Chapitre 4 : Le retour du fils prodigue


Max ne savait pas où il se trouvait. Enfin, si, il le savait, mais les lieux n'avaient rien à voir à ce qu'ils étaient dans son souvenir. Le sorcier à la peau bleue regarda autour de lui avec un intérêt certain, ses grands yeux électriques et curieux admirant le paysage qui l'entourait. Il se trouvait au bord du lac Lyn, dans la plaine qui longeait la forêt de Brocelinde, son endroit préféré au monde. Ce lieu signifiait énormément pour le futur père. C'était ici que Rafael lui avait demandé sa main, ici qu'ils s'étaient mariés en compagnie de leur famille et de leurs amis, ici que leurs bébés à naître, leurs deux petits miracles avaient été conçus dans l'amour et la sincérité, la passion et la douceur, leurs âmes se nouant pour ne plus former que la plus belle des magies qui soit. Posant inconsciemment une main sur son ventre légèrement tendu, Max inspira l'air emprunt de magie, se sentant ressourcé et serein. Le ciel étaient peint d'une magnifique couleur pastelle alors que le soleil se couchait, se refletant sur la surface du lac comme une porte ouverte sur un monde de merveille, comme Alice tombant dans le terrier du lapin blanc. La nature était calme, paisible, sans que rien ne vienne la déranger, et un air de flûte similaire à celui joué le jour de leur cérémonie de mariage résonna dans le silence. Oui, tout était comme dans son souvenir. Tout, mis à part la tour Eiffel qui se trouvait en plein milieu de la pleine. Max pouvait même voir, au loin, une plage, la plage de Buenos Aires, en Argentine, là où ils avaient passé leurs vacances il y avait un peu plus d'un an de ça. Comment tous ces lieux pouvaient être réunis ici, au bord du lac Lyn, a moins...A moins qu'il ne s'agisse d'un rêve, réalisa Max avec déception. L'immortel aux cornes blanches immaculées inspira et souffla avec lenteur. Avec son empathie, il avait remarqué que ses rêves paraissaient souvent réels et qu'il avait le pouvoir d'y intervenir de son propre chef sans se laisser dicter sa conduite par son cerveau. Des rêves lucides, voilà comment les avaient appelés son Ayah et son parrain lorsqu'il leur en avait parlé. Ce devait sans doute être un rêve de plus, résonna-t-il en avançant vers la plaine.

Le plus jeune des fils Lightwood-Bane se dirigea tout d'abord aux pieds de la tour Eiffel, majestueuse et splendide dans cette nature féerique et éternelle. Arrivé à sa hauteur, Max posa une main sur sa structure en fer et fut étonné de tout ce qu'il ressentit. Des souvenirs. Mais pas n'importe quels souvenirs. Il ressentait le désir qu'il avait ressenti dans cette boîte de nuit, à Paris. Il ressentit la tendresse face à la demande en mariage de ses pères, la joie à la fête foraine où il avait gagné ses peluches avec l'aide de Rafael. Retirant sa main, les sourcils froncés sous la stupeur, le jeune homme de dix-huit ans à peine sentit l'air marin venir caresser son visage et chatouiller ses cheveux, apportant avec lui une vague de chaleur et de réconfort, le faisant se sentir à la maison. Mais l'Argentine n'était pas sa maison, c'était celle de Rafael. Pourquoi ressentait-il alors toutes ces émotions qui n'étaient, en réalité, même pas les siennes ? Secouant la tête, il sentit un frisson le parcourir et c'est alors que ses bébés donnèrent un coup agité dans son ventre. Caressant tendrement la surface de sa peau, le sorcier vit la magie de ses bébés se manifester, le lapereau et le loutron venant frotter leur museau contre ses joues alors qu'il les cajolait avec tendresse. Max se sentit tellement heureux d'avoir pu renouer avec ses bébés, lui qui avait failli les perdre. Heureusement que sa marraine Tessa était intervenue, auquel cas il s'en serait voulu à tout jamais d'abandonner ses bébés pour qui il ressentait déjà un amour infaillible. Alors qu'il jouait avec eux et les calinait tendrement, le futur père vit ses deux miracles s'enfuir en sautillant presque joyeusement vers une silhouette qu'il n'avait pas encore vu jusqu'alors. Il s'agissait d'une silhouette fine et longiligne, qui aurait pu tout aussi bien appartenir à un homme qu'à une femme. Un jean sombre et serrant remonté au hauteur du genoux, une chemise d'un magnifique rouge fraise, de longs cheveux bruns et méchés de fuchsia qui tombaient en cascade sur ses épaules, une peau brune claire et une assurance et une confiance perceptible même de dos. Max ne pouvait pas faire d'erreur, le reconnaissant au premier coup d'œil. 

