage avenant de son père. Il m'a dit qu'il voulait vivre, il ne nous aurait pas abandonné...
- Je sais, mon coeur, lui chuchota Alec. Je ne vois pas non plus Rafael vouloir se...Je ne pense pas qu'il aurait fait ça...
- Tu crois que c'était vrai, ce rêve ? S'enquit l'immortel avec espoir. Tu crois qu'il a vraiment cherché à me parler ?
- Je l'espère de tout coeur...
Face à la mine attristée de son père, Max sortit de son lit et se blottit dans ses bras pour une étreinte bien méritée. Alec enveloppa le corps de son enfant de ses ailes blanches aux reflets dorés et laissa sa magie les englober d'une bulle de protection, partageant sa tendresse et son amour, ses espoirs et ses craintes. Max avait toujours été plus proche de son Ayah que de son Dad, bien qu'il ait les mêmes traits de personnalité que le noiraud. Pourtant, depuis la disparition de Rafael, père et fils s'étaient rapprochés dans leur douleur pour faire face ensemble et se soutenir. Maintenant, il ne restait plus qu'à trouver un moyen d'aider Magnus à se relever à son tour, bien que la tâche fut plus ardue qu'il n'y paraissait au premier abord. Le jeune homme s'habilla rapidement en claquant des doigts pour ne pas perdre de temps, enfilant un jean clair et un sweat pour se maintenir au chaud, et, avant de quitter la chambre, embrassa tendrement les lèvres gelées de son compagnon. Alec sentit son coeur se fendre à cette vue aussi belle que triste. Il avait l'impression de se regarder dans un miroir, se revoyant prendre soin de son époux lorsque ce dernier était dans le coma. Max se redressa et prit la main de son Dad, tous deux partant à la cuisine pour prendre un petit déjeuner. C'était la première fois que le jeune homme quittait la chambre de son mari depuis qu'ils l'avaient retrouvé dans le hall de l'Institut de New York. Alec ne formula pas sa pensée à voix haute, de peur que son fils ne fasse machine arrière, mais Max serra plus fermement sa main, comme s'il en était arrivé au même constat. Tout se passerait bien. C'était un premier pas en avant, un premier pas vers l'espoir, et vers une solution prochaine.
- Alors, qu'est-ce que tu aimerais déjeuner mon coeur ?
- J'aimerais beaucoup que tu nous fasses tes gaufres, assura le plus jeune. Avec du chocolat et des...Rafe...? S'enquit-il en se figeant à l'entrée de la salle à manger adjacente à la cuisine.
Alec fronça les sourcils sans comprendre et, suivant le regard de son fils, sentit son cœur tomber à ses pieds et des larmes rouler sur ses joues sans qu'il n'ait le temps de faire quoi que ce soit pour les retenir. Rafael, leur Rafael, son fils, son bébé était là, assis à la table de la salle à manger, face à Magnus et discutant à voix basse avec lui. Père et fils relevèrent la tête à l'arrivée des deux autres et toute couleur quitta le visage de l'Indonésien qui sentit ses propres larmes revenir en force, sa gorge se nouant de chagrin. Rafael, quant à lui, portait la même tenue que la veille, lorsque le Grand Sorcier de Brooklyn l'avait ramené d'entre les morts. Son visage se froissa d'incompréhension et il chercha de l'aide dans le regard doré du plus vieux qui baissa les yeux tristement, honteusement, presque. Max s'approcha de lui à pas lents, n'en croyant pas ses yeux, mais il se stoppa à l'autre bout de la table et passa un bras autour de son ventre pour protéger ses petits, son regard témoignant de sa confusion et de sa méfiance.
- Tu n'es pas Rafael..., affirma-t-il en se reculant vers son Dad.
- Bien vu, chico, sourit ironiquement "Rafael". Il est intelligent le petit, rit-il en regardant l'asiatique. On va voir si ton Nephilim arrive à résoudre mon grand mystère.
- Magnus, qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda Alec d'une voix ferme en croisant les bras sur sa poitrine. On était avec Rafe il y a moins d'une minute, alors qui est-ce ?
