Chapitre 1 : Entre deux eaux
Le Chasseur d'Ombre déglutit difficilement, son visage à la peau claire plus pâle que d'ordinaire, ses cheveux noirs mi-longs tombant devant ses yeux cobalts au teint terne qui fixaient le vide avec une intensité inégalable. Le silence régnait dans l'appartement des Lightwood-Bane, comme si la vie avait cessé d'avoir un quelconque impact sur ses habitants. Seul, assis à la table de la salle à manger, Alec contemplait l'espace autour de lui sans réellement le voir, ses pensées dérivant sur les événements des dernières heures écoulées. Le noiraud n'avait pas dormi depuis près de dix-huit heures mais il n'en avait aucune envie. Pour peine, il n'avait envie de rien, ni de dormir, ni de manger, le Nephilim voulait se faire oublier le monde, disparaître loin de tout. Ou si, s'il voulait quelque chose, c'était se réveiller du cauchemar qu'était devenu sa vie en quelques heures à peine. En effet, moins de deux jours plus tôt, le corps de Rafael, son fils aîné, son bébé, son Pequeno, avait été retrouvé au milieu du hall de l'Institut, sans vie et ses vêtements imbibés de sang, une plaie ouverte à son estomac recrachant l'hémoglobine en flots incessants. Un frisson parcourut le corps de l'ancien Consul et il détourna le regard, comme si son enfant mort s'était retrouvé encore là, devant lui, le hantant pour le reste de ses jours. Relevant les yeux face à lui, l'ancien Frère Silencieux remarqua la silhouette aux épaules voûtées de chagrin de son frère de cœur. Jace faisait peine à voir, aussi en forme que lui devait l'être. Le blond avait les yeux rougis et gonflés par les larmes qu'il n'avait cessé de verser depuis leur triste et déchirante découverte. Ses cheveux et ses yeux éclatants étaient tous deux ternes, comme si l'enfant de l'Ange avait vieilli subitement de dix ans, le poids de la douleur accentuant son vieillissement prématuré. Il s'était installé depuis la veille chez son parabatai pour le soutenir et être à ses côtés dans la difficulté, faisant les navettes avec l'Institut pour aider le reste de leur famille. Ragnor, Catarina et leur fille Madzie, ainsi que Jem et Tessa, avaient eux aussi élu domicile au foyer des Nephilim, au moins temporairement. Dans cette épreuve, chacun avait conscience qu'ils devaient se soutenir les uns les autres, et l'unité de leur famille serait leur force face à ce qu'ils traversaient. Soupirant d'un souffle tremblant, Jace s'approcha donc de son meilleur ami et tira une chaise à lui pour s'asseoir face à cet homme brisé qu'il lui semblait ne même plus reconnaître.
- Alec ? L'appela doucement le plus jeune des deux, cherchant à capter son attention, le noiraud ne répondant que par un hochement de tête timide. J'ai...Je t'ai refait la soupe que tu aimais et que Maryse te faisait quand tu étais malade. Je sais que...Tu ne dois pas avoir très faim mais il faut que tu manges un peu, tout comme Max et Magnus...
Le nouveau sorcier aux pupilles fendues comme celles de son mari détourna une nouvelle fois le regard et hocha la tête pour le remercier silencieusement. En effet, il n'avait pas faim, loin de là. La seule chose qu'il avait mangée l'avait rendue malade à cause du tourbillon d'émotion qui valsait en lui et il n'avait plus rien tenté d'avaler depuis lors. Malgré tout, le plus vieux appréciait l'initiative de son frère de cœur et il se promis à lui-même d'au moins essayer de goûter à cette soupe qu'il n'avait plus tester depuis sa plus tendre enfance. Jace, de son côté, face au manque de réaction de son meilleur ami, soupira et se leva en pressant son épaule d'un signe compatissant, lui signifiant qu'il était toujours là s'il avait besoin de lui. Le blond enfila alors son blouson, prêt à partir pour voir comment se portait le reste de leur famille mais, avant qu'il ne passe la porte d'entrée, il fut certain d'entendre son prénom murmuré de la bouche de son parabatai. Se retournant vers lui, le dernier Herondale vit le noiraud fondre soudainement en larme, sa tête plongée au cœur de ses mains pour dissimuler son chagrin mais ses sanglots déchirant la pièce tout autant que le cœur du blond qui tomba à ses pieds. Jace laissa libre cours à ses propres larmes et fondit sur son meilleur ami pour le serrer contre son cœur et le bercer, lui soufflant des mots doux pour le calmer, le laissant exprimer sa peine sur son épaule. Alec s'accrocha à son parabatai comme un noyer agrippe désespérément sa bouée de sauvetage et sanglota contre lui, gémissant de douleur, suppliant pour que la souffrance s'achève enfin. D'une patience à toute épreuve, Jace le laissa se décharger puis, sentant son ami renifler par acoups, s'écarta en douceur pour observer son visage plus pâle que la mort et ses yeux si rouges et gonflé qu'il en voyait à peine l'iris.