- Rafael ! Rafael ! Kelinci ! hurla-t-il en trottinant dans sa direction, des larmes d'espoir, de soulagement et d'amour perlant au coin de ses yeux.

A l'entente de son prénom et de son surnom, Rafael se retourna, un sourire éclatant illuminant son visage éternel et ses yeux chocolat brillaient d'amour pour son époux qui s'avançait vers lui. Debout au bord du lac, les pieds dans l'eau pour se rafraîchir, l'Argentin écarta les bras pour réceptionner son cadet qui se jeta à son cou en sanglotant de bonheur, les faisant basculer à la renverse. Pourtant, l'eau ne les éclaboussa qu'à peine et ils semblèrent se fondre dans un nuage de guimauve, la magie de leur bébé se nouant à leur père, faisant briller le coeur doré tatoué sous son oreille, le faisant rire agréablement, alors que Max fondait en larme de sentir les bras de son âme soeur passés autour de son corps. Le Chasseur d'Ombre caressa tendrement les cornes de son sorcier pour l'apaisé et Max se nicha tout simplement, la tête sur son coeur pour l'entendre battre à nouveau, normalement, au rythme qu'il avait toujours connu. Rafael, quant à lui, plongea son nez dans les cheveux de son compagnon et inspira avec bonheur.

- Corazon...tu m'as manqué...Je me demandais quand tu allais venir me voir, sourit-il amoureusement en caressant sa joue.

- Te voir ? s'étonna Max en se redressant, essuyant ses larmes. On est dans ton rêve..., comprit-il alors avant de se figer. Mais attends, ça veut dire que tu rêves, ça veut dire que tu es toujours là ! Oh Rafe ! Pleura-t-il encore en capturant ses lèvres.

La sensation était délicieuse, magique. C'était comme de pouvoir l'embrasser en vrai, comme si rien avait changé. Max comprenait mieux pourquoi le lac Lyn avait changé, pourquoi ces souvenirs et ces émotions qu'il ressentait n'étaient pas à lui. Ils étaient dans le rêve de Rafael, ce qui voulait aussi dire qu'ils étaient toujours liés, en dépit de la rupture de leurs runes de mariage et de parabatai qui n'avaient jamais été plus froides que ces derniers temps.

- Tu m'attendais ? Demanda le sorcier pour être certain de la réponse alors que son cher et tendre prenait son visage en coupe.

- Je t'attend depuis le premier jour, Corazon. Je suis ici depuis je ne sais même plus combien de temps. Par l'Ange c'était long, mais je savais que tu me retrouverais, souffla-t-il avec espoir. Tu vas me ramener à la maison, pas vrai ? Quiero irme a casa..., chuchota-t-il en posant une main sur le ventre légèrement rond de Max, caressant sa peau et leur bébé au travers.

Max sentit son coeur tomber à ses pieds et ses larmes revenir avec force dans ses yeux électriques. Il sentait son chagrin étreindre son âme alors que son empathie percevait l'espoir de Rafael de rentrer enfin chez lui. L'Argentin savait-il même qu'il était dans le coma ? En avait-il conscience ? Se souvenait-il de ce qu'il s'était passé ? Pourquoi parlait-il de rentrer à la maison alors que leur tante Cat avait expliqué qu'il s'était infligé lui-même la blessure, concluant à une tentative de suicide. Le sorcier releva les yeux vers son amant et caressa ses longs cheveux sombres en plantant son regard dans le sien.