- Du calme, Lightwood, laisse lui le temps de remettre ses idées en place. Assis toi, ça vaudrait mieux, se moqua-t-il en se vautrant presque sur sa chaise. Je t'en prie prend un café, puis sert moi en un tant que tu y es, j'en ai complètement oublié le goût depuis le temps !
- Sayang...Ce n'est pas notre Rafael...Hier mon père est passé, pour me déposer un grimoire ancien, le Grimoire d'Isil, commença-t-il son récit. Il m'a dit qu'il pourrait contenir de quoi aider Rafe et...J'ai trouvé un sort, que j'ai utilisé...J'ai du me lier à ma magie pour ça mais...Ce n'est pas Rafe que j'ai ramené...Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais c'est Raphaël Santiago que j'ai ramené...
- Holà chico ! S'amusa ironiquement l'ancien vampire en faisant signe de la main vers le sorcier-Nephilim.
Max pâlit subitement à l'entente de la nouvelle, se laissant tomber sur la chaise la plus proche, sa peau brillante et bleue claire virant brusquement au gris délavé et pâle, ses yeux dans le vague, un froid grandissant l'envahissant. Son Ayah avait ramené quelqu'un d'autre. Il avait réussi à ramener Raphaël Santiago mais n'avait pas su sauver Rafe. Le jeune sorcier n'en voulait pas à son père, il pouvait sentir les émotions de Magnus et affirmer sans se tromper que le Grand Sorcier de Brooklyn s'en voulait suffisamment pour qu'on ne lui en rajoute pas sur la conscience. Malgré tout, il ne supportait pas l'idée que quelqu'un d'autre puisse prendre l'apparence de celui à qui il avait, littéralement, offert son cœur et son amour. Pour Alec, en revanche, la nouvelle sembla lui faire l'effet d'un électrochoc et une colère rare au Nephilim envahit tout son être, bouillant dans ses veines comme de la lave en fusion. Il serra les poings à s'en faire blanchir les phalanges et fusilla son amant du regard, sa voix aussi glaciale et aussi tranchante que le plus aiguisé des poignards séraphiques.
- J'espère que c'est une plaisanterie ? Gronda-t-il d'un ton cinglant. Tu te fous de moi, Magnus, pas vrai ? Ne me dis pas que tu as ramené Raphaël ?!
- C'était un accident, Sayang, je te le jure, plaida l'immortel d'une voix de petit garçon avant de se faire couper par son époux.
- Un accident ?! Tu veux me faire croire que tu as mis en péril ta vie, ta magie, pour un accident ?! Mais qu'est-ce qu'il t'a pris, par l'Ange ?! Tu penses que c'est un jeu Magnus ? Tu as pensé à nous ? A Max ? Qu'est-ce que tu crois que ça nous fait de voir un ancien foutu chef vampire dans le corps de notre fils aîné ?! Comment tu croyais que j'allais réagir ?!
- A ma décharge, l'ancien foutu chef vampire à quand même sacrifié sa vie pour celle de ton petit mari, Lightwood, se permit de rétorquer Raphaël. Et je n'ai pas choisi ce corps, au passage. Je n'aime même pas les longs cheveux..., se plaignit-il en avisant sa longue queue de cheval qui pendait sur son épaule.
- Toi tu la ferme ! Rétorqua le noiraud en criant toute la colère et le chagrin accumulés sur la dernière semaine écoulée. On t'a rien demandé alors tu la boucle. Quant à toi..., souffla-t-il en reportant son regard sur son époux,...On aura une discussion tous les deux, crois moi je ne vais certainement pas te pardonner pour avoir privilégié un inconnu à notre fils ! Tu as dit que c'était Ragnor qui t'avais donné ce foutu Grimoire ? Alors on va aller le voir à l'Institut et tu vas aller régler toute cette affaire sur le champ et nous ramener notre enfant, est-ce que c'est clair ?!