- Je suis désolé, souffla le noiraud dans un murmure, essuyant les quelques larmes qui refusaient de s'arrêter de couler sur ses joues. Je suis tellement désolé...
- Pourquoi est-ce que tu t'excuse, Alec ? S'enquit le blond sans comprendre. Tu n'y es pour rien si...
- Parce que tu l'as perdu toi aussi, expliqua le Chasseur d'Ombre avec un sanglot contenu. Il...Il était un fils pour toi aussi...Je suis désolé Jace...
Le plus jeune hocha la tête en soupirant doucement pour chasser les larmes qui menaçaient de le submerger à nouveau. Il n'avait jamais pu fonder de famille jusqu'à ce jour, Clary et lui ne parvenant pas à concevoir d'enfant, mais Rafael était son filleul, presque son fils, et lui aussi ressentait toute la peine d'Alec et de Magnus d'avoir perdu leur enfant. Lorsqu'il avait été retrouvé et placé dans sa chambre, ses longs cheveux éparpillés autour de lui comme un soleil, Jace s'était glissé dans la pièce en compagnie d'Alec qui avait attendu sur le pas de la porte et, comme un dernier au revoir, le blond avait déposé dans la main de son filleul un soldat de plomb, le même soldat qu'il avait confié à leur petit frère Max avant sa mort. A ce geste, Alec avait fondu en larme et s'était écroulé contre le mur, sanglotant, le cœur brisé. La scène s'était déroulée un peu moins de deux jours auparavant et les deux hommes ne comptaient plus toutes les larmes qu'ils avaient versé depuis. Pressant une main sur l'épaule de son frère de cœur, Jace déposa un baiser affectueux sur son front, comme lorsqu'ils étaient enfants, puis il quitta leur appartement en promettant de revenir bientôt les voir tous trois pour s'assurer qu'ils s'en sortaient. Alec ne le racoompagna pas, incapable du moindre mouvement, restant assis à fixer encore et toujours le vide en silence, se repassant en boucle ses pensées les plus sombres, les larmes jaillissant de ses yeux sans qu'il ne puisse faire quoi que ce soit pour les en empêcher ou les retenir. Étouffant un nouveau sanglot, le noiraud décida malgré tout de quitter la pièce et d'aller voir ses fils dans leur chambre. Ravalant ses larmes, l'ancien Consul chancela pratiquement jusqu'à la chambre de ses cadets dont la porte restaient désormais ouverte et son cœur se fendit un peu plus à la vue de ses enfants.
Max était couché sur le flanc, visiblement endormis d'un sommeil pénible, certainement en proie à quelques cauchemars, ses yeux s'agitant sous ses paupières closes et sa main crispée dans celle de son compagnon. Rafael, en effet, était là, couché de tout son long sur le dos dans un lit médicalisé, une canule d'oxygène passant par son nez et des fils par dizaines le reliant à des machines dont Alec ne comprenait pas grand chose. Le torse de l'Argentin ne se soulevait plus et pourtant, pourtant, il n'était pas mort, mais pas vivant non plus. Après que son corps eut été retrouvé et que Magnus eut accepté de le lâcher, Catarina et Tessa avaient fait en sorte de l'examiner pour comprendre ce qu'il s'était passé et les deux sorcières en étaient arrivés à plusieurs conclusions, bien que contradictoires. Elles ne savaient pas ce qu'il s'était passé exactement, mais la blessure, de la manière dont elle avait été infligée, signifiait que le jeune homme s'était poignardé lui-même. Magnus et Alec avaient éclaté en sanglots, une nausée les prenant lorsque la nouvelle était tombée. Rafael, leur fils ainé, leur Pequeno, s'était suicidé...Et pourtant, pourtant, même s'il ne respirait plus, même si son coeur ne battait plus qu'une à deux fois par minutes, la vie l'habitait toujours, sa magie était présente en lui, et son esprit, bien qu'endormi, semblait avoir conscience de ce qu'il se passait autour de lui. Ainsi, Rafael Santiago Lightwood-Bane n'était ni mort ni totalement vivant, perdu entre deux mondes. Ragnor et Jem avaient convenu du terme "coma magique" pour désigner son état, même si jamais personne n'avait entendu parler d'un tel cas, que ce soit dans les archives du Labyrinthe en Spirale ou dans celles de l'Enclave. Rafael oscillait donc entre la vie et la mort, sans que personne ne sache exactement ce qu'il s'était passé ni comment le ramener parmi eux.