- Je ne sais pas comment te ramener, Kelinci, avoua-t-il, sa voix tremblante de tristesse. Rafe tu...Tu es dans un coma magique...Tu as voulu te faire du mal, souffla-t-il péniblement. Tante Cat dit qu'avec ta blessure tu as essayer de te suicider, compléta-t-il en pleurant de nouveau, son coeur pur ne supportant pas d'admettre que son amant ait voulu mourir sans lui en avoir parlé, sans qu'il n'ait pu l'aider.

- Mais je ne veux pas mourir, s'étonna le Nephilim, l'inquiétude perçant dans sa voix. Max, je veux être avec toi. Je ne comprend pas, pourquoi je ne peux pas rentrer à la maison ? ¿Por qué no quieres que vuelva? Corazón...

Avant que Max ait pu rassurer son mari en lui expliquant qu'ils trouveraient un moyen de le ramener chez eux, que tout le monde travaillait activement à le sauver, le rêve se transforma en cauchemar, littéralement. Le monde tourna autour d'eux sans qu'ils ne puissent rien y faire, le soleil, qui se couchait à peine, laissa place à une nuit noire et étouffante, le brouillard envahissant les lieux. La surface du lac Lyn se mit à bouillir comme de la lave en fusion, un froid glacial en provenance de la forêt fit frissonner Max et les silhouette de ses bébés se réfugièrent à nouveau dans son ventre alors que le corps de Rafael disparut comme s'il ne s'était jamais trouvé là. Le jeune sorcier aux cornes blanches sentit sa respiration s'alourdir, ses poumons se comprimer dans sa poitrine et son cœur battre la chamade. La crise d'angoisse grandissait rapidement et violemment en lui sans lui laisser le moindre répit, sans lui laisser la moindre chance de s'en sortir. Sa vision se brouilla de larmes et, alors qu'il se sentait mourir de peur et de panique, il fut happé par les ténèbres et laissa échapper un cri de détresse. Max se redressa soudainement, son cri le poursuivant jusque dans son réveil alors qu'il revenait peu à peu à lui dans la chambre qu'il partageait avec son époux, leur chambre. Le futur père fondit soudainement en larme, criant encore de désespoir face à toutes les émotions qui l'assaillaient soudainement. La peur et l'incompréhension de Rafe, sa propre douleur et son angoisse, son amour perdu et son cœur brisé. Il hurla le prénom de son mari à s'en écorcher les cordes vocales, hurlant au monde toute la peine qui l'habitait, hurlant comme jamais il n'avait hurlé avant, laissant enfin sortir tout ce qui lui pesait sur l'âme. Alors qu'il implorait silencieusement qu'un miracle se produise, deux bras l'encerclèrent avec douceur et une odeur reconnaissable de bois de santal emplit l'air, lui faisant comprendre que c'était son Ayah qui venait de le rejoindre pour calmer son cauchemar.

Magnus se trouvait dans son bureau lorsqu'il avait entendu les cris de son fils cadet déchirer le silence de l'appartement. Il faisait nuit dehors, Ragnor et Tessa étaient repartis depuis longtemps, Alec était rentré épuisé et était parti se coucher, se roulant en boule sous leur couette. L'Indonésien s'était donc retrouvé seul à veiller, comme bien souvent depuis la disparition de leur fils aîné. Alors, se remémorant les paroles de son époux, le Grand Sorcier de Brooklyn s'était empressé d'aller voir dans la chambre de ses enfants pour s'occuper de Max. Parce que c'était là son rôle de père, et que, à défaut d'aider son ainé, il pourrait toujours venir en aide à son cadet. Ses bras passés autour du corps tremblant du plus jeune, Magnus se laissa à ronronner, chose qu'il ne faisait plus depuis longtemps, ses ronronnements guidant Max vers le sommeil afin que ses pleurs se calment et qu'il retrouve la sérénité qu'il avait perdu. Le plus jeune des fils Lightwood-Bane sanglota longtemps sur le cœur de son Ayah qui le berçait toujours avec une patience et une douceur inouïs, semblant lui aussi s'apaiser au contact de son fils et de son empathie. Leurs magies, elles-aussi, se nouèrent pour se cajoler l'une l'autre et créer autour d'eux une bulle de tendresse. Magnus ne sut combien de temps il resta là, mais le temps n'avait aucune importance dans cette situation. Il berça son enfant jusqu'à ce que ce dernier se rendorme et, alors, l'asiatique l'allongea tout contre Rafael dont il caressa les cheveux et embrassa le front avant de sortir doucement de la chambre.