Magnus hocha pitoyablement la tête, essayant de pleurer en silence, les sanglots secouant ses épaules amaigries. Rarement Alec avait été aussi énervé contre lui et, si habituellement l'asiatique savait parfaitement comment répliquer lors d'une dispute, là, il s'était contenté de se ratatiner sur sa chaise au fur et à mesure que son amant déversait son venin sur lui. Alec avait toutes les raisons de lui en vouloir, Magnus le comprenait parfaitement, aussi, il préférait se taire et encaisser. La vérité était douloureuse à entendre mais il ne pouvait pas se le cacher. Raphaël Santiago était revenu par sa faute, il était seul responsable, et c'était à lui de réparer son tort. Secouant la tête, le noiraud quitta la pièce de vie pour retourner se préparer convenablement dans leur chambre et Max, lui, retourna quelques instants auprès de son homme, éprouvant le besoin d'être au plus prêt de lui. Raphaël, de son côté, sentit son cœur se pincer légèrement à la vue de cet homme brisé, autrefois pourtant si fort, qui l'avait aidé dans les pires moments. Magnus avait été son mentor, son protecteur, son confident, son ami, son enseignant, et plus encore son père de cœur. Il ne l'avouerait jamais réellement à voix haute, sans doute, mais le Grand Sorcier de Brooklyn avait fait partie intégrante de sa vie et, même si les circonstances n'étaient pas des plus réjouissantes, il était tout de même reconnaissant de pouvoir passer un peu de temps supplémentaire avec lui.
- Papá...hey...Hey, c'est pas grave d'accord ? Tu l'as dit, c'était un accident ! Aller quoi, où est le Magnus Bane que je connaissais, celui qui se fichait de tout et n'avait peur de rien ?
Magnus secoua la tête tristement, essuyant ses larmes et ravalant ses sanglots. Il n'était plus cet homme, il ne l'était plus depuis bien longtemps déjà. Son sentiment de culpabilité, de honte et d'échec le reprit au cœur et lui donna la nausée. Pourquoi n'était-il pas capable, pour une fois, de faire quelque chose de bien dans sa vie ? Tremblant de tous ses membres, l'Indonésien se leva finalement et attendit dans un coin de la pièce que son mari et son fils cadet reviennent afin d'ouvrir un Portail pour se rendre à l'Institut. Alec sortit de la chambre quelques minutes plus tard sans lui accorder un regard et il allait chercher Max, revenant avec lui en lui tenant la main et fusillant Magnus et Raphaël de ses yeux cobalt. La journée allait être des plus longues et des plus mouvementées, pensa l'ancien vampire en levant les yeux au ciel pour rejoindre leur petit groupe. Lorsqu'ils furent tous réunis, Magnus fit un timide mouvement de poignet et murmura quelque parole à voix basse, leur ouvrant ainsi un Portail et tâchant de se faire oublier de son mari et de son fils. Lorsqu'il vit l'asiatique se reculer pour pouvoir passer en dernier par le passage lumineux, privilégiant sa famille, Raphaël sentit une colère sourde monter en lui. Il avait été absent pendant vingt ans, et voilà que son père de cœur se retrouvait plus malheureux que jamais. Il se trompait peut-être, mais l'ancien vampire sentait que ce n'était pas la première dispute de ce genre qui éclatait entre les époux Lightwood-Bane. Mais il mènerait son enquête plus tard, pour l'heure, il devait se rendre avec eux à l'Institut pour expliquer à leurs proches de quoi il en retournait et ce qui pouvait être fait pour réparer la situation provoquée par Magnus. Le Portail déboucha donc sur la bibliothèque, où les membres de leur famille se réunissaient souvent lorsqu'ils étaient tous ensemble, la pièce étant assez grande pour tous les accueillir sans qu'ils ne se sentent étouffer. A l'entente de leur arrivée, tous relevèrent la tête et se figèrent instantanément lorsque leur regard se posa sur l'aîné des Lightwood-Bane, qu'ils ne soupçonnaient pas être en réalité l'ancien chef vampire du clan de New York.
- Oh par l'Ange...Rafe ! s'écria Jace en se levant précipitamment pour le rejoindre.