Alec s'approcha de ses enfants immobiles et drappa les épaules de Max d'une couverture fine, le jeune homme à la peau bleue gémissant douloureusement dans son sommeil. Avec son empathie, le sorcier aux cornes immaculées ressentait la douleur plus que n'importe qui d'autre dans leur famille, au plus grand désarroi de ses proches qui ne savaient pas comment l'aider à sortir la tête de l'eau. La magie de Max, même, se sentait elle-même si triste qu'elle ne savait plus si elle devait repousser ses proches ou réclamer leur contact en permanence. Comme en cet instant, la magie voluptueuse aux reflets argentés formait un lien autour des mains jointes des deux époux inconscients, comme un cocon protecteur sur le peu qu'il leur restait. Un mince liseré de magie vint chercher les doigts d'Alec qui le laissa faire avec peine, tâchant de nouer sa propre magie à la sienne pour lui apporter son soutien. L'entité d'argent frémit à son contact, comme si elle ronronnait, se sentant en sécurité, puis le noiraud s'avança vers son fils aîné et déposa un baiser affectueux sur son front, serrant sa main dans la sienne. Reniflant péniblement, le Chasseur d'Ombre s'installa à ses côtés et se racla la gorge avant de chuchoter pour ne pas réveiller Max qui avait désespérément besoin de sommeil.
- Rafe...Je ne sais pas si tu peux m'entendre...Je...Je ne sais même pas par où commencer, souffla-t-il en retenant un énième sanglot, les larmes lui montant aux yeux. Tu me manques mon grand...Je suis tellement désolé, j'aurais voulu faire plus pour toi, pour t'aider, pour te soutenir...Et je n'étais pas là pour toi, regretta-t-il en baissant les yeux, libérant ses larmes qui coulèrent silencieusement sur ses joues. Tu te souviens après le coma d'Ayah ? Tu te souviens de ce qu'on t'a dit ? On t'a dit que c'était à nous de veiller sur vous deux, de veiller sur toi...Pourquoi tu ne nous as rien dit, Rafe ? Pleura-t-il plus franchement. Pourquoi tu n'es pas venu nous dire que ça n'allait pas ? Je t'en prie...Pequeno je t'en prie reviens...Reviens parmi nous petit ange...S'il te plait...
La magie de Max, semblant percevoir la douleur du noiraud, si semblable à la sienne, l'engloba à son tour comme une couverture, un baume apaisant sur son cœur, et vint sécher les larmes abondantes qui baignaient son visage. Le Chasseur d'Ombre se laissa bercer par la magie de son fils en fermant les yeux, se remémorant les meilleurs moments de son existence passés en compagnie de ses fils. Par l'Ange, que la douleur était forte, que son cœur souffrait de la situation. Il avait déjà perdu Max deux fois, lors de sa Majorité Magique, puis lors du premier départ de Magnus pour Edom. Il ne pensait pas un jour souffrir autant de nouveau, et pourtant, maintenant que Rafael se trouvait entre deux eaux, entre la vie et la mort, Alec avait l'impression que son cœur ne pourrait plus jamais battre normalement. Le Nephilim secoua la tête, chassant une nouvelle fois ses larmes puis il déposa un nouveau baiser sur le front de ses enfants avant de quitter la pièce. Il avait besoin de sortir de là, prendre l'air. Il se sentait malade, nauséeux, le monde tournait encore et encore sans qu'il ne puisse le faire ralentir pour poser ses idées et réfléchir. Il allait faire une crise d'angoisse, il la sentait monter en lui comme un volcan, broyant ses entrailles, comprimant ses poumons, serrant sa gorge comme une main invisible cherchant à l'étrangler. L'ancien Frère Silencieux sortit de la chambre de ses fils en haletant, incapable de retrouver son souffle, prenant appuis sur les murs et les meubles autour de lui pour ne pas perdre l'équilibre. Ses jambes flageolèrent et tremblèrent violemment avant de s'effondrer sous son poids, le faisant s'écrouler dans un