Une fois dans le couloir, Magnus soupira en se frottant les yeux, les larmes lui montant subitement. Chassant ses dernières d'un revers de main en reniflant, le Grand Sorcier de Brooklyn se rendit à la chambre qu'il partageait avec son époux et vit ce dernier bien à sa place, toujours emmitouflé au chaud sous les couettes, roulé en boule, ses cheveux noirs éparpillés sur son oreiller et de légers ronflements brisant le calme de la chambre. Magnus s'accorda un triste sourire tendre du bout des lèvres et il referma la porte avec tout autant de lenteur qu'il l'avait fait avec celle de Max et de Rafael. L'Indonésien s'adossa quelques instants au mur derrière lui, soupira et passant ses bras autour de son corps comme pour s'accorder un câlin réconfortant à lui-même. Un soupire lui échappa, puis un autre, et bientôt la myriade de soupire mua en de lourdes larmes, se transformant en sanglots douloureux. Le sorcier aux yeux de chats tâcha de rester le plus silencieux possible pour ne pas réveiller son fils et son mari et ses pensées se dirigèrent toutes vers Rafael, son Rafael, son Pequeño, son fils ainé, son petit garçon devenu un homme, bientôt père, et qu'il était pourtant en train de perdre au fur et à mesure que les jours passaient. Il se remémorait chaque instant avec une clarté étonnante. Il se souvenait de ce jour où Max l'avait poursuivi dans la ruelle, ce jour où Rafael Santiago Lightwood-Bane avait fait partie de leur vie, pour le meilleur et pour le pire, venant combler leur existence d'amour et de lumière, de soleil et de chaleur, de rires et de joie. Certes leur quotidien n'avait pas toujours été facile, mais Magnus, depuis longtemps, savait que sa vie n'aurait pas pu être plus belle qu'avec son époux et ses deux fils. Alors que ses yeux dorés de chat se perdaient dans le vague devant lui et que ses larmes se tarirent lentement, Magnus repensa aux paroles d'Alec qui lui rappelait de ne pas abandonner. Il repensa aux paroles de son père, qui lui soufflait qu'il était un cœur aimant, qu'il n'était pas un monstre. Non. Magnus n'était pas un monstre. Il ne détruisait pas, il créait, et il allait utiliser ce talent à bon escient, il se le promettait, quitte à y laisser la vie il ramènerait son enfant parmi les vivants. Se redressant en tremblant de tous ses membres, l'asiatique immortel se dirigea vers son bureau, laissant la porte ouverte au cas où Max ou Alec referait un cauchemar.

Le Grimoire d'Isil traînait toujours là, intact, sa magnifique couverture reliée et gravée semblant l'appeler de tout son être. Le sorcier aux épis sombres se sentait appelé par cet ouvrage, comme s'il lui avait toujours appartenu, d'une certaine manière. Magnus ne comprenait pas ce sentiment qu'il ressentait en présence du livre qui paraissait contenir sa propre magie indépendante, mais il n'avait pas le temps de se pencher sur la question. Tout ce qu'il voulait, c'était savoir si quelque part dans ces pages il se trouvait une formule pour réveiller son fils inconscient. L'Indonésien s'installa donc dans son fauteuil en cuir molletonné et ouvrit la première page. Le grimoire sentait bon le parchemin, écrit en langage démoniaque, la langue de Lilith, mère des démons. Heureusement, chaque sorcier et chaque sorcière se devait d'apprendre l'alphabet démoniaque pour apprendre le plus basique des sorts, tant et si bien qu'il n'eut aucun mal à traduire chaque page avec minutie. Il était certain que même Max aurait pu comprendre ce qui se disait avec facilité. Il y avait de tout, des sorts pour protéger, soigner, oublier, apporter la chance, invoquer des démons, détruire des ennemis. Magnus tourna les pages, encore et encore, à la recherche de ce sort, si tenté qu'il existe, et qui arrangerait les choses, pourtant, rien ne semblait concorder pour ramener qui que ce soit qui ne serait pas mort à la vie. Et c'est alors qu'il la vit, cette phrase minuscule écrite à la va-vite sur un coin de page, si petite qu'elle en était pratiquement illisible. Pratiquement. Le nom sauta aux yeux de Magnus instantanément : paralysie magique. Après tout Rafael n'était pas mort, et personne n'avait connaissance de ce grimoire à part Ragnor. Peut-être le phénomène s'était-il déjà produit par le passé ? Fronçant les sourcils, se penchant en avant, Magnus continua sa lecture qui, découvrit-il avec stupeur, parcourait la tranche du grimoire qu'il referma aussi sec pour pouvoir lire convenablement.