Le Chasseur d'Ombre aux cheveux blonds courru pratiquement jusqu'à son filleul pour le serrer dans ses bras, des larmes de bonheur dévalant ses joues. Le dernier Herondale faisait peine à voir, avec son visage à la peau mate et dorée par le soleil aujourd'hui si pâle qu'il en paraissait malade ou mort, ses yeux à l'éclat terne et délavé, et le regard constamment brisé qu'il arborait depuis la disparition de Rafael. Et pourtant, en cet instant, il n'avait paru aussi vivant, ce qui acheva de briser le cœur de son parabatai et d'accentuer sa colère à l'encontre de son époux. Le Nephilim serra finalement son cadet contre lui, murmurant et sanglotant à quel point il était heureux de le savoir de retour parmi eux, à quel point il leur avait manqué à tous et que plus jamais il ne le laisserait partir. Raphaël leva les yeux au ciel et se racla la gorge avant de déclarer d'une voix froide :
- Tu me lâches immédiatement, Herondale, où je jure que je transforme ce qui te sert de bijoux de famille en hachis, tu m'as compris ?
- Que...Rafe ? Implora presque le plus vieux en s'écartant de lui comme s'il venait de se brûler au troisième degré, le coeur en lambeau chutant lourdement à ses pieds.
- Ce n'est pas Rafe, gromela Alec avec un regard noir à l'encontre de son époux qui semblait se ratatiner sur place et essayant de se confondre avec les murs. Magnus a voulu jouer avec la magie et ce qu'il ne comprenait pas et au lieu de ramener Rafe il a réussi à ramener Raphaël Santiago. Le vrai Rafe est encore inconscient à la maison...
Chacun écarquilla les yeux et leur bouche formèrent un O de surprise. Le premier concerné leva les yeux au ciel en soupirant, non pas qu'il n'était pas heureux d'être le centre de l'attention, mais il n'aimait pas la tournure des événements ni comment cette bande de Nephilim le regardait comme s'il venait d'une autre planète ou que des tentacules lui étaient poussés dans le dos. L'ancien vampire n'aimait pas non plus le regard apparent de reproche dans les yeux de certains. Visiblement, il n'était pas le seul à prendre son père de cœur en compassion puisque Ragnor, lui aussi, observait son enfant avec cette envie irrépressible de lui faire un câlin pour le consoler et lui assurer que tout irait bien. Il savait que les disputes entre Alec étaient rares mais que, lorsqu'elles survenaient, elles étaient souvent violentes, du fait de leurs deux caractères de feu. Cependant, ce n'était le problème actuellement. Actuellement, le problème venait de Simon qui, à l'entente du nom de l'ancien vampire, s'était agenouillé, une main sur son genou et la tête baissée en signe de soumission. Isabelle, son épouse, et même Clary, sa parabatai, l'observaient comme s'il venait de faire un triple salto arrière.
- Chéri, qu'est-ce que tu essaie de faire exactement ? Demanda son épouse en haussant un sourcil de surprise et d'interrogation.
- Je...Je n'en sais rien, admit l'ancien terrestre d'une voix presque timide en fronçant lui-même les sourcils. Je...Je ne peux même pas me redresser ! Paniqua-t-il presque.
- Son sang et son esprit me reconnaissent et me sont toujours soumis, expliqua Raphaël d'un ton las. C'est moi qui l'ai transformé en vampire, continua-t-il en s'approchant du brun. Et te voilà devenu Chasseur d'Ombre, fit-il mine de cracher avec dédain mais Simon, lui, pouvait sentir une sorte de fierté dans la voix de son ancien créateur. Aller, relève toi, tu ne vas pas rester par terre toute la journée à lecher le sol.