bruit sourd à même le sol gelé de leur appartement. Alec trembla de tous ses membres, comme un château de carte en plein ouragan, ses sanglots déchirant sa poitrine à l'en rendre malade, son cœur martelant dans son torse et dans sa tête. Le Chasseur d'Ombre se recroquevilla sur lui-même en chien de fusil, comme un enfant apeuré cherchant à se protéger du tonnerre et des cauchemars. C'est alors qu'il vit, dans son champ de vision troublé de larmes, un lapereau et un loutron, tous deux aussi brillants que les rayons du soleil en plein été. La magie des bébés que portait Max dans son ventre. Les deux petits bouts, ayant sans doute senti la détresse de leur grand-père, venaient vers lui, frottant leur petits museaux contre le nez du noiraud qui ferma les yeux, se concentrant sur la douceur que lui apportaient ces deux êtres de lumière. Alors, sans même qu'il ne s'en rende compte, les images affluèrent dans son esprit, éclatantes.
C'était une journée de septembre chaude et agréable, comme il y en avait souvent à Alicante. Le soleil brillait haut dans le ciel et le calme de la nature était la seule musique ambiante présente pour ravir leurs oreilles. Le matin même, Magnus s'était réveillé avec la ferme envie de faire l'école buissonnière, bien qu'il soit pourtant le directeur de l'Académie des Chasseurs d'Ombre. Fier de sa filouterie, le sorcier aux yeux dorés de chat s'était tourné vers son compagnon encore endormis et avait éteint son réveil, l'empêchant ainsi de se réveiller en sursaut pour se rendre au siège de l'Enclave remplir ses fonctions de Consul. Le représentant des sorciers avait ensuite couvert le corps de son homme de baisers et de caresses tendre, le réveillant dans une certaine luxure que le noiraud appréciait visiblement en gémissant dans les bras de son cher et tendre immortel qui s'était assuré de lui prouver un peu plus à quel point il l'aimait. Cédant aux envie de l'ancien Chasseur d'Ombre, le Consul avait accepté de passer la journée avec son époux et leur fils, ainsi que Jace qui était arrivé la veille pour rendre visite à son parabatai tandis qu'Isabelle gérait l'Institut de New York en compagnie de Simon et de Clary qui veillaient également sur Zaya qui, comme Max, n'avait que 5 ans. Les Lightwood-Bane se retrouvaient donc dans la plaine de Brocelinde, juste au bord du Lac Lyn, pic niquant joyeusement tous ensemble, installés sur une nappe vichy et entourés de victuailles plus appétissantes les unes que les autres. Alec était allongé sur le côté, relevé sur un coude, son bras englobant son époux niché tout contre lui et ronronnant doucement de bonheur de se trouver à ses côtés, sa rune de mariage et sa rune de magie brillant sur son torse au travers de la chemise en flanelle rose bois qu'il portait, soulignant sa taille d'un pantalon cintré couleur de vin aux arabesques brillantes de paillettes dignes du grand Magnus Le Magnifique. Les époux se câlinaient donc tout en observant d'un air attendri leurs deux fils, Max et Rafal, à peine âgés de cinq et sept ans, jouant au pirate et au corsaire avec leur oncle Jace.
- Attention, Capitaine Max ! S'écria le blond en regardant au travers de sa longue vue, s'adressant au petit garçon vêtu de son tricorne et d'un bandeau cachant son oeil qui se tenait à ses côtés, une épée en bois dans la main. C'est Don Rafael El Temible ! Fit-il mine de prendre peur.
- N'ai pas peur tonton moussaillon ! Rit le petit sorcier de sa voix fluette. Je suis Max le Terrible, le meilleur pirate et on va arrêter ce...ce...
- Ce malotru de vaurien de corsaire ? Proposa Magnus d'un ton nonchalant, faisant rire le noiraud qui savait pertinemment que son fils cadet ne saurait pas répéter les mots de son Ayah.
- Oui ça ! On va te battre Don Rafael !