De la mort paralysée, appelant à la vie, combat de la lumière et de l'ombre, le sang appelle le sang et la magie sa vieille amie. Pour tuer les morts et faire vivre les vivants, le souvenir est le nom, et la clé l'immortalité. Sacrifié n'est pas sauvé, le don rejeté. Pour vivre il faut aimer et l'amour dans le Centre du cœur renaîtra.

Magnus cligna des yeux plusieurs fois en relevant la tête. Non, ça ne pouvait pas être aussi simple, n'est-ce pas ? C'était trop évident ! Et pourtant, il avait appris à plusieurs reprises au cours de ses siècles d'existence que parfois la magie, pour être la plus efficace possible;, était bien souvent basée sur les actes les plus simples. Un rire ironique lui échappa. Bien sûr, pour un lecteur non initié, le paragraphe serait des plus complexes à comprendre et son mystère impossible à percer. Mais, après tout, il était Magnus Lightwood-Bane-Fell. Tout ce qu'il fallait, c'était de laisser son Centre Magique fusionner avec son âme et le laisser pénétrer son cœur et, si son amour, son amour paternel était sincère, alors Rafael serait rappelé à eux, comme aimanté à la vie par l'amour de ses proches. Oui, c'était possible, même fort probable. Le Grand Sorcier de Brooklyn savait ce qu'il avait à faire, bien entendu, et il était prêt à le faire, en dépit du risque qu'il laissait encourir à sa magie. En effet, si de premier abord le sort paraissait simple, le principe en était autrement plus compliqué. Car lier sa magie, une entité à part entière, à son âme et à son cœur, la faire fusionner, fusionner son Centre Magique et son âme ne revenait à ne faire qu'un. La magie de Magnus ne serait plus indépendante. Le sorcier serait plus exposé et plus fragile sur certains points, sa magie se fatiguerait plus rapidement puisqu'elle deviendrait, par essence et par définition, sa nouvelle source vitale. Le priver de sa magie, même en la bloquant, reviendrait à le condamner à mort. Mais il était prêt à prendre le risque. S'il pouvait ramener Rafael, il prendrait tous les risques. Inspirant profondément pour se donner du courage et un certain aplomb, Magnus referma le Grimoire d'Isil et se cala dans son fauteuil pour faire apparaître son centre magique. Une sphère mouvante et crépitante de magie bleue apparut devant ses yeux, dansant comme une flamme de cheminée, hypnotique et magnifique. L'asiatique tendit la main pour la caresser et frissonna lorsque quelques étincelles virent lécher le bout de ses doigts. Après ça, il n'y aurait plus de retour en arrière. La magie ferait battre son cœur et deviendrait son essence de vie. Pour ne pas reculer, ne pas paniquer non plus, l'Indonésien ferma les yeux et prononça la formule de lien, utilisée habituellement pour sauver la vie d'un sorcier mourant afin de le rattacher à sa magie et lui permettre de survivre. Les mots coulèrent de sa bouche avec fluidité et, alors, son Centre se dirigea vers son cœur, englobant ce dernier d'un courant vif et puissant.