Comme un automate guidé par des fils invisibles, Simon se redressa et retrouva l'entier usage de chacun de ses membres. Isabelle l'enlaça tendrement, plantant un baiser à la commissure de ses lèvres et tenant Raphaël éloigné par un simple regard. L'ancien vampire leva les yeux au ciel et croisa les bras sur sa poitrine. Pendant que tout le monde regardait ailleurs, ne se souciant plus de lui, et qu'Alec donnait les derniers détails de ce qu'il s'était passé le matin même, Magnus prit l'option de quitter la pièce en silence. Ses yeux de chats dorés à la pupille fendue débordaient de larmes qui ne cessaient jamais de couler, ses poumons étaient comprimés des sanglots qu'il retenait continuellement, ses membres tremblant violemment de chagrin et d'épuisement. Le sorcier ne dormait déjà pas beaucoup, mais ça faisait maintenant près de soixante-douze heures qu'il n'avait plus fermé l'œil et il se sentait à bout, épuisé, dépassé. Pleurant encore et toujours plus, l'Indonésien sortit du bâtiment et se dirigea vers le jardin arrière, là où se trouvait avant la stèle qu'il avait fait ériger à la mémoire de son époux qu'il croyait décédé. Se recroquevillant contre le mur, les jambes ramenées contre son torse, l'asiatique laissa exploser ses émotions et il pleura à en perdre haleine, la tête brumeuse et les oreilles bourdonnantes. Il pleura tout ce qu'il avait à pleurer et, puisqu'il ne pouvait plus compter sur personne, pas même son propre mari, alors il resterait là jusqu'à ce que le monde-même ait oublié son existence. Peut-être que ce serait mieux ainsi, peut-être au moins ne ferait-il plus de mal à ses proches. Alors que ses pensées sombres s'embrouillaient les une avec les autres, Magnus sentit un bras passé autour de ses épaules et une vague de chaleur apaisante l'envahir. Il ne lui fallut que quelques secondes à peine pour reconnaître la magie et l'odeur de son père qui venait de le rejoindre, sentant sa détresse. Magnus se nicha contre lui alors que Ragnor le berçait contre son cœur en lambeau. L'ancien Grand Sorcier de Londres détestait voir son fils aussi brisé qu'il l'était à l'heure actuelle. Certes, Magnus avait toujours été solide, mais là, il était en train de craquer dangereusement et, si personne ne faisait rien pour lui venir en aide, il ne donnait pas cher de sa peau.
- Je voulais pas...Papa je voulais pas..., pleura le plus jeune des deux, son visage plongé dans le cou de son aîné. J'avais suivi la formule...Je voulais vraiment faire quelque chose de bien...Pourquoi je rate toujours tout....? Sanglota-t-il douloureusement.
- Oh Magnus...Bien sûr que tu ne rate pas toujours tout...Magnus, ce n'est pas ta faute, ta magie a essayer de suivre ce que tu lui demandait, c'est tout...Tu ne rate pas tout, Annaku..., loin de là...
- Mais c'est vrai..., pleura le sorcier plus encore. Depuis qu'on a Max je rate tout...J'ai causé une amnésie à Alexander, je l'ai perdu, je n'ai même pas été capable d'élever les enfants seul pendant son absence...Et quand il est revenu ? J'ai tout gâché en le détestant, j'ai laissé Max être kidnappé par Asmodée, j'ai été possédé, j'ai fait du mal à ma famille, j'ai oublié l'homme que j'aimais...Et regarde moi aujourd'hui, je ne suis même pas capable de sauver mon fils...., explosa-t-il en de violents sanglots.
Ragnor sentit ses propres larmes menacer de couler de ses yeux noisettes à la tristesse inouïe. Il aurait tellement voulu aider son enfant, faire quelque chose pour qu'il n'ait pas l'impression de ne rien valoir. Mais rien de ce qu'il aurait pu dire n'aurait fait changer d'avis l'Indonésien. Il n'y avait qu'une seule personne capable de lui dire qu'il était quelqu'un de bien, et cette même personne ne semblait pas avoir l'intention de lui pardonner facilement ce qu'il s'était produit. En parlant du loup, le sorcier à la peau verte aperçut le noiraud qui les observait tous deux depuis l'entrée du jardin, la mine peinée. Le plus vieux fit un signe de tête à son fils et embrassa le front de Magnus en lui soufflant qu'il le laissait avec Alec. L'asiatique se recroquevilla d'autant plus et le Nephilim aux yeux cobalt se sentit d'autant plus triste de voir que, par sa propre faute, son époux craignait de rester avec lui. Il remercia Ragnor en soufflant un "merci papa", qui n'échappa guère à Magnus, le brisant un peu plus et l'enfonçant dans sa peine. Alec s'agenouilla à ses côtés, voulant le prendre dans ses bras mais n'osant pas, craignant que Magnus ne refuse son contact.