- Non, parce que moi j'ai une arme terrible, j'ai un Kraken mouhahaha !
Max pencha la tête sur le côté, ne se souvenant pas qu'ils aient parlé de Kraken avant le jeu, et c'est alors que Magnus se releva et fonça sur eux en riant, grondant comme un monstre, bougeant ses bras comme des tentacules qui vinrent chatouiller ses enfants en affirmant qu'il était le Grand et Terrible Kraken. Alec éclata de rire, son rire aussi cristallin que du verre...Du verre brisé.
Du verre brisé. Le noiraud ouvrit les yeux et releva la tête en percevant le son du verre se brisant contre un mur et le cri étouffé de son époux qui résonna dans le bureau de ce dernier. Essuyant ses larmes et ravalant la boule de tristesse qui lui obstruait la gorge, sa crise d'angoisse refluant peu à peu, Alec se remit debout sur ses jambes tremblantes, replia ses ailes qui se nichèrent dans son dos comme s'il avait répété ce geste toute sa vie, et se dirigea vers le bureau de son amant. Le bureau de Magnus ressemblait assez à celui de Ragnor, à croire que tous les sorciers possédaient le même. L'immortel aux yeux félins y rangeait ses grimoires, ses potions, quelques plantes et divers objects qu'il avait accumulés au fil des siècles ou d'autres encore qui lui rappelaient certaines personnes qui avaient prit part à son existence d'une manière ou d'une autre. Le Nephilim sentit un élan d'espoir mêlé de peine l'étreindre lorsqu'il repensa à la boite souvenir de son mari où ce dernier conservait des affaires ayant appartenu aux plus grands amours qu'il eut connu. Aujourd'hui, il était devenu immortel à son tour et, peut-être, Magnus n'aurait plus de nouveaux souvenirs à entreposer dans cette boîte. Ce fut sur cette pensée, soupirant d'un souffle hésitant, que le Chasseur d'Ombre poussa la porte de la vaste pièce encombrée, cherchant son cher et tendre du regard. Magnus était là, debout derrière son bureau, la tête baissée et le regard fixé sur un grimoire aux pages vieillies. Le Grand Sorcier de Brooklyn était habillé sobrement et même, il semblait complètement débraillé, rappelant ainsi au noiraud cette triste période où, pendant son cancer, le descendant d'Asmodée ne portait plus que des joggings et sweatshirt, ne supportant plus la lourdeur du tissus sur son corps frêle. Ici, L'indonésien aux cheveux dressés sur sa tête et ébouriffés ne portait qu'un pantalon baggy large et un vieux peignoir troué pour couvrir son torse nu. Ses poings serrés, posés sur le meuble, tremblaient de rage, de peine et de douleur contenue. Cela faisait deux jours que Magnus s'était enfermé dans sa pièce fétiche, deux jours qu'il cherchait une solution pour réveiller son fils et le ramener parmi eux, sans prendre le temps de manger, de se doucher ou de se reposer. Alec sentait qu'il ne tiendrait pas longtemps avant de craquer, l'explosion du Volcan Magnus allait reparaitre d'ici peu, et ça ne serait pas joli à voir.
- Mon chat ? L'appela doucement le noiraud pour ne pas le brusquer, lui demandant implicitement comment il allait, ce que Magnus comprit parfaitement.
- Je ne trouve pas...J'ai parcouru chaque potion, chaque sort que je connaissais..., marmonna le plus vieux. Il faut que je cherche encore...Je dois aller au Labyrinthe en Spiral...Je dois...
- Magnus, le coupa le Chasseur d'Ombre les larmes aux yeux, ce que tu dois faire c'est te reposer, c'est de rester à la maison, avec nous...
- Tu ne veux pas que je trouve une solution pour notre fils ? S'étonna le sorcier en serrant plus encore ses poings, la colère grondant sous sa peau, aussi violente que lorsqu'il portait son cadenas émotionnel. Tu veux que j'abandonne Rafael ? Mais pour qui t'y me prend ? Tu crois que je vais laisser tomber mon fils ? Tu crois vraiment que je vais suivre ton exemple ?! Oh oui, je pourrais me faire passer pour mort comme toi, chercher dans l'ombre des solutions ?! Je ne suis pas lâche comme tu l'as été Alexander, contrairement à toi au moins je suis un bon père ! Au moins j'essaie !!