Magnus laissa échapper un cri étouffer en sentant son coeur se serrer, s'arrêter, et battre à nouveau, repartant à folle allure dans sa cage thoracique. La douleur était pénible et il était de plus en plus difficile de se concentrer sur la formule. Pourtant, il ne devait pas lâcher. Son fils avait besoin de lui, il devait ramener son enfant, coûte que coûte. Alors le Grand Sorcier aux yeux félins continua, les mains crispées aux accoudoirs de son siège, des larmes roulant librement sur ses joues creusées par la fatigue. Lorsqu'il sentit le lien se compléter, l'immortel su que c'était le moment. Comme une litanie, il répéta le prénom de son enfant, priant pour le faire revenir, priant pour qu'il se réveille, pour que la magie fonctionne. Son cœur battait frénétiquement et il eut l'impression de faire une crise cardiaque alors qu'il haletait, pleurait et gémissait. Sentant toute sa magie croître en lui comme un volcan, le volcan Magnus, il la laissa prendre son essor comme un oiseau fendant le ciel et l'éternité. Sa magie explosa en une bulle de lumière bleuté, inondant la pièce et l'aveuglant. Le sorcier détourna le regard, plissant ses yeux à la pupille fendue et attendit que la lueur se dissipe lentement, ce qu'elle fit quelques instants plus tard dans un crépitement comme des bûches craquant dans l'âtre sous la force de la chaleur. Lorsqu'il put voir de nouveau, Magnus papillonna des yeux plusieurs fois avant de se figer soudainement, les larmes montant une nouvelle fois et menaçant de le submerger à tout instant. Là, devant lui, vêtut d'un t-shirt gris perle, d'un blouson de cuir noir et d'un jean sombre, ainsi que d'un foulard fuchsia sombre, ses cheveux attachés en une longue queue de cheval, Rafael. Son fils, son bébé, son Pequeño qui le regardait les yeux écarquillés, ne semblant pas comprendre ce qu'il se passait ni ce qu'il faisait là. Le jeune homme baissa les yeux sur ses mains tremblantes qu'il tourna et retourna pour les regarder avec effroi et il lâcha un glapissement mêlé d'un sanglot étranglé. Magnus ouvrit la bouche pour souffler son prénom, amorcer un moment pour venir le prendre dans ses bras, mais l'Argentin eut un mouvement de recul et s'enfuit en courant à toute jambe.

- Rafael ! Attends, Pequeño ! Implora son Ayah en lui courant après.

Le Nephilim aux yeux chocolat ne se retourna pas, courant à en perdre haleine dans les rues froides de New York, la lune au-dessus d'eux les nimbant d'un halo de lumière argentée. L'immortel courut après son fils en ne cessant de l'appeler, espérant qu'il finirait par s'arrêter, mais alors le plus jeune redoubla d'effort pour s'enfuir. Ils passèrent devant le veille hôtel Dumort, où Rafael crut bien avoir semé Magnus, mais l'Indonésien reparut au coin d'une rue, essoufflé mais poussé par son instinct paternel pour ramener son enfant à la maison. Sans perdre de temps, Rafael reprit ses jambes à son cou et se dirigea vers le pont de Brooklyn, bien connu du plus vieux qui avait voulu s'y jeter après avoir appris le retour de son Alexander parmi les vivants.

- Rafael, s'il te plait, Pequeño !

- Arrête de m'appeler comme ça ! Hurla le plus jeune en se retournant, se stoppant au milieu du pont, fusillant son aîné du regard. Qu'est-ce que je fous ici ?! Dios mio, mais qu'est-ce que tu m'as fait Magnus ?! Pourquoi est-ce que je suis vivant, espèce de sorcier de mierda ?!! Dios, répéta-t-il nerveusement en se prenant la tête entre les mains. Mais qu'est-ce que je fous là....

Magnus déglutit difficilement en sentant ses larmes revenir. Cette démarche, cette façon de parler, cette attitude. Ce n'était pas Rafe, c'était...

- Raphaël Santiago..., chuchota l'asiatique en s'étranglant à moitié.

- Salut...papá...

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