- ...Papa...? Répéta Magnus avec un sanglot étranglé.
- Ma magie s'est nouée à la sienne...J'ai pensé que tu serais d'accord, souffla le noiraud avec une excuse sous-entendue.
- Tu as bien fait, renifla Magnus. C'est un bien meilleur père que je le serais jamais...
- Tu es un excellent père, Magnus, et moi je suis le pire des maris, soupira le plus jeune en baissant les yeux. J'ai entendu ce que tu as dit, et je te dois des excuses...Je te dois même beaucoup d'excuse pour tout ce que je t'ai fais, et surtout pour ce que je t'ai dit ce matin...J'était aveuglé par mon chagrin et je n'ai pas su voir que tu souffrais aussi...Je t'ai demandé d'être fort pour Max, d'être fort pour moi, je voulais que tu trouve une solution pour Rafael tout en t'occupant de nous et moi je t'ai négligé, je ne me suis pas occupé de toi...Mon chat, je suis vraiment désolé...Je suis désolé parce que tu n'as pas perdu que Rafe...
Magnus renifla, étouffant un sanglot qu'il ne voulait pas laisser échapper devant son cher et tendre, refusant de se montrer plus faible qu'il ne l'était déjà. Mais c'était mal connaître Alec que de croire qu'il allait laisser l'homme de sa vie souffrir sans raison, sans qu'il ne lève le petit doigts pour faire revenir un sourire sur ces lèvres qu'il aimait tant embrasser.
- Je n'étais pas là, quand ça s'est produit, mais je sais ce qu'il s'est passé...Sébastien devait te tuer, et c'est Raphaël qui s'est sacrifié pour t'épargner...Tu avais déjà perdu un fils, ce soir là...C'était la guerre, il fallait qu'on combatte Sébastien, et je n'ai pas prit le temps de te soutenir à l'époque. Tu as fait ton deuil seul, en silence, et moi je n'étais pas là. Et aujourd'hui encore je t'ai laissé seul pour faire face à la situation alors que tu souffrais sans doute même plus que moi parce que tu avais déjà vécu ça auparavant...J'aurais du être là pour toi, et j'ai été un mari horrible...Je veux être là pour toi maintenant, mon chat, maintenant et pour toujours. Tu n'as pas ramené Rafe, mais tu as ramené l'un de tes fils, pas parce que tu l'aimais plus, mais parce que tu n'as pas su choisir entre les deux, et ta magie a choisi pour toi. Je ne t'en veux pas mon amour, je suis désolé de t'avoir crié dessus ce matin...
Magnus leva ses yeux larmoyant vers son époux et hocha la tête en prenant sa main dans la sienne, entrelaçant timidement leurs doigts. Le Grand Sorcier de Brooklyn chuchota un Aku Cinta Kamu du bout des lèvres et Alec colla leurs front avec tendresse avant de reprendre.
- On trouvera une solution ensemble, d'accord ? Et à défaut de te le promettre, je vais tout faire pour que tu puisses garder Raphaël tout en ramenant Rafe parmis nous. Je te promets d'essayer, pour toi mon chat. Mais en échange, fais- moi une promesse...
- Laquelle ? S'enquit faiblement le sorcier.
- Ne me laisse plus jamais te traiter comme ça, souffla le noiraud avec tristesse. Ne me laisse plus jamais te manquer de respect comme je l'ai fait. Après tout, j'ai épousé Magnus Fucking Lightwood-Bane, non ?
A ces mots, Magnus éclata d'un rire franc comme il n'en avait pas eu depuis longtemps, et Alec pensa que c'était le plus beau son qu'il eût jamais entendu de toute sa vie.
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