- Magnus...., s'etouffa Alec d'une voix brisée, blessé tout en sachant pourtant que son homme n'était plus maitre de lui même. Comment tu peux dire ça...
- Comment je peux ? Parce que depuis de jours qui de nous deux cherche un moyen de ramener Rafael ? C'est moi, pas toi ! Tout ça parce que monsieur à décidé de faire sa Majorité Magique au moment où notre enfant avait le plus besoins de nous ! Tout ça c'est de ta faute !! Et moi je m'efforce de réparer tes conneries ! Et tu veux savoir la meilleure ?! Il n'y a rien qui fonctionne, Alexander ! Cria-t-il en frappant du poing sur la table. Rien ! Pas une potion, pas un sort, rien de ce que j'ai ici ne peut faire quoi que ce soit ! Et toi tu veux que j'abandonne déjà ?! Hurla-t-il alors que sa magie explosait de lui, envoyant valser les flacons de potion qui se brisèrent contre les murs, déchirant les pages de ses grimoires, détruisant pratiquement chaque objet présent dans la pièce. C'est vraiment ce que tu veux ?!
- Ce que je veux, s'énerva Alec à son tour, c'est justement que tu n'abandonnes pas Max ! Max, tu te souviens ? Notre fils cadet, notre fils enceinte de quatre mois qui a perdu son mari, son frère et son parabatai le même jour ! Ce que je veux, Magnus, c'est que tu n'oublies pas qu'il nous reste encore un enfant qui compte sur nous pour ne pas le laisser tomber !!
Le Grand Sorcier de Brooklyn observa son mari comme s'il venait de le gifler, ses yeux emplis de larmes et alors, la colère et la rancoeur chutant brutalement, l'immortel s'écroula, explosant en de lourds sanglots, roulé en boule sur le sol, son corps et son esprit ne supportant plus la pression. Alec, ému par sa douleur, pleura lui aussi, venant le prendre dans ses bras pour le consoler, s'excusant d'une voix douce et meurtrit de lui avoir crié dessus. L'asiatique, lui, s'accrocha à lui comme s'il allait se noyer, déposant les armes, l'implorant de le pardonner pour toutes les horreurs qu'il lui avait dit. Dans ses larmes, dans ses cris, dans sa peine, le noiraud ressentit la douleur infinie de son mari qui était sans doute plus grande que la sienne. Non pas que Magnus ait eu plus d'affection que lui pour Rafael, non, mais ce n'était pas le premier fils qu'il perdait et, inconsciemment, l'Indonésien revivait en parallèle la porte de son premier enfant, Raphaël Santiago, qui avait donné sa vie pour lui lors de la guerre obscure. Alec savait que son âme soeur n'avait rien pu faire pour sauver le vampire, alors il donnerait tout pour sauver l'Argentin, quitte à se détruire lui-même pour ça.
- Je suis désolé...je suis tellement désolé...pardon Sayang, pardon..., implora-t-il en pleurant. Je suis un monstre...pardonne moi je le pensais pas...
- Chut..., c'est rien mon chat...
- Pourquoi...Pourquoi il a fait ça...? Pleura-t-il encore, évoquant la thèse de la tentative de suicide. Il avait promis...Promis de venir nous voir si ça n'allait pas...Où est-ce qu'on a échoué...Sayang, dit moi ce qu'on a fait de mal ? Supplia-t-il en levant ses yeux larmoyant vers son cadet. Quand est-ce qu'on est devenu des mauvais parents...?
- Je ne sais pas, mon chat...,répondit le noiraud avec sincérité, essuyant les larmes de son homme. Mais ce que je sais, c'est que Max a besoin de nous...Je ne veux pas abandonner Rafe, mais je n'abandonnerais pas Max non plus...S'il te plait, Magnus...Fait une pause et vient le voir avec moi, il a besoin qu'on soit là pour lui, maintenant plus que jamais.
L'ancien directeur de l'Académie des Chasseurs d'Ombre hocha la tête en reniflant et laissa son mari l'aider à se remettre debout. Alors, main dans la main, ils se rendirent dans la chambre de leurs fils, enveloppant leur cadet d'amour et de sécurité, sans jamais quitter des yeux leur aîné. Ils ramèneraient Rafael parmi eux, Magnus s'en faisait une promesse, mais lui aussi, pour ce soir, avait besoin du soutien des siens. Ils en avaient tous besoin.
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Avis, théories ? A bientôt.
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